
exigences du traité, mais ne nous y trompons pas : c’est sur la base du traité que notre pays
pourra être traduit devant la Cour de justice de l’Union européenne et sanctionné.
Cette loi organique nous donne donc l’illusion de marges de manœuvre. Vous m’objecterez
que le flou artistique entourant la définition du déficit structurel permet à notre pays d’en
conserver une. Comme l’a rappelé Gilles Carrez, « son calcul est complexe et nécessitera une
expertise fournie pour trancher » ; on attendra donc. Mais quelle sera la valeur juridique de la
définition choisie par les autorités françaises, si la Commission européenne la juge trop
restrictive ? Les autorités européennes pourront parfaitement nous demander de revoir notre
copie, et la Cour de justice de l’Union européenne, en défenseur zélé du libéralisme, nous
condamner pour mauvaise transposition du traité.
J’entends votre argument : il n’y aurait pas de transfert de souveraineté car le Parlement
continuera à voter le budget. C’est un peu ce que différents ministres ont dit devant cette
assemblée. Vous martelez inlassablement cet argument pour couper court à tout examen
sérieux, ou peut-être pour vous en convaincre.
Vous le savez, l’apparence des choses est trompeuse. Certes, nous voterons toujours le
budget, mais ce vote se réduira à un exercice purement formel, vidé de sa substance.
Pour mieux le faire entendre, je m’appuierai sur une comparaison : cette loi organique
instituera un processus parlementaire équivalent à l’adoption du prélèvement communautaire
dans le projet de loi de finances. Je rappelle, pour ceux qui n’en seraient pas familiers, que ces
crédits sont soumis au vote du Parlement, mais que, même en cas de vote négatif des
parlementaires, la mesure s’applique telle quelle. Pouvons-nous accepter ce simulacre de
démocratie ?
M. Muet, vice-président de la commission des finances, a eu une formule extrêmement
révélatrice en commission : «le budget demeurera un acte politique validé par le Parlement».
Les mots ont un sens, et valider n’est pas décider.
La constitutionnalité d’un autre point soulève, je crois, de sérieuses interrogations : le corset
imposé aux collectivités territoriales à l’article 4.
Notre loi fondamentale garantit leur libre administration, c’est un principe essentiel de
l’équilibre des pouvoirs dans le cadre de la décentralisation. Or cette libre administration n’a
aucune réalité sans autonomie financière, selon la jurisprudence même du Conseil
constitutionnel.
Qu’en resterait-il aux termes de cette loi organique ? La loi de programmation serait en
mesure d’« encadrer les dépenses, les recettes, ou le recours à l’emprunt » des collectivités
territoriales. Le but est purement et simplement d’interdire le recours à l’emprunt pour
financer une école, un équipement sportif, une crèche, et de favoriser les appétits des
promoteurs privés. Les élus locaux se trouveraient pieds et poings liés par les injonctions
technocratiques de la Commission de Bruxelles, relayées par le Gouvernement. Le ministre
n’a pas dit autre chose en commission, en reconnaissant que les collectivités devaient
participer à l’effort budgétaire.
Après la chute de 1,5 milliard d’euros des dotations aux collectivités pour 2013 et 2014, la
restriction de leur capacité à investir et à faire fonctionner les services publics locaux
représenterait un séisme économique et social. Dois-je rappeler ici que les collectivités
assurent près de 75 % de l’investissement public en France ? Veut-on tuer ce moteur de la
croissance ? Je redoute, pour les mois à venir, une crise grave du secteur du bâtiment, avec
des carnets de commandes vides, et un effet domino sur l’économie qui sera dévastateur.