Les objectifs des différents modes de traitement des difficultés des

Les objectifs des différents modes de traitement des difficultés des entreprises.
Une des premiers écueils rencontré lorsqu’on étudie le droit des entreprises en difficulté est
qu’il ne définie pas son propre objet d’étude. Le livre VI du Code de commerce a beau
s’intituler « des difficultés des entreprises », les textes ne définissent ni ce qu’est une
entreprise ni ce que l’on doit entendre par difficultés. Il faut, pour la première notion, s’en
remettre à la doctrine. Selon Corinne Saint-Alary-Houin, l’entreprise est globalement conçue
par le droit des entreprises en difficulté comme « une unité économique et sociale qu’il faut
préserver et appréhender comme un ensemble d’hommes et de moyens matériels exerçant une
activité économique autonome ».
Pour sa part, la notion d’entreprise en difficulté est plus difficile encore à appréhender. La
définition générique n’est pas d’une grande utilité du fait de son caractère particulièrement
vague. La difficulté est synonyme d’épreuve, d’effort, de pénibilité. L’adjectif souligne tout
du moins une certaine activité laborieuse pour arriver à un résultat donné. D’un point de vue
juridique, le législateur ne donne pas de définition. Il fait, en revanche, état de situation dans
lesquels l’entreprise éprouve des difficultés. Le problème c’est que le seuil de la difficulté pris
en considération est variable. La problématique des droits d’alerte l’illustre parfaitement.
L’article L. 234-1 du C com impose aux commissaires aux comptes de déclencher l’alerte
lorsqu’ils constatent des « faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».
Mais, pour le comité d’entreprise le critère est celui de la connaissance de « faits de nature à
affecter de manière préoccupante la situation de l’entreprise ». Quant aux groupements de
prévention s’ils détectent un « indice de difficulté ». Du reste, la variation dans l’appréciation
de la notion de difficulté ne s’arrête pas à la notion de droit d’alerte. L’article L. 351-1 du
Code rural et de la pêche maritime envisage un règlement amiable agricole en cas de
« difficultés financières qui sont prévisibles ou qui viennent d’apparaitre » alors que la
procédure de conciliation ouverte aux personnes qui exercent une profession commerciale,
artisanale ou libérale suppose qu’elles « éprouvent une difficulté juridique, économique ou
financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en état de cessation des paiements
depuis plus de 45 jours ». L’article L. 631-1 du Code de commerce relatif au redressement
judiciaire retient un autre critère : « l’état de cessation des paiements ». Ceci suppose que
l’entreprise ne puisse faire « face au passif exigible avec son actif disponible ». L’article L.
620-1 du Code de commerce permet d’ouvrir la procédure de sauvegarde « sur demande du
débiteur qui justifie de difficultés, qu’il n’est pas en mesure de surmonter ». La notion de
difficulté est donc purement fonctionnelle. Son acception est différente selon la situation de
l’entreprise et le mode de traitement mis en place par le législateur pour y remédier.
Le caractère fonctionnel du concept de difficulté a du moins ceci d’intéressant qu’il établi un
lien entre cette notion et ses modes de traitement c'est-à-dire les formes ou outils mise en
place par le législateur employés pour lutter contre les difficultés de l’entreprise et tenter de
guérir cette « maladie ». Ce lien révèle du même coup les objectifs des différents modes de
traitement des entreprises en difficulté. Le résultat vers lequel doit tendre les modes de
traitement est la guérison par la suppression des difficultés. Mais, l’anthropomorphisme doit
s’arrêter là. L’entreprise n’est pas une personne humaine et là où la mort d’une personne
physique va s’apparenter à un échec du traitement médical, la disparition de l’entreprise par sa
liquidation ou sa cession constitue, au contraire, un effet du traitement. Seulement, cet effet,
n’est plus, clairement, celui souhaité par le législateur qui préfère prévenir la cessation des
paiements plutôt que de la guérir. L’adage est ancien et, semble-t-il, de bon sens. Il n’a
cependant été adopté que très récemment par le droit des entreprises en difficultés. Le
discernement du législateur n’est pourtant pas à mettre en doute. Il s’agit bel et bien d’un
changement profond de philosophie. Un rapide rappel historique permettra de s’en convaincre.
Jusqu’en 1967, le droit des procédures de faillites a pour but essentiel de vendre les biens du
débiteur pour régler ses créanciers et de sanctionner le débiteur défaillant qui compromet le
crédit, âme du commerce. Le droit des faillites poursuit donc essentiellement une fonction
purgative et comminatoire même si une tendance plus libérale apparait progressivement
permettant au débiteur honnête de conserver son affaire en payant ses créanciers dans le cadre
d’un concordat.
La réforme de 1967 marque l’émergence d’un véritable droit des entreprises en difficulté
contemporain en dissociant le sort de l’homme et de l’entreprise ainsi qu’en créant une
procédure préventive de suspension provisoire des poursuites ayant pour objet de redresser
l’entreprise en difficulté.
Les reproches adressés à la loi de 67 (dispositions tardives, inadaptées et lacunaires) ont
conduit à une abrogation des textes anciens et à l’adoption de trois lois (1er mars 84 sur la
prévention et le règlement amiable des difficultés ; 25 janvier 85 n° 85-88 relative au
redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ; 25 janvier 85 n° 85-89 relative aux
administrateurs judiciaires, mandataires-liquidateurs et expert en diagnostic de l’entreprise)
qui vont constituer l’ossature de ce nouveau droit des entreprises en difficulté. Si l’objectif de
redressement est l’épine dorsale de cette réforme, il faut constater que certains intérêts tiers
sont reconnus. D’abord, ceux des salariés, mais aussi ceux du repreneur ou encore du chef
d’entreprise dont les sanctions pénales et civiles sont considérablement assouplis. Finalement,
seuls les intérêts des créanciers semblent rester en marge. Il faut dire que les moyens mis en
place par la loi pour redresser l’entreprise passent très largement par leur sacrifice.
D’aucuns considèrent même cette relégation comme un grave défaut en ce qui concerne les
créanciers titulaires de sûretés.
La réforme du 10 juin 1994 va justement y remédier en restaurant les droits des créanciers
titulaires de sûretés. Elle ne sort pourtant pas de la philosophie de la loi de 85. Au contraire,
elle renforce l’aspect prévention notamment en modifiant notamment le régime du règlement
amiable.
Vingt ans après la loi de 85, la loi de sauvegarde des entreprises modifie de manière sensible
le droit positif sans abandonner la philosophie de la loi de 85 puisque l’objectif de la
sauvegarde de l’entreprise est toujours jugé crucial. Toutefois, l’accent est mis sur la
prévention des difficultés. L’exigence de cessation des paiements, la longueur et la lourdeur
des procédures ayant été jugées comme le défaut majeur à l’origine de l’échec de la dernière
législation. Pour ce faire, la loi de sauvegarde est présentée par ses auteurs comme un texte
novateur, libéral et pragmatique. Novateur, dans la mesure où l’anticipation est conçue
comme la condition du redressement puisque l’entreprise peut se placer sous la protection du
tribunal avant toute cessation des paiements. Libéral, car c’est au chef d’entreprise de choisir
entre la voie préventive, lui offrant le choix entre le mandat ad hoc et la conciliation, ou la
voie judiciaire lui permettant d’opter pour la sauvegarde si pas en cessation des paiements ou
le RJ dans le cas contraire. Libéral aussi dans la mesure où les sanctions qui frappent le chef
d’entreprise sont considérablement allégées. Pragmatique, parce que le projet est animé par
une logique économique : celle de la continuation de l’exploitation, soit au travers de solution
amiable (mandat ad hoc et conciliation) soit de solution judiciaire (sauvegarde et
redressement). Mais en cas d’échec pas d’autres alternatives que la liquidation.
Quatre réformes postérieures à la loi de sauvegarde sont intervenues depuis (ordo du 18
décembre 08 ; loi 22 octobre 2010 ; loi du 12 mars 2012 ; ordo du 12 mars 2014)
Parenthèse : Point sur la dernière réforme :
- Amélioration de la prévention des difficultés :
Encouragement à la prévention
Amélioration des procédés de traitement amiable
Réforme du règlement agricole
Institution d’une procédure de sauvegarde accélérée
- Modification de la situation respective des créanciers et des associés
Amélioration du sort des créanciers : amélioration du régime de déclaration des
créances, relevé de forclusion facilité
Responsabilisation des associés : elle les associe afin de ne pas faire peser tout le poids
sur les créanciers.
- Rebond du débiteur personne physique
Le rétablissement professionnel. Le débiteur doit se déclarer en cessation des
paiements et demander la LJ. Capital inférieur à 5000. A pour objet un effacement des
dettes signalées par le débiteur pour permettre son rebond.
Elles soulignent l’importance de ce droit ainsi que la difficulté à instaurer des mesures
miracles dans une matière où l’efficacité dépend peut-être avant tout de motifs extra-
juridiques liés à la conjoncture économique. Elles marquent cependant une volonté du
législateur de s’en tenir à une ligne de conduite tournée résolument vers l’anticipation des
difficultés par le dirigeant de l’entreprise. Finalement, l’évolution historique du DED marque
l’existence d’intérêts multiples et parfois divergents dont la reconnaissance est nécessitée par
la réalité de la vie économique des entreprises et des préoccupations de politique juridique de
nature sociale (les intérêts des salariés) et économique (les droits des créanciers titulaires de
sûreté afin de ne pas détraquer le droit du crédit).
Problématique :
La question se pose alors de savoir comment le droit des entreprises en difficulté permet-il de
faire cohabiter les intérêts antagonistes que soulignent la diversité des objectifs des différents
modes de règlement des difficultés des entreprises.
Idée générale :
C’est avant tout une architecture qui permet de faire cohabiter ou plutôt se concilier les
différents intérêts qui gravitent autours du DED.
Le pari a été fait par le législateur de privilégier la prévention au traitement des difficultés.
Afin d’atteindre cet objectif, il faut inciter fortement le dirigeant à prendre conscience des
défauts de son entreprise et à les traiter avant que de graves symptômes n’apparaissent. Ceci
répond à une logique implacable qui veut que si l’entreprise anticipe ses difficultés et y
répond, aucune des parties prenantes concernées, par son activité, ne sera impactée. Une sorte
de conciliation entre les différents intérêts intervient donc dès le stade préventif. Seulement
celle-ci est presque entièrement tournée vers les intérêts d’un seul : le dirigeant d’entreprise.
Les choses changent, en partie, dès lors que les difficultés sérieuses surviennent. La cession
des paiements marque l’intervention d’une nouvelle logique. Là où la protection des intérêts
du chef d’entreprise constituaient la clef de voute des objectifs des modes de traitements des
difficultés avant la cessation, elle ne devient qu’un moyen parmi d’autres. D’unilatérale, la
logique devient multilatérale. Ceci ce constate aussi bien au niveau du traitement de
l’entreprise en cessation des paiements qu’au niveau de la prise en compte plus particulière
des intérêts de certaines de ses parties prenantes (dirigeant de l’entreprise créanciers de
l’entreprise – salariés de l’entreprise). Leur conciliation fait apparaître toutefois une
cohérence d’ensemble du droit des entreprises en difficulté. Entre apurement du passif, survie
de l’entreprise et protection de ses parties prenantes.
Annonce des axes :
Cette cohérence se traduit par la mise en avant d’objectifs de protection des intérêts du
dirigeant avant la cessation des paiements (I), même si cette objectif est concurrencé par la
mise en avant d’un objectif de conciliation de certaines des parties prenantes de l’entreprise
dès lors que celle-ci est en cessation des paiements. (II).
I. Les objectifs des modes de traitement des difficultés des entreprises avant la
cessation des paiements tournés vers la protection des intérêts du dirigeant
d’entreprise.
A. Une prise de conscience par le dirigeant de ses difficultés
1. Par l’information
L’information économique.
Elle joue un rôle préventif en permettant d’améliorer l’information des dirigeants. Objectif de
prévention par anticipation
Cette information résulte de deux moyens d’action :
1 / 15 100%

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