Chapitre 3
Les angles
3.1 Angles orient´es de vecteurs du plan
3.1.1 Groupe des rotations
Dans tout ce qui suit, on se place dans un espace vectoriel euclidien Ede dimension 2.
D´efinition 3.1 On appelle rotation de Etoute compos´ee de deux r´eflexions de E. On notera
Rl’ensemble des rotations de E.
Proposition 3.2 Toute rotation de Edistincte de l’identit´e ne fixe aucun autre vecteur que 0.
D´emonstration : Soient donc r∈ R et uE\{0}tel que r(u) = u. Par d´efinition, on peut
´ecrire rcomme compos´ee de deux r´eflexions : r=s1s2. Mais alors, s1r=s2et donc
s2(u) = s1(r(u)) = s1(u). En posant vce dernier vecteur, on a ||u|| =||v|| (une r´eflexion est
une isom´etrie). Ou bien v=uet alors s1et s2ont mˆeme axe donc s1=s2et r=idEou
bien u/= vet l’unicit´e de la r´eflexion envoyant usur vassure que s1=s2et donc r=idE.
ut
Proposition 3.3 Soient u, v E\{0}. Si ||u|| =||v|| alors il existe une unique rotation envoyant
usur v.
D´emonstration : Montrons l’existence. Si u=v, l’identit´e convient. Sinon, soit s1l’unique
r´eflexion envoyant usur v. On a s1sVect(u)(u) = vdonc la rotation r=s1sVect(u)convient.
Montrons l’unicit´e. Soit r0une rotation telle que r0(u) = v. Si u=v, la proposition pr´ec´edente
donne r0=idE=r. Supposons donc u/= vet posons g=s1r0o`u s1est l’unique r´eflexion
envoyant usur v.gest une isom´etrie qui fixe u. Soit alors eun vecteur orthogonal `a utel que
||e|| =||u||. (u, e) est une base orthonogonale de Eet g(u) = ug(e) donc g(e) = ±e.g(e) = e
est impossible (car sinon g=idEet r0=s1ce qui est exclu, une rotation et une r´eflexion
n’ayant pas mˆeme ensemble d’invariants). On a donc g(e) = eet par suite g=sVect(u)soit
r0=s1sVect(u)=r.ut
Proposition 3.4 Soit rune rotation de E. Pour toute r´eflexion sde E, il existe une r´eflexion
s1de Etelle que r=s1s. De mˆeme, il existe une r´eflexion s2telle que r=ss2.
D´emonstration : C’est clair si r=id (prendre s1=s2=s). Sinon, soient dl’axe de s,a
un ´el´ement non nul de det b=r(a) (on a donc b/= a). Il existe alors une r´eflexion s1telle
que s1(a) = b. Consid´erons r0=s1s. C’est une rotation qui transforme aen b. Or il existe
exactement une rotation de Rtransformant aen b(car ||a|| =||b||), et donc r=r0=s1s.
Ce qui vient d’ˆetre d´emontr´e vaut pour r1. Il existe donc une r´eflexion s2telle que r1=s2s
ce qui implique r=ss2.ut
19
20 CHAPITRE 3. LES ANGLES
Th´eor`eme 3.5 L’ensemble Rdes rotations de Eest un sous-groupe commutatif de O(E).
D´emonstration : Rcontient IdE. Si r=s1s2est une rotation, rest inversible et son inverse
est r1=s2s1qui est bien une rotation. La seule chose non ´evidente est que Rsoit stable par
composition. Soient donc ret r0deux rotations. Soit sune r´eflexion. D’apr`es ce qui pr´ec`ede, il
existe deux r´eflexions s1et s2telles que r=s1set r0=ss2et donc rr0=s1sss2=s1s2
car ss=Id. Donc rr0est bien une rotation.
Soient enfin r1et r2deux rotations de R. Il existe des r´eflexions s,s1et s2de Etelles que
r1=s1set r2=ss2de sorte que r1r2=s1s2tandis que r2r1=ss2s1s.
Il s’agit donc de montrer que s1s2=ss2s1sou encore : ss1s2=ss2s1.
Consid´erons t=ss1s2. En d´ecomposant la rotation s1s2sous la forme s1s2=ss3, on
voit que t=s3est une r´eflexion donc une involution. Or t1= (ss1s2)1=s2s1sce qui
d´emontre le r´esultat. ut
Exercice 3.1 Red´emontrer ce r´esulat `a partir des expressions matricielles.
3.1.2 Notion d’angle
Proposition et D´efinition 3.6 Soit Cl’ensemble des vecteurs de Ede norme 1. La relation
d´efinie sur C×Cpar (u, v)(u0, v0)s’il existe une rotation rtelle que r(u) = u0et
r(v) = v0, est une relation d’´equivalence. L’ensemble quotient de C×Cpar cette relation est
appel´e ensemble des angles orient´es de vecteurs et not´e A:A= (C×C)/= (C×C)/R.
L’angle orient´e d
(u, v)est par d´efinition l’image de (u, v)dans A.
Extension de la d´efinition : si xet ysont deux vecteurs non nuls de E,x
kxket y
kyksont des
vecteurs de norme 1, ce qui permet de d´efinir d
(x, y) = d
(x
kxk,y
kyk).
D´emonstration : Le fait que soit une relation d’´equivalence peut se v´erifier directement. Il est
aussi possible de remarquer que le groupe Rop`ere naturellement sur Cet donc sur C×Cet
que est la relation d’´equivalence associ´ee `a cette op´eration de R.ut
Exemples. Soit uun vecteur non nul de E. L’angle d
(u, u) est appel´e angle nul. L’angle d
(u, u)
est appel´e angle plat.
Propri´et´es. Les rotations et les homoth´eties conservent les angles orient´es de vecteurs.
D´emonstration : Cas des rotations. Soient xet ydeux vecteurs non nuls et rune rotation.
Si xet ysont de norme 1, il en est de mˆeme de r(x) et de r(y), et l’assertion r´esulte de la
d´efinition de A. Dans le cas g´en´eral, notons a=kxket b=kyk. Comme rest une isom´etrie,
kr(x)k=kxk=aet kr(y)k=kyk=b. En utilisant la d´efinition pr´ec´edente,
d
(r(x), r(y)) = d
(r(x)
kr(x)k,r(y)
kr(y)k)
Comme rest lin´eaire,r(x)
kr(x)k=r(x)
a=r(x
a) et r(y)
kr(y)k=r(y
b) donc d
(r(x), r(y)) = d
(r(x
a), r(y
b)).
Comme x
aet y
bsont unitaires,d
(r(x
a), r(y
b)) = d
(x
a,y
b) = d
(x, y) en appliquant l’extension de la
d´efinition.
Cas des homoth´eties. Soit donc hune homoth´etie de rapport λnon nul.
Si λest strictement positif, kλ xk=λkxket kλyk=λkyk
donc d
(λ x, λ y) = d
(λ x
kλ xk,λ y
kλ yk) = d
(x
kxk,y
kyk) = d
(x, y)
Si λest strictement n´egatif, par un calcul analogue, d
(λ x, λ y) = d
(x, y).
Comme Eest de dimension 2, Id est une rotation (c’est par exemple, pour tout vecteur
3.1. ANGLES ORIENT ´
ES DE VECTEURS DU PLAN 21
non nul e, la compos´ee sVect(e)s(Vect(e))) et donc, d’apr`es ce qui pr´ec`ede, d
(x, y) = d
(x, y)
ut
3.1.3 Angle d’une rotation
Proposition et D´efinition 3.7 Soit eun vecteur unitaire.
L’application θe:R→ A, r 7→ θe(r) = d
(e, r(e)) est ind´ependante du choix du vecteur unitaire e.
Pour toute rotation r,θ(r)est par d´efinition, l’angle de la rotation r.
D´emonstration : On doit v´erifier que si e0est un autre ´el´ement de Calors d
(e, r(e)) = d
(e0, r(e0))
ce qui revient `a dire que (e, r(e)) (e0, r(e0)). Or il existe une rotation r0telle que r0(e) = e0. Il
s’agit donc de montrer que r0(r(e)) = r(e0) soit encore : r0(r(e)) = r(r0(e)) ; mais le groupe R
est commutatif, et donc rr0=r0r. Ce qui d´emontre le r´esultat. ut
3.1.4 Groupe des angles orienes
Proposition 3.8 L’application θ(d´efinie au paragraphe pr´ec´edent) est bijective. Une rotation
est donc caract´eris´ee par son angle.
D´emonstration :
1) Montrons que θest injective : soient donc ret r0deux rotations telles que θ(r) = θ(r0).
Donc d
(e, r(e)) = d
(e, r0(e)). Cela signifie qu’il existe une rotation r00 telle que r00(e) = eet
r00(r(e)) = r0(e). Or l’´egalit´e r00(e) = eimplique que r00 =Id, et la deuxi`eme ´egalit´e se r´eduit
donc `a : r(e) = r0(e), ce qui implique r=r0.
2) Montrons que θest surjective : soit donc a=d
(u, v) un angle. Comme θ=θu, il suffit donc
de montrer qu’il existe rdans Rtelle que a=θu(r) ou encore que v=r(u). Mais ceci r´esulte
de la proposition 3.3. ut
Cons´equence. Apeut ˆetre muni d’une loi de composition lui conf´erant une structure de groupe
ab´elien en posant, pour aet a0dans A,a+a0=θ(θ1(a)θ1(a0)) (transport de structure).
Exercice 3.2 erifier que la loi + fait bien de Aun groupe qui de plus est ab´elien.
Remarque. Par construction, l’application θest alors un isomorphisme de groupes.
Proposition 3.9 (Relation de Chasles) Pour tous vecteurs non nuls u,vet w, on a :
d
(u, v) + d
(v, w) = d
(u, w)
D´emonstration : Soit rla rotation telle que r(u) = vet r0la rotation telle que r0(v) = w.
Donc θ(r) = d
(u, v) et θ(r0) = d
(v, w). Il r´esulte de la d´efinition de l’addition des angles que
d
(u, v)+ d
(v, w) = θ(rr0) et donc d
(u, v)+ d
(v, w) = θ(r0r). Or r0r(u) = wet donc θ(r0r) = d
(u, w).
Ce qui d´emontre la propri´et´e. ut
Remarque. La d´efinition de l’addition des angles correspond donc bien `a ce que l’on attend
g´eom´etriquement `a savoir qu’ajouter deux angles correspond bien `a “les mettre bout `a bout”.
Exercice 3.3 Montrer que toute r´eflexion inverse les angles. Autrement dit, pour tous vecteurs
non nuls uet v, et pour toute r´eflexion s,d
(s(u), s(v)) = d
(u, v).
22 CHAPITRE 3. LES ANGLES
3.1.5 Mesure d’un angle oriene
On choisit une base orthonorm´ee B= (e1, e2) de E, et `a tout r´eel xon associe le vecteur
(unitaire) u(x) = (cos x)e1+ (sin x)e2. Notons alors aB(x) = d
(e1, u(x)).
Proposition 3.10 L’application aB:R→ A est un homomorphisme de groupes, surjectif, de
noyau 2πZet on a donc un isomorphisme de groupes A ' R/2πZ.
D´emonstration : Montrons que aBest une surjection : si αest un angle, il existe une rotation r
de Rtelle que α=d
(e1, r(e1)) (surjectivit´e de θe1) et r(e1) est bien de la forme u(x) puisqu’en
dimension 2, un endomorphisme orthogonal positif (rotation) a, dans une base orthonorm´ee,
une matrice de la forme R(x) = cos xsin x
sin xcos x!.
Montrons que aBest un homomorphisme de groupes. Soient xet x0deux r´eels. On va montrer
que aB(x+x0) = aB(x) + aB(x0), soit encore : d
(e1, u(x+x0)) = d
(e1, u(x)) + d
(e1, u(x0)).
Soit donc rla rotation telle que r(e1) = u(x) et r0la rotation telle que r0(e1) = u(x0).
Il suffit donc de montrer que rr0(e1) = u(x+x0). Or r0(e1) = cos x0e1+ sin x0e2. Comme r
est lin´eaire,rr0(e1) = cos x0r(e1) + sin x0r(e2) ; d’autre part, par d´efinition, r(e1) = u(x) =
cos x e1+ sin x e2et comme rest de d´eterminant +1, r(e2) = sin x e1+ cos x e2et donc,
rr0(e1) = cos x0(cos x e1+ sin x e2) + sin x0(sin x e1+ cos x e2)
Les formules d’addition montrent que : rr0(e1) = cos(x+x0)e1+ sin(x+x0)e2et donc
rr0(e1) = u(x+x0).
Le nombre r´eel xappartient au noyau de aBsi et seulement si u(x) = e1ce qui ´equivaut `a
cos x= 1 et sin x= 0, et ceci ´equivaut `a : x2πZ.
Pour tout r´eel xnotons xson image dans R/2πZ. Comme aB(x) ne d´epend que de la classe de
xmodulo 2πZ, on peut d´efinir une application aB:R/2πZ→ A en posant aB(x) = aB(x), qui
est ´egalement un homomorphisme. Comme aBest surjectif, il en est de mˆeme de aB. Enfin, si x
appartient au noyau de aB,xappartient `a 2πZet donc x= 0. ut
Proposition 3.11 Soient B0une autre base et aB0efinie de mani`ere analogue.
Si Bet B0sont de mˆeme orientation alors les applications aBet aB0co¨ıncident.
Si Bet B0sont d’orientations contraires alors aB0=aB.
.
D´emonstration : Notons, comme pr´ec´edemment u0(x) = cos x e0
1+ sin x e0
2et consid´erons
l’isom´etrie (lin´eaire) f:EEefinie par f(e1) = e0
1et f(e2) = e0
2.fest alors de d´eterminant
+1, car det f= detB(B0), et donc fest une rotation, et donc conserve les angles. Comme
f(u(x)) = u0(x) ceci implique d
(e0
1, u0(x)) = d
(f(e1), f(u(x))) = d
(e1, u(x)) et donc aB(x) = aB0(x)
d’o`u aB0=aB. Si Bet B0sont d’orientations contraires alors fest alors une r´eflexion et donc
inverse les angles. D’o`u comme ci-dessus aB0=aB.ut
D´efinition 3.12 Lorsque le plan vectoriel Eest orient´e, on appelle mesure d’un angle orient´e
de vecteurs αtout r´eel xtel que a(x) = α. On appelle mesure principale de αl’unique r´eel
x]π, π]tel que a(x) = α.
3.1.6 Cosinus et Sinus d’un angle orient´e de vecteurs
Proposition et D´efinition 3.13 On d´efinit une application de Adans [1,1] en associant `a
un angle orient´e de vecteurs unitaires d
(u, v), le r´eel Cos(d
(u, v)) = < u, v > (appel´e Cosinus de
l’angle orient´e de vecteurs d
(u, v)).
3.1. ANGLES ORIENT ´
ES DE VECTEURS DU PLAN 23
D´emonstration : Si (u, v) et (u0, v0) sont deux couples de vecteurs unitaires tels que d
(u, v) =
d
(u0, v0) alors il existe un ´el´ement rde O+(E) tel que u0=r(u) et v0=r(v) et donc
<u0, v0>=<r(u), r(v)>=<u, v > car rconserve le produit scalaire. ut
Remarques.
La fonction Cosinus est intrins`eque (elle ne d´epend pas du choix de l’orientation).
Pour tout couple (u, v) de vecteurs non nuls, on a donc : <u, v > =||u||.||v||.Cos( d
(u, v)).
Avec les notations pr´ec´edentes, pour tout r´eel xon a Cos(a(x)) = cos x.
Proposition et D´efinition 3.14 Soit Bune base orthonorm´ee du plan. On d´efinit une ap-
plication de Adans Ren associant `a un angle orient´e de vecteurs unitaires d
(u, v), le r´eel
Sin(d
(u, v)) = detB(u, v)(appel´e Sinus de l’angle orient´e de vecteurs d
(u, v)dans la base B).
D´emonstration : Si (u, v) et (u0, v0) sont deux couples de vecteurs unitaires repr´esentant l’angle
d
(u, v) alors il existe un ´el´ement rde O+(E) tel que u0=r(u) et v0=r(v) et donc
detB(u0, v0) = detB(r(u), r(v)) = detB(r) detB(u, v) et le r´esultat en d´ecoule. ut
Remarques.
La fonction Sinus n’est pas intrins`eque : elle est inchang´ee si on remplace Bpar une
base orthonorm´ee de mˆeme orientation mais elle est chang´ee en son oppos´ee dans le cas
contraire.
Pour tout angle orient´e α, on a : Cos2(α) + Sin2(α) = 1.
Pour tout angle orient´e α, on a donc : Sin(α)[1,1].
Avec les notations du paragraphe pr´ec´edent, pour tout r´eel xon a Sin(a(x)) = sin x.
Sinus et produit vectoriel
Soit Eun espace vectoriel euclidien orient´e de dimension 3. ´
Etant donn´es deux vecteurs uet v
de E, le produit vectoriel uvest caract´eris´e par :
uv=
0 si uet vsont colin´eaires,
uv=||u||.||v||.sin d
(u, v)
ko`u
kest le vecteur unitaire directement orthogonal `a (u, v),
ce vecteur d´eterminant l’orientation du plan Vect({u, v}), sinon.
D´emonstration : Supposons donc (u, v) libre. Soit
kle vecteur unitaire directement orthogonal
`a (u, v). Soit (e1, e2) une base orthonorm´ee de Vect({u, v}) telle que B= (e1, e2,
k) soit
orthonorm´ee directe. Soit wE. On a alors < u v, w > = [u, v, w] =
x x0α
y y0β
0 0 γB
et donc
<u v, w > =γdet(e1,e2)(u, v) soit finalement <u v, w > =γsin d
(u, v)||u||.||v||. Le r´esultat en
d´ecoule puisque uvest colin´eaire `a
k.ut
Remarque. Compte tenu du choix effectu´e pour
k, on a sin d
(u, v)>0 (prendre w=
kdans
la d´emonstration pr´ec´edente pour s’en convaincre).
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