Le „nouveau théâtre”, phénomène apparu en France, sous sa forme la plus virulente, vers
1950, puisque les pièces qui se réclament de cette technique affichent à l’égard du texte littéraire,
considéré selon l’optique traditionnelle, une attitude où se mêlent l’indifférence et le sarcasme.
Parmi ses représentants, à côté de Samuel Beckett, Eugène Ionesco s’impose comme chef de file de
ce nouveau théâtre.
Après une longue période de tâtonnements et d’obscurité, Eugène Ionesco s’impose très
rapidement au théâtre et il devient l’un des auteurs les plus joués dans le monde. Son oeuvre se
présente d’abord comme une „dérision” du théâtre, mais en poussant ce dérision à son paroxysme,
il a débarrassé le théâtre de son conformisme. Ionesco nous dévoile le caractère incompréhensible
des rapports humains, en même temps que leur cocasserie et leur malaise, leur perpétuelle couleur
insolite qui peut tourner aussi bien au comique qu’au tragique, à moins que les deux n’y demeurent
inextricablement liés.
Ionesco est hanté par l’obsession de la redite et du recommencement et son imagination est
habitée par deux images effrayantes: celle du vide et celle de l’encombrement. Ces hantises
s’expriment dans La Cantatrice chauve, La leçon, Les Chaises, Rhinocéros, Le Roi se meurt, La
Soif et la faim.
Dans le théâtre d’Ionesco, on voit émerger les choses les plus simples auxquelles s’attache
une force évocatrice puissante: de vieux souliers, un bout de corde, une table. De cette poéticité,
„littéralité”, des objets ou des individus naît ce qu’il est convenu d’appeler „inspiratin”: les chaises
d’Ionesco. Ce ne sont plus les sentiments qu’on met en scène, ni des problèmes de conscience, mais
le tête-à-tête d’hommes anonymes ou communs avec une matière implacablement hostile. La faim,
le désir, la peur, l’attente apparaissent à l’état pur et comme dans leurs simplicité sauvage. Cette
absence de psychologie est une des raisons qui fît nommer ce théâtre un „théâtre de l’absurde”,
puisqu’il n’expliquait pas la réalité en fonction d’une certaine image de la personne reconnue par la
„culture”. Or ce théâtre n’oppose pas une nouvelle représentation de l’homme du siècle précédent à
une autre, plus ancienne; il abolit purement et simplement toute image de l’homme.
Dans Le Roi se meurt, plus profondément que partout ailleurs se manifeste l’affrontement du
burlesque et l’angoisse intimement liés: burlesque du roi de comédie, ridicule dans l’affirmation de
sa puissance dérisoire; angoisse devant la mort. Jamais autant que dans ce „délire” entre le roi et la
reine, la confidence n’a aussi fortement cimenté le langage de la dérision.
Ce roi, Ionesco le nomme Bérenger I -er, ce qui nous indique que l’accent personnel
s’imposera à toute la pièce, non par la délivrance de quelque message, mais pour révéler la
transparence d’une peur – celle de l’anéantissement. Bérenger évoque sans doute l’ombre des