Probabilités Elémentaires – Licence
Chapitre 6 : Convergence des suites de variables aléatoires
Dans ce chapitre, nous allons introduire une notion de convergence pour une suite de variables
aléatoires puis nous énoncerons deux théorèmes limites très importants des probabilités : la loi
faible des grands nombres et le théorème limite central.
1 Inégalités de Markov et de Bienaymé-Tchebichev
Ces inégalités permettent de majorer la probabilité pour une variable aléatoire de "trop" s’écarter
de sa moyenne.
Proposition 1. (Inégalité de Markov).
Si Xadmet un moment d’ordre 1, on a, pour tout  > 0:
P(|X|> )E(|X|)
.
Proposition 2. (Inégalité de Bienaymé-Tchebichev).
Si Xadmet un moment d’ordre 2, on a, pour tout  > 0:
P|XE(X)|> V(X)
2.
Plus l’écart-type est petit, plus la variable aléatoire Xest concentrée autour de sa moyenne. Le cas
extrême de cette concentration est atteint lorsque V(X)=0: la variable Xest alors égale à une
constante avec probabilité 1.
2 Loi faible des grands nombres
L’étude de phénomènes aléatoires conduit souvent à étudier la suite des moyennes arithmétiques
d’une suite de variables aléatoires indépendantes et de même loi. C’est en particulier le cas en
statistique lorsqu’on veut estimer un paramètre d’une loi de variable aléatoire liée à un phénomène,
au vu d’une suite de réalisations indépendantes de ce phénomène. L’étude de la convergence de telles
suites fait l’objet de résultats connus sous le nom de lois des grands nombres.
Définition 1. On dit que la suite de variables aléatoires réelles (Xn)nNdéfinies sur un espace
probabilisé (Ω,A,P)converge en probabilité vers la variable aléatoire Xsi, pour tout  > 0,
lim
n+
P(|XnX|> )=0.
Théorème 1. (Loi faible des grands nombres.)
Soit (Xn)nNune suite de variables aléatoires définies sur l’espace probabilisé (Ω,A,P), indépen-
dantes et admettant un moment d’ordre deux. On suppose la convergence des suites :
1
n
n
X
j=1
E(Xj)
n+met 1
n2
n
X
j=1
V(Xj)
n+0.
Alors, la suite des variables aléatoires ¯
Xn=1
nPn
j=1 Xjconverge en probabilité vers m.
Remarque. En particulier, les hypothèses du théorème précédent sont toutes satisfaites si les variables
aléatoires Xnsont indépendantes et de même loi et si X1admet un moment d’ordre deux.
3 Approximation de lois
L’objet de ce paragraphe est d’introduire aux problèmes d’approximation de lois. La loi binomiale,
la loi hypergéométrique et les jeux de hasard font intervenir des factorielles, qui peuvent vite se
révéler problématiques : par exemple 50! >1064.
1
3.1 Approximation de Poisson
Le théorème de Poisson donne une approximation de la loi binomiale B(n, p)lorsque nest "grand"
et p"petit".
Théorème 2. (Théorème de Poisson.)
Soit (pn)nNune suite de réels de l’intervalle ]0,1[ telle que limn+npn=λ > 0. Considérons,
pour chaque entier n, une variable aléatoire Snde loi B(n, pn). On a donc
P(Sn=k) = Pn(k) = (Ck
npk
n(1 pn)nksi 0kn,
0sinon.
Alors, pour tout kN, la suite de terme général P(Sn=k)est convergente et on a :
lim
n+
P(Sn=k) = exp(λ)λk
k!.
Le théorème de Poisson donne une approximation de la loi binomiale lorsque le paramètre pest
"petit". Dans la pratique, il est d’usage de remplacer la loi binomiale par la loi de Poisson dès que
nest assez grand, de l’ordre de 30, et que pest petit, de l’ordre de 0,1. Alors, si Xest une variable
aléatoire de loi binomiale de moyenne λ, sa loi est approximativement la loi de Poisson P(λ).
Exemple : On veut déterminer la probabilité Pn(k)pour que, parmi npersonnes, ksoient nées
le premier janvier. On suppose que personne n’est né le 29 février et que tous les autres jours
sont équiprobables. Le nombre de personnes nées le premier janvier suit alors une loi binomiale
B(n, 1/365). Notons Pλ(k) = exp(λ)λk
k!. Le tableau suivant permet de comparer la loi binomiale
et son approximation :
k P500(k)Pλ(k)
0 0,2536 0,2541
1 0,3465 0,3481
2 0,2375 0,2384
3 0,1083 0,1088
4 0,0369 0,0372
5 0,0100 0,0102
On peut remarquer en passant que Pλ(k)est petit dès que k5. L’inégalité de Bienaymé-Tchebichev
nous donne, pour une variable aléatoire Ssuivant la loi P(λ)avec λ=500
365 , la majoration :
P(S5) P(SE(S)+2,6σS)(2,6)20,15,
environ 10 fois supérieure à la valeur de P(S5). Voilà pourquoi, malgré son utilité, l’inégalité de
Bienaymé-Tchebichev est parfois qualifiée de grossière.
3.2 Approximation d’une loi binomiale par la loi de Gauss
Et quand pn’est pas trop petit mais que nest grand, comment calculer la probabilité Pn(k)? La
réponse est donnée par le théorème suivant.
Théorème 3. (Théorème de Moivre-Laplace.)
Soit ptel que 0<p<1. Soit Snune variable aléatoire de loi B(n, p). Pour tous réels aet btels que
a < b, on a, en notant q= 1 p:
lim
n+"P(a<Snb)1
2πZa+np
npq
anp
npq
exp x2
2dx#= 0.
La loi de Snpeut donc être approchée, quand nest grand, par la loi de Gauss de même espérance
et variance.
2
3.3 Approximation d’une loi hypergéométrique par la loi binomiale
Rappelons sur un exemple la définition de la loi hypergéométrique. Un lac contient rpoissons, dont
r1sont d’une espèce intéressante. On pêche npoissons et on note Xle nombre de poissons de la
bonne espèce parmi les nattrapés. Alors on a
P(X=k) = Ck
r1Cnk
rr1
Cn
r
quand le second membre est défini, et P(X=k)=0sinon. Si on change de procédé et que l’on rejette
chaque poisson vivant après l’avoir pêché, le nombre Yde poissons pêchés de la bonne espèce suit
une loi binomiale B(n, r1/r): on a P(Y=k) = Ck
nr1
rk1r1
rnksi 0knet P(Y=k)=0
sinon. Il est naturel de penser que si ret r1sont grands devant n, il y a peu de différences entre les
deux procédés. C’est ce que confirme l’énoncé suivant.
Théorème 4. Soit, d’une part, une suite de variables aléatoires (Xj)jNde loi hyperométrique de
paramètres n,rj,r1,j , et d’autre part une variable aléatoire Yde loi binomiale B(n, p). Si
lim
j+rj= +et lim
j+
r1,j
rj
=p,
p]0,1[, alors on a :
lim
j+
P(Xj=k) = P(Y=k) = Ck
npk(1 p)nk.
3.4 Théorème limite central
Les résultats concernant l’approximation de lois sont souvent dénommés théorèmes limite. Le plus
important de ces résultats a reçu le nom de théorème limite central.
Théorème 5. (Théorème limite central.)
Soit (Xn)nNune suite de variables aléatoires non constantes, indépendantes, de même loi,
admettant un moment d’ordre deux. On définit, pour tout nN, la variable aléatoire Snpar :
Sn=Pn
j=1 XjnE(X1)
pnV(X1).
Alors, pour tout couple (a, b)tels que a < b,ona:
P(a < Snb)
n+
1
2πZb
a
exp x2
2dx.
Si une variable aléatoire Xs’écrit Pn
j=1 Xjoù les variables aléatoires Xjvérifient les hypothèses
du théorème, on pourra approximer, dans le cas où nest grand, la loi de Xpar la loi gaussienne
NE(X),V(X). Outre le cas des variables aléatoires de loi B(n, p), c’est aussi le cas des variables
aléatoires de loi de Poisson P(λ), qui ont la même loi qu’une somme de nvariables indépendantes
de loi P(λ/n), et des variables aléatoires de loi χ2
n, qui ont la même loi qu’une somme de nvariables
indépendantes de loi χ2
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