Alors, de grâce, examinons sérieusement ces problèmes, réfléchissons-y et donnons-nous les
moyens d’y remédier, mais gardons-nous de les instrumentaliser et de cultiver des peurs, tout
en faisant croire au risque zéro. Non, le risque zéro n’existe pas !
Quelles sont les conditions d’examen de ce texte ? Une procédure d’urgence. De surcroît,
alors que le sujet, ô combien sérieux et complexe, porte sur un aspect très spécifique de la
maladie mentale, nous ne disposons d’aucune étude sérieuse et argumentée sur les personnes
faisant l’objet d’une hospitalisation et de soins sans consentement : quelles sont les raisons de
ces soins sans consentement ? Que deviennent ces personnes après leur hospitalisation ?
Quelle évaluation sérieuse est faite de la dangerosité de ces personnes dans leur ensemble, au-
delà des faits divers montés en épingle pour alimenter les conversations de café du
commerce ?
Nous nous apprêtons à légiférer à la va-vite et sur du sable, en déconnectant les soins sans
consentement du traitement de la maladie mentale dans notre pays. Pourtant, parmi les
quelques éléments sérieux dont nous disposons, un chiffre mérite d’être rappelé : 50 % des
malades faisant l’objet d’une hospitalisation ou de soins sans consentement sont des
personnes connues pour leur pathologie mentale et qui pâtissent d’un manque de suivi. C’est
parce que nous ne nous donnons pas les moyens de dépister, traiter et suivre ces patients que
surviennent des crises aiguës, très difficiles à gérer, pouvant les conduire en prison – on
estime à 25 % le nombre des personnes incarcérées atteintes de troubles mentaux – ou en
hôpital psychiatrique sans leur consentement.
Ces faits soulignent l’impossibilité d’appréhender les soins sans consentement hors du cadre
général de la maladie mentale. Pis, ils révèlent le caractère contreproductif d’une telle
approche. C’est ce qui explique le rejet massif et justifié de ce texte par l’ensemble des
professionnels concernés. Après avoir reçu une leçon de la part du Président de la République,
qui leur a expliqué, dans son fameux discours d’Antony, en 2008, ce que l’on doit faire face à
un malade mental, surtout s’il est dangereux, ces professionnels découvrent que la grande loi
annoncée est remisée, avec beaucoup d’autres, dans la boîte à promesses non tenues. Je
rappelle tout de même qu’au début de l’année 2009, Mme Bachelot, alors ministre de la santé,
avait annoncé « avant l’été 2009 », disait-elle, une grande loi sur la santé mentale comportant
deux volets : la réforme de la loi de 1990 et la réorganisation de l’offre de soins en santé
mentale. Deux ans plus tard, on voit ce qu’il en est, et cette situation, elle non plus, ne relève
pas du hasard. Elle relève d’une conception erronée de la maladie mentale et de son
traitement, une conception qui oublie le malade, la personne qui souffre, et qui, compte tenu
des caractéristiques de sa pathologie, est victime non seulement de la maladie et de ses
conséquences, mais aussi de la violence des bien-portants et de la stigmatisation de la société.
Elle relève d’une conception erronée de la thérapeutique et des conditions de sa réussite,
essentiellement fondée sur la relation de confiance établie entre le psychiatre, l’ensemble de
l’équipe soignante et le patient qui, souvent, récuse sa maladie. Il faut savoir, par exemple,
que les schizophrènes présentent un taux de suicide neuf fois plus élevé que le reste de la
population.
Ce texte procède également à une véritable déqualification des professionnels, des
psychiatres, des psychologues et des juges.
Il s’appuie sur une vision simpliste du psychiatre, que vous considérez comme forcément
laxiste, irresponsable, voire incompétent, et à qui vous n’assignez que des tâches bien
délimitées : appliquer des protocoles prescrire des neuroleptiques et rendre compte des
manquements de leurs patients.