les mutuelles et cooperatives : une histoire humaniste, preuve de

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« LES MUTUELLES ET
COOPERATIVES : UNE HISTOIRE
HUMANISTE, PREUVE DE
DIVERSITE DANS UN PAYSAGE
CAPITALISTE »
Stéphanie ARNAUD
Professeur Associée
ICN Business School
L’Université Nancy 2
CEREFIGE
Cahier de Recherche n°2011-01
CEREFIGE
Université Nancy 2
13 rue Maréchal Ney
54000 Nancy
France
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n° ISSN 1960-2782
« Les mutuelles et coopératives : une histoire humaniste, preuve
de diversité dans un paysage capitaliste »1
Résumé :
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont animées par des normes sociales
d’entraide et de partage du pouvoir égalitaire. Elles regroupent des salariés, bénévoles,
sociétaires et élus. Quels sont les modes de GRH adaptés aux spécificités de ces entreprises ?
Selon la théorie économique standard, l’homo oeconomicus n’est animé que de motivations
extrinsèques, asociales et amorales. Cette hypothèse étant rejetée dans le cas de l’ESS fondée
sur des valeurs morales et sociales, les préconisations managériales issues de l’économie
standard peuvent s’avérer contre-productives (cf littérature sur « les coûts cachés des
incitations »). A l’aide de la théorie de l’autodétermination, nous expliquons ce phénomène et
préconisons une GRH « conforme aux principes de la philosophie humaniste ».
Mots clés : Entreprises de l’économie sociale et solidaire / GRH humaniste / motivations
autorégulées / coûts cachés des
incitations.
Abstract:
Third sector organizations share a set of values and social norms, such as mutual assistance
and an egalitarian power sharing. Employees, voluntary workers, members and elected
representatives, constitute their human resources. What kinds of HRM types are appropriated
for the specific characteristics of these organizations? According to standard economic theory,
homo oeconomicus is only driven by asocial and amoral extrinsic motivations. Since the third
sector is based on moral and social values, this hypothesis is rejected. In consequence, for this
sector, standard economic recommendations, in terms of management, can be
counterproductive (See literature on the “hidden costs of incentive systems”). Using selfdetermination theory (SDT) we explain these counterproductive effects, and we recommend a
HRM type based on the principles of humanist philosophy.
Key words: third sector organizations / Humanist HRM / self-regulated motivations / hidden
cost of incentives
1
Article présenté aux QUATRIEMES RENCONTRES INTERNATIONALES, DE LA DIVERSITE », « Faire vivre
la diversité » à CORTE, les 2, 3 et 4 octobre 2008
2
Introduction
Les entreprises à but non lucratif sont regroupées dans le secteur « d’économie sociale et
solidaire », qui comprend les mutuelles, les coopératives, les diverses formes associatives, etc.
D'une part, tous ces organismes sont régis par un ensemble de règles institutionnelles de
gouvernance et une philosophie commune :
- principe de démocratie participative et égalitaire selon le principe « un homme = une
voix », lucrativité limitée, indivisibilité du capital propre de l’entreprise,
- valeurs et missions d’entraide sociale ; primautés de la personne sur l’économique et
de l’intérêt collectif sur l’intérêt individuel.
D'autre part, ces entreprises « sociales » combinent divers types de ressources humaines :
salariés, bénévoles, sociétaires, élus, etc. Quels sont les modes de GRH adaptés aux
spécificités de ces entreprises à but non lucratif ? Quelles préconisations managériales peut-on
établir afin d’améliorer l’efficience de ces entreprises ?
Nous allons voir que ces entreprises trouvent leur raison d’être dans des valeurs morales et
dans leur désir d’appliquer les normes sociales d’entraide et de réciprocité. Elles sont
porteuses d’un « sens collectif » fort et sont issues des mouvements humanistes du 19ièmes
siècle (Section 1). Or, selon l’économie néoclassique standard, l’homo oeconomicus n’est
animé que de motivations extrinsèques (agir sous l’effet d’incitations externes à la tâche, pour
obtenir par exemple une rémunération ou éviter une punition), de surcroît asociales et
amorales. Cette hypothèse s’éloigne donc d’autant plus de la réalité que l’on se rapproche des
entreprises à but non lucratif, puisque ces dernières sont animées par des valeurs morales et
normes sociales fortes. Par conséquent, nous proposons d'élargir le cadre conceptuel de
l'homo oeconomicus en intégrant les motivations intrinsèques (le plaisir issu directement de la
réalisation d’une tâche), ainsi que les motivations extrinsèques internalisées (vouloir adopter
un comportement ou réaliser un acte pour les valeurs et normes véhiculées ou atteintes)
(Section 2). Cet élargissement du spectre des motivations de l'homme au travail permet
d'expliquer « les coûts cachés des incitations » dont témoignent de nombreuses études
expérimentales et enquêtes de terrain. Nous allons voir, en effet, que les préconisations en
matière de GRH issues de l’économie standard peuvent s’avérer contre-productives pour les
entreprises de l'économie sociale (Section 3). La théorie de l’autodétermination (Deci &
Ryan, 2000) développée en psychologie et appliquée aux situations de travail, permet non
seulement d’expliquer ce phénomène, mais elle contient également un ensemble de
préconisations managériales pour stimuler les motivations intrinsèques et extrinsèques
internalisées des acteurs de l’entreprise. Cet article a donc pour vocation d’identifier des
modes de GRH pouvant nourrir la recherche d’efficience poursuivie par les organisations
« sociales ».
1. Historique et spécificités idéologiques et institutionnelles des entités de l’économie
sociale.
Au 19ième siècle, la volonté de lutter contre les dégâts du capitalisme industriel, tout en
refusant l'étatisation des moyens de production trouve comme solution l’invention de
nouvelles formes d'organisation d'entreprise, dans lesquelles le pouvoir et la propriété sont
partagés. Nous allons rappeler les mouvements sociaux et idéologiques qui ont fait naître
l’économie sociale et présenter ses spécificités institutionnelles actuelles.
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1. 1. Son histoire et ses fondements idéologiques.
1. 1. 1. Son histoire
Au Moyen Age, les guildes, confréries, jurandes, compagnonnages et corporations
représentent les ancêtres de l’économie sociale. Les premières coopératives et mutuelles
apparaissent dans les années 1830. En 1844, « la Société des équitables pionniers de
Rochdale », coopérative de 28 ouvriers tisserands, voit le jour près de Manchester et
représentera un des plus grands succès dans l’histoire de cette forme organisationnelle. En
France, ce n’est qu’en 1852 que les sociétés de crédit mutuel sont reconnues par décret et en
1867 que la constitution d’entreprises coopératives devient légale. Quant à la loi fondatrice de
la mutualité, elle date de 1898. Pourtant, c’est en 1846 que Jean-Baptiste Godin, industriel
humaniste voulant supprimer la misère ouvrière et associer développement économique et
social, crée son entreprise, à laquelle il adosse « son Palais social » ou « Familistère », avec
un ensemble de services sociaux (loisirs, retraites) et une mutuelle. De 30 salariés au départ,
son entreprise passe en 1880 à 1500 membres et devient une coopérative ouvrière de
production, qui existera jusqu’en 1968. Tout au long du 19ième siècle, un combat contre la Loi
Le Chapelier est mené par les sociaux chrétiens (Frédéric Le Play, Charles Gide), les
républicains laïcs, les socialistes (Jean Jaurès), les solidaristes (Léon Bourgeois), pour
restaurer le droit de créer des regroupements volontaires sur des bases professionnelles.
Ces différents courants idéologiques refusent de croire que la pauvreté du prolétariat et la
misère constituent des faits inéluctables qui seraient aggravés par l’action volontaire –
contrairement aux libéraux qui défendent la thèse inverse – sans vouloir pour autant étendre à
l’excès le rôle de l’Etat. Pour eux, la solution se trouve dans l’action collective et volontaire
des personnes intéressées, accompagnée éventuellement du soutien étatique. La création de
mutuelles et de coopératives de production et de consommation doit permettre de lutter contre
la pauvreté et la croissance numérique du prolétariat en encourageant les producteurs
indépendants et l’entraide. Le mouvement mutualiste est ainsi né de la volonté des salariés de
développer des systèmes de solidarité pour se prémunir collectivement contre les risques de
maladie et d'invalidité.
L’idéologie de l’économie sociale ne relève donc pas du libéralisme économique
« pur », qui refuse toute intervention de l’Etat dans la sphère économique et prône le recours
au marché et aux actions privées pour toute création et allocation de richesses. Elle ne relève
pas non plus du socialisme « pur » selon lequel l’Etat doit organiser la solidarité nationale et
corriger les inégalités en s’appuyant sur un système de redistribution obligatoire et un service
public centralisés, des entreprises nationales, une économie gérée administrativement par « le
plan », etc. Les coopératives et mutuelles s’appuient sur le marché, (leurs activités sont
marchandes) sans toutefois avoir pour objectif « la constitution de profits ». Nous allons voir
que l’économie sociale relève d’une idéologie « humaniste » et plus précisément
« personnaliste », car elle place « la personne », avec sa liberté, sa responsabilité et sa dignité,
au centre de l’action économique.
1. 1. 2. L’humanisme comme fondement idéologique
L’humanisme englobe de nombreuses écoles de pensée (courants de la Renaissance et du
siècle des Lumières), dont le « personnalisme » développé au 20ième siècle, qui a pour
affirmation centrale « l’existence de personnes libres et créatrices » (Mounier, 1949, p.4).
L’homme n’est pas un être prédéterminé, par une divinité, la Nature, le Cosmos, ou la Cité,
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mais un être autonome et responsable, qui trouve ses fins et ses raisons d’exister en lui. Il se
distingue de l’animal par sa sphère de liberté, par sa capacité à s’autodéterminer et à vouloir
donner un sens à sa vie. Quelles sont les conditions propices à l’expression de cette quête « de
l’auto accomplissement » (Leroux, 1999, p.46), à cette logique de l’autodétermination ?
- Premièrement, la personne a besoin d’un espace de liberté et d’autonomie pour se
créer, se déterminer et choisir les modalités d’élaboration et d’expression de sa personnalité.
L’action doit exprimer et ce faisant, prolonger et développer l’identité de l’acteur.
- Deuxièmement, la quête de l’auto accomplissement conduit la personne à vouloir
exprimer et concrétiser ses talents et qualités qu’elle sent détenir en elle de façon potentielle
(Leroux, 1999). Ce qui se traduit par un besoin d’éprouver ses compétences, de les affirmer et
de les stimuler. Pour cela, l’homme doit pouvoir façonner la matière et plus largement le
monde extérieur afin de s’exprimer et imprimer en lui, à la manière de l’artiste, ses talents et
sa personnalité.
- Troisièmement, la philosophie personnaliste postule la nécessité, pour la personne,
de convoquer le regard d’autrui sur ses actions, afin d’en obtenir la reconnaissance,
indispensable à un sentiment complet d’existence. « Mis en appel, notre jugement réclame le
concours d’un tiers, appelé à porter sa propre évaluation sur notre acte et ce qu’il révèle. »
(Leroux, 1999, p.73.) Le personnalisme présente l’altérité comme constitutive de notre pleine
humanité. La rencontre avec l’Autre engendre une nouvelle naissance pour l’individu car
désormais il est aux yeux d’autrui. « On me regarde, donc je existe » (Todorov, 1995, p.38).
Mais ce sentiment d’existence grâce à la reconnaissance d’autrui doit être maintenu tout au
long de la vie : A chaque nouvelle rencontre, le sujet va tenter d’obtenir la reconnaissance de
l’autre afin de se sentir exister à ses yeux. « L’appétit de la reconnaissance est désespérant.
(…) Notre incomplétude est donc non seulement constitutive, elle est aussi inguérissable »
(Todorov, 1995, p.118). Cette demande de reconnaissance par le regard d’autrui participe à la
recherche d’intériorité du sujet, à l’élaboration de son identité, et l’aide ainsi à répondre à la
question « Qui suis-je ? », voire « Quel sens donner à ma vie ? ». « La personne nous apparaît
aussi comme une présence dirigée vers le monde (…) Les autres personnes ne la limitent pas,
elles la font être et croître. Elle n’existe que vers autrui, elle ne se connaît que par autrui, elle
ne se trouve qu’en autrui. L’expérience primitive de la personne est l’expérience de la
seconde personne. Le tu, et en lui le nous, précède le je, ou au moins l’accompagne »
(Mounier, 1949, p33).
En résumé, pour vivre pleinement cette quête d’autodétermination et
d’accomplissement de soi, la philosophie personnaliste affirme que la personne a besoin d’un
espace de liberté et d’autonomie, de la possibilité d’exprimer ses talents potentiels et ses
compétences (Leroux, 1999), et enfin, de pouvoir convoquer un regard bienveillant d’autrui,
afin d’en recueillir une attention suffisante, nécessaire à l’obtention d’une reconnaissance
(Mounier, 1949 ; Todorov, 1995). Cependant, la création de soi par soi « ne peut se déployer
sans un confort matériel minimum. Quand l’être humain ne peut satisfaire des besoins
physiques élémentaires, des désirs psychiques primordiaux ou des exigences sociales
fondamentales, il ne vit plus. Tout au plus, survit-il » (Leroux, 1999, p.133-134). L’économie
sociale a justement comme mission d’éviter que toute personne soit « affamée,
désespérée ou exclue », avec comme objectif de promouvoir une organisation
économique créatrice de lien social et d’entraide, reposant sur des personnes libres et
responsables. Elle défend les initiatives privées « à utilité sociale », comme le revendiquent
les chartes française et européenne de ce secteur économique.
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1. 2. Missions et spécificités institutionnelles des mutuelles et coopératives.
En France au début des années 1980, les associations, mutuelles et coopératives ont
été rassemblées dans un même cadre juridique (la loi Rocard) qui lexicalise juridiquement
l’appellation « Economie Sociale ». En 2001, ce secteur employait 1.8 millions de salariés en
France, soit près de 8 % de la population active occupée, et pesait près de 10 % du PIB. En
Europe, ce secteur représentait 8.5 millions d'emplois en équivalent temps plein, soit 7.7 % de
l'emploi civil salarié. Contrairement aux associations, les coopératives et mutuelles sont des
« entreprises ». Pourtant, leur mode de fonctionnement diffère largement des entreprises des
secteurs publics et privés. Par exemple, à la différence des assurances, les mutuelles se
caractérisent par le refus de toute sélection des risques et l’absence d’individualisation des
cotisations en fonction de l’état de santé. Selon la charte française déposée en 1995, « ce sont
des entreprises, qui vivent dans l'économie de marché. Mais ce sont des entreprises
différentes, car nées d'une volonté de solidarité au service de l'homme, elles privilégient
le service rendu par rapport au profit dégagé et intègrent dans la vie économique la
dimension sociale ». Ces « sociétés de personnes » et non de « capitaux » sont fondées sur
les principes suivants :
- la libre adhésion des personnes,
- une démocratie participative et égalitaire selon le principe « un homme = une voix »
- l’impossibilité d’appropriation individuelle des bénéfices, excepté dans les coopératives où
les profits peuvent être redistribués aux sociétaires. Autrement dit, la lucrativité est limitée.
- le caractère inaliénable et collectif du capital de l’entreprise selon la règle d’indivisibilité des
réserves.
L’économie sociale a pour objectif de réformer les rapports entreprise/salariés/usagers,
dans le sens d'une plus grande participation de tous à la gestion. Cette volonté d’autogestion
est maximale dans les coopératives ouvrières de production (SCOP) en ce qui concerne les
salariés. La charte européenne souligne « la conjonction des intérêts des membres usagers et
de l’intérêt général, la primauté de la personne et de l’objet social sur le capital, la
défense et la mise en œuvre des principes de solidarité et de responsabilité », etc. Nous
retrouvons bien une idéologie conforme à la philosophie « personnaliste humaniste » que nous
venons d’exposer brièvement. Nonobstant, seule la SCOP correspond à la volonté de réforme
de l'entreprise dans le sens de « l'autogestion par les salariés ». Les autres formes de
coopératives ont été créées en fonction d'autres objectifs qui ne faisaient pas place à la
participation des membres du personnel. Dans ce cas, le but de l'organisation n'est pas
l'autogestion mais la solidarité entre usagers ou consommateurs et la fraction de profit qui
n'est pas mise en réserve peut être affectée à des actions d'entraide, la création de services
nouveaux, etc. Par conséquent, excepté dans le cadre des SCOP, le lien de subordination entre
les fondateurs (les associés dirigeants) et les employés existe, aussi bien dans les mutuelles,
les diverses coopératives, que les associations (Fourel, 2001). Quels modes de GRH peut-on
préconiser pour les entreprises de l’économie sociale ?
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2. Spécificités motivationnelles des acteurs au sein des entreprises « sociales ».
« La connaissance minutieuse des mécanismes intimes de la motivation est indispensable à la
construction d’une théorie viable de la firme, dans la mesure où ils déterminent pour une
bonne part le comportement des individus dans l’organisation »
G. Baker, M. Jensen et K. Murphy (1988, p.593)
Nous avons souligné que l’idéologie véhiculée par ce secteur économique est forte et
correspond à la philosophie humaniste. Or, cette philosophie implique une ontologie de
l’acteur économique totalement différente de celle supposée par le modèle économique
néoclassique standard de l’homo oeconomicus. Par conséquent, pouvons-nous conserver les
préconisations managériales de la théorie de l’agence (en termes de dispositifs incitatifs par
exemple) pour les appliquer aux entités de l’économie sociale pour garantir leur efficacité ?
2. 1. Comparaisons avec les hypothèses de l’économie standard.
Plusieurs théories de la firme s’attachent à expliquer les raisons de l’émergence et les
conditions d’efficience des formes organisationnelles capitalistes et ce faisant, postulent un
certain nombre d’hypothèses sur les motivations et préférences des agents économiques. Par
exemple, selon la théorie des droits de propriété (Alchian et Demsetz, 1972), les agents
maximisent leur fonction d’utilité par la recherche de leur intérêt individuel. L’égoïsme des
agents fait donc partie des présupposés de base de cette théorie. En effet, ces auteurs
supposent que lorsque les contributions individuelles de chaque travailleur ne sont pas
visibles et sont indissociables du travail global, chaque participant a un intérêt immédiat à
« laisser travailler les autres » en fournissant un effort minimal. Or, si chacun adopte cette
stratégie, le résultat final sera médiocre et tous seront pénalisés. Pour sortir de la solution
ruineuse du dilemme, il faut qu’un individu soit désigné comme surveillant de l’équipe et que
lui soit donnée la possibilité éventuelle de sanctionner l’opportunisme des participants et
d’inciter à l’effort avec un dispositif incitatif de sanctions et récompenses. Cependant, le
problème est seulement différé « un cran plus haut » : qui va surveiller le surveillant ?
Comment inciter celui-ci à fournir un effort maximal de surveillance ? Alchian et Demsetz
(1972) proposent d’en faire un créancier résiduel en lui octroyant un droit de propriété sur la
part résiduelle du produit final. Par conséquent, une des conclusions de ce corpus théorique
est que les formes coopératives et mutualistes devraient être inefficaces, car la propriété
n’appartenant à personne, aucun des membres ne se trouve incité à maximiser la valeur
du capital de la firme. La justification de l’existence de la firme dans la théorie des droits de
propriété repose donc sur une structure particulière de la carte des préférences des individus
faisant la part belle à l’opportunisme, incapable d’expliquer l’existence et le succès des
coopératives et mutuelles.
Pour Williamson, c’est lorsque la transaction par le marché devient trop coûteuse que
la création de la firme est justifiée. Or selon cet auteur, l’élément déterminant dans le coût de
transaction consiste en la présence de l’opportunisme sans lequel la rationalité limitée et
l’incertitude ne seraient pas autant problématiques. « Deux facteurs apparaissent
fondamentaux : la complexité et l’incertitude des transactions qui offrent aux tendances
opportunistes une occasion de se manifester. (…) Principal facteur explicatif des coûts de
transaction, l’opportunisme peut se caractériser par toute attitude visant à divulguer sur le
marché des informations fausses, à omettre la transmission de données importantes pour la
conclusion d’un contrat ou toute attitude visant à privilégier les intérêts d’une partie au
détriment d’une autre. (…) L’opportunisme élargit l’hypothèse classique selon laquelle les
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agents économiques sont guidés par le souci de leur intérêt propre. » (Allix-Desfautaux et
Joffre, 1997, p.758-760). Quant à la théorie de l’agence, elle repose sur l’hypothèse
comportementale que « les individus, dans leurs activités coopératives, vont chercher à
profiter des failles des contrats liées à l’incertitude et à la non-observabilité pour maximiser
leur utilité, éventuellement aux dépens des autres. (…) Les coûts de surveillance sont
supportés par le principal pour tenter de limiter le comportement opportuniste de l’agent »
(Charreaux, 1987, p.25).
Les diverses analyses économiques « standard » que nous venons de rappeler reposent
toutes sur l’hypothèse d’individus égoïstes animés de motivations extrinsèques2, amorales et
asociales. Le plaisir du travail bien fait, des engagements tenus, le choix de la coopération
pour les valeurs qu’elle représente ou comporte, ne font pas partie des préférences supposées
de l’agent. Dans ce cas, comment expliquer l'émergence et l’efficience d'un secteur
économique basé sur les valeurs d'entraide, de solidarité, de lucrativité limité, voire de
bénévolat ?
2. 2. Typologie des motivations des acteurs de l’entreprise
Vouloir expliquer l’existence et l’efficience des mutuelles et coopératives nous
oblige à revisiter deux postulats fondamentaux des théories standard de la firme :
- D’une part, l’hypothèse que les agents économiques retirent leur utilité uniquement des
conséquences anticipées de leurs actes et décisions, et non de ces actes et décisions euxmêmes. La critique de ce point nous conduit à dépasser le cadre des motivations
extrinsèques pour introduire la notion de « motivation intrinsèque » que nous allons
développer.
- D’autre part, l’hypothèse d’égoïsme et d’opportunisme des agents ; nuancer l’ampleur de
ce postulat permet d’introduire le rôle fondamental des motivations morales, pro-sociales et
réciproques des salariés.
Nous proposons donc d’élargir le spectre des motivations habituellement retenues par
l’économiste pour expliquer le comportement des acteurs de l’économie sociale. Pour ce faire,
nous allons solliciter les études réalisées sur la motivation en psychologie, en science de
gestion et en économie expérimentale.
Suivant la typologie proposée par Deci & Ryan (2000), il existe trois types de motivations
chez la personne : les motivations « intrinsèques », « extrinsèques internalisées » ainsi que les
motivations « purement extrinsèques ». Tandis que les théories économiques standard ne
retiennent que ce dernier type de motivation, de nombreux travaux empiriques montrent non
seulement que les deux premières motivations sont présentes en situation de travail, mais
qu’elles s’avèrent de surcroît indispensables pour garantir de hauts niveaux de créativité et
d’implication dans la tâche. Cette typologie des motivations repose sur la théorie de
l’autodétermination (Deci & Ryan, 2000) développée en psychologie, selon laquelle tous les
êtres humains ont la volonté de s’autodéterminer et pour cela doivent satisfaire trois besoins
fondamentaux que sont le besoin de compétence (se sentir efficace, faire face à des challenges
stimulants), d’autonomie (auto-organiser son expérience, se sentir le propre initiateur de nos
actions) et de relations sociales basées sur le respect mutuel et la confiance réciproque. Nous
retrouvons les principes de la philosophie personnaliste, afin de préserver la dimension de
« personne » et permettre l’épanouissement et le développement de chacun.
2
La motivation d’un individu est extrinsèque lorsqu’elle réside dans les conséquences de ses actes (matérielles,
financières) et non dans les actes eux-mêmes (plaisir de les réaliser).
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La motivation intrinsèque est le prototype parfait de l’autodétermination :
« J’entreprends une tâche parce que je le veux et qu’elle me plait (intéressante et / ou source
de plaisir) ». L’individu n’est donc pas sous le contrôle d’incitations extérieures : le « lieu de
causalité de l’action » se trouve donc en lui-même (De Charm, 1968). La satisfaction des trois
besoins fondamentaux permet également l’intériorisation des valeurs, des normes et des
exigences de l’environnement dans lequel se trouve l’individu, comme en témoignent
plusieurs études empiriques (Eghrari & Deci, 1988 ; Deci & al., 1994). Autonomie,
responsabilisation et valorisation de soi favorisent une sensation d’autocontrôle qui permet
une auto-subordination à l’intérêt collectif de l’organisation. Au sein de l’entreprise, il s’opère
alors un processus de légitimation du lien de subordination. Il s’agit de motivations
extrinsèques internalisées que nous définissons comme le fait de s’engager dans une
activité parce qu’elle est jugée importante pour les valeurs, normes et significations
qu’elle représente et permet de satisfaire par ses conséquences : « J’entreprends une tâche
ou j’adopte un comportement parce que je le veux et qu’elle / il m’apparaît comme très
important(e) et valorisable à mes yeux, pour les valeurs et normes véhiculées ». L’individu a
intériorisé la contrainte et n’a plus besoin d’être contrôlé pour adopter un comportement
efficace. Le besoin de se sentir autodéterminé suscite une dynamique d’internalisation des
régulations extérieures à soi afin d’en faire des régulations intérieures à soi. Motivation
intrinsèque et motivation extrinsèque internalisées sont donc l’expression de notre
autodétermination. Nous pouvons les réunir sous le vocable « motivations autorégulées ».
Leur dénominateur commun est un lieu de causalité de l’action interne à l’individu.
De nombreux tests réalisés en économie et en psychologie expérimentales, ainsi que
des enquêtes de terrain montrent que la présence des motivations autorégulées est associée à
un meilleur apprentissage, à un plus grand bien-être et à une plus grande performance, aussi
bien aux USA, qu’en Bulgarie, au Canada, au Japon, en Russie et en Australie (Vallerand et
Bissonnette, 1992 ; Hamamizu, 1997 ; Benware et Deci, 1984 ; etc.). Les nombreux travaux
de Amabile (1988) et son équipe (Amabile & Gryskiewicz, 1989 ; Amabile & al., 1996), ont
mis en évidence l’importance fondamentale de la motivation intrinsèque pour garantir la
créativité et la capacité d’innovation au travail, indispensables dans le cas de la R&D par
exemple. Quant aux motivations extrinsèques internalisées, elles sont fondamentales
pour expliquer le bénévolat, les actions humanitaires, écologiques, ainsi que les
comportements citoyens, moraux et pro-sociaux – c’est-à-dire, en faveur d’autrui et de la
société en général (Gagné, 2003). L’idéologie humaniste présente au sein des entreprises de
l’économie sociale est fortement porteuse de motivations extrinsèques internalisées. Il importe
donc, au sein de ces entités, de mettre en place un mode de GRH permettant de ne pas évincer
ce type de motivation mais bien au contraire de le stimuler. Quelles sont donc les pratiques de
GRH à éviter et celles à préconiser ?
3. Spécificités de la GRH dans les entités de l’économie sociale et solidaire.
3. 1. Le coût caché des incitations
Plusieurs études empiriques confirment l’hypothèse selon laquelle un environnement
de travail favorable aux besoins d’autonomie, de compétence et de relations sociales
épanouissantes stimule les motivations autorégulées ainsi que les performances des salariés
(Deci & al., 1989 ; Baard & al., 2004 ; Deci & al., 2001 ; Deci & Cascio, 1972 ; Blais &
Brière, 1992 ; etc.).
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Inversement, il a été mis en évidence dans de nombreuses études empiriques que le fait
de surveiller et de menacer de punition fait diminuer la motivation autorégulée. Il en est
parfois de même pour la survenance d’incitations positives (rémunérations, récompenses) :
Lorsque les tâches sont entreprises avec des objectifs pro-sociaux, autrement dit, lorsqu’elles
répondent à des « motivations extrinsèques internalisées », certains auteurs ont observé que
les incitations positives font chuter le niveau d’effort ou de don. Par exemple, Fabes et al.
(1989) ont constaté dans une expérience de terrain que rémunérer des enfants pour une action
d’aide à autrui (faire le tri du papier au profit d’enfants malades) sape leur comportement prosocial, c'est-à-dire leur motivation à œuvrer pour les intérêts d’autrui. De même, Gneezy et
Rustichini (2000) conduisent une expérience sur des enfants chargés de collecter des dons
pour des œuvres caritatives. Ils observent alors que les enfants à qui il a été proposé de garder
un pourcentage de leur collecte de dons en guise de rémunération, sont moins motivés et ont
de moins bons résultats que les enfants qui ne bénéficient d’aucune incitation monétaire.
Kunda et Schwartz (1983) ont également trouvé que rémunérer les étudiants pour leur aide
auprès de personnes aveugles sapait leur motivation à aider ces personnes. In fine, l’aide
diminue. Enfin, Titmuss (1970) et Upton (1974), ont constaté lors d’études de terrain, que les
donneurs de sang à qui il est remis une récompense donnent moins que ceux à qui il n’est rien
remis en échange. Les déclarations d’intention de dons de sang sont moindres pour les
donneurs auprès de qui il a été vanté les bénéfices personnels qu’ils pouvaient en retirer, que
pour les donneurs auprès de qui l’accent a été mis sur leur bonne volonté. Comment expliquer
cette chute de motivation morale et pro-sociale lors de la survenance d’incitations aussi bien
positives que négatives ?
De nombreux auteurs parlent du « coût caché des incitations » qui évincent les
motivations autorégulées et font chuter la performance globale des salariés lorsque la
stimulation des motivations extrinsèques ne suffit pas à compenser cette éviction (Fehr &
Gächter, 2000 ; Gneezy & Rustichini, 2000 ; Fehr & Rockenbach, 2001 ; Frey & Jegen,
2001 ; Fehr & Falk, 2002 ; Gneezy, 2003 ; Dickinson & Villeval, 2004). Ces motivations
autorégulées étant fort présentes dans les entreprises de l’économie sociale, il importe de
comprendre les mécanismes sous-jacents à ces phénomènes d’éviction, afin de ne pas les
reproduire. Plusieurs raisons permettent d’expliquer ces coûts cachés des incitations.
3. 1. 1. Sentiment d’autodétermination et lieu de causalité de l’action.
Dans le cadre de motivations autorégulées, l’individu entreprend une action pour le
plaisir qu’il retire en la réalisant, pour les valeurs morales et la signification qu’elle incarne,
ou pour les normes sociales qui la règlent : Si l’incitation externe est perçue comme une
source de contrôle sur l’action et sur l’individu, la tâche devient réglée par ce dispositif
incitatif et non plus par le plaisir, les valeurs et les normes. Deci et Cascio, (1972), Lepper et
Greene, (1975), Reeve et Deci, (1996), mettent en évidence dans leurs études empiriques que
suite à la mise en place d’un dispositif de surveillance et de menaces de punitions, les
individus rapportent une chute dans leur sentiment d’autodétermination. Leur attention se
déplace de la tâche vers les contraintes à respecter et les punitions ou récompenses associées.
Fisher (1978) et Zuckerman & al. (1978) ont trouvé dans leurs expériences que plus la
procédure est formelle, plus elle est ressentie comme une contrainte diminuant le sentiment
d’autodétermination et la motivation intrinsèque des participants. Effectivement, si
l’instauration d’un dispositif formel de surveillance, d’incitation (rémunération,
promotions, sanctions, etc.) et d’encadrement du travail est perçue comme
manipulatrice et source de contrôle sur l’individu, elle ne lui permet plus de
10
s’autodéterminer. L’agent perd ainsi sa motivation intrinsèque, source de performance. De
plus, le lieu de causalité de l’action se déplace hors de lui, ce qui débouche sur un manque
d’internalisation des contraintes, normes et valeurs, devant être compensé par davantage de
régulations externes, autrement dit par davantage d’incitations et de surveillance coûteuses
(Sherman et Smith, 1984).
3. 1. 2. Incitations et motivation extrinsèque introjectée.
A propos de la motivation extrinsèque internalisée, elle peut être soit « introjectée »,
soit « intégrée », car il existe deux stades dans l’internalisation des normes sociales et des
valeurs morales présentes dans l’environnement au sein duquel évolue la personne.
L’introjection caractérise le premier stade de l’internalisation des régulations
externes. A ce niveau, la régulation des motivations et in fine du comportement, est contrôlée
en interne par une partie du « moi », mais il s’agit encore d’une règle que l’on s’oblige soimême à respecter. L’individu instaure lui-même un système de sanction (honte ou culpabilité)
et récompense (auto-approbation, plus grande estime de soi) pour s’inciter à respecter ces
règles. L’estime de soi de la personne se trouve assujettie au suivi de ces règles, valeurs ou
normes. Par conséquent, si elle entreprend une activité dans le but de respecter et satisfaire ces
règles et valeurs introjectées, la personne joue son estime d’elle-même dans l’activité, c’est
son ego qui est impliqué et qui est en jeu. C’est pourquoi les auteurs parlent de « ego
involvement » (Deci & al., 1994 ; Ryan & al., 1991) : l’action n’est pas entreprise pour ellemême, mais pour l’image qu’elle permet de donner de l’acteur qui l’entreprend (Kunda
&Schwartz, 1983). Nous parlons dans ce cas de « motivation extrinsèque introjectée ».
Pour les individus qui recherchent les situations et les comportements leur permettant
de prouver à autrui et à eux-mêmes qu’ils endossent un certain type d’identité (cas de
l’introjection), les incitations peuvent ruiner leur possibilité de témoigner de cette identité et
par conséquent, saper leur motivation. En effet, la représentation qu’a une personne d’ellemême peut constituer une de ses raisons d’agir : « je veux être et me comporter comme une
personne altruiste, donc je vais aider bénévolement autrui ». Or, les incitations peuvent
affecter la représentation qu’ont les individus d’eux-mêmes en terme de personnes généreuses
car dès qu’il leur est fournit une récompense monétaire, leur action est replacée dans un cadre
marchand et perd sa dimension bénévole. L’action qui était visée ne devient plus un bon
véhicule pour la perception qu’ils cherchent à avoir d’eux-mêmes car par l’intervention
des incitations, l’action ne représente plus les normes ou valeurs auxquelles ils désirent se
conformer. Ils perdent ainsi leur raison d’agir : leurs motivations extrinsèques introjectées
sont évincées par la survenance des incitations – pourtant préconisées par les théories standard
de la firme comme permettant d’accroître le niveau d’effort des individus.
3. 1. 3. Incitations et motivation extrinsèque intégrée.
L’intégration caractérise le deuxième stade de l’internalisation des régulations
externes dans le « moi ». Le sujet fait sienne la règle et l’intègre dans la définition de luimême car elle devient une partie intégrante de sa personnalité, au point de n’être plus une
règle qu’il doit respecter mais un trait de caractère, l’expression de son identité, une
préférence personnelle qu’il a envie de suivre. La personne s’autodétermine pleinement et
accomplit un acte parce qu’il est important pour elle et a du sens : elle est donc réellement
impliquée dans la tâche (et non dans l’estime et l’image d’elle-même). Les auteurs parlent de
« task involvement » (Deci & al., 1994). Il s’agit de « motivations extrinsèques intégrées ».
11
Lorsque une personne se trouve animée par de telles motivations, il découle de son
« identité », de la représentation qu’elle a d’elle-même, un ensemble de règles de
comportements, de droits et de devoirs, de rôles, pour chaque type de situation rencontrée.
Quand les individus veulent entreprendre des actions en harmonie avec leur
personnalité, et choisissent une action bénévole parce qu’ils se sentent bénévoles dans
l’âme, la survenance d’incitations externes rompt le caractère désintéressé de l’action
qui dès lors, ne correspond plus à leur personnalité. Leurs actes ne sont plus en conformité
avec leur être : ils se retrouvent en situation de dissonance cognitive. Ici, les incitations
donnent une signification à l’action et une logique de comportement incohérentes avec les
logiques propres des acteurs qui ne peuvent plus être eux-mêmes dans l’activité. Il va
s’ensuivre une chute du niveau d’implication des bénévoles.
3. 1. 4. Inadéquation entre les incitations et la signification et logique d’une situation.
Les incitations sont en inadéquation avec la signification et la logique d’une situation
lorsque, par exemple, elles transforment en relation intéressée et monétaire, une action ou un
évènement qui n’appartient pas au cadre marchand, qui ne fonctionne pas selon ces normes.
Non seulement l’action perd sa signification originelle, mais ses acteurs sont offensés,
humiliés par la survenance de normes marchandes pour régler leur action. Par exemple, la
rémunération du don de sang ou d’organes se heurte aux normes sociale et morale selon
lesquelles le corps humain ne peut faire l’objet d’une transaction marchande. De même pour
les employés honnêtes qui interprètent l’instauration des incitations soit comme un
manque de reconnaissance de leur disposition naturelle à être honnête, soit comme le
prix que l’entreprise est prête à payer en échange de leur honnêteté. Or la morale n’est
pas monnayable, un comportement moral ne se vend pas, ne s’achète pas par définition, sinon
il ne s’agit pas de morale mais d’un comportement stratégique et intéressé. Avec
l’instauration d’incitations formelles, la situation perd sa signification qui était source de
motivation. Seule la valeur économique est désormais saillante.
3. 1. 5. Changement de motivations.
Lorsque les individus interprètent une situation en termes de normes sociales à suivre
et de valeurs morales à respecter et promouvoir, la survenance d’incitations peut non
seulement heurter cette logique « normative » mais également les inciter à la délaisser au
profit d’une logique « stratégique » puisque les incitations rendent cette dernière saillante
(Lindenberg, 2003). La motivation extrinsèque internalisée des individus est alors abandonnée
au profit de la motivation purement extrinsèque. Mais si l’incitation s’avère trop faible pour
accroître suffisamment cette dernière de manière à compenser la chute de la motivation
autorégulée, il s’ensuit une chute du niveau d’effort final. L’introduction d’incitations fait
sortir les participants à la relation sociale de la logique du don et de la coopération
volontaire et mutuelle basée sur la confiance réciproque, pour retrouver la logique du
stratégique et de l’intérêt personnel, au sein de laquelle règne la menace de la défection
et de la solution ruineuse du dilemme du prisonnier (Gneezy, 2003).
Nous venons d’exposer brièvement les diverses causes d’éviction des motivations
autorégulées qui peuvent être fortement présentes dans les entreprises de l’économie sociale,
de par l’idéologie de ces dernières. Quels sont donc les modes de GRH et plus précisément,
12
d’organisation du travail, d’encadrement et de leadership permettant de ne pas évincer mais
bien au contraire de stimuler ces motivations ?
3. 2. Une gestion des ressources humaines appropriée aux entités de l’économie sociale.
La charte française de l’économie sociale déclare que les entreprises de ce secteur
doivent :
« 1/ [faire] appel à toutes les techniques de gestion et de financement modernes, à condition
que les sociétaires en conservent le contrôle et que se renforcent entre eux les liens de
solidarité.
2/ Enrichir le rôle des sociétaires par l'adoption de procédures nouvelles, adaptées aux
dimensions des entreprises, où doit rester vivant le lien naturel entre les sociétaires, leurs élus
et la direction ; dans le même esprit développer la formation des bénévoles, et notamment
celle des élus, et apporter ainsi leur contribution au progrès de la citoyenneté.
Elles estiment qu'il faut développer au sein de chacune d'elles une "culture d'entreprise" (…)
Les coopératives, associations et mutuelles (…) rappellent que leur objectif est de réaliser la
rentabilité sociale et pas seulement économique, d'être au service du plus grand nombre,
de dégager des bénéfices au profit de tous et non de quelques uns, de développer la
solidarité et la justice sociale pour aider à l'émancipation de l'Homme. »
Quels sont les principes majeurs d’une GRH conforme aux principes humanistes et permettant
de soutenir les motivations extrinsèques internalisées des acteurs économiques ?
3. 2. 1. Un management promouvant l’autodétermination de la personne en satisfaisant
les trois besoins fondamentaux.
- Premièrement, le travail doit s’accompagner d’une zone d’autonomie pour le
salarié, lui permettant d’exprimer sa personnalité et d’éprouver sa liberté. Concrètement, cela
signifie d’une part, que le travailleur doit pouvoir, dans une certaine mesure, personnaliser
l’action, afin de l’adapter à ses spécificités et d’y inscrire une trace de sa personnalité. D’autre
part, il doit pouvoir prendre des initiatives, réaliser des choix, afin de se sentir responsable de
sa tâche. Les modes de management participatif et « délégatif » peuvent permettre de
satisfaire cet objectif. La démocratie coopérative et mutualiste avec son principe « un
homme, une voix », représente justement un principe de base dans la recherche d’implication
de chacun dans les choix collectifs, dans la création d’un sentiment d’appartenance à
l’institution et au groupe. Il est donc souhaitable d’instaurer des pratiques managériales
proches des systèmes de gouvernance en vigueur dans ce type d’institutions : à savoir des
pratiques favorisant la participation de tous aux délibérations et décisions collectives, à la
détermination des objectifs à poursuivre.
- Deuxièmement, le travail doit offrir la possibilité au salarié d’exprimer ses talents, de
relever des challenges stimulants, d’affirmer et de développer ses compétences et ses qualités.
L’enrichissement et l’élargissement des tâches, la rotation interne, la formation
continue, l’octroi de responsabilités, etc., peuvent concourir directement à cet objectif, de
même que la promotion interne et la gestion des carrières. Le travail doit également être
valorisant pour la personne, afin qu’elle ait la sensation d’accomplir le meilleur d’elle-même,
de « se réaliser ». Le thème de la valorisation nous fait entrer dans le champ de l’identification
13
du travailleur à sa tâche : tout ce qui ennoblit la tâche contribue à sa valorisation (titres,
statuts, meilleure tenue vestimentaire, etc.).
- Troisièmement, la situation de travail doit permettre à la personne de se sentir
reconnue « à sa juste valeur » par autrui. Des relations basées sur la confiance sont un prérequis évident ; un dialogue régulier entre les subordonnés et leurs supérieurs hiérarchiques,
une évaluation des performances et un système de rémunération perçus comme justes, un
feed-back constructif sur les compétences, l’octroi de responsabilités mais aussi les actes
matériels ou symboliques qui sanctionnent l’importance du rôle occupé par le salarié (du
simple « c’est bien ! » à l’avancement dans la carrière) lui permettent de se sentir « reconnu »
(Peretti, 2005).
3. 2. 2. Leadership et « sens du projet collectif ».
Tandis que le « manager » est celui qui gère, coordonne, surveille, évalue, etc., le
leader anime, donne du sens et une vision globale de l’action, fédère l’équipe autour d’un
projet commun. Les entités de l’économie sociale ont besoin de leaders qui sachent
transmettre et diffuser leurs valeurs et fédérer leurs membres autour de leurs missions.
Pour créer une culture d’entreprise, les dirigeants peuvent avoir recours aux chartes et codes
déontologiques, aux guides de bonnes pratiques qui exposent également les grandes missions
de l’entreprise. Le dirigeant d’une mutuelle ou d’une coopérative est appelé à « manager par
le projet », c’est-à-dire, à relier toutes ses décisions et actions ainsi que celles de ses salariés,
au sens du projet et à son intérêt collectif. Ainsi l’adhésion au projet peut devenir une source
majeure de motivation des salariés, comme elle l’est déjà bien souvent pour les bénévoles.
Leur travail se trouve alors doté d’une reconnaissance sociale liée à l’utilité collective du
projet qu’ils servent.
Un « bon leadership » est alors celui qui octroie de l’autonomie tout en donnant du
sens et en accroissant l’identité collective et le sentiment d’appartenance à une institution
(Tremblay & al. 2005). D’où la nécessité d’adopter dans les mutuelles et les coopératives un
« leadership émotionnel » promouvant un sentiment d’identité et de développer les
techniques de « marketing RH » et de communication interne. En effet, pour qu’il y ait
internalisation des règles, il faut qu’elles soient suffisamment saillantes pour être prises en
compte par la personne. Trop d’autonomie accordée aux employés, une communication
insuffisante sur les objectifs à poursuivre et sur les valeurs de l’entreprise, peut conduire à un
déficit d’internalisation des règles, à un problème de détermination des objectifs prioritaires à
poursuivre et des modes de comportements à privilégier dans le travail. Les directives, dates
limites et autres types d’incitations peuvent donner un sens, une direction souhaitable à
l’action. Accorder de l’autonomie et des opportunités de choix ne veut donc pas dire ne pas
communiquer sur les valeurs et les objectifs de l’entreprise, ni ne pas orienter l’action des
membres dans un sens souhaitable pour l’organisation. La problématique porte donc
davantage sur la forme que doivent revêtir les incitations et non sur leur présence ou
leur absence. D’ailleurs, lorsque les versements de primes, de salaires et de divers avantages
sont perçus comme une source de reconnaissance et de valorisation des compétences, les
employés voient leurs motivations autorégulées stimulées et ceux qui fonctionnent sur un
mode réciproque développent à l’égard de leur entreprise une réciprocité bienveillante source
de comportements citoyens. De même, lorsque le contrôle, l’encadrement de l’activité et
l’évaluation des performances sont perçus comme permettant une rétribution plus juste des
14
efforts de chacun, ils permettent de stimuler à la fois les motivations extrinsèques et
autorégulées.
Enfin, le leadership doit être situationnel (Tissier, 1988 ; Hersey & Blanchard,
1972). L’humanisme défend l’idée que toute personne est porteuse de sa singularité et de sa
subjectivité, tandis que chaque situation présente un niveau de complexité différent et des
contraintes et objectifs variables. Par conséquent, le leader doit adapter son style de
management (directif, persuasif, participatif ou délégatif) en fonction des personnes avec qui
il est en relation et des situations dans lesquelles il se trouve (Tissier, 1988). L’intelligence
émotionnelle du leader est donc indispensable puisqu’elle favorise une bonne gestion
émotionnelle et connaissance de soi et de ses collaborateurs, ainsi que la flexibilité nécessaire
pour s’adapter aux niveaux d’autonomie, de compétence et aux types de motivations des
collaborateurs (George, 2000 ; Brown & Moshavi, 2005).
« Un certain type de désordre est inséparable de l’implication et de l’initiative du plus
grand nombre : les réponses aux aspirations à plus d’identité, d’autonomie et de différences ne
peuvent être que diversifiées, locales et individualisées ; l’initiative, c’est faire ce qui n’a pas
été prévu par la règle et sortir du cadre établi ; l’innovation, c’est la perturbation économique
et sociale par excellence. Pour le responsable, c’est susciter de l’imprévu et de l’incertitude
derrière lui, alors que le dirigeant taylorien cherche à supprimer celle-ci en construisant une
machine la plus mécanique possible dont on connaît à l’avance toutes les réactions. Pour
fédérer l’initiative du plus grand nombre sur des buts communs, le responsable ne peut pas
compter sur l’imposition d’une manière de faire, ou sur la multiplication des règles et des
directives, outils simples qui étouffent la réactivité en ne connaissant que l’ordre ou le
désordre. Il lui faut au contraire associer un certain type d’ordre sans lequel rien ne se fait et
un certain type de désordre vital, indispensable à la réactivité et à l’innovation. » (Ribette,
1997, p. 1479). Cet auteur propose alors de fédérer par le partage du sens, par une « vision
crédible d’un futur désirable commun », par le partage des valeurs. Il ajoute plus loin que
« cette recherche [lui] parait tenir d’un nouvel humanisme plaçant l’homme au centre des
démarches de gestion de l’entreprise, et le laissant responsable de son évolution personnelle »
(Ribette, 1997, p. 1480). Nous retrouvons tout ce qui a trait à la gouvernance cognitive
(Charreaux, 2002 ; Lindenberg, 2003 ; Meyer, 2004).
Conclusion
Les normes sociales et morales, le sens de la responsabilité, du devoir et de
l’engagement, ainsi que l’entraide et la solidarité sont des ingrédients fortement présents dans
les préférences des acteurs économiques des mutuelles et coopératives.
Les formalisations et prédictions des comportements des agents économiques, les
modes de justification de l’existence des firmes, des relations hiérarchiques et des structures
incitatives proposés par les théories néoclassiques de la firme, reposent sur l’hypothèse
fondamentale de la présence d’opportunisme – quasi-systématique – chez les individus. Cet
opportunisme découle d’une configuration particulière des préférences de l’agent
correspondant à un individu rationnel et égoïste, porteur de préférences extrinsèques,
amorales et asociales. Or, un tel cadre théorique ne permet pas d’expliquer l’émergence et
l’efficacité des formes organisationnelles de l’économie sociale, qui cherchent à satisfaire les
intérêts de tous et leur idée du bien commun.
Nous avons montré, à l’aide de développements théoriques et d’études empiriques,
qu’en présence de motivations morales, pro-sociales et intrinsèques, un dispositif d’incitations
standard ne s’avère pas la solution la plus efficace pour maximiser les niveaux d’effort et de
15
qualité de la prestation de travail. L’octroi d’autonomie et de confiance peut être, au contraire,
favorable à l’implication des salariés tandis que la surveillance et l’encadrement étroit de
l’activité sont parfois perçus comme une preuve de suspicion vexatoire, source de
démotivation, de malaise et de comportements opportunistes. De nombreux auteurs parlent
ainsi des « coûts cachés des incitations ». Nous avons vu que ces derniers peuvent être évités
lorsque les pratiques de GRH permettent aux salariés de se sentir considérés comme de
véritables « associés », pleinement « auteurs » de leurs actes, en favorisant leur
développement personnel.
Les entreprises sociales (mutuelles et coopératives) trouvent leur raison d’être dans les
valeurs morales de dignité de la personne et les normes sociales d’entraide et de réciprocité.
Ces entités sont porteuses d’un « sens collectif » fort et sont empreintes d’une idéologie
humaniste. Par conséquent, leur gestion des ressources humaines doit préserver et stimuler les
motivations autorégulées des membres de ces entités, et plus largement leur sentiment
d’autodétermination.
Une GRH conforme aux principes issus de la philosophie humaniste et de la théorie de
l’autodétermination développée en psychologie (satisfaction des besoins d’autonomie, de
compétence, de reconnaissance), un leadership émotionnel et situationnel, ainsi qu’un
management par le projet et les valeurs, sont autant de recettes permettant de nourrir la
recherche d’efficience des formes coopératives et mutualistes.
16
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