Soirée Débat ADFE La Grèce et l’Europe face à la dette grecque Les critiques au Mémorandum Arguments et limites des solutions alternatives Perspectives politiques et économiques Thanos Contargyris Les critiques au Mémorandum • La nécessité de réduire un déficit qui avait atteint près de 15% n’est pas contestable, c’est d’ailleurs la seule chose réussie de ce plan à ce jour et une bonne chose, qui a certes un prix, mais est nécessaire pour que la Grèce retrouve une marge de manœuvre face à ses créanciers – – • Pour cela il était nécessaire de réduire les dépenses de l’État et d’augmenter ses recettes aussi pénible que cela soit Le seul fait de devoir le faire ne pouvait que provoquer une récession Par contre les mesures d’austérité visant les catégories les plus pauvres imposées par le Mémorandum - principalement par l’Allemagne, via la Commission Européenne (plus que par la BCE ou le FMI) - aggravent la récession mais aussi les déficits et posent des problèmes graves de perte de souveraineté; elles sont purement idéologiques et visent non pas à résoudre les problèmes grecs mais à faire du cas Grec un test d’endurance et un épouvantail pour les autres pays qui seraient confrontés aux mêmes problèmes (Irlande, Portugal, Espagne…) – – – La réduction des bas salaires des fonctionnaires et des retraites les plus basses aggravent la récession et la pauvreté et sont économiquement inefficaces (fort effet sur la consommation) et socialement injustes (plongée sous le seuil de pauvreté). En plus elles sont génératrices de chômage dans les activités qui dépendent de cette consommation. Les mesures de suppression des conventions collectives, outre qu’elles sont une grave régression sociale, visent à réduire les salaires du privé, ce qui non seulement aggrave le déficit de l’État mais aussi la récession, alors que leur justification (permettre à la Grèce de retrouver une compétitivité qui relancerait ses exportations et son économie, prouvent une ignorance totale de la réalité grecque – salaires responsables seulement de 13% de la perte de compétitivité au cours de dix dernières années) Les conditions du prêt sont léonines: • • • • • Droit anglais imposé pour tout différent Taux élevé (5%) Durée de remboursement irréaliste Possibilité donnée aux prêteurs de confisquer les biens de l’état Grec , ses services publics et les entreprises qu’il détient Abandon de souveraineté de l’Etat Grec sur de nombreux autres points Les thèses de ceux qui pensent qu’il y avait d’autres solutions • La Grèce aurait-elle dû jouer le scénario de la faillite? – Les conditions des dettes contractées étaient plus favorables pour faire faillite • • • – Encore fallait-il que pour un certain temps l’État Grec n’ait pas eu besoin d’argent… • – • – Avec près de 15% du PIB de déficit (soit plus de 30% des dépenses de l’État Grec) cela aurait conduit à ne plus payer ni les fonctionnaires, ni les retraités ce qui était impensable Politiquement la Grèce aurait pris un risque très grave non seulement pour son avenir mais aussi pour celui de toute l’Europe • – Les prêts accordés étaient régis par le droit grec Les différents en cas de faillite étaient de la compétence des tribunaux grecs Aucun droit de saisie automatique de biens publics n’existait pour les créanciers Les banques allemandes et françaises détenant de la dette grecque aurait fait faillite provoquant des réactions en chaine et une crise financière majeure Cette crise pouvait non seulement faire éclater la zone Euro mais l’Europe elle-même Selon les tenants de cette option, c’est justement ces conséquences qui permettaient de l’envisager, car les responsables européens auraient été obligés de trouver tous les moyens pour éviter ces conséquences (comme ils l’ont fait chaque fois que leurs banques ont été en danger) Jouer de cette menace aurait pu permettre de leur faire accepter d’aider la Grèce dans des conditions plus acceptables (sans clauses léonines, avec un taux d’intérêt plus bas et des remises de dettes): un jeu qui s’apparente cependant à celui d’apprentis sorciers, avec d’énormes incertitudes… Ce qui pourrait encore être fait pour diminuer ces critiques • Plus de justice sociale – Les pauvres ont payé • • • • – Les riches beaucoup moins • • • – Pertes de revenus directs pour les petits salaires de la fonction publique et les petites retraites Augmentation de la pauvreté Pertes indirectes pour les autres petits salaires (remise en question des conventions collectives, salaires minima des jeunes diminués) Récession conduisant à la fermeture d’entreprises et à une augmentation du chômage (de 9% à 13,5% en quelques mois – et de 25% à 35% pour les jeunes ! Cadeau aux fraudeurs (amnistie contre paiement d’une régularisation des déclarations fiscales des 10 dernières années), quand la fraude elle seule représente plus que le déficit public! Mise en œuvre très timide des sanctions prévues pour la fraude fiscale ou la corruption Pas de saisies encore de biens pour dettes envers l’Etat (plus de 50 Milliards à récupérer) Les plans actuels de réduction des salaires dans le privé devraient être abandonnés car ils manquent complètement de fondement économique (ce n’est pas la cause du manque de compétitivité de la Grèce – cf exposé de Dimitri) et aggravent le sentiment d’injustice • Un meilleur transfert de la dette publique vers le privé – – La dette privée reste faible et pourrait augmenter, ce qui rendrait le fardeau de la dette publique plus léger, plus gérable et ouvrirait des marges de manœuvre pour d’autres politiques et une renégociation plus facile de la dette actuelle: rien n’a été fait pour « nationaliser » une partie de la dette en incitant les capitaux grecs de reprendre une part de la dette : au contraire leur évasion à l’étranger a été laissée libre et les mesures votées sur la taxation des capitaux détenus à l’étranger ne semblent pas devoir être appliquées L’absence de mesure efficaces de relance de l’économie, rend le ratio de l’endettement/PIB encore plus insupportable, prive l’État de recettes nouvelles (impôts liées à la relance) et empêche d’exploiter les marges d’endettement privé qui existent Sans refaire l’histoire quelles marges existent pour l’avenir de la Grèce et de l’Europe? • La faillite, malgré le Mémorandum, n’est pas exclue car au mieux • De plus en plus d’économistes sont d’accord qu’un tel niveau d’endettement n’est pas viable, il faudra donc: – Soit accepter de nouveaux plans d’austérité pour une vingtaine d’année et transformer toutes les dettes en dettes FMI dans des conditions draconiennes, ce qui, à tout prix devrait être évité – Soit obtenir une restructuration de la dette (réduction de la dette, de son taux d’intérêt et des délais de remboursement), ce qui commence à être envisagé – Soit une mutualisation de la dette grecque au niveau européen (euro-obligations, Fond Monétaire Européen), impliquant une prise en charge partielle de son remboursement par les pays européens en meilleure situation et une transformation de l’Europe en un ensemble économique solide et solidaire (une utopie qui serait salutaire) • Toutes les solutions dépendent, moins de la Grèce que de la volonté européenne d’exister comme un ensemble économique et politique ou pas • Si seule la première de ces solutions est possible, la Grèce devra envisager: – – – – la Grèce pourra fin 2012 ou en 2013 avoir un budget quasi-équilibré (voire excédentaire hors service de la dette) La Grèce aura une dette au moins égale à 150% de son PIB Une faillite, qui alors sera préférable, pour elle, malgré ses conséquences désastreuses La sortie de l’Euro qui sera aussi probablement nécessaire dans ce cas pour éviter l’évasion des capitaux en réintroduisant le contrôle des changes, et permettre une dévaluation pour relancer son économie • • • Pour la Grèce cela signifiera: une explosion de la dette en % du PIB et un renoncement durable à la payer (et donc de revenir sur les marchés – et donc une obligation de vivre en quasi-autarcie) Pour l’Europe: un grand risque d’éclatement de l’Euro et de l’Union Européenne elle-même Enfin une ultime solution serait, pour la Grèce, que sa dette étant rachetée par la Chine, elle reste dans l’Euro et dans l’union Européenne, en jouant le cheval de Troie de la Chine en Europe, ce qui pour l’avenir de l’Europe serait aussi un désastre… Enjeux politiques Aussi bien la solution de la faillite que celle de la sortie de l’Euro seraient en ce moment un désastre tant pour la Grèce que pour l’Europe Les tenants de ces thèses se trouvent dans les extrêmes de l’échiquier politique tant en Grèce qu’en Europe Ils se rejoignent dans un nationalisme, qui pourrait faire revenir l’Europe des années en arrière, dans les pages sombres de son histoire La dureté des mesures d’austérité, leur relative inefficacité économique et leur injustice sociale alimentent la poussée de ces réactions nationalistes. En arrière plan la mise sous tutelle par les pouvoirs financiers du pouvoir politique et de la démocratie elle-même est le scénario qui se développe sous nos yeux et contre lequel il faut lutter Ce n’est qu’au niveau européen que des alternatives aux scénarios les plus sombres tant pour la Grèce, que pour l’Europe sont possibles Pour la Grèce cette crise, si l’Europe offre des perspectives plus viables, est une occasion historique pour remettre à plat tous les dysfonctionnement qui l’ont conduite à la situation actuelle qui ne menaient nulle part. Les réformes faites en quelques mois, depuis le début de la crise sont de ce point de vue sans précédent, et étaient globalement nécessaires. Encore faut-il que les plus justes d’entre elles soient appliquées (notamment lutte contre la fraude, la corruption) et qu’un nouvel espoir puisse naître pour des perspectives économiques, sociales et politiques meilleures, dans la population en général et chez les jeunes en particulier, pour que les efforts actuels ne semblent plus vains et sans perspective…