al 70 LES AFFICHES DE GRENOBLE ET DU DAUPHINé13 février 2015 LES AFFICHES DE GRENOBLE ET DU DAUPHINéal 7113 février 2015
L’EXPERTISE DU CHIFFRE
par Damien Dreux, expert-comptable, délégué départemental Nord-Isère,
Philippe Machon, commissaire aux comptes,
Hervé Roche, commissaire aux comptes, président de la CRCC de Grenoble,
et Pierre Schmidt, expert-comptable, délégué départemental Sud-Isère.
Les difficultés des entreprises :
comment anticiper ?
La réglementation
et le contexte juridique
Afin d’éviter les conséquences écono-
miques et sociales résultant des défail-
lances des entreprises et de permettre
leur redressement, le législateur a mis
en place une réglementation orien-
tée vers la prévention, dite « loi de
sauvegarde ».
Même si la loi a prévu que le tribunal
puisse se saisir d’office pour prononcer
l’ouverture d’une procédure judiciaire,
notamment en cas de cessation des
paiements constatée, aujourd’hui,
l’ouverture d’une procédure collective
n’est plus possible que sur demande
formulée par le dirigeant (par une
déclaration de cessation des paie-
ments), ou par assignation par un
tiers ou le Parquet.
La vie des affaires, plus transparente
qu’on ne le pense, voit ses actes forts
transiter par le tribunal et son greffe :
injonctions, actes conservatoires,
consignations, inscriptions, publicité
des comptes, du rapport du commis-
saire aux comptes, des décisions de
continuation en cas de perte plaçant
les capitaux propres inférieurs à la
moitié du capital.
L’administration (fiscale ou sociale)
est particulièrement diligente et une
inscription de privilège Urssaf est une
véritable alarme. Le Droit a prévu la
mise en œuvre de moyens pour régler
les situations difficiles des entreprises
« in bonis » ou autrement dit qui ne
sont pas en état de cessation des
paiements.
1- Le mandat ad hoc
Cette procédure permet de nommer
un mandataire chargé de résoudre une
difficulté particulière (pas forcément
financière) et de faciliter ainsi la re-
cherche de solutions par l’intervention
d’un tiers. Le mandataire ad hoc est un
véritable médiateur dépourvu d’autres
pouvoirs que de favoriser l’émergence
d’un accord entre le débiteur et les
principaux créanciers. Cette procédure
a le mérite d’être confidentielle.
2- La procédure de conciliation
Elle constitue une alternative entre
le mandat ad hoc et le redressement
judiciaire. Cette procédure a un ca-
ractère préventif et contractuel : elle
permet de négocier. Elle conserve
un caractère confidentiel. Le redres-
sement et la liquidation judiciaires
ne peuvent plus être demandés par
un créancier si une conciliation est
en cours.
Le conciliateur cherche à favoriser
la conclusion d’un accord amiable
entre le débiteur et ses principaux
créanciers, destiné à mettre fin aux
difficultés de l’entreprise et donc
d’assurer sa sauvegarde, la poursuite
de l’activité économique et le main-
tien de l’emploi. Il négocie avec les
créanciers pour obtenir des délais
de paiement, des remises de dettes.
3- La procédure de sauvegarde
Elle est déclenchée à la seule initiative
du chef d’entreprise qui continue de
diriger. À l’instar du redressement
judiciaire, elle lui permet de bénéficier
d’un certain nombre de mesures pro-
noncées par le juge et qui s’imposent
à l’ensemble de ses créanciers. Contrai-
rement au redressement judiciaire,
les cautions ne sont pas inquiétées
pendant toute la durée du plan de
sauvegarde.
Pour mémoire, une entreprise se
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trouve en état de cessation des paie-
ments lorsqu’elle est dans l’impossibi-
lité de faire face à son passif exigible
avec son actif disponible. Dans ce
cas, l’ouverture d’une procédure de
sauvegarde ou d’une procédure de
conciliation n’est plus possible.
La mission
de l’expert-comptable :
assister son client
dans l’anticipation
L’expert-comptable est le conseil pri-
vilégié et permanent du chef d’entre-
prise. En cas de perte d’activité et dans
un monde en pleine évolution, il doit
suggérer à son client de s’interroger
sur l’évolution et son positionne-
ment sur son marché. Il pourra dans
certains cas l’aider à la réflexion sur
l’adaptation de ses coûts par rapport
à son marché.
Par ailleurs, en complément de la
mission de présentation des comptes
annuels, il préconisera la mise en place
d’un budget annuel, avec un tableau
de bord mensuel ou trimestriel.
Il pourra aussi assister son client sur
les aspects de gestion de trésorerie :
mise en place de prévisions de tréso-
rerie de trois à six mois, conseils pour
les procédures de suivi du compte
client, accompagnement dans des
rendez-vous avec les banquiers pour
trouver des modes de financements
adaptés.
Enfin, en cas de difficultés finan-
cières non surmontables en interne,
il devra inviter son client à utiliser les
procédures décrites ci-dessus en les
dédramatisant.
La mission du commissaire
aux comptes : une mission
prévue par la loi
Un accompagnement actif
Le commissaire aux comptes (CAC)
assure un accompagnement actif de
son client avec l’objectif de contribuer
à la prévention des difficultés éven-
tuelles de l’entité qu’il audite. Le CAC
n’a pas pour mission de conseiller un
dirigeant : ce rôle est réservé à son
expert-comptable ou à son avocat.
Il dialogue avec le dirigeant sur les
faiblesses éventuelles du contrôle
interne et sur les faits qui pourraient
avoir une incidence sur la continuité
de l’exploitation. Dès lors qu’il perçoit
des incertitudes ou des difficultés
économiques, il fait preuve d’une
vigilance accrue et demande des
informations complémentaires au
dirigeant.
Le CAC éclaire le dirigeant sur les
moyens de prévention. Il ne peut ce-
pendant s’immiscer dans la gestion
de l’entreprise. Ce dialogue a un rôle
pédagogique : il permet au dirigeant
de prendre conscience de ses res-
ponsabilités financières, juridiques,
sociales et environnementales.
La procédure d’alerte du commis-
saire aux comptes
C’est l’une des missions légales du
commissaire aux comptes. Si celui-ci
constate l’existence de faits de nature
à compromettre la continuité de
l’exploitation, il déclenche la procé-
dure d’alerte. Le dirigeant présente
alors les mesures envisagées pour
remédier à cette situation. Différentes
phases peuvent se succéder si ces
mesures sont jugées insuffisantes
par le CAC. Le président du tribunal
de commerce ou du TGI est presque
systématiquement informé de cette
procédure par le commissaire aux
comptes. Enfin, un rapport spécial
pourra être communiqué à l’assem-
blée générale des actionnaires.
La procédure d’alerte peut être inter-
rompue par le CAC lorsqu’il estime
que des actions correctrices ont été
prises ou que des solutions aux dif-
ficultés financières ont été trouvées.
La procédure d’alerte peut être
également interrompue lorsqu’une
procédure de conciliation ou de
sauvegarde a été engagée par le
dirigeant. Ces procédures facilitent
la réorganisation d’une entité afin de
permettre la poursuite de l’activité,
le maintien des emplois et l’apure-
ment des passifs, avant cessation de
paiement. Avec la crise économique,
elles trouvent une actualité forte et
peuvent aider les dirigeants à éviter
les dépôts de bilan et leurs possibles
dégâts collatéraux (pertes d’emplois,
faillites induites des fournisseurs…)
Qu’elle révèle un dysfonctionne-
ment dans une procédure interne
ou qu’elle soit de nature purement
financière, la procédure d’alerte fait
du CAC un des moteurs d’anticipation
de la conduite des affaires.
Entretiens confidentiels du pré-
sident du tribunal de commerce
Les dirigeants d’entreprise qui s’in-
terrogent sur la difficulté de leur
situation peuvent, gratuitement et
confidentiellement, prendre rendez-
vous avec le président du tribunal
de commerce pour examiner les
mesures de prévention possibles. À
Grenoble, ces rendez-vous person-
nalisés ont permis la résolution de
nombreuses situations délicates en
explorant de manière précise chaque
cas particulier.
Les centres d’information et de
prévention (CIP)
Les CIP peuvent recevoir un diri-
geant pour l’informer sur les actions
à mettre en œuvre afin d’éviter que
l’entité ne se retrouve en difficulté.
Un guide d’auto-évaluation de la
situation est mis à disposition. À Gre-
noble, le CIP est placé auprès de la
compagnie régionale des CAC.
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