Nadège Biojout Décembre 2002
MST202
Université de Limoges
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Les grands modèles stratégiques
Communication & Stratégie
La stratégie d'entreprise est un concept que les économistes utilisent couramment
et bien qu'il puisse paraître abstrait pour le non initié, il s'agit d'un concept qui d'une
manière ou d'une autre mène la vie économique d'une entreprise quelle que soit son
échelle et son statut.
Cependant, cette stratégie n'est pas née ex nihilo dès que la société en a ressenti le
besoin. Au contraire. Elle a évolué et s'est affinée au fil des décennies et sans doute des
siècles depuis les premières réflexions d'ordre économique comme celles de François
Quesnay (1694-1774), d'Adam Smith (1723-1790) et de bien d'autres.
Par ailleurs, il est intéressant de voir que chaque économiste qui exprime ses réflexions
le fait toujours alors qu'il est profondément ancré au cœur de la société dans laquelle il
évolue. Cet état de fait est très certainement logique ; d'ailleurs il serait bien difficile
d'imaginer une projection dans une société qui n'existerait pas encore.
Les économistes sont des hommes de leur temps qui réagissent en fonction des schémas
qui vivent et évoluent sous leurs yeux. Il est donc possible, à travers eux, de retracer
l'évolution d'une société.
Nous allons donc nous arrêter, à partir du cours donné, sur les grandes figures de
ces dernières décennies qui ont élevé la stratégie d'entreprise au rang de réelle réflexion
économique, dont les impacts se font sentir sur l'ensemble de la société puisque, petit à
petit, la stratégie d'entreprise, au même titre que la pensée stratégique, est devenue un
item incontournable sur un marché toujours plus concurrentiel et en constante évolution.
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Le tout premier modèle qui soit présenté est celui du britannique Alfred Marshall
(1842-1924), auteur des Principes d'économie politique (1890-1907). En fait, il ne s'agit
pas d'un modèle à proprement parler, mais plutôt de l'une des premières tentatives pour
formaliser, autant que cela soit possible, l'économie qui, depuis la fin du XVIIIème siècle,
particulièrement en Grande-Bretagne, est en plein bouleversement.
Ainsi, il vit, pense et écrit au moment de la grande révolution industrielle de la fin du
XIXème siècle qui se développe alors avec un roce entrain : la période à laquelle vit
Marshall voit l'avènement de nombreux changements qui commencent à modifier
fortement la perception économique, sociale, voire psychologique de la société par ses
contemporains.
D'ailleurs, Marshall semble considérer la société comme une entité dans laquelle
l'adaptation à la compétition est un problème fondamental et il est indubitable que la
société du XIXème siècle finissant commence à voir le développement de nombreuses
entreprises : le concept de marché commence alors à prendre sa réelle signification.
anmoins, il est ici intéressant de noter que Marshall présente son sujet d'étude,
l'entreprise, comme une entité statique ce qui contredit la référence évolutionnaire de
son cadre de société. Statique en général, mais certainement pas en particulier, parce
que sous l'influence des théories évolutionnistes de son compatriote Charles Darwin
(1809-1882), Marshall semble envisager l'entreprise comme un organisme vivant qui
évolue tout au long de son existence.
Aussi toute création d'entreprise passe, en tout premier lieu, par "une idée pour un
produit" qui puisse être en adéquation avec la demande, sur un marché qui, alors, est en
expansion ou du moins qui entraperçoit de nouvelles possibilités ; mais cette idée doit
aussi être compatible avec la faisabilité technique.
En fin de compte, il considère que la vie de l'entreprise est essentiellement
centrée sur sa propre évolution pour le produit.
Autrement dit, il semble que tout soit centré autour de l'entreprise et on fait confiance au
produit pour se vendre "seul" à partir du moment où l'entreprise se retrouve bien dans le
carcan désigné de son cycle de vie, allié à une bonne organisation qui rappelle les
fameux principes de mesure pratique du temps d'exécution d'un travail élaborés par
Frederick Winslow Taylor (1856-1915) et mieux connus sous le nom de Taylorisme.
Si ce schéma est scrupuleusement suivi, la maturitant du produit que de l'entreprise
se fera très naturellement sans qu'il soit besoin de communiquer sur les avantages du
produit.
Dans ce premier cas de figure, au cœur de la première révolution industrielle,
l'entreprise fait le produit. Elle possède un cycle de vie qui lui est propre, elle évolue mais
cette évolution est considérée comme fermée : il ne peut avoir d'autre organisation et
dans ce schéma, la place de la communication est plus que restreinte puisque c'est de
l'évolution intrinsèque de l'entreprise que dépend tout le reste.
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La seconde grande figure de la pensée stratégique qui nous est présentée, est
celle de John Dean. En 1950, celui-ci délaisse quelque peu l'entreprise pour s'orienter
tout particulièrement vers le produit qui, pour lui, est le centre de la stratégie de
l'entreprise.
En effet, pour John Dean, le produit paraît dominer par rapport à l'entreprise.
Alors que précédemment, l'entreprise était importante au point qu'un cycle de
vie rigoureux devait être suivi, ici, les premiers frémissements des Trente Glorieuses et
les prémices de la société de consommation placent le produit "en tête de gondole"
socio-économique.
Cependant et à l'instar d'Alfred Marshall, John Dean considère que le produit est
une entité qui naît, vit et dépérit, voire meurt.
Néanmoins et si Marshall n'envisageait pas la possibilité d'échec, la défaillance d'un
produit n'est pas étudiée non plus : le produit est lancé avec succès jusqu'à ce que les
ventes ralentissent et que le produit soit retiré au terme d'une fructueuse carrière.
Mais pour qu'il vive et soit rentable aussi longtemps que possible, une nouvelle donnée
fait son entrée de manière active : la publicité, autrement dit et selon les termes de
l'époque, la réclame à laquelle on peut ajouter le concept d'actions promotionnelles qui
servent à amplifier temporairement mais fortement les ventes.
Alors que précédemment, la communication n'était pas réellement envisagée, une
entreprise se suffisant à elle-même pour se développer et façonner un produit de qualité,
ici, le marché s'est élargi au rythme des demandes à facture exponentielle notamment en
réponse à la grande dépression économique des années 1930 et particulièrement suite à
la Seconde Guerre Mondiale.
La société a faim de nouveautés et en conséquence, le marché se multiplie et s'agrandit ;
il est donc indispensable de s'y adapter et d'envisager de communiquer afin de faire
connaître un nouveau produit. Cependant, répétons-le, dans l'enthousiasme général qui
se développe alors, l'échec n'est pas envisagé comme une possible alternative.
Alors que dans le premier cas, la concurrence n'était pas un item vraiment
développé, on peut argumenter ici que la communication a aussi une acceptation de lutte
concurrentielle. En effet, la concurrence semble être un élément fondamental lorsqu'il est
question de stratégie d'entreprise.
De même, le produit est susceptible d'évoluer au cours de sa période de maturation
jusqu'à présenter sa forme finale. Il s'agit encore d'une différence avec les observations
d'Alfred Marshall pour lequel le produit était issu d'une entreprise déjà mature : le
produit était, en quelque sorte, déjà défini et fini, alors même que la solvabilité de l'idée
de départ était vérifiée.
Une autre différence entre ces deux premiers cas est la présentation d'une phase
de déclin. Or chacune est dissemblable avec peut-être davantage de réalisme pour l'une
que pour l'autre.
Pour Alfred Marshall, le vieillissement d'une entreprise ne peut apparemment pas se
conjuguer avec la disparition de celle-ci, mais avec l'ultime étape de la maturation, à
savoir une succession et/ou l'addition de nouveaux associés.
Pour John Dean, il est tout à fait logique qu'un produit finisse par sortir du marché
vieillissement trop important vis-à-vis de la concurrence ou simplement de la demande, il
est, pour lui, dans l'ordre des choses qu'un produit tire sa révérence à un moment ou à
un autre, lorsque les efforts de renouvellement et de publicité ne sont plus suffisants
pour en assurer la rentabilité (sans pour autant imaginer possible, croissance
économique oblige, un échec initial).
Ces deux premiers cas sont donc relativement différents dans leur
développement. L'un s'attache exclusivement à l'entreprise alors que l'autre s'intéresse
au produit. Certes tous les deux travaillent à partir de cycles de vie, mais ceux-ci, en
dehors du fait que le succès est quasi assuré, ne réagissent pas de la même manière
notamment vis-à-vis de la part communicationnelle.
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A partir de et très vite, d'autres modèles plus accomplis vont se velopper et affiner
ces premiers pas dans la pensée stratégique.
En effet, en 1965, alors que les Trente Glorieuses sont entrées dans leur phase de
maturité, suit l'élaboration du modèle L.C.A.G.
Ce modèle a cela d'intéressant qu'il est effectivement considéré comme étant le premier
modèle stratégique de l'histoire économique : il est le premier à proposer un
cheminement stratégique dans la prise de décision.
Cette progression se présente sous la forme d'une série d'étapes d'analyse diagnostiques
tant internes qu'externes, axés autour des forces, faiblesses, opportunités et menaces.
Ce point est très novateur par rapport aux deux cas précédents qui eux, ne proposaient
aucune analyse de situation à un moment donné. A l'inverse, les cycles qui étaient alors
présentés, proposaient un cheminement progressif mais sans laisser la place à des
interférences externes par exemple.
Après avoir intégré les systèmes de valeur et les objectifs et finalités
entrepreneuriaux dans sa progression, ce modèle délivre donc la formulation d'une (et
une seule) préconisation stratégique décisionnelle.
A la manière du cas de John Dean, la concurrence est prise en compte comme élément
externe, de même que l'environnement général. Ce dernier point est aussi une
nouveauté puisque auparavant, l'entreprise et/ou le produit avaient tendance à évoluer
sans référence à ce qui pouvait les entourer.
Cependant, toute dimension sociale et tout problème logistique directement lié à ce
modèle sont exclus de la mise en œuvre proprement dite.
Pourtant, il y a un point commun avec les deux cas précédents : la démarche
L.C.A.G. repose sur des diagnostics et sur une évaluation de tous les facteurs qui
pourraient entrer en ligne de compte pour prendre une décision. De fait, aucune place à
l'aléatoire n'est permise : tout est pensé et les surprises ne sont pas de mises.
Ce modèle ouvre la période des diagnostics stratégico-économiques et cette
démarche va faire de nombreux émules, on le constatera plus loin.
Ce modèle n'est sans doute pas parfait puisqu'il suppose que seule la meilleure solution
peut être choisie, mais il est le premier à envisager l'entreprise et le produit qui lui est
attaché, comme le résultat d'une réflexion logique dont l'issue est toujours sans réelle
possibilité d'échec, dès lors que le schéma est scrupuleusement suivi.
La seule potentialité d'échec serait, mais cela est aussi valable pour Marshall que Dean,
d'omettre l'un des points névralgiques.
Sans la publicité et la communication, les réflexions de John Dean sont cadenassées dans
une voie sans issue. Sans idée solvable ou sans capacide coordination, la théorie du
cycle de vie de l'entreprise de Marshall n'a plus de raison d'être non plus. Pareillement
sans l'une des étapes d'analyse du modèle L.C.A.G., la meilleure solution ne peut être
entrevue.
Ces trois premiers cas sont donc relativement rigides.
Enfin et comparativement aux travaux de John Dean, il semble qu'ici, la
communication tienne une place minorée.
Pour le modèle L.C.A.G., la seule chose qui compte réellement est la démarche logique
qui mène vers la décision stratégique la meilleure. Si tout est décidé par ce processus
logique et s'il s'agit de la meilleure stratégie possible, pourquoi alors communiquer à
grands frais ?
Néanmoins, ce modèle reconnaît aussi qu'il existe des forces et des faiblesses, des
avantages et des inconvénients. De ce fait et sur un marché qui reste, somme toute,
concurrentiel, la communication demeure un moyen d'assurer un avenir au produit et
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d'affirmer la décision stratégique. Il semble donc hasardeux de renier totalement la
communication.
Egalement en 1965, Igor Ansoff, l'un des premiers à avoir fortement insisté sur
l'importance de la stratégie, propose à son tour un modèle dit du vecteur de croissance.
Ce dernier se détache du modèle L.C.A.G. en ce qu'il suppose, d'une manière plus ou
moins explicite, que l'échec est une possibiliqui mérite d'être prise en compte et que,
sans doute, il ne faut pas se laisser aveugler par un contexte économique globalement
satisfaisant.
En effet, son modèle intègre les éventuels écarts qui peuvent exister et qui, par
là, sont légitimes, entre les objectifs fixés et les réalisations qui s'ensuivent.
Néanmoins, il fonde pareillement son modèle sur une succession d'étapes logiques qui
doivent mener à une décision stratégique aussi bonne que possible ; mais le mécanisme
s'est quelque peu complexifié depuis le modèle L.C.A.G.
Ansoff reprend le processus diagnostique des forces, faiblesses, opportunités et menaces.
Les premières analyses qu'il en tire, doivent le mener à prendre en considération le
produit par rapport à un marché, tout en sachant que ledit marché est en évolution
constante, ce qui présente une autre évolution vis-à-vis du modèle précédent qui se
centrait essentiellement autour d'une réflexion de la stratégie d'entreprise en tant que
telle sans vraiment s'intéresser à une vision globale.
De plus, dans sa théorie, il introduit l'idée que l'entreprise doit fléchir au niveau
corporate et non produit par produit. Autrement dit, il préconise que l'entreprise
s'intéresse en priorité à l'ensemble des activités qui contribuent à fixer les orientations et
les directions qu'elle va suivre. C'est pour lui, le seul moyen pour que l'entreprise trouve
son vecteur de croissance qui doit donc être en adéquation avec le marché puisque la
stratégie doit être compatible avec la vocation et la croissance plénière de l'entreprise.
En outre, Ansoff, à la différence du modèle L.C.A.G., prend véritablement en compte les
objectifs non économiques, autrement dit sociaux et environnementaux, qui demeurent
des éléments immédiatement liés au marché et à son évolution.
Finalement, ce modèle permet d'identifier les missions de l'entreprise qui sont
la recherche d'un lien commun entre les différents couples produits-marchés ; d'où
la reconnaissance des vecteurs de croissance qui sont les ensembles de couples produits-
marchés vers lesquels l'entreprise souhaite s'orienter, le tout étant conclu dans un but
compétitif et synergique. Autrement dit, la communication tient une place à part entière.
Ansoff propose donc quatre grandes stratégies, quatre vecteurs de croissance possibles
qui sont en adéquation tant avec les produits et marchés qu'avec leurs diverses liaisons.
De chacun de ces vecteurs dépend une situation stratégique et économique qui, sur un
marché, ne réagit pas de la même manière. Et cette approche, de la pénétration du
marché à la diversification, est vraiment le concept fondamental issu des recherches
d'Igor Ansoff avec, il ne faut pas l'oublier, l'idée que la réalité des faits n'est pas toujours
en adéquation avec l'élaboration des théories, mais ces écarts doivent, nonobstant, être
analysés et réintégrés dans le circuit stratégique.
Avec ce modèle, l'aléatoire est possible et la rigidité du modèle L.C.A.G. n'est plus
retenue comme une bonne stratégie à part entière, du moins dans sa formulation de
base.
En conclusion, Ansoff innove totalement, en supposant que l'avenir reste incertain et
conflictuel notamment dans un engagement à long terme. Les décisions stratégiques
concernent principalement le choix des offres que l'entreprise veut satisfaire et des
moyens qu'elle va mettre en œuvre pour y parvenir ; les offres étant identifiées par les
couples produits-marchés, alors que les moyens concernent les structures à mettre en
place et les technologies à maîtriser.
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