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La responsabilité politique et économique
face à la complexité du monde actuel
Ces notes de conférences ont été prises le 31 janvier et le 1er février 2004 à Rimont.
Intervenant : le père Samuel Rouvillois de la communauté de Saint Jean.
Préalables
Les évolutions de notre monde sont complexes, car plusieurs « univers » caractérisés par
des vitesses d’évolution différentes, cohabitent :
Classement des univers par vitesse d’évolution :
Médiatique>économie>politique>social>personnel>civilisation
Ce qui conditionne la vitesse de l’évolution c’est la rapidité de traitement et d’assimilation
de l’information par l’ « univers ».
L’économie va toujours plus vite que le social
Ce qui va plus vite que l’économie, c’est le médiatique
Un corps social a plus d’inertie que l’entreprise
Le politique peut aller un peu + vite que le social, mais à peine (Ex : le voile)
L’aspect personnel évolue encore plus lentement que le social.
Ce qui évolue le plus lentement c’est la civilisation.
La personne grandit avec l’intelligence et la volonté
La civilisation c’est encore plus lent / des siècles mais elle peut être détruite très vite (Hiroshima)
Mutations à 3 niveaux
Les mutations commencent par être économiques, puis elles sont politiques avant d’être
culturelles.
1-Economiques
- industrie
- consommation
- information
2-Politiques
3-Culturelles
La société traite les changements majeurs d’une façon bien singulière : elle en montre d’abord les
gigantesques avantages ou inconvénients (à priori) puis plus rien une fois que la révolution est en
cours, a eu lieu et que ses effets se font pleinement sentir. (Où sont passés les mouvements
consuméristes des années 60 ?) Qu’est ce qui a été dit sur la révolution de la consommation depuis J.
Baudrillard ?
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I Les mutations
1- les mutations économiques
1A- La révolution industrielle
la révolution industrielle a généré l’idéologie de la responsabilité.
Qu’est-ce que c’est ?
La révolution industrielle, c’est l’invention de la machine, c'est-à-dire l’utilisation de la
raison scientifique, au service de la maîtrise de l’énergie.
1ère machine est la machine à vapeur qui représente un saut qualitatif. L’utilisation de
l’abstraction scientifique a permis de concevoir la machine alors que l’outil est un
prolongement de l’expérience. Avant l’outil démultipliait la force physique.
La machine provient d’un usage quantitatif de la réalité. Elle permet de maîtriser la
quantité dans le réel, notamment le mouvement physique, l’énergie.
Par la machine, l’homme entrevoit la possibilité d’un progrès illimité dans la maîtrise de
la matière.
Plus profondément, c’est la promesse d’augmenter le pouvoir de l’homme sur le monde
physique, en vue d’augmenter les biens matériels.
C’est la certitude d’un progrès dans l’ordre du bien matériel.
Idem pour les médicament. Cycles de type économique.
La médecine est dans une logique industrielle.
Promesse de la raison scientifique appliquée.
La science actuelle vise directement la maîtrise du monde.
Le type d’intelligence qui préside à la machine est totalement différent de l’intelligence
issue de l’expérience naturelle.
La révolution industrielle a changé l’artisanat et l’agriculture. Aujourd’hui l’agriculture est quasi
exclusivement industrielle. Industrie agro-alimentaire est le donneur d’ordre de l’agriculture Française
qui elle-même livre la grande distribution.
Agriculture est un sous-traitant d’un sous-traitant…
En un siècle, l’économie Française est passée d’une base agricole, à une base industrielle
puis commerciale.
Quelles conséquences sur la responsabilité ?
En premier lieu, les personnes, les groupes, les sociétés sont dépendantes du progrès
matériel. Ensuite, la raison a détourné l’homme de l’intelligence : propriété
hallucinatoires de la raison.
La révolution industrielle est une matérialisation de l’intelligence rationnelle.
Je ne peux prendre une décision sans tenir compte des moyens fournis par la révolution industrielle.
L’homme est conduit à assumer des quantités de phénomènes qui ne dépendant pas d’une logique
humaine mais de la raison industrielle.
La raison scientifique est rentrée dans notre vie prudentielle (l’intelligence prudentielle
concerne les décisions qui touchent la personne) à très haute dose, car elle influence
notre environnement. Des phénomènes qui ne dépendent pas d’une logique humaine
mais de la raison économique se sont interposés au cœur de nos vies.
La peur, qui est un phénomène affectif, a été technologisée, (en témoigne le développement des
assurances).
La logique industrielle introduit aussi une promesse qui est celle du progrès. Nous ne
pouvons plus envisager nos vies en dehors de l’idée de progrès. La promesse de progrès
polarise toute notre vie.
Cependant, le progrès est un vieux projet personnel.
Aujourd’hui lorsque la croissance passe en dessous de 1%, on le vit comme un appauvrissement.
Les différents « univers » mentionnés plus haut sont touchés. C’est économique, social,
puis cela devient personnel et enfin culturel.
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1B - La révolution de la consommation
La société de consommation faire dépendre le fonctionnement de la société de la
consommation de masse. Cela conduit à centrer sa vie sur le plaisir immédiat et
encourage le plaisir individuel qui accroît la consommation : (à chacun son téléviseur,
son véhicule, …)
J. Baudrillard a montré les conséquences de la consommation dans : « la société de consommation »
et « l’échange symbolique et la mort »
Le second livre montre les conséquences culturelles de la révolution de la consommation.
La démultiplication des choix développe une dialectique de l’angoisse et de la
récompense. L’angoisse ressentie devant un étalage trop impressionnant me pousse à
choisir, coûte que coûte.
Le supermarché est fait pour vous angoisser ; il y a 20 marques.
Si une seule marque de yaourts, angoisse zéro.
L’angoisse est aujourd’hui un des vecteurs essentiels de la consommation. Cela peut
conduire au terrorisme syndrome de Stockholm des otages qui sympathisent avec les
terroristes.
L’angoisse du choix conduit à se rendre par peur, et à consommer.
1C - La révolution de la communication
Nouvel espace-temps
La technologie accélère les échanges d’information et crée des espaces-temps virtuels.
L’information et le monde médiatique sont devenus inséparables du monde économique
Mais la révolution de la communication n’est pas encore achevée.
C’est, au sens fort, la fabrication, ou la création, d’un espace et d’un temps qui se
substitue au temps réel thème de Matrix.
L’informatique permet de s’évader de la réalité. Elle permet la vie intégrale en temps réel
dans plusieurs espaces temps. On assiste à la dislocation du sujet agissant.
Philo du droit
Base du droit = personne au sens juridique.
Personne juridique = 1 nom et un domicile
Moyen d’identifier les personnes qui constituent la communauté.
Pour la loi, il faut des sujets de la loi.
Dans le moderne, son nom et son domicile. Les deux choses n’existent plus dans le monde de
l’informatique. Plus d’identité et toutes les adresses que l’on veut.
Plus territorialement repérable.
Grand jeu = repérer votre domiciliation fondamentale.
Traquer les gens sur la toile. Repérer physiquement derrière la toile qui est là.
C’est essentiellement de l’image, qui est consommée jusqu’à présent. Grande question
actuelle : quelles conséquences économiques ?
Conclusion sur les mutations économiques
Révolution industrielle: Idéologie de la puissance et du progrès.
Révolution de la consommation : Sur-valorisation du bonheur individuel et du plaisir
immédiat.
Révolution de la communication : duplication d’identités et changement de logique
spatio-temporelle.
On assiste au développement de moyens dont la puissance de substitution par rapport à
la réalité est de plus en plus forte.
- L’industrie touche la puissance
- Consommation touche le bonheur et l’affectivité
- Communication touche la connaissance rapport au réel dans ce qu’il a de
plus radical.
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Ces moyens se présentent comme une alternative à la finalité de l’homme. Ce sont des
moyens de très bonne qualité, leur degré de capacité à générer l’illusion est très élevé.
Se rappeler qu’un moyen n’est pas mauvais en soi, c’est le rapport ambigu que l’individu
entretient avec qui peut l’être.
Optimisation des moyens
On est rentré collectivement dans le mythe et le fantasme de l’optimisation des moyens. Tout moyen
efficace doit un jour être utilisé. Sinon c’est faillir – Sorte de pré-destination matérialiste. « C’est
inévitable, fatalement, on ne peut pas faire autrement »
Beaucoup a été dit en 1978 par Soljénytsine dans un texte prononcé à Harvard : le Courage de la
vérité. Le déclin du courage… le courage de la vérité, ce qu’il y a d’illusoire dans la fausse réalité
proposée par la révolution industrielle et la consommation.
1er acte responsable : consentir au réel au-delà de l’illusion.
Le choix de la réalité devient un acte héroïque.
L’intelligence est affaiblie dans son rapport au réel.
En comparaison, les sirènes d’Ulysse étaient une aimable plaisanterie.
2 - Mutations sociales
2A -Individualisation et collectivisation
Nous assistons au développement simultané de l’individualisation maximale et de la
collectivisation maximale.
Sur-valorisation de l’individu, mais pour que tout le monde achète la même chose !
Jusqu’où ira l’industrialisation du bio ?
Comment valoriser industriellement la valorisation du produit fait « main » ?
La nouveauté à Davos c’est que les «responsables» ont pris conscience que le pouvoir
leur a échappé.
Tant que les personnes maîtrisent le système, on ne peut pas vraiment parler de
système. Le système existe lorsqu’il n’y a plus de maîtrise.
Pour mémoire, ambition de Marx. Société sans classe : chacun est complètement lui-même dans un
harmonie collective plénière.
Capitalisme et marxisme : mêmes présupposés même finalité…qq moyens différents et discours
mythologiques différents
Libéralisme : libre initiative
Marxisme : humanité au-delà des individus
Aspiration aux droits de l’homme
Tension vers une aspiration aux droits de l’homme. Sensibilité aux droits de l’homme et à
l’égalité. Acquis psychique et social du monde contemporain. Sans doute contagieux
(Chine…) – aspiration pulsionnelle…j’ai le droit de faire ce que je veux…. Logique des
droits de l’individu entre dans la mentalité japonaise. Cependant cette forte sensibili
aux droits de l’homme est accompagnée en fait d’une faible compréhension de ces
mêmes droits.
Souci d’une efficacité collective maximale.
La société doit être un prestataire de service maximal. L’organisation doit être maximale,
ce qui sous entend l’optimisation de sa logique fonctionnelle.
Je veux tout à ma disposition, tout de suite et en même temps. Je préfère me sentir
libre, même si je ne le suis pas vraiment, plutôt que d’être libre et de ne pas le sentir (à
nouveau la problématique de Matrix)
2B - Nous avons quitté le modèle rural et républicain
Rural
pour la 1ère fois, l’homme n’est plus adossé à la nature. Nous sommes sortis du monde
rural.
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Dans le modèle rural la solidarité était obligatoire et égoïste. C’était un individualisme
dans une dépendance mutuelle concédée.
La destinée religieuse était collective. La manière de vivre était liée à des repères
géographique et locaux
Le fonctionnement social était stable, voire sclérosé. La société était stratifiée de façon
rigide et justifiée par une mythologie religieuse.
Principe de tradition, et de continuité dans le temps
Dans l’éternel retour des saisons la révolution ne veut rien dire.
Aujourd’hui les exploitations agricoles sont complètement industrialisées
Ce n’est plus un monde rural. Il n’y a plus de paysans.
Républicain
Contrat social Rousseau
La république française a doublé l’homme rural d’une identité citoyenne à laquelle tout le
monde accède de droit. C’est une sorte de paradis où tout le monde est égal et qui
dynamise la société.
Acceptation renonciations avantages individuels au profit de la volonté collective nationale
République a une fonction mystique
Doit des comptes au peuple
Etat / fonctionnement du monde rural
Instauration d’une mythologie collective Mythologie du citoyen
Je suis quelque chose qui transcende tout ça
Laïcisation de l’Evangile
Accède à un niveau supérieur (de droit)
Explique le dynamisme et les contradictions internes
Réalisation d’une Nation
Avant la base c’était le chef, la famille, la tribu
Idéalisme quasi mystique
Cette organisation conférait un sentiment d’appartenance à une destinée collective forte.
Contractualisation
Le contrat social ou moral est devenu un contrat commercial.
Avant, société de la parole. Aujourd’hui, il n’y a plus de culture commune. Même chez les
anglais.
Modèle d’aujourd’hui serait le « prestataire multi-cartes ». L’Etat est responsable de
l’organisation de la prestation de services physiques, psychiques, …
Proximité locale et rapport aux autres
Notre espace n’est plus un espace local, mais mondial
Nous sommes d’abord membre du système mondial, puis européen et enfin peut être
français. Très concrètement, cela se manifeste par le déplacement des personnes.
La conscience d’une appartenance au réseau mondial est très forte
La vie collective dans un monde artificiel qui est celui de la ville, est à option ; c’est moi
qui choisis mon quartier, mon école, mon entreprise. Le rapport aux autres est
optionnel : problème de l’appartenance à un groupe n’est plus territorial, il est affinitaire.
Optimisation de l’autre
La vie est un grand jeu d’alliances. Il faut tirer le maximum de profit des autres. On
évolue vers le pragmatisme à court terme. La notion de destinée collective n’existe plus.
Les valeurs religieuses sont considérées comme inefficaces. Les valeurs du
fonctionnement social sont en voie d’érosion. La responsabilité et l’engagement n’ont
plus le même contenu depuis 10 ans…
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