Moshé IDEL / Bernard MCGINN (éd.), L'Union mystique dans le judaïsme, le christianisme et
l'islam, Bruxelles : Lessius (coll. « L'Autre et les autres », 13), 2011. 20,5 cm. 276 p. ISBN
978-2-87299-201-0. 32,20 €
Les auteurs de cet ouvrage collectif cherchent à identifier des moments de convergence
entre les conceptions respectives de l’unio mystica dans les trois grandes religions
monothéistes. Ce faisant, il mettent en évidence l’interaction entre expérience et
interprétation ainsi que le rôle médiateur du langage pour toute expérience.
Moshé IDEL développe l’influence du néoplatonisme sur la mystique juive médiévale.
Deux écoles conceptualisent l’ascension de l’âme vers Dieu. Celle de Rabbi Abraham
ABOULAFIA y voit une intégration de l’élément spirituel en l’homme dans le divin. L’école
d’Isaac LOURIA la considère comme l’achèvement de la divinité par la montée d’une de
ses parties dispersées vers son lieu prescrit. Cette intégration mystique participe du
retour cosmique vers sa source. Selon la première conception, l’âme devient capable
d’influencer le cours de l’univers. Selon la seconde, elle transforme et restaure le divin.
L’auteur souligne que la mystique n’est pas en concurrence, mais en continuité avec la
pratique religieuse, qu’elle n’est pas une fuite du monde, mais fonde au contraire
l’activité publique.
Bernard MCGINN étudie les relations entre amour, connaissance et unio dans le
christianisme. Tandis que les Pères parlent peu d’unio, on assiste au XIIe s. à la
naissance de l’intérêt pour une analyse de sa nature, notamment grâce à l’influence du
Pseudo-Denys et au rôle des cisterciens et des victorins. L’ascension de l’âme est alors
conçue comme à la fois intellectuelle et affective, il y a compénétration réciproque de
l’amour et de la connaissance. L’auteur souligne le rôle des béguines dans l’élaboration
des concepts.
Michael SELLS insiste sur la « perplexité du langage » devant des questions insolubles
dans l’islam. L’influence des archétypes poétique de la poésie préislamique sur le
soufisme et la transformation de thèmes coraniques conduisent à une abolition de la
distinction entre énonciateur et auditeur ; éloignement et rapprochement coïncident et
la distinction entre divin et humain s’efface. Mystique et discours philosophique se
fécondent mutuellement.
Daniel MERKUR se place sur le terrain psychopathologique et livre une étude comparative
et une approche phénoménologique de l’extase. Il cite William James qui compare
l’extase à la confusion entre imagination et réel sous LSD. Pour la psychanalyse, le
contenu de la vision est fourni par inconscient et forme un mécanisme de défense contre
l’emprise de la transe. Les expériences unitives permettent d’accéder au noyau profond
du surmoi et peuvent être mises en œuvre comme source de renouvellement
émotionnel et religieux.
Dans une dernière partie, les quatre auteurs réagissent aux prises de position de leurs
collègues ce qui leur permet de nuancer leur propos.
Moshé IDEL souligne que la dogmatique limite les expressions extrêmes et remarque
l’importance des femmes dans l’islam et le christianisme, mais non dans le judaïsme. La
mystique juive lui semble plus influencée par le soufisme que par la mystique
chrétienne.
Michel SELLS est frappé par la nature autocritique d’une bonne partie du lange de l’union,
surtout de l’apophatisme rigoureux.
Daniel MERKUR, contrairement à son article, inscrit ici sa réflexion dans un rapide survol
de l’histoire de la mystique et définit la mystique personnelle comme propre au
monothéisme.