1
DROIT PRIVE COMPARE
1. PROPOS INTRODUCTIFS
1. Qu'est-ce que comparer?
Comparer, c'est mettre en relation des droits différents, c’est étudier un droit à la lumière d'un
autre. On étudie son propre droit à la lumière d'un droit étranger. C'est donc, d’abord, une
manière de redécouvrir son droit national.
Comparer signifie mettre en parallèle des matières pour faire apparaître des similitudes et des
différences. Les comparatistes se divisent parfois entre ceux qui recherchent des similitudes
entre deux droits (on parle alors de « comparaison intégrative » - A.Watson), tandis que
d’autres ont une approche différentialiste (Legrand).
Le comparatiste devrait pourtant être un observateur neutre et objectif. En réalité, la
comparaison a mené et mène toujours à des résultats distincts selon le but visé. Le résultat de
la comparaison dépend en effet des critères de comparaison qui ont été retenus à l’origine,
ainsi que des objectifs poursuivis.
2. Pourquoi comparer?
La comparaison permet d'obtenir une approche critique du droit. Dans une approche assez
large, macro comparative, c'est un des grands mérites du droit comparé, qui provoque en effet
une ouverture et permet de formuler une critique de son propre système juridique. C'est ce que
certains appellent la « fonction subversive du droit comparé » d’après la formule de H. Muir-
Watt.
Le droit comparé est donc un instrument contre le dogmatisme, l'ethnocentrisme en cela qu’il
conteste l'idée que les normes juridiques internes sont les seules concevables. Il permet de
formuler une critique du droit.
Du point de vue de la doctrine, une des difficultés qui s'est présentée en France est qu’il
existait assez peu de critiques du droit, contrairement aux USA. C’est grâce au droit comparé
qu’ont pu être introduites certaines critiques du droit au sein de notre système.
Le principe de la comparaison est simple : on va apprendre d'un autre droit, y trouver une
source d'inspiration, des solutions applicables au sein de son propre système juridique. C’est
ainsi que de nos jours, lorsqu’une réforme législative est envisagée, il est procédé en premier
lieu à une étude des systèmes avoisinants, de manière plus ou moins efficace et pertinente
d’ailleurs.
2
En effet, il faut être capable de traduire correctement les solutions qui ont pu y être
appliquées. D’après le Doyen Carbonnier, c’est ici que réside les dangers de la comparaison,
car peu sont à même de déterminer si ce qui a éextrait d’un autre système est juste : « a
beau mentir qui vient de loin ».
Le droit comparé sert également à convaincre. Dans le cadre judiciaire, ou en ce qui concerne
l'interprétation du droit constitutionnel, il n’est pas toujours évident d'interpréter la
constitution d'un Etat à l'aune d'un droit étranger. D’ailleurs le Conseil Constitutionnel ne
semble pas être très favorable à une approche comparative. D’après le Doyen Vedel : « il faut
se défaire de l'idée que telle ou telle théorie, telle ou telle pratique, adoptée par une cour
constitutionnelle étrangère dans une démocratie parfois juvénile comme... ».
Aux Etats-Unis, dans l’affaire Lawrence v. Texas de 2003, un argument comparatiste a été
soulevé devant la Cour Suprême. Cette affaire concernait une loi texane prévoyant des
sanctions pénales pour toute personne se livrant à des actes de sodomie entre adultes
consentants. La question centrale était ici de savoir si cette loi était critiquable sous l'angle des
droits fondamentaux ou des libertés constitutionnelles. Certains juges utilisèrent un élément
de comparaison en affirmant que dans certains pays avaient été jugées inconstitutionnelles des
lois de ce type, et contraire aux droits fondamentaux devant la CEDH. Le juge Scalia jugea
pour sa part qu'il était impossible de faire usage du droit comparé en l’espèce, que cela était
même impensable. Il jugea qu'il fallait se référer à l'intention des auteurs de la constitution
américaine, et interpréter cette loi selon le droit interne uniquement. D’autres juges
considérèrent pourtant qu'il était possible de développer une conception évolutive de la
Constitution, sans pour autant gommer son originalité (opinion du juge Breyer notamment).
Pour eux, il ne fallait pas que la conception américaine soit trop différente des conceptions
européennes en matière de droits de l'homme.
L'utilisation du droit comparé est tout de même toujours perçue comme une source de
difficultés.
Dans un premier temps en effet, il est nécessaire d’utiliser des décisions étrangères sorties de
leur contexte, provoquant un risque certain de décontextualisation de ce fait. Pour contourner
ce problème, il serait donc nécessaire qu'on n’utilise des références émanant d'un système
assez proche.
Exemple d’usage de la comparaison dans le domaine du droit civil.
On peut remarquer que dans certaines décisions, les juges font appel à la comparaison, au
droit étranger. Cf : Cass, Arrêt Perruche, 2007 (enfant handicapé dont les parents n’en avait
pas été informés d’un risque de malformation suite à une erreur du médecin et du laboratoire).
L’arrêt s’est appuyé sur un usage du droit comparé, ce qui apparaît clairement dans les
conclusions de l’AG Sainte Rose. Les juges n’ont pas hésité pour trancher cette affaire à se
référer au droit étranger.
Une telle utilisation du droit comparé est souvent faite dans des affaires soulevant des
polémiques importantes au sein de l’opinion publique.
3
L’utilisation du droit comparé par le juge n’a pas pour autant pour objectif de reprendre une
solution au compte du système interne. Le juge trouvera en effet plutôt des supports dans le
droit étranger, des arguments pour rendre son propos plus solide.
Ex : House of Lords, 25 Novembre 1999, Mcfarlane case : Mr McFarlane avait subit une
vasectomie dans une clinique anglaise. Sa femme tomba enceinte par la suite. Le couple
demanda des d&I à la clinique auprès de la Cour. Le débat tourna ici autour de questions
éthiques, plus que juridiques. Les juges anglais se sont référés à une cision rendue par la
Haute Cour néerlandaise, qui avait donné raison aux parents dans un contexte similaire. A la
différence de cette affaire, les juges anglais ont eux refusés d’indemniser les parents et en
examinant les arguments soulevés devant le Haute Cour, ont expliqué pourquoi ils
n’appliqueraient pas la même solution en droit anglais. Dans cette décision, à l’inverse des
décisions de droit français, c’est la décision elle-même qui se réfère au droit étranger. Cela
tient au style judiciaire différent de ces deux systèmes.
Ex : High Court, 2000 : Tort law related case. La question était ici de savoir si l’on pouvait
indemniser un préjudice psychologique subit par un conjoint pour la perte d’un être cher
lorsque ce dernier avait lui-même contribué, par sa faute, à ce décès. L’inspiration fut ici
puisée dans la jurisprudence allemande qui avait déjà tranché cette question. Il y a eu une
consultation entre un professeur allemand, les avocats anglais et le juge anglais qui a pris en
compte cette décision dans son jugement.
L’usage de la référence au droit étranger peut être utilisé dans un contexte judiciaire, lorsqu’il
s’agit de convaincre le juge. Cela peut avoir un poids assez fort devant le juge. Le travail des
avocats sera de trouver des idées, plutôt que des solutions dans le droit étranger, et plutôt que
la solution, l’argumentation développée devant les juridictions étrangères peut être utilisée.
« Le droit comparé est un emprunt à la démarche juridique, non une transposition de la
jurisprudence dans le système de droit interne », d’après l’ancien premier président de la
Cour de Cassation. Une décision ne peut en effet être importée telle qu’elle, en raison des
valeurs particulières de chaque système.
Le droit comparé est également un outil de compréhension, que ce soit dans les relations entre
Etats ou entre personnes privées. Il est en effet nécessaire de connaître l’autre pour le
comprendre. Cette matière est donc très importante notamment dans le contexte d’intégration
régionale actuelle (ex : UE) ou globale (OMC…).
L’écart est parfois assez grand entre deux systèmes dans la conception d’une même notion.
Ex : La bonne foi en matière de droit des contrats. C’est dans ce type de contexte qu’il est
fondamental que chaque partie ait connaissance du droit de l’autre, de l’écart de conception et
du risque que cet écart présente.
3) L’histoire du droit comparé
4
On a pu observer l’utilisation du droit comparé, c-a-d la référence au droit étranger, depuis
très longtemps. L’un des exemples les plus anciens remonte à Solon, homme politique grec du
6e siècle avant JC.
Au Moyen Age, on comparait le droit naturel avec le droit canonique. En Angleterre, on
comparait le droit canonique et le Common Law.
Dans L’esprit des lois de Montesquieu, on peut également observer des comparaisons en
matière de systèmes politiques et juridiques (notamment des comparaisons avec le système
anglais).
En réalité, la discipline elle-même de droit comparé apparaît au cours du 19e siècle chez les
anglais avec Henry Sumner Maine. En 1831 fut créé au Collège de France une chaire
d'études juridiques comparatives et d’internationalisation (occupée par Mireille Delmas-
Marty depuis novembre 2002).
Fut également créée en France la Société de législations comparées (1860). Est organisé en
1900 un grand congrès international de droit comparé, dont les fondateurs du droit comparé
en France ont fait partie (Lambert et Saleilles :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-
3337_2000_num_52_4_18626 ).
En Europe, le droit comparé reprend aujourd’hui une place très importante, très certainement
en raison de l’intégration européenne. Pourquoi maintenant seulement ? Car pendant de
nombreuses années, l’intégration européenne n’a touché qu’un nombre limide domaines du
droit. Maintenant qu’il y a des développements plus large, affectant la plupart des branches du
droit privé, l’œuvre d’harmonisation provoque des questionnements renouvelés.
Ex : Il existe aujourd’hui des chroniques, dans des revues très généralistes, de droit comparé.
4) Le droit comparé et le droit international privé
1e approche : les deux disciplines évoluent dans des sphères différentes et il n’y a pas
d’interactions entre elles.
2e approche : deux disciplines doivent être conjuguées ensemble. Des tensions
apparaissent à certains niveaux dans les deux matières en effet. D’un côté, une
volonté d’uniformiser le droit en droit comparé, une volonté de limiter la diversité,
volonté partagée, dans une certaine mesure, avec le DI privé. D’un autre côté, le droit
comparé n’existe que du fait de la diversité des droits, et celle-ci n’a pas
nécessairement vocation à être vaincue, selon certains courants (différentialistes), de
même en dip, la technique centrale du conflit de lois repose sur l’existence d’une
diversité de loi, dont il faut aménager le jeu.
3e approche : on considère que ces disciplines sont complémentaires, interdépendantes
car le DI privé fait parfois appel au droit comparé. Il peut par exemple en DI privé y
avoir une question de qualification qui implique l’étude du droit étranger. (Ex :
reconnaissance du mariage homosexuel à quelle institution correspond-t-il en droit
français ?). En matière d’OP international, il est nécessaire de connaître les valeurs en
jeu dans le système étranger pour savoir si oui ou non la loi étrangère est contraire à
5
l’OP international. Pour Bénédicte Fauvarque-Cosson, c’est la raison pour laquelle le
droit comparé est essentiel, non seulement en raison de sa portée théorique mais en
raison de ses enjeux pratiques.
4e approche : il existe un rapport de rivalité entre les deux disciplines car si le droit
comparé vise à unifier le droit comme le suggère un de ses courants de pensées, les
règles de conflits deviendront à terme inutiles. A l’échelle de la planète, une telle
unification semble improbable, mais à l’échelle de l’UE, cela pourrait être possible,
même si à ce niveau, l’objectif poursuivi est l’harmonisation, le plus souvent, et non
pas l’unification. Or harmonisation ne fait que rapprocher les systèmes juridiques, elle
ne crée pas de règles uniformes.
5) Le droit comparé et le droit européen
Le droit de l’UE se construit à partir du droit des Etats membres de l’Union (c’est le
« phénomène ascendant » d’après Mireille Delmas-Marty). Cf : Mécanisme de reconnaissance
des Principes Généraux de droit communautaire + responsabilité de l’Etat pour violation du
droit de l’UE, dégagés à partir des traditions constitutionnelles communes aux EM, inscrit
dans le TUE depuis 1992.)
En outre, le souci pour les juges de mettre en œuvre des solutions acceptables pour les EM est
réel. L’Avocat général Lagrange de la CJUE a ainsi mis en évidence la nécessité de prendre
en compte l’usage du droit comparé dans la construction du droit européen.
Pb : Comment la CJUE procède-t-elle pour reconnaître une solution commune ? Il est rare
que la cour souligne que tous les Etats retiennent une seule et même solution pour l’adopter.
L’idée de « convergence des droits » (aussi reprise par la CEDH) est souvent invoquée.
6) Le droit comparé et la mondialisation du droit
Les mondialisations du droit et de l’économie sont liées.
La mondialisation du Droit s’apparente au fait que le droit ne peuvent plus se concevoir
aujourd’hui uniquement au sein des frontières nationales, et que les mouvements se
produisant au sein du droit ne peuvent plus se comprendre qu’en étudiant les mécanismes
intrasystémiques.
La mondialisation signifie donc que les systèmes juridiques sont désormais perméables.
On voit ainsi émerger un droit mondial, qui s’étend à l’échelle de la planète (ex : droit de
l’OMC, conventions internationales…).
La Mondialisation entraîne également des formes plus ou moins variables de rapprochement
des droits à l’échelle mondiale : on parle de « droit mondialisé ». Ce phénomène est abordé
par François Ost De la pyramide au réseau»). Il dissocie le droit de la mondialisation (1e
1 / 13 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !