BOURDIEU P. (sous la direction de) : " La misère du monde

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BOURDIEU P. (sous la direction de) : " La misère du monde ", Editions du seuil, Points Seuil, Paris,
février 1993, 1461 pages.
Place et contexte dans la thèse.
Ce regard est intéressant pour travailler les témoignages sur les entretiens de l'équipe de Pierre Bourdieu. Il
est loin de sa rigueur scientifique habituelle, de sa sociologie habituelle, mais ceci cadre bien avec le recueil
des données sur « la misère du monde », en effet dans des situations difficiles on ne peut que procéder par
hybridation. On croisera avec les travaux de Georges Lapassade, Hubert de Luze et les théories ethno
méthodologiques. Nous regardons aussi sur les méthodes d'entretiens et d'enquêtes d'Anne Gotman et de
Stéphane Beaud ainsi que de Florence Weber 1992 et 1998.
Pages 9 et 11 : "Nous les avons [les témoignages] organisés et présentés en vue d'obtenir du lecteur qu'il leur
accorde un regard aussi compréhensif que celui que les exigences de la méthode scientifique nous imposent,
et nous permettent de leur accorder. C'est pourquoi nous espérons qu'il va bien suivre la démarche proposée.
Cela, même si nous comprenons que, voyant les différentes « études de cas » des sortes de petites nouvelles,
certains puissent préférer lire au hasard, et choisir d'ignorer les préalables méthodologiques ou les analyses
théoriques, pourtant tout à fait indispensables, selon nous, à la juste compréhension des entretiens"... "Dans
la description de l'entretien elle-même, qui fait subir au discours oral une transformation décisive, le titre et
sous-titres (toujours empruntés aux propos de l'enquêté), et surtout le texte dont nous faisons procéder le
dialogue, sont là pour diriger le regard du lecteur vers les traits pertinents que la perception distraite et
désarmée laisserait échapper".
Mon analyse : nous voyons ici une bonne façon de procéder avec celles de de Erving Goffman et de Oliver
Sacks centrée sur le sujet et l'acteur social et faire à partir de cette façon de procéder « le va-et-vient » avec
notre propre travail dans la mesure où le milieu du handicap suppose du soin, du tact et de l'éthique. On ne
peut enquêter de sur les entretiens de types ouverts avec un questionnement général, mais en laissant le sujet
aller au bout des idées qui font force.
Page 1341 : " Née il y a 50 ans avec une maladie qui a gravement contrarié le développement de ses
membres et de sa colonne vertébrale, Isabelle a toujours connu une vie de handicapée. Elle a ainsi été
écartée, pour les études, mariage, la profession, de l'avenir qui, comme le suggère le destin de ses soeurs,
aurait pu être le sien dans la petite aristocratie rurale dont elle est issue."... "Tout cela au prix d'une lutte
obstinée pour dépasser les limites dans lesquelles l'enferme son handicap et qui se rappellent sans cesse à
elle à travers les conseils, les attentions, les prévenances, jusque dans le regard de ses proches et de tous
ceux qu'elle côtoie."... " C'est ainsi qu'elle s'adresse au « sommet de toutes les compétences médicales »,
parvenant à retenir sur son cas l'attention des plus grands noms de la chirurgie."... " Les formes brutales de la
dépendance hospitalière réactivent les craintes de régression inscrite dans les conquêtes toujours fragiles et
provisoires des handicapés : leur corps peut faire défaut au sens propre ; mais il peut à tout instant trahir et
ruiner les désespérances conçues comme en dépit de lui, puisque c'est la condition des handicapés de se
retrouver éventuellement renvoyé, « ravalé », comme elle dit, à ses particularités physiques, à chaque
nouvelle confrontation, le regard des professionnels de la santé, avec sa tranquille accoutumance, ayant peutêtre l'efficacité redoutable d'un principe de réalité."
Mon analyse : même dans les milieux aisés, le vocabulaire est négatif et la lutte difficiles et âpre."
Page 1343 : " Les formes brutales de la dépendance hospitalière réactivent les craintes de régression inscrite
dans les conquêtes toujours fragiles et provisoires des handicapés : leur corps peut faire défaut au sens
propre ; mais il peut à tout instant trahir et ruiner les espérances conçues comme en dépit de lui, puisque c'est
la condition du handicapé de se retrouver éventuellement renvoyé, « ravalé », comme elle dit, à ses
particularités physiques, à chaque nouvelle confrontation, le regard des professionnels de la santé, avec sa
tranquille accoutumance, ayant peut-être efficacité redoutable d'un principe de réalité."
Mon analyse : on retrouve le pouvoir du médical et le travail sur la guérison de Georges Canguilhem, la
médecine de réparer n'est pas « guérir totalement » pour revenir à un âge d'or biologique ; la guérison, la
pleine santé ce n'est plus le retour à l'innocence biologique (Georges Canguilhem).
Pages 1389 à 1414 : nous comprendrons ici l'ensemble des citations pour rythmer et limiter notre travail. En
effet elles donnent un aperçu sur les pièges et les présupposés des techniques d'entretien.
Page 1389 : "je crois en effet qu'il n'est pas de manière plus réelle et plus réaliste d'explorer la relation de
communication dans sa généralité que de s'attaquer aux problèmes inséparablement pratiques et théoriques
que fait surgir le cas particulier de l'interaction entre l'enquêteur et celui ou celle qu'il interroge."
Page 1390 : "plusieurs dizaines d'années d'exercice de l'enquête sous toutes ses formes, de l'ethnologie à la
sociologie, du questionnaire dit fermé à l'entretien le plus ouvert, m'ont ainsi convaincu que cette pratique ne
trouve son expression adéquate ni dans les prescriptions d'une méthodologique souvent plus scientiste que
scientifique, ni dans les mises en garde antiscientifiques des mystiques de la fusion affective." En note de bas
de page : "le choix des thèmes et de la forme possible de l'entretien en fonction des caractéristiques sociales
de l'enquêté potentiel a été, chaque fois, attentivement examiné. On beaucoup de cas, l'écoute ou la lecture
du premier entretien a soulevé de nouvelles questions (du fait de l'interprétation) appelant un second
entretien."
Page 1391 : "sans doute l'interrogation scientifique exclut-elle par définition l'intention d'exercer une forme
quelconque de violence symbolique capable d'affecter les réponses ; il reste qu'on ne peut pas se fier, en ces
matières, à la seule bonne volonté, parce que toutes sortes de distorsions sont inscrites dans la structure
même de la relation d'enquête. Ces distorsions, il s'agit de les connaître et de les maîtriser ; mais cela dans
l'accomplissement même d'une pratique qui peut être réfléchie et méthodique, sans être l'application d'une
méthode ou la mise en oeuvre d'une réflexion théorique" En note de bas de page " les défenseurs des deux
catégories de méthode ont en commun d'ignorer ces structures [les interactions sociales s'accomplissent sous
la contrainte de structures sociales], ainsi d'ailleurs que les ethno méthodologues, que leur vision subjective
du monde social porte à ignorer l'effet que les structures objectives exercent non seulement sur les
interactions (entre des médecins et des infirmières par exemple) qu'ils enregistrent et analysent, mais aussi
sur leur interactions avec les personnes soumises à l'observation ou à l'interrogation."
Page 1392 : "essayez de savoir ce que l'on fait, lorsque s'instaure une relation d'entretien, c'est d'abord tenter
de connaître les effets l'on peut produire sans le savoir sur cette sorte d'intrusion toujours un peu arbitraire
qui est au principe de l'échange (notamment par la manière de se présenter et de présenter l'enquête, par les
encouragements accordés ou écrire refusés, etc.) ; c'est essayer de porter au jour la représentation que
l'enquêté se fait de la situation, de l'enquête en général, de la relation particulière dans laquelle elle s'instaure,
des fins qu'elle poursuit, et d'expliquer les raisons qui la poussent à accepter d'entrer dans l'échange."
[Faire la différence entre expliquer et expliciter]
page 1393 : "c'est l'enquêteur qui engage le jeu et institue la règle du jeu ; c'est lui qui, le plus souvent,
assigne à l'entretien, de manière unilatérale sans négociation préalable, des objectifs et des usages parfois
mal déterminés, au moins pour l'enquêté. Cette dissymétrie est redoublée par une dissymétrie sociale toutes
les fois que l'enquêteur occupe une position supérieure à l'enquêté dans la hiérarchie des différentes espèces
de capital, capital culturel notamment." [...] " Prenant acte de ces deux propriétés inhérentes à la relation
d'entretien, on s'est efforcé de tout mettre en oeuvre pour maîtriser les effets (sans prétendre les annuler) ;
c'est-à-dire, plus précisément, pour réduire au maximum la violence symbolique qui peut s'exercer à travers
elles. On a donc essayé d'instaurer une relation d'écoute active et méthodique, aussi éloigné du pur laisserfaire de entretien non directif que du dirigisme du questionnaire."
[C'est exactement la méthode d'entretien que j'ai construite, entre le soin et le tact du laisser-faire et la
centrassions sur les questions certes plus larges du début, on sort toujours très fatigué de ces entretiens car ce
n'est pas de l'écoute flottante comme sur le divan du psychanalyste, en ce sens je peux dire que j'ai enquêté
donc c'est un véritable travail de sociologie.]
Page 1395 : " on a ainsi pris le parti de laisser aux enquêteurs la liberté de choisir les enquêtés parmi les gens
de connaissance ou des gens auprès de qui ils pouvaient être introduits par des gens de connaissances. La
proximité sociale et la familiarité assurent en effet deux des conditions principales d'une communication «
non-violente »"
Mon analyse : ce sont les entrées dans des réseaux, des sociologues profanes bien placés, des personnalités
qui cristallisent à un certain nombre de connaissances. Ce sont les « gardiens de portes » de H .Becker.
Page 1396 : "ces signes de feed-back que E.A Schegloff appelle response tokens, les "oui" , "à bon", "bien
sûr" , "ho!"peut, et aussi les hochements de tête approbateurs, les regards, les sourires et tous les
informations receipts, signes corporels ou verbaux d'attention, d'intérêt, d'approbation, d'encouragement, de
reconnaissance, son la condition de la bonne continuation de l'échange (au point qu'un moment d'inattention,
de distraction du regard suffit souvent à susciter une sorte de gêne chez l'enquêté et à lui faire perdre le fil de
son discours) ; placés au bon moment, ils attestent la participation intellectuelle et affective de l'enquêteur."
Mon analyse : nous avons vécu cela mais les courriers épistolaires, les mails et le téléphone puis les
entretiens en direct ont vite levé ses inhibitions pour qu'ils parlent eux-mêmes du handicap et de la situation
de handicap,de rares travaux existentparcellaires, de rares recherches existent parcellaires elles aussi ce
travail donc essaie de jeter les bases d'une méthode d'analyse au quotidien.
Pages 1397 et 1398 : "Et l'interrogateur ne peut davantage oublier qu'en objectivant l'interrogé il s'objective
lui-même, comme en témoignent les corrections qu'il introduit dans telle de ses questions, passant du tu
objectivant au on , qui renvoie à un collectif impersonnel puis au nous, où il affirme clairement qu'il est lui
aussi concerné par l'objectivation : « c'est-à-dire que toutes les études que tu as faites, qu'on a faites, nous ont
plutôt portés à aimer la théorie. »" [...] Dans tous ces cas, en effet, l'interrogation tend naturellement à
devenir une socioanalyse à deux dans laquelle l'analyste se trouve pris, et mis à l'épreuve, autant que celui
qui soumet à l'interrogation."
"À ces cas le sociologue parvient à se donner en quelque sorte un substitut, s': "ajoutent les relations
d'enquête dans lesquelles il peut surmonter partiellement la distance sociale grâce aux relations de familiarité
qui l'unissent à l'enquêté et à la franchise sociale, favorable au franc-parler, qu' assure l'existence de liens
divers de solidarité secondaire propres à donner des garanties indiscutables de compréhension sympathique :
les relations de famille ou les amitiés d'enfance où, selon certaines enquêtes, la complicité entre femmes,
etc."
Mon analyse : c'est à long travail d'apprivoisement dont il s'agit ici, il est vrai que la position sociale crée une
dissymétrie, et ce n'est qu'au prix d'un travail incessant sur soi-même que l'on peut instaurer un échange et un
dialogue naturel : mais nos qualités propres d'écoute et d'oralité latine nous aident dans ce travail d'enquête
de sociologie. Je suis d'accord avec la position de Pierre Bourdieu qui dit « contre la vieille distinction
diltheyenne, il faut poser que comprendre et expliquer ne font qu'un », c'est un peu comme le dit Jean-Paul
Resweber dans son livre « la transdisciplinarité » paru en 2001, la différence entre les vocables germaniques
« Erklären» et « Verstehen».
Page 1401 : "c'est dire que enquêteur n'a pas quelques chances d'être véritablement à la hauteur de son objet
que s'il possède à son propos un immense savoir, acquis, parfois, tout au long d'une vie de recherche et aussi,
plus directement, au cours des entretiens antérieurs avec l'enquêté lui-même ou avec des informateurs. La
plupart des entretiens publiés représentent un moment, sans doute privilégié, dans une longue suite
d'échanges, et n'ont rien de commun avec les rencontres ponctuelles, arbitraires et occasionnelles, des
enquêtes réalisées à la va-vite par des enquêteurs dépourvus de toute compétence spécifique."
Analyse : la conversation avant toute chose puis le dialogue en direct ainsi que mes compétences
paramédicales, me mettent à l'abri d'un travail vite fait, mal fait.
Page 1403 : "Ce que le « on », philosophiquement stigmatisé et littérairement déconsidéré, que nous sommes
tous tente de dire, avec ses moyens, désespérément, « inauthentiques », est sans doute, pour les « je » que
nous croyons être, par la plus commune des revendications de singularité, ce qu'il y a de plus difficile à
écouter."
Mon analyse : l'enquête est difficile, l'authenticité et l'inviolabilité de la parole sont à prendre avec distance
ce qui est intéressant ce sont toutes les facettes de ces mêmes paroles sur le même thème.
Page 1407 : "en lui offrant le situation de communication tout à fait exceptionnelle, affranchie des
contraintes, notamment temporel, qui pèse sur la plupart des échanges quotidiens, et en lui ouvrant des
alternatives qui n'incitent ou l'autorisent à exprimer des malaises, dément coût des demandes qui découvrent
les exprimant, l'enquêteur contribue à créer les conditions de l'apparition d'un discours extraordinaire, curé
plus ne jamais être tenu, et qui, pourtant, était déjà là, attendant ces conditions d'actualisation."
En notes de bas de page : "le travail « socratique » d'aide à l'explicitation, vise à proposer sans imposer, à
formuler des suggestions, parfois explicitement présentées comme telles (est-ce que vous voulez pas dire
que...) et destinées à offrir les prolongements multiples et ouverts aux propos de enquêté, à ces hésitations ou
à ces recherches d'expression."
"Il arrive même que loin d'être de simples instruments aux mains de l'enquêteur, ils mènent en quelque sorte
l'entretien et la densité et l'intensité de leurs discours, comme l'impression qu'il donne souvent d'éprouver
une sorte de soulagement, voire d'accomplissement, tout en eux évoque le bonheur d'expression. On peut
sans doute parler alors d'auto analyse provoquée et accompagnée... nos questions ou nos suggestions
(toujours ouvertes et multiples et souvent réduites à une attente silencieuse) pour opérer un travail
d'explicitation, gratifiant et douloureux à la fois, et pour énoncer, parfois avec une extraordinaire intensité
expressive, des expériences et des réflexions longtemps réservées ou réprimées"
Mon analyse : l'entretien est fatigant, prenant mais comme le dit Pierre Bourdieu dans certaines conditions
du bonheur et de la «félicité » baignent la situation d'entretiens. Certaines fois c'est le sujet qui mène le débat
et cela peut aller jusqu'à « l'auto analyse » que Pierre Bourdieu désigne par une « auto analyse accompagnée.
». Ce sont des choses qui remontent, des lapsus, des choses qui se lâchent comme dit Sylvain, des,
maintenant je peux dire les choses comme Bruno etc.
Médias et opinions : tact et domination
Pages 4111 et 4112 : " Et le récit s'est continué ainsi, très naturellement, entrecoupé d'interventions
destinées soit, tout simplement, à « accuser réception », par la simple répétition, sur le mode affirmatif ou
interrogatif, de la dernière phrase prononcée, soit à manifester de l'intérêt ou affirmer l'identité des points de
vue (« c'est dur quand on travaille toute la journée de bout... » ou « Chez mes parents s' était pareil... ») ;
cette participation par laquelle on s'engage dans la conversation, engageant ainsi son interlocuteur à s'y
engager, étant ce qui distingue le plus clairement la conversation ordinaire, ou l'entretien tel que nous l'avons
pratiqué, de l'entretien dans lequel l'enquêteur, par souci de neutralité, s'interdit tous engagement personnel.
Tout oppose cette forme de maïeutique à l'imposition de problématiques qu'opèrent, dans l'illusion de la «
neutralité », nombre d'enquêtes par sondage dans les questions forcées et artificielles produisent de toutes
pièces des artefacts qu'elles croient enregistrer - sans parler de ces interviews de télévision qui extorquent
aux interviewés des propos directement issus des propos que la télévision tient à leur sujet." ... "Je pense en
particulier à celles [les représentations de la réalité sociale] que produit la presse, écrite et surtout télévisée,
et qui s'imposent parfois aux plus démunis comme des énoncés tout préparés de ce qu'ils croient être leur
expérience."
Mon analyse : en effet méfiant nous comme dirait Jürgen Habermas dans sa théorie de l'agir
communicationnel, de ne pas imposer à l'autre son point de vue, car le dialogue de doit pas être à sens
unique et dominateur. C'est pour cette raison qu'une part de savoir est donnée dans le dialogue et permet à
l'autre qui sait de ne plus être dominé. C'est pour cette raison que j'ai choisie une interrogation par articles
journalistiques dans une première approche et présentation des entretiens.
Page 1414 : " elle sait aussi que les opinions les plus spontanées, donc, en apparence, les plus authentiques,
dont se satisfont l'enquêteur pressé les instituts de sondages et ses commanditaires, peuvent obéir à une
logique très proche de celle qu'a mise au jour la psychanalyse. C'est le cas, par exemple, de cette sorte
d'hostilité à l'égard des étrangers que l'on rencontre parfois chez les agriculteurs ou les petits commerçants
dépourvus de toute expérience directe des immigrés : on ne peut traverser les apparences de l'opacité et de
l'absurdité qu'elle oppose à l' interprétation compréhensive qu'à condition de voir que, par une forme de
déplacement, elle offre une solution aux contradictions propres à ces sortes de capitalistes à revenus de
prolétaires et à leur expérience de l'État, tenu pour responsable d'une redistribution inacceptable."
Analyse : on retrouve ces réflexions de nombreux entretiens en dehors des entretiens avec la personne
handicapée , lorsqu'on interroge pour tester des personnes choisies pour leur vue plus ou moins exacte de la
situation sociale. Le handicap à cet égard reprend le modèle de l'étranger , de l'immigré et de nombreux
exclus. Comme le signale Pierre Bourdieu , j'ai dû faire une hybridation des nombreuses techniques
d'entretiens car chaque personne était une singularité particulière de par son handicap bien entendu, mais
aussi par la forme de dialogue qui voulait instaurer avec moi.
Page 1315 : sur le métier de sociologue :
"le sociologue peut les [porter au jour ces choses enfouies] aider dans ce travail, à la façon d'un accoucheur,
à condition de posséder une connaissance approfondie des conditions d'existence dont ils sont le produit et
des effets sociaux que la relation d'enquête et, à travers celle-ci, sa position et ses dispositions primaires
peuvent exercer [...] ce métier est une véritable « disposition à poursuivre la vérité »(hexis tou alètheuein,
comme dit Aristote dans la métaphysique), qui dispose à improviser sur-le-champ, dans l'urgence de la
situation d'entretien, des stratégies de présentation de soi et les réparties adaptées, les approbations et les
questions opportunes, etc., de manière à aider l'enquêté à livrer sa vérité ou, mieux, à se délivrer de sa
vérité."... "Le sociologue ne peut ignorer que le propre de son point de vue est d'être un point de vue sur un
point de vue. Il ne peut reproduire le point de vue de son objet, et de le constituer comme tel, en le resituant
dans l'espace social, qu'à partir de ce point de vue très singulier (est en un sens, très privilégié) où il faut se
placer pour être en mesure de prendre (en pensée) tous les points de vue possibles"
Mon analyse : c'est tout ce travail de remonter de vérité ou d'une vérité qui prendra pour moi le nom de «
provoquer une étrangeté ». On voit ici la subjectivité et la difficulté d'être rigoureux inscrite entre science.
Pages 1416 à 1418 : sur l'écriture :
" c'est la même disposition qui est à l'oeuvre dans le travail de construction auquel est soumis l'entretien
enregistré - ce qui permettra d'aller plus vite l'analyse des procédures de transcription et d'analyse... Pour
restituer tout ce qui est perdu dans le passage de l'oral à l'écrit, c'est-à-dire la voix, la prononciation
(notamment dans ses variations socialement significatives), l'intonation, le rythme (chaque entretien à son
tempo particulier qui n'est pas celui de la lecture), le langage des gestes, de la mimique et de toute la posture
corporelle, etc."
"c'est donc au nom du respect dû à l'auteur que, paradoxalement, on a du parfois prendre le parti d'alléger le
texte de certains développements parasites, de certaines phrases confuses, des chevilles verbales ou des tics
de langage (les « bons » et les « euh ») qui, même s'ils donnent sa coloration particulière au discours oral et
remplissent une fonction éminente dans la communication, en permettant de soutenir un propos qui
s'essouffle ou de prendre l'interlocuteur à témoin , brouillent et embrouillent la transcription au point, en
certains cas, de la rendre tout à fait illisible pour qui n'a pas entendu le discours original."
Mon analyse : dans mon cas c'est plutôt pour que l'empathie et l'affectivité ne prenne pas trop le pas sur la
situation du handicap à décrire. En effet la parole dans certains cas était tellement difficilement inscriptible
que c'est cette parole même prononcée qui avait une grande valeur. Le cas de l'infirmité motrice cérébrale est
révélatrice étant donné les péripéties et longueurs pour « intercepter » cette parole.
Pages 1420 à 1421 : "choisir le laisser-faire, par souci de refuser toute limitation imposée à la liberté du
lecteur, ce serait oublier que, quoi qu'on fasse, toute lecture est déjà sinon contrainte, du moins orientée par
des schèmes interprétatifs."... "Il a donc paru indispensable d'intervenir dans la présentation des
transcriptions, par les titres et les sous-titres et surtout par le préambule, chargé de fournir aux lecteurs les
instruments d'une lecture compréhensive, capable de reproduire la posture dont le texte est le produit. Le
regard prolongé et accueillant qui est nécessaire pour s'imprégner de la nécessité singulière de chaque
témoignage, et que l'on réserve d'ordinaire aux grands textes littéraires ou philosophiques , on peut ainsi
l'accorder, par une sorte de démocratisation de la posture herméneutique, aux récits ordinaires d'ordures
ordinaires."
"Les rmistes résistent soit par la brièveté de leurs réponses, par l'économie de mots et par le silence, soit,
pour les plus endurcies, par diverses formes de mise en scène de la misère, dont la plus fréquente est le
discours pour assistante sociale." !
Mon analyse : 17 cas de handicaps particuliers ces 17 cas, c'est 17 façons pour lire, écrire et parler de
communications particulières qu'il a fallu quelque chose d'autre, une hybridation les méthodes, des entretiens
et des enquêtes pour recueillir cette parole et ses dialogues. Le temps, un temps particulier s'est avéré
nécessaire d'aller explorer . Le handicap constitue le terrain aussi pour la mise en scène la misère et pour la
mise en place d'un discours pour les institutionnels. Bien que cela paraisse difficile, le handicap ni n'échappe
pas à la bassesse, à la méchanceté, au détournement et aux actes délictueux comme pour le commun des
mortels ; d'ailleurs de nombreux sujets trouvent cela sain et en rient.
Sur la science : "la science n'a que faire de l'alternative entre la démesure totalisatrice d'un rationalisme
dogmatique et la démission esthète d'un irrationalisme nihiliste ; elle se satisfait des vérités partielles et
provisoires qu'elle peut conquérir contre la vision commune et contre la doxa intellectuelle et qui sont en
mesure de procurer les seuls moyens rationnels d'utiliser pleinement les marges de manoeuvres laissées à la
liberté, c'est-à-dire à l'action politique."
Pierre Bourdieu, la distinction, Minuit, Paris, 1979, aux Pages 625 à 640.
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