Il y aurait cependant au moins deux autres manières, plus vertueuses à notre sens, d’aider les
entreprises à renforcer leurs fonds propres.
La première serait de les inciter à réinvestir la plus grande partie de leurs résultats en vue
d’autofinancer leur développement. C’est le sens de notre proposition de modulation de
l’impôt sur les sociétés.
La seconde serait de leur permettre d’obtenir des banques des conditions de financement plus
favorables. Cela supposerait de responsabiliser davantage les établissements de crédit, mais
aussi de donner plus de poids à la Banque publique d’investissement.
Pour ce faire, nous pourrions, d’une part, renforcer l’affectation de l’encours de l’épargne
défiscalisée – livret A, livret de développement durable – à la BPI et, d’autre part, chercher à
remplacer une partie de la dépense fiscale en faveur des entreprises par des bonifications de
prêts bancaires. Nous sommes convaincus que l’effet de levier et l’efficacité de l’allocation de
l’argent public s’en trouveraient renforcés.
S’agissant toujours des fonds propres des entreprises, pourrons-nous enfin passer encore
longtemps sous silence le fait que la part des bénéfices versés directement sous forme de
dividendes et d’intérêts bancaires n’a cessé d’augmenter ces dernières années ? En prélevant
entre 80 % et 90 % de la trésorerie des entreprises, intérêts et dividendes privent nos
entreprises de leur capacité d’autofinancement, augmentant leur dépendance à l’égard des
banques et des marchés financiers au détriment de l’emploi et des salaires.
Si nous avons soutenu la création de la Banque publique d’investissement et souligné la
nécessité d’une vraie séparation des activités bancaires, restée malheureusement lettre morte,
force est de constater que vous avez pris fait et cause pour une politique de l’offre doublée
d’une politique d’austérité : plus d’argent pour les entreprises et les détenteurs de patrimoine,
moins d’argent pour la justice sociale et les services publics, le tout sous prétexte de réduction
des déficits publics et sous les injonctions de la Commission européenne.
Le présent texte témoigne d’ailleurs que l’austérité est bien là. Alors que l’économie française
a connu une croissance nulle entre 2009 et 2013, le déficit budgétaire est passé, au cours de la
même période, de 7,6 % à quelque 4 % du PIB. Cette austérité n’est pas sans conséquences
sur la croissance et l’emploi, et nous aurions pu arriver au même chiffre, monsieur le ministre,
en supprimant certains privilèges et niches fiscales.
Les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques ont cherché à
mesurer l’impact de cette politique dans une étude très récente. Il résulte de cette étude très
récente que l’effet cumulé des mesures d’austérité prises concomitamment en France et chez
nos voisins européens a coûté très cher à notre économie : de 0,8 point de PIB en 2010 à 2,2
points en 2013.
En d’autres termes, si vous ne vous étiez engagés, depuis la signature du Traité sur la stabilité,
la coordination et la gouvernance, dans une course folle à l’ajustement budgétaire, la
croissance française aurait pu être, en 2013, de l’ordre de 2,2 % à 2,5 % au lieu d’être nulle ou
à peine positive, comme elle l’aura été cette année. La situation de l’emploi ne serait pas la
même aujourd’hui !
Une politique de restriction budgétaire ne peut que contribuer à entretenir la crise, et pourtant
vous restez convaincus de la nécessité de poursuivre dans cette voie. Après le prélèvement
supplémentaire de 12,5 milliards d’euros sur les ménages pour compenser l’allégement de
11 milliards d’euros de l’imposition des entreprises, le mot d’ordre est désormais de
s’attaquer aux dépenses publiques. Avec les 60 milliards d’euros d’économies
supplémentaires annoncées d’ici à 2017, le risque est d’aggraver encore la situation