L’accès au dossier médical en psychiatrie M. Godfryd* Mais la loi Kouchner sur les droits des malades n’est pas la première de ce type en Europe. La Finlande a ainsi été le premier État à adopter une loi protégeant les malades, en 1992. Et les Pays-Bas ont emprunté la même voie en 1995, puis la Grèce en 1997 et le Danemark en 1998 (5). Qui peut demander son dossier médical ? Le dossier médical peut désormais être demandé par : – toute personne concernée ; – son représentant légal si le patient est sous tutelle ou est mineur ; – ses ayants droit après son décès, sauf volonté contraire exprimée avant son décès ; – tout médecin désigné par les personnes susmentionnées et le médecin qui a prescrit l’hospitalisation (avec l’accord de ces personnes). Deux cas de figure doivent encore être mentionnés : – une personne hospitalisée sans son consentement (hospitalisation sur demande d’un tiers [HDT] ou hospitalisation d’office [HO]), à “titre exceptionnel”, peut voir sa demande subordonnée à la présence d’un médecin qu’elle désignera, s’il est estimé qu’existent des “risques d’une gravité particulière”. En cas de refus du demandeur, la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques est saisie et son avis s’impose au demandeur comme au détenteur des informations ; – le mineur peut demander que l’accès à son dossier ait lieu par l’intermédiaire * Service de psychiatrie, centre hospitalier Robert-Ballanger, Aulnay-sous-Bois. d’un médecin qu’il désigne. Il peut même s’opposer à toute consultation de son dossier médical. À qui demander son dossier médical ? La demande doit être faite auprès du médecin libéral ou du directeur de l’établissement de santé (hôpital, clinique, dispensaire), par lettre simple (mais le recommandé est préférable car il prouve la demande et en fixe la date), datée et signée. Mais il peut aussi s’agir de la personne désignée à cet effet et dont le nom est porté à la connaissance du public par tous moyens appropriés (affichage, livret d’accueil, etc.). Le demandeur doit préciser s’il souhaite consulter les pièces sur place et/ou en avoir des copies (à ses frais). Après les vérifications imposées par les conditions susmentionnées, les informations pourront alors être communiquées à la personne concernée. Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant à l’exécution du service public hospitalier, les informations sont communiquées par le chef de service ou le médecin qu’il désigne. Dans les établissements de santé privés ne participant pas à l’exécution du service public, cette communication est assurée par le médecin responsable de la prise en charge du patient. En l’absence de ce médecin, elle est effectuée par le ou les médecins désignés à cet effet par la conférence médicale. En tout état de cause, le praticien doit communiquer les documents : – au plus tôt après l’expiration d’un délai de réflexion de 48 heures à U n des droits essentiels du malade, qui conditionne le respect de sa dignité, n’est-il pas celui d’être informé sur ce qui le concerne au premier chef, c’est-àdire sur son état de santé et, partant, sur les soins qui lui ont été prodigués, y compris le droit de savoir de quoi il a réellement souffert et, par conséquent, quel(s) est (sont) le(s) diagnostic(s) qui a (ont) finalement été retenu(s) ? Et comme le notaient les rapporteurs de la loi du 4 mars 2002, “le non-respect de ce droit est sans doute celui qui est le plus mal vécu par les malades et par leurs proches, car il aboutit à les déposséder de ce qui les concerne au plus profond d’eux-mêmes”(1). À l’inverse de la précédente législation (2), considérant donc que le malade est une personne citoyenne, cette nouvelle loi du 4 mars 2002 lui permet désormais l’accès direct à son dossier médical (3). L’un de ses décrets d’application, daté du 29 avril 2002, apporte de nombreuses précisions quant aux procédures à adopter (4). Rappelons qu’antérieurement, le patient devait désigner le médecin de son choix à cet effet. compter de la demande d’accès ; – au plus tard dans un délai de 8 jours suivant la demande, pour les informations remontant à moins de 5 ans ; – au plus tard dans un délai de 2 mois lorsque les informations datent de plus de 5 ans. En cas de consultation sur place, le médecin peut recommander la présence d’une tierce personne pour prendre connaissance de certaines informations. 248 Droit et éthique Droit et éthique Que doit comporter le dossier médical ? La loi du 4 mars 2002 considère que la personne a accès à toutes les informations concernant sa santé qui : – sont “formalisées” (ni la loi ni le décret ne définissent ce terme) ; – et qui ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention, ou qui ont fait l’objet d’écrits entre “professionnels de santé”. Les informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tels tiers, ne doivent pas être communiquées. Pour le décret du 29 avril 2002 (art. 10), le dossier du patient doit donc contenir au moins : 1◗ Les informations formalisées recueillies lors des consultations externes dispensées dans l’établissement, lors de l’accueil au service des urgences ou au moment de l’admission et au cours du séjour hospitalier et notamment : • la lettre du médecin qui est à l’origine de la consultation ou de l’admission ; • les motifs d’hospitalisation ; • la recherche d’antécédents et de facteurs de risques ; • les conclusions de l’évaluation clinique initiale ; • le type de prise en charge prévu et les prescriptions effectuées à l’entrée ; • la nature des soins dispensés et les prescriptions établies lors de la consultation externe ou du passage aux urgences ; • les informations relatives à la prise en charge en cours d’hospitalisation : état clinique, soins reçus, examens paracliniques, notamment d’imagerie ; • les informations sur la démarche médicale, adoptée dans les conditions prévues à l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique* ; • le dossier d’anesthésie ; • le compte rendu opératoire ou d’accouchement ; • le consentement écrit du patient pour les situations où ce consentement est requis sous cette forme par voie légale ou réglementaire ; • la mention des actes transfusionnels pratiqués sur le patient et, le cas échéant, une copie de la fiche d’incident transfusionnel mentionnée au deuxième alinéa de l’article R. 66612-24 du Code de la santé publique ; • les éléments relatifs à la prescription médicale, à son exécution et aux examens complémentaires ; • le dossier de soins infirmiers ou, à défaut, les informations relatives aux soins infirmiers ; • les informations relatives aux soins dispensés par les autres professionnels de santé ; • les correspondances échangées entre professionnels de santé. 2◗ Les informations formalisées établies à la fin du séjour qui doivent comporter notamment : • le compte rendu d’hospitalisation et la lettre rédigée à l’occasion de la sortie ; • la prescription de sortie et les doubles d’ordonnance de sortie ; • les modalités de sortie (domicile, autres structures) ; • la fiche de liaison infirmière. 3◗ Les informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tels tiers. Et le décret précise bien que seules les informations énumérées aux 1◗ et 2◗ sont communicables. Ce texte réglementaire ne les visant pas, d’une part, et le préfet ne pouvant pas être tenu pour un “professionnel de santé”, d’autre part, il nous paraît donc exclu de faire figurer les certificats médicaux et les arrêtés municipaux et préfectoraux établis dans le cadre de la loi de 1990 dans les pièces à communiquer. À l’occasion des débats parlementaires, le ministre de la santé a clairement indiqué que : “Les notes qui président à la rédaction définitive du dossier, les mots d’un étudiant ou les réflexions d’un Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 9, novembre 2002 médecin ne font pas partie de la formalisation du dossier” (6). Toujours selon le ministre de la santé d’alors (B. Kouchner), “l’accès au dossier médical n’est qu’une possibilité ouverte au malade et les demandes seront probablement peu nombreuses, comme le montre l’exemple américain. La France est un des rares pays où cette consultation directe est impossible. Rien n’interdit aux médecins de consigner des notes personnelles ailleurs que dans le dossier médical” (7). Pour le Conseil national de l’Ordre des médecins, “dès lors, quel que soit leur support (papier ou informatique) les informations formalisées accessibles au patient doivent s’entendre comme présentant un certain degré d’élaboration et de validation. L’ANAES, dans ses recommandations, et la jurisprudence apporteront dans l’avenir plus de précisions à cet égard” (8, 9). Dans le silence des textes nouveaux, les litiges concernant l’accès aux dossiers médicaux doivent être soumis à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) puis, secondairement, en cas de persistance d’un contentieux, au tribunal administratif. Mais d’une façon générale, plus de la moitié des recours contentieux prennent leur source dans un défaut d’information et de communication avec le patient et/ou sa famille. Cette nouvelle loi devrait de la sorte permettre d’en amenuiser le nombre. Sans oublier qu’il pourra être fait appel aux commissions de conciliation et d’indemnisation qu’elle crée au plan * Cet article dispose que toute personne prend les décisions concernant son état de santé avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit. Le médecin doit respecter la volonté du patient après l’avoir informé des conséquences de ses choix. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne. 249 Droit et éthique Droit et éthique régional (10). Les commissions de conciliation des établissements de santé créées en 1998 (11) voient leur rôle accru par le nouveau texte (art. 16 de la loi). Et selon le propre promoteur de la loi, “le bruit assourdissant des revendications de certains ne doit pas faire oublier l’importance et la modernisation du texte sur les droits des malades : la naissance d’une véritable démocratie sanitaire vaut mieux que ce vacarme d’arrière-garde” (12). Références 1. Document n° 3263, Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du systè- me de santé, par MM. Claude Evin, Bernard Charles, Jean-Jacques Denis, le 26 septembre 2001. 2. Loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. 6 bis (JO 18 juillet 1978). 3. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (JO 5 mars 2002). 4. Décret n° 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé en application des articles L. 1111-7 et L. 1112-1 du code de la santé publique (JO 30 avril 2002). 5. Milon-Leroy MC. Droits des malades : l’avancée européenne. Le Quotidien du Médecin 2002 ; 7197. 6. Assemblée nationale, Compte rendu intégral 2e séance du 3 octobre 2001; 1re séance du 4 octobre 2001. 7. Assemblée nationale, Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Compte rendu n° 49. 8. http://www.conseil-national.médecin.fr /CNOM/Act. 9. Breton S. L’accès aux informations personnelles de santé. Quelles informations, Bulletin de l’Ordre des médecins 2002 ; 7 : 14-5. 10. Art. L. 1142-4 à L. 1142-8, Code de la santé publique. 11. Décret n° 98-1001 du 2 novembre 1998 relatif à la commission de conciliation prévue à l’article L. 710-2 du Code de la santé publique et modifiant ce Code (JO 7 novembre 1998). 12. Kouchner B. Les assureurs contre les malades. Le Monde, 20-21 octobre 2002. ✂ Droit et éthique Droit et éthique À découper ou à photocopier O UI, JE M’ABONNE AU MENSUEL Les Actualités en P s y c h i a t ri e Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. ABONNEMENT : 1 an ÉTRANGER (AUTRE FRANCE/DOM-TOM/EUROPE ❐ ❐ ❐ à l’attention de .............................................................................. 90 € collectivités 72 € particuliers 45 € étudiants* *joindre la photocopie de la carte ❏ Particulier ou étudiant *joindre la photocopie de la carte + M., Mme, Mlle ................................................................................ Prénom .......................................................................................... 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