Les grands modèles stratégiques

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Nadège Biojout
MST202
Décembre 2002
Les grands modèles stratégiques
Communication & Stratégie
La stratégie d'entreprise est un concept que les économistes utilisent couramment
et bien qu'il puisse paraître abstrait pour le non initié, il s'agit d'un concept qui d'une
manière ou d'une autre mène la vie économique d'une entreprise quelle que soit son
échelle et son statut.
Cependant, cette stratégie n'est pas née ex nihilo dès que la société en a ressenti le
besoin. Au contraire. Elle a évolué et s'est affinée au fil des décennies et sans doute des
siècles depuis les premières réflexions d'ordre économique comme celles de François
Quesnay (1694-1774), d'Adam Smith (1723-1790) et de bien d'autres.
Par ailleurs, il est intéressant de voir que chaque économiste qui exprime ses réflexions
le fait toujours alors qu'il est profondément ancré au cœur de la société dans laquelle il
évolue. Cet état de fait est très certainement logique ; d'ailleurs il serait bien difficile
d'imaginer une projection dans une société qui n'existerait pas encore.
Les économistes sont des hommes de leur temps qui réagissent en fonction des schémas
qui vivent et évoluent sous leurs yeux. Il est donc possible, à travers eux, de retracer
l'évolution d'une société.
Nous allons donc nous arrêter, à partir du cours donné, sur les grandes figures de
ces dernières décennies qui ont élevé la stratégie d'entreprise au rang de réelle réflexion
économique, dont les impacts se font sentir sur l'ensemble de la société puisque, petit à
petit, la stratégie d'entreprise, au même titre que la pensée stratégique, est devenue un
item incontournable sur un marché toujours plus concurrentiel et en constante évolution.
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Nadège Biojout
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Le tout premier modèle qui soit présenté est celui du britannique Alfred Marshall
(1842-1924), auteur des Principes d'économie politique (1890-1907). En fait, il ne s'agit
pas d'un modèle à proprement parler, mais plutôt de l'une des premières tentatives pour
formaliser, autant que cela soit possible, l'économie qui, depuis la fin du XVIIIème siècle,
particulièrement en Grande-Bretagne, est en plein bouleversement.
Ainsi, il vit, pense et écrit au moment de la grande révolution industrielle de la fin du
XIXème siècle qui se développe alors avec un féroce entrain : la période à laquelle vit
Marshall voit l'avènement de nombreux changements qui commencent à modifier
fortement la perception économique, sociale, voire psychologique de la société par ses
contemporains.
D'ailleurs, Marshall semble considérer la société comme une entité dans laquelle
l'adaptation à la compétition est un problème fondamental et il est indubitable que la
société du XIXème siècle finissant commence à voir le développement de nombreuses
entreprises : le concept de marché commence alors à prendre sa réelle signification.
Néanmoins, il est ici intéressant de noter que Marshall présente son sujet d'étude,
l'entreprise, comme une entité statique ce qui contredit la référence évolutionnaire de
son cadre de société. Statique en général, mais certainement pas en particulier, parce
que sous l'influence des théories évolutionnistes de son compatriote Charles Darwin
(1809-1882), Marshall semble envisager l'entreprise comme un organisme vivant qui
évolue tout au long de son existence.
Aussi toute création d'entreprise passe, en tout premier lieu, par "une idée pour un
produit" qui puisse être en adéquation avec la demande, sur un marché qui, alors, est en
expansion ou du moins qui entraperçoit de nouvelles possibilités ; mais cette idée doit
aussi être compatible avec la faisabilité technique.
En fin de compte, il considère que la vie de l'entreprise est essentiellement
centrée sur sa propre évolution pour le produit.
Autrement dit, il semble que tout soit centré autour de l'entreprise et on fait confiance au
produit pour se vendre "seul" à partir du moment où l'entreprise se retrouve bien dans le
carcan désigné de son cycle de vie, allié à une bonne organisation qui rappelle les
fameux principes de mesure pratique du temps d'exécution d'un travail élaborés par
Frederick Winslow Taylor (1856-1915) et mieux connus sous le nom de Taylorisme.
Si ce schéma est scrupuleusement suivi, la maturité tant du produit que de l'entreprise
se fera très naturellement sans qu'il soit besoin de communiquer sur les avantages du
produit.
Dans ce premier cas de figure, au cœur de la première révolution industrielle,
l'entreprise fait le produit. Elle possède un cycle de vie qui lui est propre, elle évolue mais
cette évolution est considérée comme fermée : il ne peut avoir d'autre organisation et
dans ce schéma, la place de la communication est plus que restreinte puisque c'est de
l'évolution intrinsèque de l'entreprise que dépend tout le reste.
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La seconde grande figure de la pensée stratégique qui nous est présentée, est
celle de John Dean. En 1950, celui-ci délaisse quelque peu l'entreprise pour s'orienter
tout particulièrement vers le produit qui, pour lui, est le centre de la stratégie de
l'entreprise.
En effet, pour John Dean, le produit paraît dominer par rapport à l'entreprise.
Alors que précédemment, l'entreprise était importante au point qu'un cycle de
vie rigoureux devait être suivi, ici, les premiers frémissements des Trente Glorieuses et
les prémices de la société de consommation placent le produit "en tête de gondole"
socio-économique.
Cependant et à l'instar d'Alfred Marshall, John Dean considère que le produit est
une entité qui naît, vit et dépérit, voire meurt.
Néanmoins et si Marshall n'envisageait pas la possibilité d'échec, la défaillance d'un
produit n'est pas étudiée non plus : le produit est lancé avec succès jusqu'à ce que les
ventes ralentissent et que le produit soit retiré au terme d'une fructueuse carrière.
Mais pour qu'il vive et soit rentable aussi longtemps que possible, une nouvelle donnée
fait son entrée de manière active : la publicité, autrement dit et selon les termes de
l'époque, la réclame à laquelle on peut ajouter le concept d'actions promotionnelles qui
servent à amplifier temporairement mais fortement les ventes.
Alors que précédemment, la communication n'était pas réellement envisagée, une
entreprise se suffisant à elle-même pour se développer et façonner un produit de qualité,
ici, le marché s'est élargi au rythme des demandes à facture exponentielle notamment en
réponse à la grande dépression économique des années 1930 et particulièrement suite à
la Seconde Guerre Mondiale.
La société a faim de nouveautés et en conséquence, le marché se multiplie et s'agrandit ;
il est donc indispensable de s'y adapter et d'envisager de communiquer afin de faire
connaître un nouveau produit. Cependant, répétons-le, dans l'enthousiasme général qui
se développe alors, l'échec n'est pas envisagé comme une possible alternative.
Alors que dans le premier cas, la concurrence n'était pas un item vraiment
développé, on peut argumenter ici que la communication a aussi une acceptation de lutte
concurrentielle. En effet, la concurrence semble être un élément fondamental lorsqu'il est
question de stratégie d'entreprise.
De même, le produit est susceptible d'évoluer au cours de sa période de maturation
jusqu'à présenter sa forme finale. Il s'agit encore d'une différence avec les observations
d'Alfred Marshall pour lequel le produit était issu d'une entreprise déjà mature : le
produit était, en quelque sorte, déjà défini et fini, alors même que la solvabilité de l'idée
de départ était vérifiée.
Une autre différence entre ces deux premiers cas est la présentation d'une phase
de déclin. Or chacune est dissemblable avec peut-être davantage de réalisme pour l'une
que pour l'autre.
Pour Alfred Marshall, le vieillissement d'une entreprise ne peut apparemment pas se
conjuguer avec la disparition de celle-ci, mais avec l'ultime étape de la maturation, à
savoir une succession et/ou l'addition de nouveaux associés.
Pour John Dean, il est tout à fait logique qu'un produit finisse par sortir du marché …
vieillissement trop important vis-à-vis de la concurrence ou simplement de la demande, il
est, pour lui, dans l'ordre des choses qu'un produit tire sa révérence à un moment ou à
un autre, lorsque les efforts de renouvellement et de publicité ne sont plus suffisants
pour en assurer la rentabilité (sans pour autant imaginer possible, croissance
économique oblige, un échec initial).
Ces deux premiers cas sont donc relativement différents dans leur
développement. L'un s'attache exclusivement à l'entreprise alors que l'autre s'intéresse
au produit. Certes tous les deux travaillent à partir de cycles de vie, mais ceux-ci, en
dehors du fait que le succès est quasi assuré, ne réagissent pas de la même manière
notamment vis-à-vis de la part communicationnelle.
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A partir de là et très vite, d'autres modèles plus accomplis vont se développer et affiner
ces premiers pas dans la pensée stratégique.
En effet, en 1965, alors que les Trente Glorieuses sont entrées dans leur phase de
maturité, suit l'élaboration du modèle L.C.A.G.
Ce modèle a cela d'intéressant qu'il est effectivement considéré comme étant le premier
modèle stratégique de l'histoire économique : il est le premier à proposer un
cheminement stratégique dans la prise de décision.
Cette progression se présente sous la forme d'une série d'étapes d'analyse diagnostiques
tant internes qu'externes, axés autour des forces, faiblesses, opportunités et menaces.
Ce point est très novateur par rapport aux deux cas précédents qui eux, ne proposaient
aucune analyse de situation à un moment donné. A l'inverse, les cycles qui étaient alors
présentés, proposaient un cheminement progressif mais sans laisser la place à des
interférences externes par exemple.
Après avoir intégré les systèmes de valeur et les objectifs et finalités
entrepreneuriaux dans sa progression, ce modèle délivre donc la formulation d'une (et
une seule) préconisation stratégique décisionnelle.
A la manière du cas de John Dean, la concurrence est prise en compte comme élément
externe, de même que l'environnement général. Ce dernier point est aussi une
nouveauté puisque auparavant, l'entreprise et/ou le produit avaient tendance à évoluer
sans référence à ce qui pouvait les entourer.
Cependant, toute dimension sociale et tout problème logistique directement lié à ce
modèle sont exclus de la mise en œuvre proprement dite.
Pourtant, il y a un point commun avec les deux cas précédents : la démarche
L.C.A.G. repose sur des diagnostics et sur une évaluation de tous les facteurs qui
pourraient entrer en ligne de compte pour prendre une décision. De fait, aucune place à
l'aléatoire n'est permise : tout est pensé et les surprises ne sont pas de mises.
Ce modèle ouvre la période des diagnostics stratégico-économiques et cette
démarche va faire de nombreux émules, on le constatera plus loin.
Ce modèle n'est sans doute pas parfait puisqu'il suppose que seule la meilleure solution
peut être choisie, mais il est le premier à envisager l'entreprise et le produit qui lui est
attaché, comme le résultat d'une réflexion logique dont l'issue est toujours sans réelle
possibilité d'échec, dès lors que le schéma est scrupuleusement suivi.
La seule potentialité d'échec serait, mais cela est aussi valable pour Marshall que Dean,
d'omettre l'un des points névralgiques.
Sans la publicité et la communication, les réflexions de John Dean sont cadenassées dans
une voie sans issue. Sans idée solvable ou sans capacité de coordination, la théorie du
cycle de vie de l'entreprise de Marshall n'a plus de raison d'être non plus. Pareillement
sans l'une des étapes d'analyse du modèle L.C.A.G., la meilleure solution ne peut être
entrevue.
Ces trois premiers cas sont donc relativement rigides.
Enfin et comparativement aux travaux de John Dean, il semble qu'ici, la
communication tienne une place minorée.
Pour le modèle L.C.A.G., la seule chose qui compte réellement est la démarche logique
qui mène vers la décision stratégique la meilleure. Si tout est décidé par ce processus
logique et s'il s'agit de la meilleure stratégie possible, pourquoi alors communiquer à
grands frais ?
Néanmoins, ce modèle reconnaît aussi qu'il existe des forces et des faiblesses, des
avantages et des inconvénients. De ce fait et sur un marché qui reste, somme toute,
concurrentiel, la communication demeure un moyen d'assurer un avenir au produit et
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d'affirmer la décision stratégique. Il semble donc hasardeux de renier totalement la
communication.
Egalement en 1965, Igor Ansoff, l'un des premiers à avoir fortement insisté sur
l'importance de la stratégie, propose à son tour un modèle dit du vecteur de croissance.
Ce dernier se détache du modèle L.C.A.G. en ce qu'il suppose, d'une manière plus ou
moins explicite, que l'échec est une possibilité qui mérite d'être prise en compte et que,
sans doute, il ne faut pas se laisser aveugler par un contexte économique globalement
satisfaisant.
En effet, son modèle intègre les éventuels écarts qui peuvent exister et qui, par
là, sont légitimes, entre les objectifs fixés et les réalisations qui s'ensuivent.
Néanmoins, il fonde pareillement son modèle sur une succession d'étapes logiques qui
doivent mener à une décision stratégique aussi bonne que possible ; mais le mécanisme
s'est quelque peu complexifié depuis le modèle L.C.A.G.
Ansoff reprend le processus diagnostique des forces, faiblesses, opportunités et menaces.
Les premières analyses qu'il en tire, doivent le mener à prendre en considération le
produit par rapport à un marché, tout en sachant que ledit marché est en évolution
constante, ce qui présente une autre évolution vis-à-vis du modèle précédent qui se
centrait essentiellement autour d'une réflexion de la stratégie d'entreprise en tant que
telle sans vraiment s'intéresser à une vision globale.
De plus, dans sa théorie, il introduit l'idée que l'entreprise doit réfléchir au niveau
corporate et non produit par produit. Autrement dit, il préconise que l'entreprise
s'intéresse en priorité à l'ensemble des activités qui contribuent à fixer les orientations et
les directions qu'elle va suivre. C'est pour lui, le seul moyen pour que l'entreprise trouve
son vecteur de croissance qui doit donc être en adéquation avec le marché puisque la
stratégie doit être compatible avec la vocation et la croissance plénière de l'entreprise.
En outre, Ansoff, à la différence du modèle L.C.A.G., prend véritablement en compte les
objectifs non économiques, autrement dit sociaux et environnementaux, qui demeurent
des éléments immédiatement liés au marché et à son évolution.
Finalement, ce modèle permet d'identifier les missions de l'entreprise qui sont
la recherche d'un lien commun entre les différents couples produits-marchés ; d'où
la reconnaissance des vecteurs de croissance qui sont les ensembles de couples produitsmarchés vers lesquels l'entreprise souhaite s'orienter, le tout étant conclu dans un but
compétitif et synergique. Autrement dit, la communication tient une place à part entière.
Ansoff propose donc quatre grandes stratégies, quatre vecteurs de croissance possibles
qui sont en adéquation tant avec les produits et marchés qu'avec leurs diverses liaisons.
De chacun de ces vecteurs dépend une situation stratégique et économique qui, sur un
marché, ne réagit pas de la même manière. Et cette approche, de la pénétration du
marché à la diversification, est vraiment le concept fondamental issu des recherches
d'Igor Ansoff avec, il ne faut pas l'oublier, l'idée que la réalité des faits n'est pas toujours
en adéquation avec l'élaboration des théories, mais ces écarts doivent, nonobstant, être
analysés et réintégrés dans le circuit stratégique.
Avec ce modèle, l'aléatoire est possible et la rigidité du modèle L.C.A.G. n'est plus
retenue comme une bonne stratégie à part entière, du moins dans sa formulation de
base.
En conclusion, Ansoff innove totalement, en supposant que l'avenir reste incertain et
conflictuel notamment dans un engagement à long terme. Les décisions stratégiques
concernent principalement le choix des offres que l'entreprise veut satisfaire et des
moyens qu'elle va mettre en œuvre pour y parvenir ; les offres étant identifiées par les
couples produits-marchés, alors que les moyens concernent les structures à mettre en
place et les technologies à maîtriser.
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Le modèle stratégique qui suit est celui élaboré par Bruce Henderson et connu
sous le nom de matrice du B.C.G.
A nouveau, un modèle inédit amène des évolutions au sein de la pensée stratégique. Et
de fait, pour la première fois, ce modèle allie le produit à son contexte et à sa part de
marché relative, ce qui implique une approche quantitative alors celles des modèles
L.C.A.G. et Ansoff étaient plus qualitatives.
Pour le B.C.G., dont les orientations stratégiques sont de se débarrasser des produits
considérés comme des poids morts, tout en recherchant le leadership sur d'autres
produits, la domination doit se faire par le coût. Ce point particulier n'est pas forcément
positif puisque il serait préférable de s'appuyer sur la qualité tout autant que sur la
quantité.
Quoi qu'il en soit et pour déterminer cela, deux axes d'analyse sont envisagés : d'une
part le marché et le taux de croissance des segments qui intéressent directement
l'entreprise et ses produits et, d'autre part la position de l'entreprise et de ses parts de
marché sur ces mêmes segments.
Même si son importance ne semble pas aussi développée, l'analyse se fonde
également sur un travail de diagnostic.
Il faut évaluer le produit en fonction du marché, des dépenses engendrées, des recettes
et de la part de marché. Pour la première fois dans la pensée stratégique, le produit est
en totale adéquation avec le marché.
En fait, cette nouvelle matrice permet d'envisager l'équilibre stratégique d'un produit sur
un marché donné et c'est en cela qu'elle innove par rapport aux autres modèles qui
s'attachaient exclusivement aux stratégies en amont alors qu'ici l'aval est aussi
considéré, peut-être pour permettre de meilleurs positionnements, ce qui implique un
environnement économique favorable, ce qui, dans la réalité objective, est loin d'être
toujours le cas.
Du reste, selon ce modèle, seule l'entreprise leader sur le DAS a une position
concurrentielle forte et réellement valorisante.
Fort logiquement, ici la communication reprend une place considérable.
Par exemple, pour un produit "vedette", les investissements doivent être importants si ce
positionnement veut être conservé : la consommation est forte, donc la rentabilité
maximum, mais le marché étant évolutif, des efforts de communication doivent être faits
de manière judicieuse.
La situation est un peu similaire pour un produit "dilemme". En effet, si l'entreprise
souhaite accéder à une part de marché plus satisfaisante, elle doit massivement investir
en communication et créer un appel vers ce produit, voire créer un besoin. D'ailleurs, si
la communication et les investissements en général ne sont pas suffisants, le produit
risque tout simplement de sortir du marché.
Pour le produit "vache à lait", les investissements ne doivent pas être aussi importants :
la rentabilité est confortable presque routinière, mais le marché ne grandit plus, voire se
réduit. Il n'est pas nécessaire de communiquer à grands frais. En outre, dans ce genre de
situation, il convient d'apprécier le meilleur moment pour sortir du marché, avant que le
produit ne devienne un poids mort.
En effet, le produit "poids mort" ne doit pas engager des frais de consommation puisque
sa rentabilité est déjà nulle. Le relancer avec une communication à outrance est
certainement possible, mais il y a alors, en position plus avantageuse, des produits
dilemmes et les vedettes… Le challenge s'avère donc ardu. Il paraît donc tout aussi
raisonnable de sortir du marché ou de céder les parts à un acquéreur mieux placé.
En fin de compte, avec la matrice du B.C.G., la communication fait à nouveau son entrée.
Elle est même le vecteur principal du positionnement puisque celui-ci est considéré de
manière quantitative relativement aux coûts.
Et, comparativement aux autres modèles, l'évolution est ici faite en terme de parts de
marché et non plus de stratégie analytique pure.
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La matrice du B.C.G. est la première du genre à symboliser et concrétiser
graphiquement une analyse stratégique sur une matrice avec le marché pour moteur. On
ne fait plus seulement que s'interroger sur le marché, à la manière d'Ansoff, mais on le
dissèque en le repositionnant avec, en son centre, le produit qui ne compte pas tant en
lui-même que dans sa situation sur le marché.
Alors que la première analyse par étapes issue du modèle L.C.A.G. créait des disciples, la
première matrice, de même, a ses adeptes.
En effet, les travaux de McKinsey aboutissent à un modèle qui fonctionne à partir
d'une matrice dite attraits et atouts.
Comme son prédécesseur, les travaux de McKinsey impliquent une variable
concurrentielle qui met en jeu le marché et son analyse. Mais, McKinsey tente, à
l'évidence, d'aller plus loin et d'améliorer la matrice du B.C.G. en la complexifiant dans
ses interprétations : le marché et les coûts engendrés ne sont plus les seuls à être pris
en considération, d'où une évolution et surtout l'affinage des réflexions stratégiques.
Ainsi, cette matrice part du principe que chaque segment du marché possède un attrait
potentiel qu'il convient, éventuellement, d'exploiter (taille, croissance, acteurs, possibilité
de différenciation, etc.) et il faut ajouter à cela, les atouts de l'entreprise concernée sur
ce même segment de marché (part de marché, part relative, coûts de fabrication,
avantages technologiques, image de marque, etc.).
L'analyse qui suit permet de positionner et de symboliser graphiquement l'entreprise sur
la matrice qui peut alors donner des conseils stratégiques. En ce sens, c'est la première
fois qu'un modèle stratégique donne de véritables conseils au regard d'une situation
actuelle.
Sorte de consultation empirique, la matrice de McKinsey n'est valable que si
l'environnement économique et social est observé ce qui se rapproche néanmoins de la
matrice du B.C.G.
Pour ce qui est de la communication, sa place est relativement similaire à ce qui
se passait avec la matrice précédente.
Lorsque les relations attraits et atouts sont de l'ordre de "fort à fort" ou "moyen à fort",
les investissements communicationnels sont à envisager de manière sérieuse puisque
l'entreprise est alors en position de leadership ou de concurrence active et pour maintenir
un niveau correct sur le marché, les investissements nécessaires doivent être faits.
En fait, on se retrouve un peu dans la situation précédente. Les investissements doivent
être dosés en fonction de la position acquise et en fonction de la position future
souhaitée.
Les relations "faible à fort" et "moyen à moyen" se trouvent dans une situation dilemme
dans laquelle le maître mot semble être de rentabiliser une position peut-être un peu
hésitante. De fait, la communication doit être recentrée sur l'essentiel pour éviter le
naufrage économique total du produit.
Enfin, les relations "faible à faible" et "moyen à faible" sont des activités perdantes et
l'objectif, à terme, est de les sortir du marché. La communication n'a donc pas
réellement sa place sur ces trois dernières cases. Dans le cas des relations "faible à
faible", le désinvestissement est même une solution à envisager.
Finalement, si cette matrice s'est complexifiée au regard de la précédente, elles sont
toutes les deux similaires dans les prescriptions stratégiques finales, notamment vis-à-vis
de la communication et de l'analyse concurrentielle.
La matrice d'Arthur Doo Little est la troisième qui nous soit présentée. Cela étant,
d'un point de vue théorique et réflexif, elle se situe plus judicieusement entre la matrice
du B.C.G. et celle de McKinsey.
Pourquoi ?
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La matrice du B.C.G. travaillait exclusivement à partir du marché et du produit en son
sein. A partir de là, le vecteur était le coût et la domination par les investissements.
La matrice de McKinsey, affinait cela et incluait les atouts de l'entreprise sur un segment
de marché à l'attractivité du marché, tout en conservant l'apport analytique lié à la
position concurrentielle.
La matrice d'Arthur Doo Little reprend l'intérêt du secteur sur lequel est positionné
l'entreprise comme le faisait le B.C.G. mais à partir d'un seul critère et elle reprend la
position concurrentielle, proche des atouts du modèle de McKinsey ; et elle reprend aussi
un attrait particulier du marché, à savoir la maturité du métier sur le secteur.
Ces deux axes permettent l'élaboration d'une matrice imposante qui donne plus de
libertés à la subjectivité. Le modèle B.C.G. l'élimine autant que faire ce peut, tandis que
McKinsey la laissait s'insinuer, notamment lorsqu'il était question d'analyser les atouts de
l'entreprise.
Toutefois, il est intéressant de noter qu'Arthur Doo Little, travaille à partir du cycle
de vie qui avait été mis en évidence par John Dean qui partait du démarrage pour aller,
selon une courbe progressive, vers le vieillissement, en passant par la croissance et la
maturité. Mais ici, ce n'est plus le produit qui est au centre de ce cycle, mais l'activité,
autrement dit le métier revendiqué par l'entreprise.
Et à l'instar de ce qui se passe avec McKinsey, la position concurrentielle et les décisions
stratégiques qui en découlent sont faites a posteriori et, dans les deux cas, il s'agit
prioritairement d'avis stratégiques consultatifs.
D'ailleurs, les prescriptions de Doo Little sont très proches de celles de McKinsey : les
stratégies proposées par cette dernière matrice sont celles du développement naturel, du
développement sélectif ou du désengagement.
Dans un tel contexte, la communication se fait sur un schéma semblable. Les
investissements doivent être strictement dirigés vers les positions concurrentielles
solvables. Le développement naturel implique une bonne position concurrentielle et de
fait, il peut s'agir d'un segment d'avenir d'où l'intérêt d'investir en communication.
Le développement sélectif rappelle les produits "dilemme" du B.C.G. et les rapports
"faible à fort" et "moyen à moyen" de McKinsey. Il s'agit donc d'investir, notamment en
communication de manière à développer certains secteurs jugés compétitifs.
Enfin, le désengagement, comme son nom l'indique, ne nécessite pas de communication
puisque la position concurrentielle est trop faible pour avoir de la valeur.
La quatrième matrice à être présentée est celle de Michael E. Porter qui date des
années 1980. Elle est la première à fonder son analyse sur une approche du contexte
concurrentiel à un moment où la société subit une crise économiquement grave et à un
moment où les grandes réussites sont grandement médiatisées.
Ainsi Porter préconise d'analyser la pression concurrentielle à laquelle doit faire
face une entreprise dans son secteur. Dans son analyse, il y a cinq forces concurrentielles
qui influent sur les décisions stratégiques à venir : les fournisseurs, les clients, la
concurrence directe de l'entreprise, les entrants potentiels et les substituts.
Sans cette analyse préalable, il considère que toute décision stratégique serait vaine. Et
cette étude permet aussi de préconiser trois solutions stratégiques génériques : dominer
les concurrents avec des coûts inférieurs (et on se rapproche ici de la matrice du B.C.G.),
se spécialiser dans un domaine, se différencier des concurrents.
Avec la différenciation, en ce recentrant sur un élément clef du secteur,
l'entreprise peut être perçue comme unique aux yeux de la clientèle ce qui peut
potentiellement engendré une certaine fidélisation, mais aussi la possibilité de pratiquer
des prix plus élevés. Pour une telle stratégie, la communication tient une place
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prédominante. Sans elle, il n'est pas question d'asseoir l'entreprise sur un segment
particulier qui requiert une certaine innovation.
Mais le problème est similaire pour la spécialisation. D'une part, il faut être certain
d'avoir sélectionné le bon champ d'activité et d'autre part, il faut communiquer pour
parvenir à se faire une place sur un segment qui peut être atypique.
Enfin, la domination par les coûts implique une position très favorable sur le marché et
une part de marché confortable. A partir de là, il est possible de baisser les prix et de se
permettre de moins communiquer que les concurrents tout en gardant à l'esprit que la
communication est bien souvent le nerf d'une position concurrentielle d'autant plus que
la domination par les coûts s'appuie sur des économies d'échelle (ce qui, à nouveau,
rappelle la matrice du B.C.G.).
Il intéressant de remarquer que Michael Porter est également à l'origine d'une
chaîne de création de valeur qui bouleverse l'ère des matrices qui se focalisaient
largement, sauf celle de Porter justement, sur des considérations externes, de l'ordre du
marché.
Cette chaîne rappelle un peu les travaux de L.C.A.G. et d'Ansoff en faisant une analyse
interne de l'entreprise qui puisse permettre d'identifier les activités créatrices de valeur
qui sont, par conséquent, susceptibles de procurer un avantage concurrentiel durable.
Marshall parlait déjà du cycle de vie de l'entreprise, mais il n'était pas vraiment question
d'adapter, tant les forces que les faiblesses, à une meilleure prestation du service rendu
à la clientèle.
Avec Porter, même les faiblesses sont positives parce qu'il suffit alors de les travailler et
de les amoindrir autant que faire ce peut.
La dernière matrice présentée est la matrice SWOT, acronyme de Strengths
(Forces), Weaknesses (Faiblesses), Opportunities (Opportunités) et Threats (Menaces).
En fait, on a ici l'impression d'un retour aux sources avec la reprise des approches
diagnostiques des modèles L.C.A.G. et d'Igor Ansoff qui déjà fondaient leur réflexion
stratégique sur un diagnostic similaire.
Ces trois modèles stratégiques ne sont, en dépit de leur ressemblance, pas
identiques.
Le modèle L.C.A.G., au terme d'une analyse multicritères, se faisait fort de ne présenter
qu'une seule et meilleure solution décisionnelle.
Le modèle d'Ansoff, au contraire, admettait que l'échec était acceptable et surtout qu'il
pouvait y avoir un écart entre les objectifs rationnels et les réalisations raisonnables.
De même, la matrice SWOT envisage différents cas de figures qui doivent être
soigneusement évalués afin de sélectionner, en dernier recours, le moins mauvais et ceci
est possible après la détermination de tous les facteurs qui ont une influence stratégique
sur l'entreprise qu'ils soient internes ou externes.
Mais si ce modèle est aujourd'hui le plus largement utilisé, certains inconvénients
lui sont attachés. Par exemple, si la présentation de la matrice est simple et limitée à
quatre cases, l'élaboration de l'analyse est elle bien plus complexe. De même, dans
certaines conditions, des éléments peuvent être à la fois force et faiblesse, opportunité et
menace, voire interne et externe. Il s'agit alors de savoir s'il est raisonnable de jouer sur
ces ambiguïtés.
La perfection n'est qu'une utopie.
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Au terme de ces quelques lignes sur la pensée stratégique, il est indéniable que
celle-ci a évolué. En fait, si la stratégie d'entreprise a évolué tout au long des décennies,
le plus souvent en adéquation avec la société dans sa globalité, elle demeure une course
à la rentabilité, voire à la survie sur un marché qui est bien souvent occupé par des
concurrents.
Globalement, les stratégies peuvent se concentrer autour de trois facteurs essentiels :
l'activité, le comportement intrinsèque de l'entreprise et la position concurrentielle.
Les divers modèles qui ont été présentés ne sont jamais radicalement différents
les uns des autres. Les apports de l'un servent à la théorisation de l'autre. Il est
impossible d'affirmer qu'un modèle est "fini". Un modèle, une matrice n'est que le reflet
d'une pensée remarquablement intégrée dans son environnement contemporain et en
conséquence, chacune d'entre elles sera reprise, affinée, améliorée, corrigée dans les
années et décennies à venir.
Mais globalement, après avoir observé quelques cent années de réflexion
stratégique, il est possible de dégager, autant que faire ce peut, le sens de l'évolution
générale.
D'une part, le choix stratégique unique que glorifiait encore le modèle L.C.A.G. est tombé
en désuétude. Il est maintenant reconnu que la stratégie d'entreprise ne peut se
résoudre à un ensemble de faits statiques. Ceux-ci existent mais ils ne suffisent pas et
sont accompagnés par une multitude de faits dynamiques qui peuvent altérer cette
prétendue stabilité. Il y a donc des choix stratégiques et ce n'est qu'au terme d'autres
analyses de ce panel de choix éventuels, qu'il est envisageable de choisir le moins
mauvais.
Mais ce point n'est pas le seul qui ait fait preuve d'évolution. En effet, au fil du temps et
des modèles, le marché, en tant que lieu théorique où se rencontrent l'offre et la
demande, a fait son apparition tout en devenant un critère d'analyse prépondérant, ce
qui est patent avec, notamment, la matrice du B.C.G.
Aux côtés du marché, la concurrence a, elle aussi, fait preuve de son importance pour
devenir, elle aussi, un critère d'analyse. Le modèle L.C.A.G., en 1965, commençait à la
concevoir de manière timide, puis, la matrice d'intensité concurrentielle de Michael Porter
en fait une base analytique à facettes multiples, dont la pression sur l'entreprise
détermine la rentabilité et permet d'envisager des solutions stratégiques.
D'autres évolutions ont également vu le jour et il en est ainsi de l'analyse au critère
unique. Marshall n'étudiait que le cycle de vie de l'entreprise, tandis que Dean se
concentrait sur le cycle de vie du produit. Mais très vite, ceci est obsolète et il devient
patent que cela ne suffit plus pour mener une analyse stratégique dans de bonnes
conditions. L.C.A.G. crée une formulation analytique par étapes et cela sera repris par
tous les autres à des degrés plus ou moins élevés, sauf peut-être et dans une certaine
mesure, par le modèle du B.C.G. qui se focalise prioritairement sur le marché, bien qu'il
soit compris selon diverses acceptations.
Université de Limoges
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Nadège Biojout
MST202
Décembre 2002
Enfin, le dernier point qui a fait une apparition dans le monde de la pensée stratégique et
aussi curieux que cela puisse paraître, est la subjectivité, ainsi que la part donnée à
l'expérience. Auparavant, il n'était pas question de laisser le champ libre à l'imagination
ou à tout ce qui pouvait sortir du carcan strictement délimité par le modèle. Or, au fil des
ans, les modèles eux-mêmes et surtout les matrices, ont intégré la subjectivité comme
part incontournable de l'analyse. Certes, elle ne doit sans doute pas être sans contrôle au
risque de mener à des analyses stratégiques fantaisistes et potentiellement dangereuses
pour l'avenir d'une entreprise, mais, néanmoins, elle est désormais considérée comme un
facteur déterminant de la décision stratégique.
Dans cette évolution de la pensée stratégique, la communication prend,
globalement, une place grandissante. En fait, elle n'est pas toujours à considérer selon le
même niveau, même à l'intérieur d'un modèle. Tout dépend des décisions stratégiques et
des positions concurrentielles. Cela étant et globalement, la communication a su faire
preuve de son utilité et de son importance dans une décision stratégique ou dans ses
suites.
La pensée stratégique a grandement changé et évolué en l'espace d'un siècle. Les
modèles se sont faits, défaits et entrecroisés mais il est encore impossible de dire qu'un
modèle final puisse être conçu.
Il paraît sans aucun doute plus intéressant d'observer les soubresauts économiques de la
société et d'essayer d'imaginer quelles vont pouvoir être les prochaines stratégies
d'entreprises …
Université de Limoges
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