Le roi se meurt d`Eugène Ionesco - Études

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Eléments d’étude pour
Le Roi se meurt de Ionesco
Pour le texte de Ionesco voir l’édition en folio
Présentation de la pièce écrite et de la vidéo
Ionesco et le théâtre :
 La première pièce jouée en France (reprise et traduction d’une pièce écrite en roumain
L’anglais sans professeur) = La Cantatrice chauve (écrite en 1949, jouée en 1950 au
théâtre des Noctambules mise en scène par Nicolas Bataille).
 Dès l’année suivante, La leçon (1951). + Expliquer ce qu’est le théâtre de la Huchette
(depuis 1952 les deux pièces jouées tous les soirs)
 Viennent ensuite (liste non exhaustive) : Les Chaises (1952) ; Victimes du devoir (1953) ;
Amédée ou comment s’en débarrasser (1954) ; Tueurs sans gages (1959) ; Rhinocéros
(1960) ; Le Roi se meurt (écrit et monté en 1962) ; Le piéton dans l’air (1963) ; Jeu de
massacre (1969)
 En 1956 Ionesco a écrit « Finalement je suis pour le classicisme…Je puis dire que mon
théâtre est un théâtre de la dérision. Ce n’est pas une certaine société qui me paraît
dérisoire. C’est l’homme ». 20 ans plus tard continue de revendiquer le terme de « théâtre
de la dérision » (Pléiade p. LXXXII)
 N.B. : Auteur aussi de romans (dont Un formidable bordel, transposé ensuite au théâtre),
de nouvelles + divers écrits théoriques : Entretiens avec C. Bonnefoy ; Notes et
contrenotes ; Journal en miettes ; Présent passé, passé présent etc.
Présentation de l’œuvre écrite :
(Notes à partir de la Pléiade)
 Dans « notes sur le théâtre », Ionesco confie « j’ai toujours été obsédé par la mort. Depuis
l’âge de quatre ans, depuis que j’ai su que j’allais mourir, l’angoisse ne m’a plus quitté.
C’est comme si j’avais compris tout à coup qu’il n’y avait rien à faire pour y échapper et
qu’il n’y avait plus rien à faire dans la vie […] j’écris aussi pour crier ma peur de mourir,
mon humiliation de mourir. »
 Dans journal en miettes, il écrit : « la mort, c’est la condition inadmissible de
l’existence ».
 Thème obsessionnel qui est ici le sujet central de l’œuvre. Les circonstances de l’écriture
de la pièce viennent d’une hospitalisation prolongée de Ionesco. Volonté d’exorciser sa
hantise. Conçoit son projet comme « un essai d’apprentissage de la mort ». Titre d’abord
choisi pour la pièce = Cérémonie. Il y a de fait qqch comme un rite initiatique dans cette
pièce qui sacralise le trépas et lui ôte son caractère absurde.
 La pièce est jouée le 15/12/1962 créée par Jacques Mauclair au théâtre de l’Alliance
française. Décor et costumes = Jacques Noël ; Georges Delerue pour la musique ; Tsilla
Chelton pour la reine Marguerite, Reine Courtois (Marie), Jacques Mauclair pour le roi,
Marcel Cuvelier (médecin), Rosette Zucchelli (Juliette), Marcel Champel (le garde). (v.
liste dans le folio)
 Critiques partagées parce que le sujet dérange profondément. Peu à peu l’opinion tourne à
l’avantage de Ionesco, en partie grâce à la publication de Notes et contrenotes qui
explicite son esthétique (v. critiques p.1724-1725 en lire un ou deux).
 En 1966, reprise triomphale au Théâtre de l'Athénée. Mise en scène: Jacques Mauclair.
Nouveaux décors de Jacques Noël. Acteurs: Jacques Mauclair (le Roi), Tsilla Chelton (la
reine Marguerite), Christiane Desbois (la reine Marie), René Dupuy (le médecin), Nicole
Vassel (Juliette), Jean Saudray (le garde)
Présentation de l’œuvre enregistrée en vidéo
 Issue du spectacle joué en 76/77 à l’Odéon (spectacle du Théâtre Français).
Mise en scène : Jorge Lavelli.
Décors : Max Brignens,
Musique : André Chamoux.
Acteurs : Michel Aumont (le Roi), Christine Fersen (Marguerite), Tania Torrens (Marie),
Michel Duchaussoy (le garde), Catherine Hiégel (Juliette), François Chaumette (le
médecin).
N.B. Jorge Lavelli a reçu, en 1977, le Prix de la meilleure mise en scène pour ce spectacle.
 Qui est Jorge Lavelli ?
Né à Buenos-Aires en 1932. Etudes théâtrales à Paris au début des années 60.
En 63 commence sa carrière en remportant le grand prix pour sa mise en scène du
Mariage de Gombrowicz (auteur polonais).
Puis créateur polyvalent, monte aussi bien pièces contemporaines (Arrabal, Copi, Pinter,
Durrenmatt, Claudel, Lorca…) que « classiques » (Goethe, Shakespeare, Calderon…).
A partir de 1975 met en scène de nombreux opéras.
De 1987 à 1996, directeur du théâtre de la Colline à Paris où s’attache surtout à faire jouer
dramaturges du 20ème siècle (cf. Tabori Mein Kampf, farse)
Après 96, mises en scène en France et à l’étranger.
A plusieurs reprises a mis en scène Ionesco (Jeux de massacre primé en 70, Le roi se
meurt primé en 76, Macbett primé en 93)
A reçu d’innombrables prix prestigieux (les plus récents Chevalier de la Légion d’honneur
en 96, Grand Prix des Arts de la scène de la Ville de Paris pour l’ensemble de son œuvre
en 96)
Etude de l’ouverture de la pièce
P. 11 à 16 « Salle de trône [...] Elle est irréversible »
En quoi pouvons-nous dire que nous avons affaire à une scène d’exposition et
de quel genre théâtral pourrait-il s’agir ?
Rappel :
Scène d’exposition : présenter le lieu, l’époque (+/-), les personnages, l’intrigue  mise en
place de la pièce.
Comment fonctionne l’exposition dans Le roi se meurt ?
Le texte
La vidéo
Le décor (lieu)
- Une salle du trône = conforme avec le titre - Musique au lever de rideau comme indiqué
de la pièce. Confirmé par la présence sur dans le texte.
scène de trois trônes de tailles différentes - Délabrement de la pièce semble plus
(nombre qui annonce bigamie) et d’un garde intense. Papier peint très abîmé, déchiré
avec une « hallebarde » l.13. Confirmé aussi moisi ? vaguement marron. Nombreux
par le choix d’une musique imitée des papiers par terre + piles de journaux au pied
« Levers du Roi du XVIIe » l.16-17 + des escaliers.
expression « appartements du roi » l.7
- Deux énormes radiateurs très laids entre
- Pas de datation possible mais un vague les portes latérales côté cour et côté jardin.
aspect d’époque sans que l’on puisse dire - Le trône est en fait un fauteuil en cuir posé
laquelle cf. XVIIe et l’adj « gothique » l.2 + sur une table épaisse (à pieds tournés) auquel
fenêtre « ogivale ».
on accède par un petit escabeau. Les trônes
- Effet de symétrie presque parfait (seule des reines sont deux chaises ordinaires à peu
différence une petite porte fait face à une près identiques si ce n’est que celle côté cour
grande)
semble rouge.
- Peu d’indications autres si ce n’est la - Une échelle double côté jardin
répétition de « vaguement » et le fait que ce
décor soit « délabré » + « musique
dérisoirement royale ». Laisse une grande
marge de manœuvre au metteur en scène.
Les personnages
- Difficulté dans une scène d’exposition =
présenter des personnages de façon que cela
ait l’air « naturel » au spectateur (cf.
absence de narrateur).
Ici parti pris = annonce par un garde,
conforme à l’étiquette de la Cour « vive le
Roi », « vive la Reine ». Du point de vue de
l’intrigue, ces passages d’une porte à l’autre
n’ont pas d’autre fonction que de présenter
les personnages (ne parlent pas).
- On peut noter ttx que ces passages ne se
font pas au hasard. Le passage du roi au
fond de la scène (seul) et celui des deux
reines, devant mais en symétrie. Quant au
médecin, il sort par le même côté que le roi
(examen médical ?)
- 1er persg = le roi Bérenger Ier (nom - Béranger : pieds nus, pyjama, couronne,
récurrent chez Ionesco). Portrait l.20-23.
Possède attributs royaux « manteau de
pourpre, couronne, sceptre » + commentaire
sur son allure « pas assez vif » qui est capital
pour le déroulement de la pièce puisque l’on
va assister à la déchéance physique de celuici tout au long du spectacle.
2ème persg : la reine Marguerite. Ordre
« chronologique » des épouses. Est décrite
ultérieurement par défaut l.39-40, elle est
moins attrayante et moins coquette que Marie
mais on peut supposer qu’elle porte aussi un
manteau de pourpre.
3ème persg : Juliette. Double fonction tt à fait
étonnante, femme de ménage et infirmière.
(Laisse gde liberté au metteur en scène.).
Quelle symbolique ? assume le matériel, ce
qui touche au corps, lien est l’hygiène pê.
4ème persg : la reine Marie. Jeu sur les
chiffres (2ème / 1ère dans son cœur). On
évoque sa coquetterie l.41 « des bijoux » +
« attrayante et coquette » l.39 et manteau de
pourpre symbole de royauté.
2ème passage de Juliette a un effet comique et
qq peu dérisoire (il faut qu’elle soit partout)
5ème persg : le médecin chirurgien,
bactériologue,
bourreau,
astrologue.
Assemblage hétéroclite. Les 3 premiers
termes renvoient à la médecine, évoquent
déjà maladie du roi (cf. titre) mais les deux
derniers sont d’un autre ordre. Ce sont deux
fonctions traditionnelles dans une cour
royale. Il est simplement étonnant de les voir
rassemblée en un seul persg. Principe
d’économie qui produit différents effets :
comique parce que incongru, renforce idée
de dégradation (il faut tout faire par soimême). Point commun entre ttes ces
activités : être lié au processus de vie et de
mort.
6ème personnage : le garde l.48-55. Il est
étonnant que ce persg ait une fonction. Dans
théâtre classique est un figurant sans intérêt.
Ici prend une certaine épaisseur : « il a l’air
fatigué » l.49 il a froid l.50. Et il parle pour
lui-même non pas seulement pour annoncer
une arrivée. Monologue. Tente vainement
d’allumer le chauffage puis se plaint « avec
eux on ne sait jamais ». Noter incorrection
grammaticale « il » ne m’a pas dit (le roi)
sceptre et manteau peau de mouton. Agit
comme s’il était traqué ? ou en quête de
qqch. Plié en deux. Gants blancs
- Marguerite : robe noire + longue traîne
rouge, couronne. Allure très ferme. Sûre
d’elle. Sait ce qui va se dérouler, totale
froideur. Gants noirs
- Juliette : robe grise, tablier marron, sorte
de foulard ou bonnet noir sur la tête. Gants
en cuir très usagés, jaunes, trop grands.
- Marie : en blanc + traîne rouge qui
ressemble à un châle tricoté au crochet, très
ajouré. Vêtements plus « flous » que ceux de
Marguerite. Bras nus, ourlet fantaisie + de
longs gants rouges qui montent au-dessus des
coudes. Pleure, indécise.
- Médecin : longue redingote noire (comme
une robe), chapeau haut de forme, lunettes
noires, gants noirs. S’essuie les mains avec
un mouchoir blanc. Semble épié. A qqch
d’un espion.
Garde : béret gris, pantalon avec bretelles,
cote de maille et gants gris, bottes (cuir,
caoutchouc ?).
puis avec « Eux » = les gouvernants. + peur
des représailles « ce n’est pas ma faute » l.54
 représente le peuple, la masse. A la fois
prêt à la critique et inquiet de perdre sa place.
L’action
Plusieurs thèmes
- La saleté et la dégradation du monde
environnant :
l.64 « poussière, mégots »
- C’est Juliette qui fume et jette ses mégots
l.66-71 « pas eu le temps de nettoyer »
par terre.
l.66 « presque plus de lait » (nourriture de
base)
l.73 « faire du feu / ne fonctionne pas »
(autre besoin vital)
l.80 « petit craquement… fissure » / l.84
(même le plus solide, le mur, se dégrade)
- Un pouvoir royal en chute :
l.74 « radiateurs / ne veulent rien entendre »
l.75 « nuages / pas l’air de vouloir se
dissiper ». Noter glissement de sens sur le
refus d’obéissance
l.76 « soleil en retard / pourtant le
roi…donner l’ordre d’apparaître »
 par sa dégradation, monde qui échappe à
l’autorité du roi. Processus de désagrégement
est enclenché.
- l.67-71 Le living room pour la salle du - Noter qu’à l’oral entre « salle du trône » et
trône. Même le pouvoir de la reine est altéré. « living room » peu de différence.
Elle ne parvient pas à corriger Juliette (+
registre comique /dérision)
- Dysfonctionnement du temps
Il y a des événements qui n’arrivent plus à se
faire, faute de temps : « pas eu le temps »
l.71, « en retard » l.76
Il y a des événements qui reviennent sans
cesse : l.84 « essayé de colmater » / l.87
« apparue de nouveau »
Et il y a des événements dont l’apparition
semble trop rapide : « déjà » l.79-l.82
l.83 « tout de suite »
Un dernier terme donne la clé de ce mauvais - Preuve qu’il s’agit bien d’un mot clé : c’est
fonctionnement du temps : « irréversible » d’abord la façon dont le prononce Marguerite
l.89.
en roulant les deux « r ». C’est ensuite le
 terme qui appartient à la tragédie. Idée temps de silence et le fait qu’elle tourne tout
qu’un processus est enclenché et que rien ne autour de la scène avant de demander où est
pourra l’arrêter. Ce processus est celui de la la reine Marie.
mort qui s’approche cf. titre est à la forme  confirmation du fait que la pièce
pronominale, le roi « se meurt » et c’est bien revendique sa dimension tragique (cf. la
du glissement progressif d’un homme vers le machine infernale)
néant qu’il est question dans ce texte.
« Tu vas mourir dans une heure et demie [...] le mieux de la fin » p. 37 à 44
Montrez ce qu’il y a de tragique et de dérisoire dans ce passage
Situation du passage : arrivée du roi sur scène p.30. Les personnages doivent lui annoncer
qu’il va bientôt mourir. Conforme à une technique dramatique éprouvée, le roi apparaît
tardivement.
Situation grave, terrible et en même temps on trouve des éléments cocasses qui rompent la
tonalité tragique.
I) Les éléments tragiques
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1) Un roi qui est en train de perdre le pouvoir
Le Roi voudrait affirmer un pouvoir plein et entier :
- Emploi d’impératifs l.53 « arrête-les », 64 « fais-le »
- Capacité à se guérir par la volonté : l.27 « j’y pense et je guéris »
- l.86 « je prouve que je veux, je prouve que je peux »
- « je mourrai quand je voudrai » l.16
Mais ce désir est constamment démenti par les autres
- Les ordres donnés au garde n’agissent pas l.53-77. Pire encore « ce sont [s]es propres
ordres qui le paralysent » l.70-71
- La désobéissance : l.12-13 qqn a donné des ordres sans son consentement
- Affirmation de son impuissance : l.18 « vous avez perdu le pouvoir » + l.19 « tu ne
peux même plus » + l.30-33 structure complexe « tu ne peux plus » / « tu n’as plus de
pouvoir » 2X / « tu ne peux plus » / « tu n’as plus de pouvoir »  litanie
Au final, ce sont les autres qui lui donnent des ordres, même Marie qui pourtant affirme
l.36 « tu auras toujours du pouvoir sur moi ».
- Elle lui donne l’ordre de donner des ordres l .52 « il faut les faire arrêter », l.54
« donne des ordres », l.73 « entraîne tout dans ta volonté » / l.79 idem / l.85
- Ensuite elle lui donne l’ordre de se tenir debout l.87 / l.111.
- Et tout cela ne sert à rien car « c’est le mieux de la fin ».
2) Un homme qui est en train de mourir
Le texte multiplie les réf. à la maladie :
- avec tout d’abord le déni du roi « je me porte bien » l.13, « je ne suis pas malade »
2X l.20-21.
- Mais la maladie est là : on parle de « douleurs » l.22, le roi crie « aïe » l.25. Quand il
se relève c’est tjs « péniblement » l.96 / 100.
Lorsqu’il donne des ordres c’est le garde lui-même qui tombe malade de « goutte et de
rhumatismes » l.65-66. Il se paralyse l.71, il est « pétrifié » l.81 « symptôme
caractéristique ». A travers le garde, c’est « l’armée » qui est paralysée, victime d’un
virus l.67-69.
Et le diagnostic tombe :
- « tu vas mourir » l.1 / 4, « vous allez mourir » l.6, « pour l’éternité » l.9
- A chaque fois qu’il tombe, « le roi se meurt » annonce le garde l.97-l.109. il alterne
aussi « le roi est mort » l.101
- NB la phrase « le roi se meurt » est une traduction de « shâk mat » (échec et mat) en
arabo-persan. Fait indirectement réf. à Fin de partie de Beckett (57)
3) Une foule de spectateurs aux réactions diverses
Le roi essaie de trouver des causes externes à sa déchéance. Il serait victime de son
entourage. On distingue deux clans : ceux qui sont en faveur de la survie du roi et ceux qui
annoncent ou veulent sa mort.
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Ceux qui annoncent sa mort :
- Il accuse tt d’abord Marguerite l.14-15 qui aurait tjs souhaité sa mort
- Il envisage ensuite un vaste « complot » l.62 ourdi par des « fous » ou des « traîtres »
l.50 à moins que ce ne soient « des conjurés, des bolcheviques » l.92. Le but serait
alors de le faire abdiquer l.43-48
- Le médecin se place du côté de la reine Marguerite. Sa froideur et son
professionnalisme révoltent le roi Bérenger « vous vous moquez » l.13. Il tente même
de le faire arrêter l.56-59 avec la reine. Mais c’est le médecin qui confirme le
diagnostic « le mieux de la fin » l.119
Les alliés : Il s’agit essentiellement de la reine Marie.
- Elle cherche par tous les moyens à protéger le roi, soit contre la mauvaise nouvelle
l.11
- soit en l’assurant de son éternel amour « tu aurais tjs du pouvoir sur moi » l.36
- soit encore en lui redonnant l’énergie nécessaire pour ordonner l.52 / 55 / 73 / 79.
- Par moments, elle se substitue à lui et donne aussi des ordres au garde l.54 / 60 / 62
- mais comme cela ne fonctionne pas, c’est au roi de nouveau qu’elle donne des ordres
pour qu’il se redresse : l.87 / 111. Elle l’encourage « vive le roi » l.98-102-111
On note aussi la compassion de Juliette : l.51, ses encouragements « vive le roi » l.106113
Dans une certaine mesure, le garde est aussi un allié, ou plutôt un ancien serviteur qui a du
mal à se débarrasser de son obéissance au roi : l.61-74
II) Une situation incongrue
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Le comique sert de repoussoir au tragique et vice-versa conformément à la dynamique de
ces 2 elts dans le théâtre de la dérision. Le rire jaillit de l’incongruité.
1) Une vision grotesque de la mort
La mort est évoquée par instants dans ses aspects les plus quotidiens :
- l.6-10 très terre à terre. Mourir, c’est d’abord ne plus avoir besoin de se nourrir.
Autrement dit, cela renvoie à l’anéantissement du corps et à la disparition de tout ce
qui est de l’ordre de la sensation.
Autre aspect incongru est l’idée qu’il suffirait de penser que l’on va bien et que l’on ne
mourra pas, pour que cela se produise l.16-17. Par moments, son entêtement est évident de
mauvaise foi et cela aussi prête à sourire : l.25-29 « c’est parce que je ne me suis pas mis
dans la tête de ne pas avoir mal »
2) l’effondrement d’un univers
l.39-41 ; autre incongruité, celle d’un monde qui tombe dans un trou. On sourit à
l’évocation des ministres qu’on ne peut plus « repêcher ».
De la même façon, il y a qqch de vaguement comique lorsque le roi cherche un lieu
encore en état pour retenir ses prisonniers l.57-59
Effondrement d’un univers encore quand, face à la paralysie du garde, le médecin s’écrie
l.67 « sire l’armée est paralysée ».
La chute du roi son sceptre comme béquille relève aussi d’un humour pathétique. On note
la symbolique très forte
3) Une farce tragique
Une série de jeux de scène contribue à faire sourire le spectateur.
- Tout d’abord on note le décalage entre le geste et la parole : l89 « fait un grand
effort » / l.90 « tu vois comme c’est simple »
- On trouve encore un jeu de scène comique avec les apparitions successives de
Juliette qui crie « vive le roi » l.105-106 / l.108 / l.112 / 113

- A cet égard, on relève la didascalie l.116-117 « guignol tragique ». Le terme est loin
d’être anodin. Il renvoie bien à la double thématique comique et tragique. Il permet la
distanciation qu’exige la dérision
L.1-4 mise en abyme « à la fin du spectacle ». Fait encore sourire le spectateur. Mais, audelà de l’amusement, la phrase rappelle l’essence de la tragédie (qui est de connaître dès
le début la mort du personnage.). On retrouve cette mise en abyme l.103 « quelle
comédie »
Ionesco a su trouver le délicat équilibre entre le comique et l’angoisse […]. Le rire du
dramaturge, plus poétique qu’affectif, ne nie pas l’inquiétude mais s’en distancie en
métamorphosant la réalité par le non-sens, donc en changeant les règles qui gouvernent le
monde (Emmanuel Jacquart, Pléiade p.1734)
« Il étouffe […] n’en finit plus » p.75-77
Montrer comment, à travers ce passage,
Ionesco aborde l’angoisse métaphysique de la mort
(Repris partiellement de corrigés proposés par l’éducation nationale)
I) Effet de dramatisation (cf. drame au sens théâtral)
1) Un décor et des persg stylisés
 Décor a une fonction symbolique => les trônes, dont la disposition paraît significative et
attributs royaux. Cf « vaguement délabré » du début. Evoque agonie du roi. Objets
insolites et familiers détonnent dans ce cadre royal cf. « bouillotte et une couverture » qui
renforcent impression de décrépitude du roi.
 Persg désignés soit par leur fonction (roi, médecin et garde) soit par un simple prénom
(Marie Marguerite Juliette). Nb de pers assez réduit. Chacun jour un rôle uniquement en
fonction du roi. Tout est concentré autour d’une action (<drama) unique : la mort du roi.
 Marie et Marguerite à la fois similaires et opposées. Se définissent par rapport au roi elles
aussi. Toutes 2 l’ont épousé mais leurs fonctions diffèrent radicalement. Tandis que la
reine Marie tente d’aider Bérenger, nous voyons que la Reine Marguerite au contraire se
contente d’observer et de commenter l’échec de Marie.
2) Le rôle de Marie :
 Perceptible en fonction de longueur des répliques. Bp plus longues car passion + mode
lyrique.
 Verbes à l’impératif = prière l.3-10-20 + Ton suppliant cf. didascalie l.8-9
 Termes répétés comme un leitmotiv ex : « joie » + champ lexical de la lumière l.3 « par la
joie par la lumière » l.11/12 « la joie t’éclairait », l.14-15 cette resplendissante aurore »
 Termes accumulés l.13 « inaltérable, féconde, intarissable »
 Images redoublées, comparaisons l.4 « comme un flot, comme un fleuve » = effet
incantatoire. Marie tente de séduire autant par les mots que par les souvenirs eux-mêmes.
3) Rôle de Marguerite :
 Etablit un constat sans indulgence. Brièveté des répliques + qq expressions l.2 « la peur
lui bouche l’horizon » l.44 « vaine intervention ». Froideur intellectuelle
 Pas d’adresse directe au roi = indice de mépris. Distanciation (est l’ex épouse. Rancœur ?)
 Se permet jeu de mots méprisant l.49 « il n’y a que sa tirade qui n’en finit plus ». Ironie et
dédain à l’égard du roi est également perceptible l.19 « il ne s’est jamais compris » +
passé composé. Valeur généralisante (il aurait été de tt tps incapable de se comprendre).
Etend son jgt sur le roi d’un moment à une existence entière. C’est la généralisation qui
est méprisante.
II) Quel sens donner à l’agonie du roi ?
1) Une angoisse désespérante
Spectacle d’un persg au seuil de la mort, crie son désespoir.
 Se sent seul, injustement abandonné « on ne peut pas ou bien on ne veut pas m’aider »
l.21-22.
 Impuissant devant son malheur « comment m’y prendre » l.21
 épouvanté de sentir le froid de la mort le gagner prenant cse de l’inexorable fatalité
« hélas, tout ce qui doit finir est déjà fini »l.46-47  Appel a qqch de poignant.
 Véhémence de son invocation au soleil se traduit par le caractère oratoire des phrases :
suite d’impératifs (l.23-24-30 etc.), de subjonctifs de souhait l.27 « que tu entres dans mon
corps », répétition du mot soleil (4 x en doublet), du vb « voir » l.29, rythmes ternaires
l.29-30.  prière païenne.
2) une résistance grotesque
Certains aspects lui ôtent tte dignité.
 Paraît alors lâche et bouffon « pauvre cerveau » l.43 (médecin) + réplique de Marguerite
l.44.
 Souhaits d’un égoïsme monstrueux « dessèche et tue le monde entier » l.31, « que tous
meurent pourvu que je vive éternellement » l.32-33.
 Ne se rend pas compte de l’énormité des propos « petit sacrifice » l.32 « je garderai le
souvenir des autres » l.35.
 Cherche à attendrir puérilement « petit soleil, bon soleil » l.30-31.
 Termes familiers, insolites ds un registre soutenu « je m’arrangerai » l.34 + expression
cocasse « même avec une rage de dents pdt des siècles et des siècles » l.45-46. Effet
comique.
 Mélange tragique et grotesque, pathétique et odieux, gdeur et dérision => spectacle
original et fort.
3) Un texte éminemment symbolique
 Cette présentation en contraste pousse chacun des persg dans des attitudes extrêmes. Nous
sommes loin d’une perspective réaliste. Texte comme un symbole.
 Tableau stylisé du roi avec deux reines un médecin et Juliette comme pour rappeler les
conventions du théâtre.
 Dualité Marguerite / Marie a elle aussi une dimension symbolique. Elle sont en fait les
deux tendances de notre esprit : la passion et la raison. Elles sont les deux principes vitaux
complémentaires (yin et yang) froid et chaud, féminin et masculin (Autoritarisme de
Marguerite) passivité, activité etc. Et au centre Bérenger, c’est l’être humain. C’est chacun
d’entre nous aux prises avec ces deux tendances contradictoires Quand Ionesco écrit « ce
n’est pas la bonne voie » l.44 cf. livre tibétain des morts. Ionesco est initié aux
philosophies orientales et « Chercher la voie » est un terme clé*.
*Extrait du Bardo-Thödol, Le Livre tibétain des morts (Dervy livres, 1977, p.78)
Transfert de la conscience
« noble fils (un tel), maintenant que ta respiration a presque cessé, voici pour toi le moment de
chercher une voie car la lumière fondamentale qui apparaît lors du premier état intermédiaire va
poindre. »
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