Corpus théorique

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Corpus théorique
Les représentations, sont construites à partir de l’environnement dans lequel
est née l’individu, le groupe auquel il appartient et du genre auquel il appartient.
Quand nous parlons de construction des représentations nous parlons d’éducation.
Cette éducation prédétermine le devenir des individus et son appartenance à un
groupe. La capacité d’influence et d’acceptabilité du groupe envers l’individu et le
fait que cet individu s’y adapte naturellement permet la normalisation de cette
société, c’est, à mon sens, la notion de norme sociale. C’est rendre normal un mode
de vie. Les premières questions qui me sont venues à l'esprit étaient " Mais quels sont
les écarts entre nos deux cultures? Comment je peux amener un outil qui soit clair,
ludique et concis sans être en rupture total avec leurs représentations culturelles? Je
me permets de croire en me référent aux travaux de Paul Demunter1, qu’il y a bien
des éléments qui nous réunissent. Que nos besoins et nos envies ne sont toutefois pas
si différents, besoins liés à la survie sociale et physiologique mais aussi individuelle
tel que l'accomplissement de soi. L’objectif dans cette recherche est de repérer ces
écarts et comprendre leur action sur l’individu et le groupe. J'espère ainsi que mon
projet ne s'éloigne pas trop de leur conception du monde de la formation.
Afin de mieux comprendre les objectifs de cette recherche, quelques
définitions s’imposent.
Définitions :
Les représentations :
En sociologie, les représentations sont associées au système d’idées. Cela
comprend les idées politiques, sociales, économiques, religieuses, morales,
philosophiques, juridiques, esthétiques, professionnelles, etc. On appelle « idée » une
représentation abstraite et sommaire de quelque chose. On appelle « représentation »
une image mentale dont le contenu se rapporte à un objet, une situation, à un
rapport. Les images mentales accèdent à l’esprit soit par perception des sens, soit par
faculté imaginative, soit par raisonnement spéculatif2.
1
2
Paul Demunter, Comprendre la société, Paris, l'Harmattan, janvier 2002 , 9-42 p
Paul Demunter, op.cit. p215
En psychologie, les représentations font parties des fonctions de l’être humain.
« C’est la capacité d’évoquer des objets absents perceptivement, de traiter des
informations les concernant ». De façon plus étendue, « la représentation peut se
rapporter non plus à un objet mais à une classe d’objet définie par un ensemble de
caractères qui appartiennent à ces objet et à eux seulement ». Elle est alors un
concept. « Le mot concept ne s’applique pas à des catégories d’objet concrets. Il peut
s’étendre à des notions abstraites à propos desquelles on pourra continuer à parler de
représentations, plus éloigné de toutes références perceptives »3. Ceci explique la
diversité des perceptions et des représentations, elles sont fragmentées en fonction de
la diversité des individus.
Le terme de représentation peut prendre deux sens. « Dans le premier on
parlera d’éléments (images, concept, notion) stockés en mémoire à long terme et
utilisés par l’individu lorsque les circonstances l’exigent. Ce premier sens est
considéré comme l’ensemble des acquisitions, d’un individu, traduites dans ses
structures mentales et l’ensemble de ces éléments est disponible dans un système
latent. L’aspect subjectif de l’expérience vécue par l’individu détermine les
représentations à un moment donné.
Dans le deuxième sens, les représentations sont des processus, une construction
cognitive. Ce fonctionnement est indépendant des éléments concernés (ceux défini
dans le premier sens) »4
Les représentations sociales :
Pour comprendre ce concept, il faut emprunter à la psychologie sociale.
Denise Jodelet5 définit les représentations comme "des constructions du réel dans la
communication". Elles sont donc des créations individuelles et collectives. Cette
forme de « connaissance pratique » permet la maîtrise de l’environnement, la
compréhension et l’explication des faits. "C’est un acte de pensés socialement élaboré
qui aboutit au partage d’un système de codage du réel, d’un système de références
qui permet à chacun d’interpréter les faits, d’appréhender le monde, de les classer"6.
Les représentations sociales sont l’image et les concepts que l’on se fait de la
société. Elles sont construites et transmises par cette société. En arrivant en France,
ces jeunes chinois viennent avec leur paradigme, avec un ensemble d'idées
3
Maurice Reuchlin ; Psychologie , Vendôme, PUF, Fondamental, avril 1990 p 345
Maurice Reuchlin ; op.cit
5
Denise Jodelet, Représentations sociales: phénomènes, concepts et théorie, dans Serge. Moscovici ; La
psychologie sociale. Paris, PUF 1988 p.357-379
6
Serge. Moscovici ; La psychologie sociale. Paris, PUF 1988
4
correspond à leur culture, fondées sur des informations ou stéréotypes transmis dans
leur pays.
Les stéréotypes :
Les stéréotypes sont des représentations (jugement, sentiment, opinion,
image) simplifiée et déformée d'une réalité par une ou plusieurs caractéristiques
d'une personne ou d'un groupe. Le stéréotype a un caractère réductionniste, et cette
réduction a pour effet d'éliminer les nuances, d'attribuer une image générale à toutes
les personnes d'un même groupe7. Les stéréotypes sont des «images dans nos têtes»,
images qui nous font voir le monde social non pas tel qu’il est mais tel que nous
croyons qu’il est, et/ou tel que nous voudrions qu’il soit. Les stéréotypes sont des
croyances collectives visant à attribuer une caractéristique à un individu en raison de
son appartenance à un groupe, une nationalité etc … Il a un effet de généralisation.
Le stéréotype est un élément de représentation. Dans le cas des stéréotypes de sexe,
tout individu est réduit à des caractéristiques biologiques. Les stéréotypes résistent
au changement : « Nous recherchons les informations qui confirment nos vues en
négligeant celles qui pourraient les infirmer. En fait, nous utilisons les preuves dont
nous disposons pour étayer nos "stéréotypes"8. »
Les stéréotypes sont à l’inverse des représentations, non fondés. Ils font
uniquement partis du système imaginaire de l’être humain. Il n’y a ni
conceptualisation, ni construction cognitive, objectives. S’il y a construction, elle est
subjective. Lors de mes observation, j'ai pris du recule avec les stéréotypes asiatique
ou la conscience directe. J'ai observé peut-être timidement, avec la volonté de ne pas
intervenir, ce public. Ce qui m'a le plus frapper, c'est la concentration et le sérieux
que ces étudiants mobilisent pour réussir leur apprentissage.
En prenant pour
exemple mon expérience d'apprentissage de la langue de Shakespeare, un peu
chaotique, j'ai cru que le défit serait bien plus compliqué. Je n'ai pas cru, de façon très
naïve, qu'ils auraient évolué si vite.
Les représentations professionnelles :
Les représentations professionnelles se définissent comme une catégorie
particulière de représentations sociales9. Ce sont des savoirs communs, partagés et
7
Giselle. Delylle ; cours d'épistémologie DUFA 2006-2008.
8
Serge Moscovici, L’ère des représentations sociales , Ed. Delachaux et Niestlé,1996
9
A. Piaser ; Représentations professionnelles à l’école. Particularités selon le statut : enseignant, inspecteur .
Thèse de doctorat en science de l’éducation, Université de Toulouse- le Mirail p381. 1999
socialement élaborés par les membres d’un groupe, mais qui ne concernent que des
groupes professionnels et des objets saillants dans le champ d’activité occupé par ce
groupe10. Ces savoirs sont des ensembles structurés de cognitions, d’attitudes et de
croyances qui définissent la réalité et régulent les pratiques des groupes qui en sont
porteurs11. En ce qui concerne ma mission je vais devoir m'imprégner du champ
professionnel des métiers de l'audiovisuel.
Ce que l’on sait en psychologie : J.Piaget et Lev.Vygotsky :
En psychologie, je fais référence aux recherches de J.Piaget12 sur la
construction intellectuelle de l’individu et ses représentations du monde 13. Cette
étude me permet de mieux comprendre comment se construit l'individu
intellectuellement, quels sont les schémas en termes d'apprentissage? Comment se
sont-ils construis dans leur milieu sociale? Vais-je rencontrer des mécanismes
d'apprentissage complètement différents des nôtres? Quelles sont leurs habitudes
face à l'environnement "scolaire"? Une de ses études concernées, présente « la théorie
de l’intelligence ». Cette théorie a pour objectifs de comprendre quel est le processus
de développement de l’intelligence. Elle me permet de croire qu'il y à des
mécanismes que je ne pourrais pas changer car bien trop incorporés. Pour J.Piaget, ce
développement comporte des phases bien distinctes qui ne s’expliquent pas
uniquement par l’accumulation des progrès antérieurs. C’est-à-dire par la
construction des connaissances. Il distingue pour chaque stade du développement
des « changements qualitatifs typiques ».
Cette indication me semble intéressante car elle permet de bien comprendre
d'où et comment se construis les écarts mesurés par XU Yan et ROBERT Jean-michel.
Mais aussi de faire le lien entre les deux études, c'est à dire les corrélations entre les
acteurs, la société, la culture, les méthodologies, qu'ils soient français et chinois.
Ces stades sont14 :
Serge Moscovici, ISA, l’induction par scénario ambigu. Une méthode pour l'étude des représentations
sociales, 1976.
11
J-C. Abris, « les représentations sociales : aspect théorique » ed, pratiques sociales et représentations, PUF
paris 1994
12
J.Piaget ; Y.Georges, P.Higele , La présentation de la théorie de l’intelligence, Paris Delachaux et Niestlé ,
1989
13
J.Piaget, ed Delachaux et Niestte le jugement et le raisonnement chez l’enfant, Neuchâtel, Paris 1924
10
14
J.Piaget ; Y.Georges, P.Higele , La présentation de la théorie de l’intelligence, dans Maurice Reuchlin ;
Psychologie , Vendôme, PUF, Fondamental, avril 1990 p 229-248
Le stade sensorimoteur : qui se développe de la naissance à l’acquisition de la
langue. L’enfant résout les problèmes par l’action. L’espace et les rapports spatiaux
se construisent sur le plan perceptif. C’est l’apprentissage par imitation.
Cette étape est importante car l’enfant intériorise les signifiés. Ces signifié sont
incomplets dans l’imitation mais complets dans l’image mentale. L’intériorisation des
signifiés ouvre la voie aux opérations d’actions intériorisées. L’acquisition de la
fonction sémiotique apparaît comme une sorte de passage obligé entre le stade
sensorimoteur (où il n’y à pas de représentations) et la pensée opératoire. Pendant le
stade sensorimoteur, l’imitation ne constitue d’abord qu’une sorte d’assimilation
automatique, de contagion. Puis l’enfant imite par intérêt, l’imitation devient une
représentation en actes ». Les représentations proprement dites apparaissent lorsque
l’imitation est différée (une ou deux heures après). L’imitation est intériorisée15.
Le stade préopératoire : qui se développe de l’acquisition du langage à 7-8 ans, est
l’intelligence représentative. L’enfant se représente les choses. C’est l’intériorisation
des actions, mais il n’y a pas d’opérations logiques. J.Piaget fait la co-relation avec la
notion d’égocentrisme sur l’enfant, il ne fait pas la différence entre son propre point
de vue et celui des autres. Il se représente les choses en fonction de l’environnement
dans lequel il vit. L’enfant apprend « par cœur », il s’approprie les représentations. Il
crée des concepts en fonction de ce qui lui est transmis. Il y a construction des
représentations. C’est l’acquisition des représentations environnementales, l’enfant
prend les informations pour sienne.
Le stade des opérations concrètes : est caractérisé par la réversibilité (7-8 ans à 1112ans). Le fait que l’enfant est capable de revenir sur ce qu’il ne sait pas, il devient
alors capable d’en analyser ses conséquences. L’enfant fait des opérations logiques et
infra logiques (dans le temps et l’espace). Ces opérations ne sont pas formalisées par
l’enfant et la réversibilité est de court terme. L’enfant entre dans un processus de
réflexion, il se pose des questions. Il fera évidement, référence aux représentations
qu’il a construites auparavant.
15
Maurice Reuchlin, op.cit , p 349
Le stade d’opération formelle: qui se développe de 11-12 ans à 15-20 ans, est la
capacité de raisonner et d’analyser. L’enfant peut résoudre des problèmes complexes
et émettre des hypothèses. Il ne se base plus uniquement sur le réel, il imagine des
objets et des concepts. Il peut aussi prendre comme référence ses expériences passées.
L’enfant essaie de répondre à son questionnement.
Ce qui m'intéresse dans cette recherche c'est: quels sont les représentations
socioculturelles de ce public? Ce qui est intéressant à retenir par rapport à mon
questionnement, c’est qu’avant le stade des opérations formelles, où l’enfant se réfère
à sa pensée et son imagination, il prend comme référence ce qui l’entoure. Il va alors
se construire une base solide, telles les fondations d’un immeuble, qui lui
permettront de se développer en tant qu’adulte. Pour reprendre la métaphore de
l’immeuble : même si il y a des travaux, les fondations restent les mêmes. Je pense ici
au à l'environnement scolaire. C’est la base de ses représentations sociales. Elles se
construisent en fonction des besoins sociaux.
Par ailleurs, Lev.Vygotsky16 qui est un théoricien soviétique de l’apprentissage
par le groupe, affirme que « le langage, les théories scientifiques, la mémorisation,
etc.….ne sont accessibles à l’enfant, que dans le cadre de la communication avec un
adulte et de la collaboration avec les camarades ». Le mode de pensée, l’organisation
et la manière d’agir de ses proches devient alors les siennes. C’est l’appropriation du
mode de vie de la culture dominante qui est ici mise en avant. Un autre psychologue,
Bandura17, a étudié l’apprentissage social. L’effet de l’action du modèle où
l’apprentissage est l’imitation du modèle. La valeur donnée au modèle imité y est
très importante. Ce qui nous ramène à la notion d’empreinte qui est une forme
particulière d’apprentissage dans laquelle, au cours d’une période critique,
génétiquement programmée, un comportement inné se relie à des objets spécifiques
qui plus tard le déclencheront. Ceci montre bien l’importance et l’impact de
l’éducation. Je reste toute fois en admiration face au comportement de ses étudiants.
Leur sagesse n'est pas un stéréotype. Le besoin d'écrire pour apprendre est trés
présent et leur rapport à l'écrit dans apprentissage est trés dominant. Cela est
certainement dû à leur culture, c'est se que nous verrons par la suite.
16
17
Michel Grangeat « science humaine » décembre 1998.
Annick Weil-Barais « l’homme cognitif », 1993 puf
les recherches en psychologie sociale : Ralph.Linton :
L’influence de l’environnement social implicite et explicite, sur l’individu est un
aspect important à développer. Je pense que le formatage de l’individu par la norme
sociale dominante permet de préserver son mode de fonctionnement. L’un comme
l’autre en ont besoin, la corrélation entre l’individu et la société leur permet de
garder un certain équilibre. La grande difficulté pour l’individu sera de faire face au
conformisme social. C’est-à-dire, à la pression que la société a sur lui. Ces étudient on
une pression sociale important de par leur sélection et du sacrifice financier que cela
représente pour leur famille. Pour faire simple, "ils n'ont pas le droit à l'erreur"
Ralph Linton, explique très bien la notion de corrélation entre l’individu et la
société. Il décrit l’individu comme un outil dont a besoin la société pour survivre. Il
met l’accent sur le rôle passif de l’individu et sur la manière dont l’individu est formé
par les facteurs culturels et sociaux. En effet c’est le conditionnement de la société
envers l’individu qui lui donne la place d’outil, qui sera efficace à son bon
fonctionnement. Cet individu lui permet de penser et d’agir. Plus il est conditionné et
intégré socialement à la culture sociale dominante, plus sa contribution au
développement est efficace et plus sa récompense est assurée. La société a besoin
d’individus inventeurs pour satisfaire sa perpétuelle évolution. Même si l’individu
invente pour ces propres besoins, ses inventions sont utiles à une partie des
individus qui co-habitent dans la même société. Donc l’individu à un double rôle, en
temps qu’individu et unité sociale18. La plus part des étudiants poursuivants leur
études en France repartent dans leur pays natale.
Les étudiants chinois ont tous les mêmes représentations car ils sont du même
milieu socioculturel. Ce qui va créer un trouble représentationnel se sont celles du
corps enseignant français. Si nous suivons la logique de Ralph Linton, la co-relation
entre ces deux cultures se fera par besoin, ici l'apprentissage de la langue et de la
culture européenne, pour un accès à la formation universitaire française. Dans les
différentes recherches dont je fais part par la suite, notamment sur le besoin qu'ont
les chinois d'amener le collectif à la réussite. Les notions d'individualité et de corelation avec le groupe sont vraiment ancrées dans leur culture. Ils n'ont pas pour
habitude de laisser un membre du groupe dans la difficulté. L'objectif premier n'est
18
Ralph Linton professeur d’anthropologie, Le fondement culturel de la personnalité, université de Colombia.
Dunod, paris 1968.
pas la réussite individuelle mais de réussir à amener chacun d'eux à la réussite.
L'échec d'un individu est vécu comme un échec collectif " On n'a pas fait assez pour
l'aider".
Les réflexions philosophiques :
Malgré toutes les méthodes qui existent en éducation, Kant nous met d’accord
sur un point « l’éducation est le plus grand et le plus difficile problème qui puissent
être proposé à l’homme ». Philippe Fontaine19 s’est penché sur la question de
l’éducation des hommes. Il fait référence aux recherches de Kant à plusieurs reprises.
Ce qui nous met d’accord avec le fait que l’homme a des besoins en éducation c’est
que « l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que
l’éducation fait de lui ». L’auteur donne un exemple très parlant : « l’homme n'est
éduqué que par des hommes qui ont aussi été éduqués par des hommes ». C’est
pourquoi un homme mal éduqué ne peut transmettre une bonne éducation aux
hommes qui le suivront, encore faut-il définir ce qu’est la bonne éducation et pour
quelle culture. L’humanité a donc le devoir de préparer l’homme à son « état futur et
meilleur ». Ce qui rejoint l’idée de Ralph Linton qui est que la société forme des
individus sociaux indispensables à son bon fonctionnement. Comme le projet
universitaire franco-chinois qui forme des futurs collaborateurs internationaux, qui
seront capable de faire le lien entre ces deux nations ou plutôt culture. Peut-on se
permettre de penser que le besoin individuel de ces étudiants serait alors un besoin
social?
Philippe Fontaine y ajoute la notion de liberté. L’individu doit être maître de
sa liberté. Pour cela, il convient de lui montrer quelles sont les limites de sa liberté.
Cette liberté est décrite comme une pseudo-liberté qui est en co-relation avec des
contraintes éducationnelles que reçoit l’éduqué. Pour se sentir en totale liberté
l’individu doit pouvoir vivre en harmonie avec son environnement social, c'est-à-dire
s’adapter. Il doit prendre conscience qu’il a besoin de cet environnement. Pour qu’il y
soit accepté, il doit accepter les contraintes que lui impose cet environnement. Pour
Kant cela consiste à « une culture de l’âme, qui se rapporte à la liberté ». Bien
entendu, avec le temps, la liberté morale se transforme au fur et a mesure que les
Philippe Fontaine , Les réflexions kantiennes sur l’éducation ,
http://lyc-sevres.ac-versailles.fr/dictionnaire/dic.educ.PhF.Kant.pdf
19
événements de la vie s’y rattachent. Les représentations de l’individu se
transforment.
Ceci est contradictoire avec la définition du « petit Larousse », qui défini la
liberté comme le pouvoir d’agir sans contrainte. C’est la manière d’agir selon sa
propre nature en l’absence de tout déterminisme. C’est se donner le droit de la
contradiction.
Alors laquelle de ces deux formes de liberté permet d’être libre, et par rapport
à quoi ? Je me demande par là pourquoi les jeunes chinois ont besoin de venir étudier
en France. La première pensée est le contexte économique et politique chinois. Mais
alors, pourquoi juste une poignée de ces étudiants ce retrouve chez nous? La
question des représentations professionnelles trouve dans la question de la liberté, sa
place. La liberté des choix professionnels est faite en fonction de la possession qu’a
l’individu sur sa liberté, comment il l’a définie. Deux comportement s’opposent :
ceux où l’individu se plait dans les représentations transmises par ses aînées et ceux
où l’individu, au contraire, n’est pas en phase avec son éducation et écoute sa propre
nature. Dans le deuxième, cas la situation peut-être difficilement vécue. La notion de
liberté envers ce choix qui est de venir faire leurs études en France reste ici à mesurer.
Que font-ils après leurs études en France? Quel sont leurs souhaits professionnels?
L’impact et la possession de la norme sociale dominante sur les représentations et
leur construction, peuvent amener l’exclusion de l’individu en complète liberté avec
soi-même et je ne crois pas que ce soit ici le cas. Une autre difficulté peut survenir,
une difficulté dû à l’obligation. L’individu montre une pseudo-liberté mais en réalité
il désire écouter sa nature. Le choix professionnel devient alors un non choix ou tout
simplement un besoin lié à une adaptation ou une réponse socio-économique. Outre
ses aspects très pragmatiques, entre pseudo-liberté et nature profonde de l'individu,
ce qui les motive c'est la reconnaissance. J'ai pu observer ses dernier jour leur fierté à
faire découvrir leur projet à leurs camardes. La joie était frappante, et les rire, sans
moqueries aucunes, étaient presque naïfs.
En dehors de cette dimension morale, l’éducation peut prendre des
dimensions politiques et idéologiques qui sont bien sûr en relation avec le système
social. La compétitivité entre les individus a aussi sa place dans le positionnement
des individus dans notre société et le genre auquel il appartient. La compétitivité
peut être soit entre deux individus, deux groupes soit de l’individu face à un ou
plusieurs groupes. Sous entendu les groupes sexués. Un individu qui se bat pour
accéder à une profession du groupe opposé au sien, se bat contre les deux groupes.
L’acceptation de la différence doit se faire dans les deux sens. Ce qui rend difficile cet
accès, c’est à la fois l’appartenance incontournable à un groupe mais aussi les besoins
de possession de la profession par les membres de ce groupe. Ils veulent garder leur
acquis, ce qui leur appartient. Cette vision est purement européenne, il sera constaté
dans les différentes recherche qui vont suivre et notamment sur les ouvrage de XU
YAN, ROBERT Jean-Michel et BOUVIER Béatrice que les représentations face à
l'appartenance au groupe des chinois, sont différentes des nôtres.
La difficulté est que tous les élèves ne travaillent pas au même rythme, n’ont
pas les mêmes envies et besoins et, dans le cas présent, pas la même culture. Faute de
ne pouvoir s’adapter à leur rythme, peut-être pour des raisons organisationnelles ou
juste parce que l'on reste dans une "conscience directe"20 qui ne nous permet pas de
se poser la question du rythme de travail " on a la tête dans le guidon". Ce sont les
étudiants qui doivent s'adapter au notre rythme institutionnel. Je pense ici à la sieste
qui est un moment important dans leur rythme de vie. J'ai pus observer avec surprise
que les poses, qui chez nos étudiants français servent à "la pose cigarette, café ou
chocolat", sont ici un temps de sommeil. Pendant la pose les étudiants ne sortent pas.
Les bras croisés sur la table, ils posent leur tête pour dormir. Par ailleurs, c'est un
public très concentré, calme et à l'écoute. Ils réagissent très vite aux leçons et sont très
appliqués.
Les recherches sociologiques : d’E.Durkheim :
E. Durkheim distingue en chaque individu 2 êtres « l’être individuel et l’être
social ». « L’un est fait de tous les états mentaux qui ne se rapportent qu’à nous
même et les événements de notre vie. L’autre est un système d’idées, de sentiments et
d’habitudes, qui expriment, non pas notre personnalité, mais le groupes ou les
groupes différents dont nous faisons partie : les croyances religieuses, les croyances
sociales, les pratiques morales, les traditions nationales ou professionnelles et les
traditions collectives. C’est cet ensemble qui forme l’être social. C’est la constitution
de cet être qui forme en chacun de nous la fin de l’éducation21. »
Ce qui m’a intéressé dans cette recherche, c’est la co-relation entre ces deux
êtres et ses influences sur les choix fait par l’individu. Les besoins sociaux sont un
point important de ces influences. Comme nous avons pu le voir précédemment les
représentations sont construites par les croyances d’un même groupe social avec des
individus tous différents. Ils n’ont pas exactement les mêmes représentations du
20
21
Pierre Vermersch, Conscience directe et conscience réfléchie, dans Intellectica, 2000, 269-279p
Emile Durkheim. Education et sociologie 1922. PUF (page 12)
monde. Ces représentations sont fragmentaires, la source provient du groupe social,
le processus d’utilisation est propre à chacun. La représentation en tant qu’image
étant construite, son utilisation dépend de chaque individu. Ce qui peut expliquer
ces différences c’est la multitude de variable qui constitue l’environnement des
individus : la culture, les trajectoires familiales la génération, les besoins économique,
la scolarité, la formation professionnelle, les rencontres passées, les capacités
physiques et mentales. Celles-ci varient en fonction de l’environnement social,
familial et professionnel dans lequel a grandi l’individu, c’est une « éducation
multifactorielle22 ». Cette éducation donnera naissance aux représentations du
monde de chaque individu.
Toute fois, cette « éducation multifactorielle » reste plus facilement malléable
jusqu'à la fin de l’éducation définie par E. Durkheim. La fin de l’éducation n’est pas
clairement définie mais elle parait dans la définition de Durkheim comme existante
.Ceci peut nous amener à croire que l’individu adulte et autonome ne changera plus.
Mais cette dernière réflexion est discutable. En effet, la psychologie et la pédagogie
peuvent y apporter des éléments contradictoires. Par exemple, la dissonance
cognitive qui déconstruit les croyances pour les remplacer, les compléter ou les
transformer. C’est une forme de remise en question de l’individu et celle-ci ce
produit tout long de notre vie. De plus, si nous reprenons les travaux de J.Piaget23, la
malléabilité serait de moins en moins évidente au fur et à mesure que l’individu
entre dans la phase de réflexion. C’est-à-dire dans un processus de questionnement
sur son environnement. En ce qui concerne la pédagogie, il est aussi question de
transformations des comportements par le biais d’apprentissages prédéfinis, sans
oublier la formation tout au long de la vie. Mais je ne m’avancerais pas dans ce sens
car E .Durkheim ne détermine pas d’âge à la fin de l’éducation. Il faudrait alors
philosopher sur la fin de l’éducation qui ne pourrait peut-être ne jamais exister (sauf
maladie ou dégradation mentale, vieillesse, accident, sénilité).
22
23
Emile Durkheim, op.cit
Maurice Reuchlin ; Psychologie , Vendôme, PUF, Fondamental, avril 1990 p 345
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