CONTRIBUTION DE BERNARD VERA, SENATEUR DE
L’ESSONNE, MEMBRE DU GROUPE DE TRAVAIL
La crise économique internationale qui a connu une sensible aggravation
en 2008, avec le déclenchement de la chute des cours de Bourse sur les
principaux marchés financiers, aujourd’hui fortement intégrés, n’a pas encore
cessé de mettre en évidence ses réalités multiples.
Les enjeux de l’action des Gouvernements, telle que portée par les
dirigeants des vingt principales économies de la planète dans le cadre du G 20,
sont de réaffirmer la primauté du politique sur l’économique, de redonner sens à
l’action publique tout en tentant de définir des solutions et un nouvel ordre
économique, susceptible de dispenser la planète entière des soubresauts et des
effets de tout désordre des marchés.
Ces enjeux sont ils relevés ?
QUELS EFFETS DES DECISIONS PRISES DEPUIS SEPTEMBRE
2008 ?
Certains économistes et dirigeants se sont félicités, ces dernières
semaines, d’une tendance à la reprise d’une activité économique normale,
laissant escompter une forme de ‘ sortie de crise ‘, de par l’intervention des Etats
et des Banques centrales sur les marchés comme auprès des établissements de
crédit.
Les plans de sauvetage bancaires mis en œuvre dans les différents pays
concernés ( Etats-Unis, Royaume Uni, France, Allemagne ) ont présenté des
caractères communs ( intervention massive des Etats sur les marchés en position
d’intermédiation financière ) et des aspects différents ( tous les plans n’ont pas
ainsi prévu que les Etats, en tant que tels, entreraient dans le capital des
établissements de crédit secourus ).
Tous ces plans avaient toutefois en commun de faire de l’intervention
publique le facteur du redressement de la situation des marchés financiers
comme des établissements de crédit, dans des proportions légitimement mal
comprises des opinions publiques, habituées ces dernières années à la plus
stricte austérité budgétaire et au ralentissement de la dépense publique.
Notons cependant qu’aussi sûrement que l’intervention des Etats, c’est la
baisse des taux d’intérêt, promue par les Banques centrales, qui a constitué le
plus sûr moyen, pour les établissements de crédit, de procéder au redressement
de leurs comptes et de leur situation, pour peu qu’elle ait été menacée.
QUELS CHANGEMENTS DU POINT DE VUE DES BANQUES ?
Pour autant, le redressement des établissements de crédit présente
certaines caractéristiques spécifiques qu’il convient ici de souligner.
D’une part, la baisse des taux d’intérêt, orchestrée par les Banques
centrales, a permis un refinancement à moindre coût et a d’ailleurs rapidement
conduit nombre d’établissements à se détourner d’aides publiques souvent
assorties de taux d’intérêt plus élevés.
Cette baisse a aussi généré, de manière évidente, un complément de marge
d’intermédiation bancaire, marge répercutée auprès de la clientèle des
emprunteurs qui, à son corps défendant, a, dans les faits, supporté une part
importante des coûts d’apurement des comptes touchés par la crise financière
antérieure.
D’autre part, en tout cas en France et probablement dans d’autres pays, les
établissements de crédit ont contracté leur offre de crédit à l’économie, tant ceux
accordés aux entreprises qu’aux particuliers, privilégiant en cela les contrats de
prêt les plus sécurisés et les plus rémunérateurs.
C’est ainsi que l’on a constaté une baisse de plus de 100 milliards d’euros
en un an des concours financiers à l’économie, cette baisse affectant
singulièrement la situation des PME et des ménages modestes ou moyens.
Enfin, notons que, contrairement aux annonces faites l’an dernier, les
établissements de crédit n’ont pas encore procédé à une évaluation objective de
leurs créances les plus douteuses et que cela, au-delà du débat sur la ‘ juste
valeur ‘ et les normes comptables, montre nettement que nous ne sommes
aucunement à l’abri de nouvelles mésaventures.
S’il convenait de trouver un exemple significatif de cette situation, nous
pourrions aisément le trouver dans la fusion entre les Banques Populaires et les
Caisses d’Epargne qui a été réalisée ‘ au pas de charge ‘ sans qu’il ne soit
procédé, avec la plus scrupuleuse exactitude, à l’analyse de la réalité des
créances douteuses de leur principale filiale commune, Natixis.
QUE DEVONS NOUS ATTENDRE DU SOMMET DE PITTSBURGH ?
Soulignons tout de suite que le prochain sommet se présente comme les
précédents comme l’occasion, notamment pour le Président de la République,
d’annoncer des mesures fortes et significatives, présentées comme visant à
résoudre durablement les désordres observés sur les marchés financiers.
Sur la question des paradis fiscaux, il convient de suite de rappeler que la
publication, l’an dernier, d’une liste ‘ noire ‘ puis d’une liste ‘ grise ‘ de
dimensions plus que réduites avait montré que, derrière les paroles, il n’y avait
guère d’actes.
Si le discours relatif aux ‘ territoires non coopératifs ‘ continue d’être
porté, il ne faut cependant pas, de notre point de vue, attendre de
bouleversements profonds sur cette question.
La compétition fiscale est en effet, de longue date désormais, un élément
fondamental du fonctionnement, au demeurant peu satisfaisant, des économies
et il semble évident qu’elle n’est pas prête de s’interrompre, d’autant qu’elle se
déroule au sein même des Etats membres du G 20, et concerne au premier chef
leurs entreprises comme leurs établissements de crédit.
La France, elle-même, continue d’ailleurs de mettre en œuvre ce moins
disant fiscal, générateur de profondes inégalités sociales et d’injustice
économique, et la plupart des grandes banques et entreprises françaises ou
d’origine française ont, de longue date, largement investi les ‘ paradis fiscaux ‘.
Le problème de la rémunération des ‘ traders ‘, désignés comme les ‘
boucs émissaires ‘ d’une bonne part de la crise ( occultant ainsi les lois et
politiques qui ont conduit à la déréglementation des marchés, à la privatisation
des établissements de crédit, à l’alimentation en continu de la spéculation )
apparaît de plus en plus comme secondaire.
Par contre, la contraction des crédits bancaires à l’économie, relevée ces
derniers mois, a motivé, cet été, la perspective du versement de nouveaux et
importants bonus tant aux dirigeants qu’à certains salariés du secteur financier.
Devons nous rappeler qu’à l’époque, pas si lointaine, où les banques
faisaient partie du patrimoine de la Nation ( c'est-à-dire de 1945 à 1995 ), la
question des bonus et de la rémunération des traders ne se posait pas ?
Enfin, l’opposition manifeste des Etats-Unis, principale économie du
monde, à toute initiative plus forte de contrôle de l’activité des établissements
financiers semble fermer la porte à toute véritable ‘ régulation ‘, même limitée,
des activités financières dans les années à venir.
LA PLACE DE LA FRANCE
Notre pays doit effectivement être au premier rang dans la lutte contre la
spéculation financière, d’autant que c’est l’ensemble de l’économie qui souffre,
pour l’heure, de la convalescence des marchés.
Le nombre de sans emploi a continué de croître dans notre pays depuis le
début de l’année, comme d’ailleurs dans les autres grands pays européens ou
aux Etats-Unis, le nombre de défaillances d’entreprise s’est accru, et la faiblesse
de l’évolution des prix, tournant autour de la valeur 0, montre l’atonie de la
situation économique.
La reprise apparente observée au second trimestre 2009 n’a pas
interrompu le processus de suppressions massives d’emplois, les gains de
productivité étant « aspirés « par la rémunération du capital.
Nous continuons d’estimer qu’une véritable maîtrise publique du secteur
financier est indispensable pour créer les conditions durables de la sortie de crise
économique, et que cette maîtrise publique passe notamment par l’entrée de
l’Etat dans le capital et les organes de direction de nos principaux établissements
de crédit.
Par ailleurs, nous devons procéder à la mise en cause de toute disposition
ayant favorisé, dans la dernière période, la déréglementation des opérations
financières, ceci visant par exemple la suppression de l’impôt de bourse, comme
la mise en œuvre des fiducies.
Enfin, la France doit être au premier rang pour la création d’une fiscalité
nouvelle, frappant les opérations spéculatives, proche dans son esprit de la taxe
Tobin, et destinée à définir les financements de la lutte contre le réchauffement
climatique, le sous développement chronique des pays les plus pauvres, tout en
promouvant des échanges économiques et commerciaux plus équilibrés.
Ce ne sont là que quelques uns des points que nous souhaitions ici
soulever.
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