UE.2.6.S5 27.09.2011 Les schizophrénies Un peu d’histoire De la démence précoce à la schizophrénie : - Morel : « Démence précoce des jeunes gens » (1860) - Hecker : « Hébéphrénie » (1871) - Kahlbaum « catatonie » (1874) - Kraepelin : intègre ces formes dans sa grande synthèse, la « démence précoce » (1899) - Beuer : « le groupe des schizophrénies » (1911) Schizein = couper Modèles contemporains : année 1980 Définition : - Cliniques Dimensionnels plutôt que catégoriel - Essentiellement dans le but de recherche au départ (critères ayant une bonne fidélité inter-juge) - Mais pertinence avec les modèles neuropathologiques (cf voies dopaminergiques) Ils ont abouti à une disparition des symptômes : - « Positifs » : symptômes « Productifs » - « Négatifs » : symptômes « déficitaires » L’hypothèse dopaminergique : 1950 : découverte fortuite Chlorpromazine (Largactil*) 1975 : récepteur dopaminergique dans le cerveau 1990 : sous type de récepteurs (D2) 2003 : concept de la dopamine (DA) considéré comme neuroméodulateur de la saillance (Kapur) La DA est un médiateur qui donne à nos expériences une signification appropriée au contexte. Dans la schizophrénie, il y aurait décharge de DA sans égard au contexte. Ceci peut entraîner une signification aberrante à un objet externe ou à une représentation interne. Et en fonction de sa culture, de ses expériences, un sujet peut développer un schéma cognitif (« explicatif ») pour ce schéma : délire. Or les neuroleptiques bloquent la transmission DA. Ils sont donc sensé diminuer la signification préoccupante des significations. 1 UE.2.6.S5 27.09.2011 Voies dopaminergiques et symptômes (positifs et négatifs) Symptômes négatifs et positifs : - Voie nigrostriée : motricité volontaire, contrôle du tonus musculaire - Voie mésolimbique : régulation de l’humeur, conduite motivationnelle, certains comportements addictifs => symptômes positifs schizophréniques - Voie mésocorticale : intégration des sens, fonctions cognitives et mnésiques, motricité volontaire, éveil et vigilance, processus d’apprentissage… => symptômes négatifs schizophrénique - Voie hypothalamo-hypophysaire ou tubéro infundibulaire : contrôle des hormones hypophysaires dont prolactine Apports de la neuro-imagerie +/- fonctionnelle : - Etude taille des structures cérébrales : ventriculaire, hippocampe - Etude de l’activation de certaine zone cérébrale (ex : une tache complexe inactive l’activité frontale chez le schizophrène) - Altérations supposées de certaines voies cérébrales (ex : altération du faisceau arqué) Quelles définitions ? 1) Conception classique Schizophrénie : groupe de psychose dont le noyau est la DISSOCIATION de la vie psychique. Dislocation de la pensée, des sentiments, de la cohérence physique des relations aux autres : « Spaltung » PAS DE DEDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITE ! Le « spaltung » est la désagrégation, pas de construction d’un autre soi-même. Et de ma dissociation de la vie psychique résulte une pathologie du lien. 2) Dans l’approche contemporaine La schizophrénie se définit en fonction de 3 groupes de signes : - Des signes positifs : hallucinations, délire, discours désorganisé et comportement désorganisé - Des signes négatifs : émoussement des affects, apathie (absence d’initiative de cause frontale, pas de paresse !), alogie (diminution de la spontanéité verbale) - Troubles cognitifs : trouble de l’attention, de la mémoire, trouble des fonctions exécutives Fonctions exécutives : fonctions frontales, essentiellement à un comportement autonome dirigé : sélection du but, anticipation et planification, persistance dans la tâche, capacité d’adaptation au changement, évaluation (autocritique) 2 UE.2.6.S5 27.09.2011 Epidémiologie - Difficultés : Population étudiée : sujet « caché » Prévalence : 1% de la population générale Age de début : 15 à 35 ans dans 75% des cas Sexe : pas de différence (mais prévalence masculine supérieur chez les jeunes) Surmortalité : Notamment suicidaire : 1 décès/10 patients dans les 10 premières années de la maladie Conduites addictives : toxicomanie (10% de toxicomanes sont schizophrènes), alcoolisme Aspect étiologique 1) Facteurs de vulnérabilité a) Vulnérabilité génétique - Jumeaux homozygotes : 50% Faux jumeaux : 14% Si un parent premier degré malade (père, mère, fratrie) : 10% Si les 2 parents malades : 40% b) Vulnérabilité liée aux facteurs d’environnement - Vie embryonnaire : stress maternel, produit toxique ?, grippe au 2ème trimestre de grossesse, dénutrition Souffrance néo-natale, hypoxie, incompatibilité rhésus Cette vulnérabilité est liée à une anomalie du développement des neurones : - Anomalie de leur migration (de la profondeur du cerveau vers le cortex) - Anomalie de différentiation cellulaire - Perturbation de la synaptogénèse pendant la gestation ou la petite enfance Mais cette vulnérabilité ne suffit pas à déclencher la maladie. La mèche s’allume à l’adolescence. 2) Facteur déclenchant = agression du cerveau (stress) notamment du système dopaminergique ??? Stress : évènements de la vie quotidienne, pression de performance, émigration (2ème génération) - Tétra-hydro-cannabinaol (cannabis) +++ - Drogue alcool Le stress est neurotoxique. - 3 UE.2.6.S5 27.09.2011 Encore de la définition On peut donc formuler une définition plus complète de la schizophrénie (mais pas « définitive » pour autant !…) La schizophrénie est une maladie du cerveau : des neurones - Lié à une anomalie neuro-développementale : anomalie des neurones lors du développement embryonnaire - Qui du point de vue chimique implique un neurotransmetteur : la dopamine - Et qui entraîne cliniquement : Des signes positifs Des signes négatifs Des troubles cognitifs Et à propos de laquelle les découvertes des dernières années inventent à revoir la clinique classique, y compris l’âge de début. Etude clinique : le début – Installation de la maladie 1) Forme progressive et insidieuse Chez l’adolescent, adulte jeune Changement de comportement, rapporté par l’entourage - Fléchissement de l’activité, négligence (hygiène, apparence) Retrait social Modification du caractère : indifférence, agressivité, émotion inappropriée Croyance bizarre, excentricité, originalité caricaturale (attitudes paradoxales chez un sujet devenu indifférent) Toxicomanie et/ou conduite délictueuse Anorexie mentale Manifestation névrotique : nosophobie, éreutophobie (= érythrophobie : peur de rougir en public), dysmorphophobie (crainte ou conviction d’avoir une malformation physique) 2) Début par accès psychotique aigu - Bouffée délirante (cf. critère de pronostic) Etat maniaque « atypique » (moindre syntonie, froideur, hermétisme, thème délirant… Etat dépressif « atypique » (important dans le diagnostic différentiel à l’adolescence) Révélation par un passage à l’acte impulsif : crime « immotivité », trouble des conduites sexuelles, fugue (voyage pathologique), tentative du suicide, autocastration… 4 UE.2.6.S5 27.09.2011 3) Installation par assauts progressifs Mais même en cas de début brutal, l’enquête anamnestique rapporte l’existence d’indices pré-schizophréniques. - Enfant 1 à 5 ans : retard d’apprentissage, tbles de la coordination, passivité, attention diminuée - Pré-puberté 6 à 11ans : pensées bizarres, difficultés de faire face à des situations nouvelles (« coping »), affects inappropriés… Etude clinique : la phase d’état 3 grands symptômes : la dissociation, le délire, (l’autisme) 1) Dissociation - Dissociation idéique : de la pensée Dissociation affective Dissociation psychomotrice a) Dissociation de la pensée Altération du langage : n’et plus un échange Trouble de l’attention, de la concentration : champs de la conscience constamment envahie par des perceptions extérieures et intérieures que le sujet ne peut intégrer. - Troubles du cours de la pensée (fluidité, flux) Flux idéique ralenti Accéléré-verbigération BARRAGE – FADING VERBAL (ralentissement de plus en plus de la pensée puis redevient normale) - - Trouble du contenu de la pensée : Trouble des associations idéiques, coq à l’âne Appauvrissement verbal : écholalie, palilalie, stéréotypie verbale Altération sémantique : paralogisme, néologisme, schizophasie Conservation de l’intelligence potentielle. C’est l’usage de l’intelligence qui est perturbé (ce n’est pas une « démence ») - Dissociation idéique observée dans les productions graphiques b) Dissociation affective - Froideur, émoussement, indifférence Mais souvent : hypersensibilité (mécanisme de défense) Réactions émotionnelles inappropriées (DISCORDANCE) Ambivalence : simultanéité de sentiments contraires 5 UE.2.6.S5 27.09.2011 c) Dissociation psychomotrice - Expression paradoxale de la mimique : sourires discordant, PARAMIMIES Suggestibilité paradoxale : échomimie (répète nos gestes), écholalie (répète nos paroles), échopraxie Maniérisme Stéréotypie : gestuelles, d’aptitude Négativisme : refus de la main tendue Impulsion motrice Catalepsie : perte d’initiative motrice, flexibilité cireuse, conservation des attitudes Perturbations instinctuelles : Sexuelles : auto-érotisme, exhibition, expression de désirs normalement réprimés ou négation de la génitalité Alimentaires : régression, boulimie, potomanie Excrémentielles : manipulation, barbouillage, coprophagie 2) Le délire Mécanismes : - Interprétation - Illusions - Hallucinations psychosensorielles - Hallucinations psychiques (voies intérieures) - « Automatisme mental » Thèmes : - Persécution - Influence - Transformation corporelle - Possession diabolique - Filiation - Mystique - Sexuelles, érotisme - Mégalomanie… Organisation : « Paranoïde » : pas de logique interne, pas de sens, difficilement communicable Vécu : - Adhésion immédiate Etrangeté, déréalisation, dépersonnalisation Expérience ineffable (« pas de mots ») Contexte affectif : surtout angoisse 6 UE.2.6.S5 27.09.2011 Evolution : - Fixée - Fluctuante avec accès aigus - Entre les accès : appauvrissement des thèmes 3) L’autisme Monde clos sur lui-même, impénétrable, résultante de la dissociation et du délire. Correspond pour partie à la notion actuelle de symptômes négatifs : Repli, retrait social, négligence pour l’hygiène, l’alimentation, indifférence pour le monde extérieur, apragmatisme (incapacité d’origine psychique de maintenir un comportement adapté aux besoins et aux conditions de vie, clinophilie (=repli dans le lit)… Retour vers le futur : notions sur la théorie de l’esprit. - - - - - « Capacité à attribuer aux autres des états d’esprit pour expliquer leur comportement » (FRITH) Pour percevoir ce qui se passe « dans la tête d’un autre », il faut Se représenter ses mentaux Comprendre que l’autre pense des choses différentes de soi Tenir compte des ignorances de l’autre pour lui fournir des propos informatifs Une théorie de l’esprit (de l’autre) permet : De reconnaitre les intentions derrière ce qui est dit ou fait, plutôt que de se fier au strict sens du langage ou des actes Identifier les supercheries, les allusions, le second degré, savoir « lire entre les lignes » Sans cette souplesse, il n’y a d’adaptation sociale Chez le schyzo cela ne fontionne pas. Il ne construit pas de savoir partagé. Cela entraine : Des tbles de la communication et d la compréhension Des erreurs d’interprétation des paroles ou des intentions d’autrui : idées délirantes, persécutives, de référence (« ça me concerne… ») Application pratique Il est inutile de faire des allusions Exemple : « ce serait bien que la cuisine soit propre quand je vais rentrer » Il faut donner des directives « gentiment Evaluation Pas besoin de connaitre les notions de la théorie de l’esprit !!! 7 UE.2.6.S5 27.09.2011 Formes cliniques de la schizophrénie 1) La schizophrénie paranoïde - Délire paranoïde plus ou moins riche Syndrome dissociatif Sensible aux chimiothérapies 2) L’hébéphrénie - Début typique à l’adolescence Emoussement des affects, repli social, apragmatisme, clinophilie… Délire moins marqué, centré sur l’individu, symptômes pseudo-névrotique (phobique, obsessionnels) Importance du syndrome dissociatif Poussée/rémission où s’installe un état déficitaire Moins sensible aux chimiothérapies Hallucinations et idées délirantes passagers Pronostic médiocre car apparition précoce des symptômes « négatifs » 3) La schizophrénie catatonique CIM 10 : pour des raisons encore mal connues, la schizo catatonique est devenue rare dans les pays industrialisés. - Devenue rare Syndrome dissociatif psychomoteur - Stupeur catatonique : catalepsie, mutisme, oppositionnisme ou obéissance automatique/accès de fureur Délire non-verbalisé mais intense, hallucination, expérience terrifiantes de morcellement Signes somatique : hypersudation, hypersalivation, altération veille/sommeil Pronostic classiquement plus sévère - 4) La schizophrénie simple Personne marginale avec une bonne adaptation sociale. Survenue incidieuse de bizarreries du comportement, d’une diminution des « performances » (CIM 10). Désinsertion sociale croissante, avec vagabondages, inactivité, absence de projets. Pas d’idées délirantes ni d’hallucinations. 5) L’héboïdophrénie Conduites anti-sociales. Mais inadaptées en référence même aux principes de la délinquance (absurdité, appât du gain absent) Alcool, drogues… 8 UE.2.6.S5 27.09.2011 6) Forme pseudo-névrotique Symptômes : défense contre l’angoisse et la dissociation (au moins en dehors des crises). Plus fréquente sous l’effet des traitements : - Phobies - Obsessions - Manifestation hystérique 7) Schizophrénie dysthymique - Symptomatologie dépressive, maniaque ou mixte Evolution sur un mode intermittent Thymorégulateurs Diagnostic différentiel 1) Pathologie organique Tumeurs cérébrales, dysthyroïdie, épilepsie, toxicomanie 2) Pathologies psychiques - Problème des états dépressifs et maniaques « atypiques » - Névrose hystérique : états crépusculaires, « réponses à côté » (syndrome de GANSER), maniérisme théâtral - Névrose obsessionnelle : rétention des affects, mentisme, Délires chroniques systématisés, paranoia, PHC, paraphrénies 3) Examens complémentaires - - A la recherche d’une organisité Test de la personnalité : RORCHACH (1921) : 10 planches MMPI Données de la neuropsychologie : Multiplies les tests mettant en évidence les troubles attentionnels, mnésiques, des fonctions exécutives 9 UE.2.6.S5 27.09.2011 Evolution - Mode d’entrée - 2 modalités évolutives selon que le sujet se soigne ou pas : Multitudes d’épisodes aigus Hospitalisation fréquentes (éventuellement sous contrainte) Désorientation et rupture familiale Complication : alcoolise, toxicomanie, suicide - La question de la guérison et selon quels critères ? Déjà sous Bleuler : 10 à 20% de guérisons Notions de « stabilisation » : critères médico-sociaux Actuellement : notion de « qualité de vie » (échelle) « Réhabilitation psychosociale » : inspiration cognitivo-comportementale Globalement 3/4 patients se stabilisent en quelques années - « Facteurs de pronostic » (mais variation inter-individuelle) Début aigu Age tardif de survenu Bon niveau socioprofessionnel Absence de trouble prémorbide de la personnalité Traitement précoce - Evolution des idées : Henry EY : « Le diagnostic de la schizophrénie est à la fin… » Aujourd’hui : annonce du diagnostic, information du patient et de sa famille 10