Eléments d’étude pour
Le Roi se meurt de Ionesco
Pour le texte de Ionesco voir l’édition en folio
Présentation de la pièce écrite et de la vidéo
Ionesco et le théâtre :
La première pièce jouée en France (reprise et traduction d’une pièce écrite en roumain
L’anglais sans professeur) = La Cantatrice chauve (écrite en 1949, jouée en 1950 au
théâtre des Noctambules mise en scène par Nicolas Bataille).
Dès l’année suivante, La leçon (1951). + Expliquer ce qu’est le théâtre de la Huchette
(depuis 1952 les deux pièces jouées tous les soirs)
Viennent ensuite (liste non exhaustive) : Les Chaises (1952) ; Victimes du devoir (1953) ;
Amédée ou comment s’en débarrasser (1954) ; Tueurs sans gages (1959) ; Rhinocéros
(1960) ; Le Roi se meurt (écrit et monté en 1962) ; Le piéton dans l’air (1963) ; Jeu de
massacre (1969)
En 1956 Ionesco a écrit « Finalement je suis pour le classicisme…Je puis dire que mon
théâtre est un théâtre de la dérision. Ce n’est pas une certaine société qui me paraît
dérisoire. C’est l’homme ». 20 ans plus tard continue de revendiquer le terme de « théâtre
de la dérision » (Pléiade p. LXXXII)
N.B. : Auteur aussi de romans (dont Un formidable bordel, transposé ensuite au théâtre),
de nouvelles + divers écrits théoriques : Entretiens avec C. Bonnefoy ; Notes et
contrenotes ; Journal en miettes ; Présent passé, passé présent etc.
Présentation de l’œuvre écrite :
(Notes à partir de la Pléiade)
Dans « notes sur le théâtre », Ionesco confie « j’ai toujours été obsédé par la mort. Depuis
l’âge de quatre ans, depuis que j’ai su que j’allais mourir, l’angoisse ne m’a plus quitté.
C’est comme si j’avais compris tout à coup qu’il n’y avait rien à faire pour y échapper et
qu’il n’y avait plus rien à faire dans la vie […] j’écris aussi pour crier ma peur de mourir,
mon humiliation de mourir. »
Dans journal en miettes, il écrit : « la mort, c’est la condition inadmissible de
l’existence ».
Thème obsessionnel qui est ici le sujet central de l’œuvre. Les circonstances de l’écriture
de la pièce viennent d’une hospitalisation prolongée de Ionesco. Volonté d’exorciser sa
hantise. Conçoit son projet comme « un essai d’apprentissage de la mort ». Titre d’abord
choisi pour la pièce = Cérémonie. Il y a de fait qqch comme un rite initiatique dans cette
pièce qui sacralise le trépas et lui ôte son caractère absurde.
La pièce est jouée le 15/12/1962 créée par Jacques Mauclair au théâtre de l’Alliance
française. Décor et costumes = Jacques Noël ; Georges Delerue pour la musique ; Tsilla
Chelton pour la reine Marguerite, Reine Courtois (Marie), Jacques Mauclair pour le roi,
Marcel Cuvelier (médecin), Rosette Zucchelli (Juliette), Marcel Champel (le garde). (v.
liste dans le folio)
Critiques partagées parce que le sujet range profondément. Peu à peu l’opinion tourne à
l’avantage de Ionesco, en partie grâce à la publication de Notes et contrenotes qui
explicite son esthétique (v. critiques p.1724-1725 en lire un ou deux).
En 1966, reprise triomphale au Théâtre de l'Athénée. Mise en scène: Jacques Mauclair.
Nouveaux décors de Jacques Noël. Acteurs: Jacques Mauclair (le Roi), Tsilla Chelton (la
reine Marguerite), Christiane Desbois (la reine Marie), René Dupuy (le médecin), Nicole
Vassel (Juliette), Jean Saudray (le garde)
Présentation de l’œuvre enregistrée en vidéo
Issue du spectacle joué en 76/77 à l’Odéon (spectacle du Théâtre Français).
Mise en scène : Jorge Lavelli.
Décors : Max Brignens,
Musique : André Chamoux.
Acteurs : Michel Aumont (le Roi), Christine Fersen (Marguerite), Tania Torrens (Marie),
Michel Duchaussoy (le garde), Catherine Hiégel (Juliette), François Chaumette (le
médecin).
N.B. Jorge Lavelli a reçu, en 1977, le Prix de la meilleure mise en scène pour ce spectacle.
Qui est Jorge Lavelli ?
Né à Buenos-Aires en 1932. Etudes théâtrales à Paris au début des années 60.
En 63 commence sa carrière en remportant le grand prix pour sa mise en scène du
Mariage de Gombrowicz (auteur polonais).
Puis créateur polyvalent, monte aussi bien pièces contemporaines (Arrabal, Copi, Pinter,
Durrenmatt, Claudel, Lorca…) que « classiques » (Goethe, Shakespeare, Calderon…).
A partir de 1975 met en scène de nombreux opéras.
De 1987 à 1996, directeur du théâtre de la Colline à Paris où s’attache surtout à faire jouer
dramaturges du 20ème siècle (cf. Tabori Mein Kampf, farse)
Après 96, mises en scène en France et à l’étranger.
A plusieurs reprises a mis en scène Ionesco (Jeux de massacre primé en 70, Le roi se
meurt primé en 76, Macbett primé en 93)
A reçu d’innombrables prix prestigieux (les plus récents Chevalier de la Légion d’honneur
en 96, Grand Prix des Arts de la scène de la Ville de Paris pour l’ensemble de son œuvre
en 96)
Etude de l’ouverture de la pièce
P. 11 à 16 « Salle de trône [...] Elle est irréversible »
En quoi pouvons-nous dire que nous avons affaire à une scène d’exposition et
de quel genre théâtral pourrait-il s’agir ?
Rappel :
Scène d’exposition : présenter le lieu, l’époque (+/-), les personnages, l’intrigue mise en
place de la pièce.
Comment fonctionne l’exposition dans Le roi se meurt ?
Le texte
La vidéo
Le décor (lieu)
- Une salle du trône = conforme avec le titre
de la pièce. Confirmé par la présence sur
scène de trois trônes de tailles différentes
(nombre qui annonce bigamie) et d’un garde
avec une « hallebarde » l.13. Confirmé aussi
par le choix d’une musique imitée des
« Levers du Roi du XVIIe » l.16-17 +
expression « appartements du roi » l.7
- Pas de datation possible mais un vague
aspect d’époque sans que l’on puisse dire
laquelle cf. XVIIe et l’adj « gothique » l.2 +
fenêtre « ogivale ».
- Effet de symétrie presque parfait (seule
différence une petite porte fait face à une
grande)
- Peu d’indications autres si ce n’est la
répétition de « vaguement » et le fait que ce
décor soit « délabré » + « musique
dérisoirement royale ». Laisse une grande
marge de manœuvre au metteur en scène.
- Musique au lever de rideau comme indiqué
dans le texte.
- Délabrement de la pièce semble plus
intense. Papier peint très abîmé, déchiré
moisi ? vaguement marron. Nombreux
papiers par terre + piles de journaux au pied
des escaliers.
- Deux énormes radiateurs très laids entre
les portes latérales côté cour et côté jardin.
- Le trône est en fait un fauteuil en cuir posé
sur une table épaisse (à pieds tournés) auquel
on accède par un petit escabeau. Les trônes
des reines sont deux chaises ordinaires à peu
près identiques si ce n’est que celle côté cour
semble rouge.
- Une échelle double côté jardin
Les personnages
- Difficulté dans une scène d’exposition =
présenter des personnages de façon que cela
ait l’air « naturel » au spectateur (cf.
absence de narrateur).
Ici parti pris = annonce par un garde,
conforme à l’étiquette de la Cour « vive le
Roi », « vive la Reine ». Du point de vue de
l’intrigue, ces passages d’une porte à l’autre
n’ont pas d’autre fonction que de présenter
les personnages (ne parlent pas).
- On peut noter ttx que ces passages ne se
font pas au hasard. Le passage du roi au
fond de la scène (seul) et celui des deux
reines, devant mais en symétrie. Quant au
médecin, il sort par le même côté que le roi
(examen médical ?)
- 1er persg = le roi Bérenger Ier (nom
- Béranger : pieds nus, pyjama, couronne,
récurrent chez Ionesco). Portrait l.20-23.
Possède attributs royaux « manteau de
pourpre, couronne, sceptre » + commentaire
sur son allure « pas assez vif » qui est capital
pour le déroulement de la pièce puisque l’on
va assister à la déchéance physique de celui-
ci tout au long du spectacle.
2ème persg : la reine Marguerite. Ordre
« chronologique » des épouses. Est décrite
ultérieurement par défaut l.39-40, elle est
moins attrayante et moins coquette que Marie
mais on peut supposer qu’elle porte aussi un
manteau de pourpre.
3ème persg : Juliette. Double fonction tt à fait
étonnante, femme de ménage et infirmière.
(Laisse gde liberté au metteur en scène.).
Quelle symbolique ? assume le matériel, ce
qui touche au corps, lien est l’hygiène pê.
4ème persg : la reine Marie. Jeu sur les
chiffres (2ème / 1ère dans son cœur). On
évoque sa coquetterie l.41 « des bijoux » +
« attrayante et coquette » l.39 et manteau de
pourpre symbole de royauté.
2ème passage de Juliette a un effet comique et
qq peu dérisoire (il faut qu’elle soit partout)
5ème persg : le médecin chirurgien,
bactériologue, bourreau, astrologue.
Assemblage hétéroclite. Les 3 premiers
termes renvoient à la médecine, évoquent
déjà maladie du roi (cf. titre) mais les deux
derniers sont d’un autre ordre. Ce sont deux
fonctions traditionnelles dans une cour
royale. Il est simplement étonnant de les voir
rassemblée en un seul persg. Principe
d’économie qui produit différents effets :
comique parce que incongru, renforce idée
de dégradation (il faut tout faire par soi-
même). Point commun entre ttes ces
activités : être lié au processus de vie et de
mort.
6ème personnage : le garde l.48-55. Il est
étonnant que ce persg ait une fonction. Dans
théâtre classique est un figurant sans intérêt.
Ici prend une certaine épaisseur : « il a l’air
fatigué » l.49 il a froid l.50. Et il parle pour
lui-même non pas seulement pour annoncer
une arrivée. Monologue. Tente vainement
d’allumer le chauffage puis se plaint « avec
eux on ne sait jamais ». Noter incorrection
grammaticale « il » ne m’a pas dit (le roi)
sceptre et manteau peau de mouton. Agit
comme s’il était traqué ? ou en quête de
qqch. Plié en deux. Gants blancs
- Marguerite : robe noire + longue traîne
rouge, couronne. Allure très ferme. Sûre
d’elle. Sait ce qui va se dérouler, totale
froideur. Gants noirs
- Juliette : robe grise, tablier marron, sorte
de foulard ou bonnet noir sur la tête. Gants
en cuir très usagés, jaunes, trop grands.
- Marie : en blanc + traîne rouge qui
ressemble à un châle tricoté au crochet, très
ajouré. Vêtements plus « flous » que ceux de
Marguerite. Bras nus, ourlet fantaisie + de
longs gants rouges qui montent au-dessus des
coudes. Pleure, indécise.
- Médecin : longue redingote noire (comme
une robe), chapeau haut de forme, lunettes
noires, gants noirs. S’essuie les mains avec
un mouchoir blanc. Semble épié. A qqch
d’un espion.
Garde : béret gris, pantalon avec bretelles,
cote de maille et gants gris, bottes (cuir,
caoutchouc ?).
puis avec « Eux » = les gouvernants. + peur
des représailles « ce n’est pas ma faute » l.54
représente le peuple, la masse. A la fois
prêt à la critique et inquiet de perdre sa place.
L’action
Plusieurs thèmes
- La saleté et la dégradation du monde
environnant :
l.64 « poussière, mégots »
l.66-71 « pas eu le temps de nettoyer »
l.66 « presque plus de lait » (nourriture de
base)
l.73 « faire du feu / ne fonctionne pas »
(autre besoin vital)
l.80 « petit craquement… fissure » / l.84
(même le plus solide, le mur, se dégrade)
- Un pouvoir royal en chute :
l.74 « radiateurs / ne veulent rien entendre »
l.75 « nuages / pas l’air de vouloir se
dissiper ». Noter glissement de sens sur le
refus d’obéissance
l.76 « soleil en retard / pourtant le
roi…donner l’ordre d’apparaître »
par sa dégradation, monde qui échappe à
l’autorité du roi. Processus de désagrégement
est enclenché.
- l.67-71 Le living room pour la salle du
trône. Même le pouvoir de la reine est altéré.
Elle ne parvient pas à corriger Juliette (+
registre comique /dérision)
- Dysfonctionnement du temps
Il y a des événements qui n’arrivent plus à se
faire, faute de temps : « pas eu le temps »
l.71, « en retard » l.76
Il y a des événements qui reviennent sans
cesse : l.84 « essayé de colmater » / l.87
« apparue de nouveau »
Et il y a des événements dont l’apparition
semble trop rapide : « déjà » l.79-l.82
l.83 « tout de suite »
Un dernier terme donne la clé de ce mauvais
fonctionnement du temps : « irréversible »
l.89.
terme qui appartient à la tragédie. Idée
qu’un processus est enclenché et que rien ne
pourra l’arrêter. Ce processus est celui de la
mort qui s’approche cf. titre est à la forme
pronominale, le roi « se meurt » et c’est bien
du glissement progressif d’un homme vers le
néant qu’il est question dans ce texte.
- C’est Juliette qui fume et jette ses gots
par terre.
- Noter qu’à l’oral entre « salle du trône » et
« living room » peu de différence.
- Preuve qu’il s’agit bien d’un mot clé : c’est
d’abord la façon dont le prononce Marguerite
en roulant les deux « r ». C’est ensuite le
temps de silence et le fait qu’elle tourne tout
autour de la scène avant de demander est
la reine Marie.
confirmation du fait que la pièce
revendique sa dimension tragique (cf. la
machine infernale)
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