Chez les tortues marines, la migration est un processus indispensable tout au long de leur
cycle biologique. Décrire et caractériser le cycle spatial des tortues marines est donc
nécessaire pour définir une stratégie de conservation efficace à long terme. Nous avons
étudié, grâce à la télémétrie satellitaire, la dynamique spatiale de deux espèces à différents
stades de leur vie : 105 tortues vertes adultes Chelonia mydas en migration post
reproductive dans le Sud-ouest de l’océan Indien (SOOI), et 18 tortues caouannes
juvéniles Caretta caretta en phase océanique capturées accidentellement par la pêcherie
palangrière réunionnaise.Le suivi des tortues vertes femelles a permis d’obtenir 77 trajets
complets de migration post reproductive (Europa (17), Mayotte (17), Tromelin (21), les
Glorieuses (15), Mohéli (3), Vamizi (3) et Juan de Nova (1)). La longueur moyenne des
trajets migratoires observée est de 1405km, parcourus en moyenne en 24 jours. Les trajets
enregistrés ont montré une importante dispersion à travers la région. Deux couloirs
migratoires spécifiques ont pu être identifiés : (1) entre le nord de Madagascar et la
frontière Mozambique/Tanzanie, (2) entre Europa et le Nord du Mozambique. Les zones
d’alimentation les plus fréquentées sont situées à 35% au sein d’une aire marine protégée,
essentiellement le long des côtes nord du Mozambique, du sud de la Tanzanie et du nord
de Madagascar. La stratégie de déploiement des balises a également permis de démontrer
que les voies migratoires et les sites d’alimentation des tortues nidifiant pendant ou hors
du pic de ponte sont globalement similaires, même si celles se reproduisant en dehors du
pic de ponte parcourent plus de kilomètres en plus de temps que celles se reproduisant
pendant le pic. Les palangriers réunionnais capturent accidentellement essentiellement
des tortues caouannes juvéniles. Le suivi satellitaire de 18 de ces tortues a permis de
mettre en évidence un cycle de développement trans-équatorial, avec des individus
appartenant en majorité aux populations du nord-ouest de l’océan Indien, un stock
abondant et considéré actuellement comme non menacé. Ces résultats suggèrent que
l’impact de la pêche palangrière réunionnaise est faible au regard (1) de l’espèce
interagissant avec cette pêcherie, (2) du nombre d’interaction et (3) de l’origine supposé
des individus capturées. Cette étude a également permis un rapprochement avec les
pêcheurs par la mise en place d’une coopération forte avec le centre de soin de Kélonia,
limitant l’impact de cette pêcherie sur les tortues caouannes juvéniles. Cette étude a
permis d’évaluer la connectivité migratoire des tortues vertes adultes et caouannes
juvéniles dans l’océan Indien occidentale et de révéler d’importantes implications en
terme conservation régionale pour ces espèces.