EPISTEMOLOGIE DE LA RECHERCHE EN SCIENCES DE L’EDUCATION
Support de notes de cours 3
II. DEUXIEME PARTIE
L’EXPLICATION ET LA COMPREHENSION
II. A. Le paradigme explicatif classique
1. Généralités
Base: un certain "ordre" organise les phénomènes qui sont
l'objet de notre intérêt (ex. la boule de billard, l'eau qui
bout, l'alternance du jour et de la nuit; mais aussi: les
maladies contagieuses, le fait de marcher autour de 12
mois; et encore: l'apparition d'une nouvelle technique
artisanale, l'échec scolaire, le passage du conformisme à
l'autonomie chez l'enfant, etc.). Autant de "changements
d'état" qui ne se produisent pas par hasard.
Finalité: connaître (et non agir)
Modèle de base: X (VI) ---> Y (VD)
Principe général: on recherche la causalité (antécédente et
externe) du phénomène qui nous intrigue afin de mettre en
lumière une loi (ou quasi loi) générale
variante 1: causalité nécessaire et suffisante (causalité
efficiente)
toutes choses égales par ailleurs, un apport de chaleur à
l'eau entraîne son ébullition à partir d'un certain seuil
variante 2: causalité probabiliste
toutes choses égales par ailleurs, le fait de naître dans un
milieu socio-culturellement défavorisé oriente de façon
probabiliste le déroulement de la scolarité
RAPPEL
Les trois moments épistémologiques (conquête,
construction, constat) nous serviront à approfondir, dès à
présent, le paradigme explicatif classique ”. Il faut
cependant souligner qu’ils seront tout aussi pertinents
lorsque nous aborderons le “ paradigme compréhensif ”.
2.
LA CONQUÊTE
A. Poser le problème en termes de non-savoir: la question
de départ
___ il faut avoir rencontré une situation-problème
(lacune de savoir)
* dans son environnement quotidien (ex. j'observe
des phénomènes d'influence plus ou moins forts entre mes
élèves...)
(et/ou)
* dans les travaux scientifiques déjà disponibles
concernant un domaine d'investigation (ex. j'observe qu'on
a étudié les différences de perception de l'espace entre
groupes culturels différents mais jamais, au sein d'un
même groupe culturel, entre sous-groupes socio-
professionnels)
B. Choisir une discipline de référence (ou un ensemble de
disciplines de référence susceptibles d'être articulées) et,
éventuellement, une certaine perspective disciplinaire (ex.
psychologie interculturelle, sociologie des émotions,
pédagogie constructiviste...)
___ il s'agit là d'exposer son "point de vue" de
départ, sa "sensibilité théorique"
C. S'informer sur "l'état de la question": il convient de
procéder à une première investigation des apports de sa
discipline et éventuellement d'autres disciplines (depuis
un point de vue partagé avec le sien et depuis d'autres
points de vue): qui, en science, a déjà abordé ce qui
m'intéresse, comment, et avec quelles conclusions?
NB: c'est souvent à ce stade que le chercheur fait (s'il le
fait) référence également au sens commun ("on pense
généralement que..., or la psychologie/sociologie/... a bien
montré que...")
Reprise de l'exemple de Milgram:
"ce qu'on ne sait pas"=de manière générale: comment
expliquer le phénomène de la torture (génocide;
sadisme...)?"
- au niveau du sens commun: "catégories morales" et
nécessité d'éducation (éthique, droits de l'homme...);
- en psychologie: (le courant psychodynamique)
hypothèse d'une interprétation en termes d'attributs
personnels (personnalité sadique).
B.
LA CONSTRUCTION
Poursuite de l’exemple :
Travail de construction :
1. pose et hiérarchisation des hypothèses (hypothèse
théorique générale, hypothèse-s de la recherche et
hypothèse-s de travail), soit : quelles sont nos attentes
en ce qui concerne la réponse à la question de
recherche ?
2. opérationalisation des hypothèses, soit : comment aller
vers leur vérification ?
NB. 1 et 2 sont liés !
LE JEU DES HYPOTHESES
Hypothèse théorique générale :
Contre le courant psychodynamique (hypothèse
alternative: causalité personnelle), Milgram (courant de
psychologie sociale: causalité sociale) va favoriser une
hypothèse en termes d'attributs contextuels: (n'importe
quel être humain placé dans un contexte où sa
responsabilité n'est pas engagée directement serait
capable de commettre des actes de violence envers
autrui><les actes de violence envers autrui sont liés à des
caractéristiques individuelles). La prise de conscience de la
responsabilité est liée au fonctionnement du sujet dans une
situation sociale (contexte).
Hypothèse de la recherche :
Le degré de relation à la "victime" détermine le "passage à
l'acte" (soumission à l'autorité).
Hypothèses de travail, soit : comment exprimer les
attentes très concrètes concernant ce qu’on va devoir
observer pour vérifier l’hypothèse de la recherche ? On ne
peut encore ici les formuler…
L’OPERATIONALISATION
est nécessaire (rendre observable les attentes comparatives
posées ci-dessus)!
Elle consiste à créer des situations expérimentales dans
laquelle on va tester l'effet du degré de relation à la
victime".
MAIS il reste encore à permettre à ces attentes d’être
vérifiables ! L’OPERATIONALISATION doit se
poursuivre…
1. Du côté de la variable indépendante:
faire varier le degré de proximité relationnelle à la victime
en créant 4 groupes expérimentaux (proximité --/-/+/++;
soit G1: ne voit pas, entend coups; G2: ne voit pas, entend
voix; G3: voit et entend; G4: voit, entend et touche).
Milgram a donc créé une situation dans laquelle chaque
"sujet expériemental" sera amené à croire qu'il fait du mal
à quelqu'un d'autre, à exercer sur lui une pression (basée
sur l'autorité) qui l'encourage à continuer et à observer
l'effet de cette pression sur son taux d'obéissance.
Il est cependant indispensable de contrôler:
- la validité interne: "l'effet obtenu est-il bien causé par la
variation liée à la VI?": il faut donc veiller à ce que les
sujets ne se différencient pas par une autre caractéristique
commune qui suffirait à expliquer leur comportement...
(contrôle des variables "parasites"; introduction de
groupes-contrôle tels que presence/absence de "l'autorité"
ou différents contextes de "légitimité" de l'autorité...);
- la validité externe: elle concerne le problème de la
généralisation. Il s'agit essentiellement de reproduire
l'expérimentation dans d'autres contextes, et avec d'autres
sujets pour qu'il y ait de fortes chances que la
généralisation soit valide.
2. Du côté de la variable dépendante :
Comment mesurer les variations d'obéissance?
L'obéissance sera mesurée à l'aide de deux indicateurs: le
choc moyen maximal (CMM) et le pourcentage de sujets
obéissants (%OBE).
L’hypothèse de recherche peut ainsi être précisée
également : PROXIMITE --> OBEISSANCE.
Ce travail de construction centré sur la formulation et de
hiérarchisation des hypothèses ainsi que l’élaboration d’un
plan de vérification prépare le constat (information -
données)…
Les hypothèses de travail peuvent cette fois être formulées:
CMM (G1) < CMM (G2) < CMM (G3) < CMM (G4)
%OBE(G1)< %OBE(G2)< %OBE(G3)< %OBE(G4)
C.
LE CONSTAT
Les hypothèses de travail préfigurent la façon dont seront
présentées et comparées les données (données - faits): la
lecture est guidée; les faits valident (ou invalident; à noter:
l'hypothèse alternative liée à l'interprétation
psychodynamique pourrait être validée!) les hypothèses de
travail et, par là, l'hypothèse de la recherche et l'hypothèse
théorique générale.
Le constat est relatif à: 1. la lecture descriptive des
résultats; 2. l'interpétation de cette lecture. Si la lecture est
orientée par les hypothèses de travail, orchestrées par
l'hypothèse de la recherche, l'interprétation est orientée par
l'hypothèse théorique générale.
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