Le problème de la Volonté dans l`Amour

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Série : La Volonté, principe d’Amour.
Conférence : 2 - Le problème de la Volonté dans l'Amour.
Tout homme est "volonté" et capacité d'amour. Sachant cela, je voudrais que
vous ne connaissiez pas le découragement. Tout le monde est découragé parce
que chacun cherche autour de soi une solution qui est en soi. Je vais attacher
toute mon affection à vous parler de la volonté, pour vous montrer qu'elle est
une possibilité chez tous. Vous êtes tous «volonté» et capables d'amour.
C'est tellement beau de trouver chez un homme, chez une femme, une volonté
intacte, qui traverse la vie comme les bateaux traversent l'océan, en laissant
derrière eux l'admirable trace d'eau qui est comme la signature de leur
passage. Si vous acceptez de mettre dans votre vie la responsabilité de
montrer que, là où vous êtes passé il reste quelque chose de beau, vous faites
de la grandeur.
Pour en arriver là, il faut accepter de comprendre la construction
psychologique et philosophique de ce qu'est la volonté.
Tous, vous pensez, sans quoi vous ne seriez pas des hommes. Vos pensées
sont statiques : elles restent en vous. Vous les utilisez à élaborer un
mouvement dynamique qui va provoquer des courants : courants spirituels. La
volonté provient uniquement de l'esprit. C'est le courant de l'esprit qui se
traduit. Vous appelez cela : conviction, décision, effort, persévérance; vous
êtes maître de la situation.
Mais ce courant spirituel entre en conflit avec un autre mouvement qui a deux
sources :
- une source extérieure à nous, qui nous assaille tous les matins : les nouvelles
de toutes sortes, tout ce que vous pouvez connaître aujourd'hui comme tohubohu.
- une autre source qui est intérieure mais d'ordre sensible : des courants
intimes (la passion, l'agressivité, la jouissance) qui, eux, sont privés de
connaissance spirituelle, puisqu'ils ont leur origine dans la matière.
La ruse, l'adresse de l'homme pécheur, c'est qu'il va faire descendre l'esprit
dans le courant mauvais, pour dire que ces courants intimes sont des courants
de l'esprit.
Et tout ce charivari intérieur est augmenté, excité, dans la vie moderne, par
une connaissance sensitive, matérielle : celle du travail professionnel, celle de
l'art faux et facile.
Autrement dit, la connaissance spirituelle, qui habite l'intelligence de chacun
d'entre vous, produit par existence, un courant tout à fait spécial qui s'appelle
: la vérité, la beauté, le juste, le bon, qui provient de l'existence de l'homme
avant qu'il ait des professeurs, avant qu'il possède des diplômes... C'est le Don
de Dieu à la matière humaine, c'est là-dedans que Dieu met la volonté qui est
naturellement faite pour jouir de la liberté contenue dans la vérité, dans le
beau, dans le juste, dans le bon.
C'est pour cela que, naturellement, elle se porte, si véritablement elle est
volonté, sur ce qui est d'abord spirituel.
L'acte volontaire, c'est un acte qui s'inspire de toutes ces connaissances
innées, dans lesquelles la volonté choisit comme elle le peut, autant qu'elle le
peut, et c'est ce qui s'appelle l'amour. C'est tout simplement la traduction de
l'esprit descendant dans le sensible que Dieu lui donne, non pas pour
disparaître dans la passion, mais pour apparaître plus fort que la passion.
La volonté se campe alors devant sa journée, devant ses devoirs, devant sa
générosité, devant sa famille, devant son travail, devant ses souffrances, et
elle juge, pour voir la manière dont elle peut en sortir.
Il faut donc retrouver la liberté d'esprit. Tout le problème est là : retrouver
l'esprit. N'allez surtout pas le confondre avec l'intelligence. Nous avons
détruit l'esprit avec l'intelligence de l'enseignement. Vous avez livré vos
enfants à des enseignements qui ont tué leur esprit avec beaucoup
d'intelligence. D'autant qu'aujourd'hui, on croit être un homme intelligent
quand on fait des mathématiques... Mais elles n'ont jamais formé un homme !
Et pour une raison bien simple : elles sont chargées de l'extérieur. Les jeunes
se disent : je serai ingénieur, c'est merveilleux ! Mais ils ignorent
complètement ce que c'est que l'homme.
L'extérieur vous écrase, parce que vous n'avez plus d'esprit. Vous avez de
l'intelligence pour apprendre l'accident, mais pas pour savoir y remédier...
La gloire du catholicisme, c'est de rappeler à l'homme qu'il lui faut savoir
d'abord et avant tout qu'il est un esprit incarné; incarné, mais esprit avant tout.
Tout l'évangile est là-dedans. Jésus, Lui, enseigne, au-delà de la science, les
profondeurs de l'homme, à tel point qu'Il a fait peur à tous les docteurs de la
loi. Il enseigne plus haut que nous.
Vous commencerez à connaître la joie quand, à force de volonté, vous en
apprendrez, par la fidélité, par l'esprit, plus que par les journaux. Vous aurez
alors une certaine manière de penser aux autres, de répondre aux autres : ce
sera la volonté qui s'affirme, calme, ferme, solide; c'est le jaillissement de
l'intelligence connaissant Dieu, qui rebondit dans la vie matérielle par
l'intermédiaire de notre volonté.
Voilà ce qu'il est nécessaire de comprendre avant de pouvoir continuer :
connaître que nous n'avons plus d'esprit. Nous sommes beaucoup trop
intelligents...
L'affaire se joue en vous avant de se jouer autour de vous. Et si vous ne
voulez pas la jouer en vous, vous êtes perdu. Par l'extérieur, par la sensibilité.
Vous êtes perdu.
Tous nous sommes créés pour le meilleur ou pour le pire. Même si vous êtes
socialiste, vous êtes propriétaire de votre nature. Et notre nature, tantôt va
permettre à la volonté de s'installer dans l'esprit, tantôt va la faire passer dans
la chair. Souvent, la volonté va de l'un à l'autre, quelques fois indécise,
quelques fois prisonnière de la toile d'araignée de tentations qui ne sont pas
dominées; parfois, après une bonne confession, une belle prière, elle va
devenir vibrante de lucidité. Elle redevient elle-même, vous le dites : "Je me
retrouve moi-même", je ne suis pas un animal, je ne suis pas extérieur, je suis
"personne". Là, la volonté chante, dans cette salle de concert qu'est la
conscience, le chant de la vertu, le chant du courage, le chant de soi-même,
sans tenir compte de l'extérieur, si admirable soit-il.
Que vous dire de la stratégie intérieure avec laquelle la volonté fabrique, car
elle fabrique librement, les offensives, les tactiques, les défensives, les
victoires, les défaites, les déroutes et les triomphes ? On peut lui attribuer le
nom que Foch donnait à l'infanterie : elle est la reine des batailles. Elle vient
armée du «Je crois en Dieu» : la puissance; avec l'espérance : au-delà de la
mort; avec la charité : sans tricher. Elle devient alors capable de victoires qui
chantent la vie.
L'intelligence a deux manières de décider :
- ou bien la décision procède de la qualité innée que Dieu lui a donnée, de
choisir librement, avant l'extérieur, avant le sensible, par des décisions qui
sont le propre de l'homme.
- ou bien l'intelligence accepte au nom de je ne sais quel progrès scientifique
que le matérialisme lui dicte sa loi au profit du charnel. Voyez les livres que
nous donnez à vos enfants dans les écoles...
Je me souviens qu'en 1924, au moment où on voulais renvoyer les religieux à
l'étranger et fermer à nouveau les écoles chrétiennes, le Père Janvier se dressa
devant une foule d'hommes et, avec cette volonté de breton qui le
caractérisait, droit au but, devant ces hommes, il leur lança cette apostrophe :
«Est-ce vous ou moi qui avez fabriqué ces petits enfants ?». La semaine
suivante, le projet de loi était supprimé... Allez chercher aujourd'hui, devant
les lois les plus honteuses, ceux qui ont le courage de s'opposer... Aujourd'hui,
les catholiques sont très intelligents : ils écrivent, ils parlent... Ils n'ont pas de
volonté : personne ne bouge.
Le drame, c'est que le problème de la vie surnaturelle, de la valeur morale, de
l'expérience des réalités surnaturelles est abandonné. Nous sommes en
déroute. Nous ne sommes plus un peuple. C'est le résultat du laïcisme : nous
ne sommes plus un peuple parce que nous ne sommes plus "quelqu'un".
Prenez la déroute psychologique : les parents traités sans respect par les
enfants : égalité, égoïsme social. La déroute du travail : dans la grande
majorité des lycées et des écoles dites catholiques, on "copie", les parents ne
disent rien. Et tout le monde obtient ses diplômes... La déroute de la propreté,
vertu naturelle, et de la tenue : je ne commente pas... La déroute
professionnelle : ces messieurs et ces dames papotent et tricotent dès que le
chef de service a traversé le bureau, à la fin du mois, on touche le salaire...
Déroute religieuse : là choisissez. C'est simple : la vertu c'est ce qui paie, le
péché c'est ce qui ennuie ou gêne. Et le Bon Dieu là-dedans... Réalisez les
sommes de colère qui pèsent, par justice divine, sur ce que nous faisons !
La décision de la France à l'égard de l'éducation sexuelle est pour moi la
dernière horreur avant le châtiment définitif. C'est mon devoir de prêtre de
vous le dire, comme c'est mon devoir de prêtre de vous dire que, si vous
voulez retrouver votre volonté, nous pouvons refaire un peuple, une nation,
une religion. Choisissez.
Je sais que certains penseront que j'exagère. "J'en connais aussi, actuellement,
diront-ils, qui ont des énergies du tonnerre !". Moi aussi j'en connais; ce sont
des énergies de chiens de chasse : on court instinctivement après ce qui attire,
mais la volonté qui ose ne pas se laisser attirer pour rester digne de l'esprit où
la trouve-t-on ? Personne ne se soucie plus d'occuper son poste, son poste aux
frontières : l'armée, son poste aux berceaux : les mamans, son poste d'homme
: rester capable d'honorer sa femme. Nous ne sommes plus une société qui
pense suivant la responsabilité et l'honneur. La passion humaine légitime ce
qui lui plait, l'intelligence démontre avec des sophismes qu'il est parfaitement
possible avec des livres et même des livres religieux de se passer de volonté.
Or satan a perdu la partie à coup d'intelligence : avec une volonté qui était
devenue prisonnière de sa haine. Il est incapable d'aimer.
Dès que vous sentez que vous n'êtes plus capables de vouloir aux dépens de la
sensibilité ou de l'extérieur, dites-vous que vous n'avez plus d'amour. L'amour
est un mot qu'on profane; il faut regarder Le Christ pour comprendre ce que
c'est que d'aimer.
La volonté est une faculté spirituelle remplie d'une liberté qui sait dire non là
où l'esprit est absent. Regardez cette admirable petite fille qu'est Sainte
Thérèse de Lisieux : ce qu'elle a pu souffrir avec volonté, sans aucun plaisir,
sans être comprise, dans la nuit totale de la sensibilité, mais dans
l'illumination de l'amour; elle l'a dit elle-même : «Je suis au Calvaire, sans
aucun mélange de consolation. Si c'est cela l'agonie, qu'est-ce donc que la
mort, mais je ne voudrais pas moins souffrir». Elle a tenu ses engagements, sa
foi, sa charité, son sourire...
Dans le domaine de la pensée simplement humaine, mais totalement humaine,
la volonté joue encore son rôle purement spirituel. Prenez le Cid : cette
volonté farouche admirable qui descend dans le visible d'un amour humain
combien cher, alimenté par la beauté d'un amour spirituel : l'honneur. Prenez
Polyeucte qui montre la splendeur, l'innocence, la beauté de l'amour de Dieu
aux dépens de l'extérieur. Prenez, plus près de nous, l'héroïsme de ces jeunes
officiers, sacrifiant, pendant nos dernières guerres, leur propre vie pour
l'honneur de la patrie. Ce jeune aviateur que j'ai personnellement connu, en
1940, animé par la volonté héroïque du salut d'une armée aux dépens du
visible extérieur de son foyer, de sa vie, se laissant tomber volontairement
avec son avion chargé de bombes sur un pont dont la destruction totale et
immédiate stoppe l'avance de l'ennemi stupéfait; il s'était, avant de monter aux
commandes, enveloppé dans le drapeau, et nul n'avait pu l'arrêter... Vous
pouvez vous aligner, les mal-élevés au verbe haut qui vous prélassez au
terrasses des cafés, fiers de succès scolaires faciles et même pas gagnés... Et
vous; les bons pratiquants, sans esprit, sans volonté, incapables de lever
l'étendard de l'honneur face à l'éducation déshonorante de la sexualité
imposée par des hommes sans morale.
Chaque jour vous est donné pour que vous remportiez une victoire, pour que
vous deveniez dignes par des gestes et des preuves, de votre amour réel de la
Foi et de Dieu, pour que vous soyez capables d'entraîner les autres. Alors
vous comprendrez l'admirable phrase de Jésus, Lui qui se refusera jusqu'à la
fin du monde à ratifier un amour fabriqué par l'absence de volonté, par la
passion charnelle : regardez la fierté de Jésus éclairant son combat de volonté
par une seule phrase : «On ne me prend pas Ma Vie, Je La dépose...»
Jésus, Vous avez déposé Votre Vie volontairement dans le Sein de la Vierge
Mère; Vous l'avez déposée volontairement dans l'étable froide, dans les
fatigues lassantes des apostolats, dans les querelles des docteurs,
impressionnés par Votre Regard d'Autorité : «Respexit...» Il regardait avec
autorité... Jésus a cette volonté, parce qu'Il est amour. Et si vous dites que
vous L'aimez sans volonté, Saint Jean vous répond : vous êtes des menteurs...
Jésus prouve Son Amour par la beauté de Sa Volonté, capable de travailler la
mort, par amour de nous; qui veut vouloir ne peut pas se passer de Lui. Seul,
Jésus, lui montrera comment, Lui aussi, pourra déposer sa sensibilité, son
orgueil, ses faux amours, ses faux foyers, ses faux baisers, ses faux succès en
laissant La Volonté Divine animer la sienne.
«Notre Père... que Votre Nom soit sanctifié... Mais délivrez-nous du mal de
n'avoir plus de volonté...» car, au fond, qu'est-ce que pécher ? C'est manquer
de volonté. Pécher, c'est une caricature de la volonté.
Voyez quelle grande preuve d'amour sont les aveux, qui sont la première
forme de la volonté qui renaît.
Il faut pourtant avoir miséricorde pour la faiblesse de l'homme charnel; il faut
reconnaître que la lutte est terrible et oblige à prendre position. Il faut avoir
pitié de l'envoûtement de la chair incapable de décision, incapable de relever
le gant devant la tentation. L'extérieur s'installe dans la volonté, la volonté est
dominée, la démission est devenue, physiquement parlant, nécessité : on est
tombé. C'est vrai. Il peut y avoir deux causes à la chute : la première est
pathologique, c'est le fait du médecin. La seconde est l'accumulation de
démissions antécédentes, légères mais volontaires et auxquelles on aurait pu
remédier, et on ne l'a pas fait... "J'ai commencé un petit peu... Après j'ai dit
"encore une fois"... après". C'est le mystère de nos responsabilités; il n'y a que
Dieu qui le connaisse, seule l'humilité pourra nous en sortir.
La conclusion s'impose : la volonté est la faculté la plus indispensable à la
nature pour la conserver nature humaine. Elle précède et accompagne l'acte
humain. Elle est première pour aimer, mais aimer c'est nécessairement
reproduire Dieu, source de tout amour, par le respect de la loi naturelle et de
la loi surnaturelle. S'opposer au Règne de Dieu en soi, autour de soi, en
politique, en sociologie, en économie, en éducation, au nom de l'amour de
l'homme, c'est s'opposer à la santé physique et moral et à la vraie liberté de
l'homme. Liberté et indépendance sont deux choses différentes; pécher c'est se
faire indépendant de la liberté de Dieu; lutter contre Dieu, c'est se faire
prisonnier de ce qui sépare de la liberté absolue, c'est prendre position par
faux amour contre l'amour source de toute liberté.
Se faire homme libre, Messieurs, je vous en supplie... Ne soyez pas des
mondains, ne soyez pas des opportunistes ! Redevenir des hommes libres tous
les matins, disposant d'une volonté capable de choisir l'amour spirituellement
voulu comme le soleil choisit affectueusement la place dans la plus petite
goutte d'eau d'y installer l'énergie et la beauté de sa lumière.
C'est parce que personne ne veut plus être libre de l'extérieur et des autres que
nous sommes incapables de changer le cours des évènements. Nous portons
devant Dieu les responsabilités secrètes de nos grâces, de nos appels, des
secours reçus, des changements à faire, des décisions à prendre.
Devenez des hommes libres.
Soyez des hommes libres dans vos responsabilités professionnelles, dans vos
responsabilités d'hommes. Les hommes croient volontiers que, dans la
profession, ils sont délivrés de la responsabilité de choisir : qu'ils n'ont qu'à
obéir... C'est faux, il ne faut pas confondre obéissance et lâcheté.
Je crois me rappeler avoir lu sous la plume de La Varende le récit de
l'arrestation de la Duchesse de Berry, livrée par un de ces innombrables lâches
qui circulent dans toutes les époques révolutionnaires. Le préfet de Nantes
avait reçu l'ordre de récompenser l'infâme bonhomme. Il eut le cran de remplir
sa fonction avec une conscience libre de tout asservissement au pouvoir.
Lorsque le traître entra pour toucher son paquet de billets de banque, l'officier
ministériel saisit la pelle à feu à la cheminée au bout de laquelle il prit la
liasse de billets qui attendait leur judas sur la table et, tournant la tête du côté
du mur, avec un geste de suprême dégoût, il tendit la récompense au gredin
avec la conscience que ses mains étaient restées propres... Voilà jouer la
partie dans l'honneur, sans souci de l'avancement...
Il faut croire que vous êtes capables de choses analogues, mais n'attendez pas
de savoir si le voisin fera comme vous...
Que la communion que vous faites souvent, que la prière que vous faites,
j'espère, tous les jours, que la grâce que vous recevez, entretiennent en vous
cette ressemblance avec Le Christ : «On ne prend pas Ma Vie, Je La dépose
librement».
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