même expliqué, monsieur le ministre – permis de retrouver le chemin de la spéculation à
outrance et des rémunérations somptuaires pour les responsables mêmes de la crise.
Certains, y compris à droite de cet hémicycle, s’interrogent. Quand donc allez vous prendre à
bras le corps la question de la responsabilisation des banques et des moyens alternatifs de
financement de notre économie ? Le Président des États-Unis, Barack Obama, s’est
récemment interrogé sur l’opportunité de séparer les activités de dépôt des activités d’affaires
des banques. Où en sommes-nous de cette réflexion en France ?
Nous proposons depuis des années la création d’un pôle financier public afin d’engager une
nouvelle politique du crédit, en marge du système concurrentiel. Ce pôle aurait pour mission
l’allocation sélective de crédits à taux bonifiés aux entreprises qui investissent dans la
formation et la recherche, créent des emplois qualifiés et correctement rémunérés, ou à celles
qui s’engagent dans l’adaptation de leur outil de production aux contraintes
environnementales.
L’idée fait aujourd’hui son chemin. Elle est partagée par certains élus se réclamant du
gaullisme, tel Nicolas Dupont-Aignan, ou par certains économistes, tel Pierre-Noël Giraud,
professeur d’économie à l’École des Mines, qui, s’exprimant récemment dans les colonnes
d’Alternatives économiques, jugeait lui aussi possible « d’envisager un service public du
crédit qui permettrait d’éviter que la monnaie et l’économie ne soient ravagées par la
conjoncture d’une finance de marché intrinsèquement instable ».
Jusqu’alors, vous n’avez jamais accepté d’envisager avec sérieux cette proposition. Votre
unique préoccupation n’a pas été de réformer le capitalisme, mais d’en restaurer le
fonctionnement, de sorte que, en réalité, vous contribuez activement à préparer la prochaine
crise financière.
Les dégâts que la finance de marché a causés à la monnaie et au crédit – et par conséquent à
toute l’économie – imposent que soient prises des mesures fortes, allant bien au-delà de la
légitime dénonciation des revenus excessifs perçus par les traders. Il y va de l’avenir de notre
économie, de notre modèle social et des finalités de la politique économique. Or un constat
s’impose : rien n’a été tenté pour réorienter la politique économique et relever les nouveaux
défis : retour d’une croissance saine, résorption du chômage, réduction des inégalités sociales
et territoriales.
Il est pourtant d’une urgence primordiale de sortir notre pays de la désastreuse spirale
inégalitaire dans laquelle il continue de s’enfoncer et que votre politique économique et
sociale n’a cessé de renforcer à coup d’exonérations de cotisations sociales, de cadeaux
fiscaux qui n’avantagent que les seuls détenteurs de patrimoine, de dispositifs visant à
déréguler le marché du travail et à précariser l’emploi.
Le fait est que, bien que les chiffres du chômage soient déjà désastreux – rappelons que
866 000 personnes ont perdu leur emploi depuis décembre 2007 et que ce chiffre continue
d’augmenter, comme en témoignent les annonces incessantes de nouveaux plans sociaux et de
fermetures de sites –, ils risquent de s’aggraver encore, avec la possible destruction de
580 000 emplois cette année. Dans ces circonstances, l’urgence est évidemment d’adopter des
mesures très volontaristes.
Vous annoncez que la crise est derrière nous et que la reprise sera au rendez-vous dans les
prochains mois. Mais vous ne semblez pas envisager le cas d’une reprise sans emploi, d’une
reprise excessivement fragile.
Nous craignons pour notre part que tel soit bien l’effet du grand emprunt de 35 milliards
d’euros voulu par le Président Nicolas Sarkozy et dont on nous demande d’approuver les