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mais un être autonome et responsable, qui trouve ses fins et ses raisons d’exister en lui. Il se
distingue de l’animal par sa sphère de liberté, par sa capacité à s’autodéterminer et à vouloir
donner un sens à sa vie. Quelles sont les conditions propices à l’expression de cette quête « de
l’auto accomplissement » (Leroux, 1999, p.46), à cette logique de l’autodétermination ?
- Premièrement, la personne a besoin d’un espace de liberté et d’autonomie pour se
créer, se déterminer et choisir les modalités d’élaboration et d’expression de sa personnalité.
L’action doit exprimer et ce faisant, prolonger et développer l’identité de l’acteur.
- Deuxièmement, la quête de l’auto accomplissement conduit la personne à vouloir
exprimer et concrétiser ses talents et qualités qu’elle sent détenir en elle de façon potentielle
(Leroux, 1999). Ce qui se traduit par un besoin d’éprouver ses compétences, de les affirmer et
de les stimuler. Pour cela, l’homme doit pouvoir façonner la matière et plus largement le
monde extérieur afin de s’exprimer et imprimer en lui, à la manière de l’artiste, ses talents et
sa personnalité.
- Troisièmement, la philosophie personnaliste postule la nécessité, pour la personne,
de convoquer le regard d’autrui sur ses actions, afin d’en obtenir la reconnaissance,
indispensable à un sentiment complet d’existence. « Mis en appel, notre jugement réclame le
concours d’un tiers, appelé à porter sa propre évaluation sur notre acte et ce qu’il révèle. »
(Leroux, 1999, p.73.) Le personnalisme présente l’altérité comme constitutive de notre pleine
humanité. La rencontre avec l’Autre engendre une nouvelle naissance pour l’individu car
désormais il est aux yeux d’autrui. « On me regarde, donc je existe » (Todorov, 1995, p.38).
Mais ce sentiment d’existence grâce à la reconnaissance d’autrui doit être maintenu tout au
long de la vie : A chaque nouvelle rencontre, le sujet va tenter d’obtenir la reconnaissance de
l’autre afin de se sentir exister à ses yeux. « L’appétit de la reconnaissance est désespérant.
(…) Notre incomplétude est donc non seulement constitutive, elle est aussi inguérissable »
(Todorov, 1995, p.118). Cette demande de reconnaissance par le regard d’autrui participe à la
recherche d’intériorité du sujet, à l’élaboration de son identité, et l’aide ainsi à répondre à la
question « Qui suis-je ? », voire « Quel sens donner à ma vie ? ». « La personne nous apparaît
aussi comme une présence dirigée vers le monde (…) Les autres personnes ne la limitent pas,
elles la font être et croître. Elle n’existe que vers autrui, elle ne se connaît que par autrui, elle
ne se trouve qu’en autrui. L’expérience primitive de la personne est l’expérience de la
seconde personne. Le tu, et en lui le nous, précède le je, ou au moins l’accompagne »
(Mounier, 1949, p33).
En résumé, pour vivre pleinement cette quête d’autodétermination et
d’accomplissement de soi, la philosophie personnaliste affirme que la personne a besoin d’un
espace de liberté et d’autonomie, de la possibilité d’exprimer ses talents potentiels et ses
compétences (Leroux, 1999), et enfin, de pouvoir convoquer un regard bienveillant d’autrui,
afin d’en recueillir une attention suffisante, nécessaire à l’obtention d’une reconnaissance
(Mounier, 1949 ; Todorov, 1995). Cependant, la création de soi par soi « ne peut se déployer
sans un confort matériel minimum. Quand l’être humain ne peut satisfaire des besoins
physiques élémentaires, des désirs psychiques primordiaux ou des exigences sociales
fondamentales, il ne vit plus. Tout au plus, survit-il » (Leroux, 1999, p.133-134). L’économie
sociale a justement comme mission d’éviter que toute personne soit « affamée,
désespérée ou exclue », avec comme objectif de promouvoir une organisation
économique créatrice de lien social et d’entraide, reposant sur des personnes libres et
responsables. Elle défend les initiatives privées « à utilité sociale », comme le revendiquent
les chartes française et européenne de ce secteur économique.