Nicolas SANSU Député du Cher Séparation et

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Nicolas SANSU
Député du Cher
Séparation et régulation des activités bancaires
mardi 19 février 2013 – 1ère séance
Explication de vote
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues,
nous achevons aujourd’hui la première lecture d’un texte présenté parfois un peu hâtivement
comme un texte historique. Historique, il pourra probablement le devenir à condition que la
navette parlementaire permette d’enregistrer des modifications plus profondes. En effet, le
texte issu de nos travaux ne répond que partiellement à l’objectif affiché, celui d’une
sécurisation des dépôts et de la séparation entre activités spéculatives et activités de crédit et
de dépôt.
Pour notre part, à l’instar d’une ONG comme Finance Watch ou des signataires d’une tribune
publiée dans Libération la semaine dernière, nous préconisons une séparation effective entre
banques commerciales et banques de marché. C’est probablement le seul moyen efficace de
mettre fin aux conflits d’intérêts qui peuvent naître au sein des banques entre financement de
l’économie et activités spéculatives, et aussi de diminuer l’opacité des groupes bancaires. La
tâche nous paraît d’autant plus urgente et utile que le secteur bancaire français présente un
niveau de risque systémique parmi les plus élevés du monde. Ainsi, Dexia a déjà coûté 12
milliards d’euros aux contribuables français et belges, et l’État vient d’y ajouter 85 milliards
en garantie ; le Crédit Agricole prévoit des pertes record en 2012, voisines de 6 milliards
d’euros, et la Société Générale aurait perdu près de 12 milliards d’euros en 2008 sans le
secours du contribuable américain. Jacques Généreux, Jacques Sapir et Dominique Taddéi le
soulignaient récemment dans la tribune précitée : « Le modèle français se révèle défaillant
dans sa tâche de financement de l’économie » puisque « seuls 10 % du bilan de nos banques
sont consacrés aux prêts aux entreprises non financières et 12 % aux prêts aux particuliers »,
ce qui signifie que le reste, soit 78 % de l’activité, « relève d’opérations de marché
essentiellement spéculatives ».
Les amendements adoptés en commission et en séance ont certes permis d’améliorer le projet
de loi initial, mais sans franchir le pas décisif qui consisterait à poser le principe de la
filialisation des services d’investissement ou des activités dites de tenue de marché,
aujourd’hui au cœur de la polémique. De plus, en confiant au ministre de l’économie et des
finances le soin de manier les ciseaux de la séparation, nous lui offrons aussi la possibilité de
ne pas le faire.
Le projet de loi reste en outre trop timide sur deux sujets clefs : le trading haute fréquence et
la spéculation sur les matières premières agricoles. Nous enregistrons avec satisfaction
l’adoption de l’amendement que nous proposions visant à sanctionner les pratiques d’abus de
marché, mais, ainsi que l’ont rappelé de très nombreux collègues, l’enjeu reste l’interdiction
pure et simple du trading haute fréquence, dont l’explosion a coïncidé avec la mise en œuvre
des directives de dérégulation du marché. Nous attendons beaucoup sur ce point, de même
qu’en matière de spéculation sur les matières premières agricoles, de la poursuite des travaux
au Sénat et devant notre assemblée.
Le groupe GDR salue bien entendu l’adoption de l’amendement qui obligera demain les
banques à détailler, pays par pays, la nature de leurs activités, leur produit net bancaire ainsi
que leurs effectifs. C’est un pas important vers une plus grande transparence du secteur
bancaire, un premier pas dans la lutte contre l’évasion fiscale, mais un pas qu’il conviendra de
compléter.
Le mécanisme de résolution appelle en revanche quelques réserves. Il ne nous paraît pas en
effet judicieux de confier au gouverneur de la Banque de France et au directeur du Trésor le
pouvoir exorbitant de décider seuls comment et par qui une banque défaillante serait
renflouée. Ce sont eux qui décideront si l’État français doit aller au secours d’une banque,
quitte à ruiner les Français, ou s’il conviendra de lui laisser faire faillite. Sachant que la
Banque de France est le principal créancier des banques privées, nous pouvons légitimement
craindre que le contribuable ne soit au bout du compte sollicité sans que soit requis l’accord
préalable du Parlement.
À l’aune de ces remarques, nous ne pouvons qu’inviter le Gouvernement et les sénateurs à
proposer de nouvelles améliorations à ce texte, tant sur le volet séparation que sur celui des
droits des consommateurs que notre assemblée a su renforcer par la voie du plafonnement des
frais bancaires. Il n’est pas trop tard pour faire prendre à la loi la tournure d’une vraie et
grande réforme pour rendre possible une nouvelle architecture du financement de l’économie
par le biais d’une nouvelle politique monétaire. Dans l’attente de son retour devant notre
assemblée, les députés du Front de gauche s’abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du
groupe GDR.)
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