Commentaire du Hippias Majeur
À présent Jorge frappait du doigt sur la table, près du livre que
Guillaume tenait devant lui. « Ici on renverse la fonction du rire, on
l’élève à un art, on lui ouvre les portes du monde des savants, on
en fait un objet de philosophie, et de perfide théologie… Que le rire
soit le propre de l’homme est le signe de nos limites de pécheurs.
Mais combien d’esprits corrompus comme le tien tireraient de ce
livre l’extrême syllogisme, selon quoi le rire est le but de l’homme !
Le rire distrait, quelques instants, le vilain de la peur. Mais la loi
s’impose à travers la peur, dont le vrai nom est crainte de Dieu. Et
de ce livre pourrait partir l’étincelle luciférienne qui allumerait
dans le monde entier un nouvel incendie : et on désignerait le rire
comme l’art nouveau, inconnu même de Prométhée, qui anéantit
la peur.
Umberto Eco, Le Nom de la rose, « Septième jour. Nuit. Où, à
résumer les révélations prodigieuses dont on parle ici, le titre
devrait être aussi long que le chapitre, ce qui est contraire à
l’usage».
Si l’être humain est le seul animal à être chatouilleux, cela tient
d’abord à la finesse de sa peau, mais aussi au fait que l’être
humain est le seul animal qui rit.
Aristotélês, Partie des animaux 673a7-8.
Le dialogue platonicien est un tout fait d’un logos, un
discours rationnel, et d’un érgon, une action
dramatique : il faut comprendre les deux parties pour
comprendre le tout. On peut, et même on doit,
s’efforcer de comprendre d’abord le logos en lui-même
et ensuite l’érgon en lui-même pour enfin les
additionner, ou plus encore : les ajuster l’un à l’autre
pour qu’ils soient séants ; les combiner comme l’image
de l’œil droit et l’image de l’œil gauche se combinent
pour qu’on voit la profondeur du monde, qui est
invisible à l’œil gauche, tout comme à l’œil droit. Or la
tentative de comprendre le logos sans l’érgon, puis
l’érgon sans le logos est vouée à l’échec, parce que
l’érgon humain est une fonction du logos qui l’éclaire,