Brevet de Technicien supérieur Commerce international 1ère année Les régimes juridiques de l’activité professionnelle ------------------------------------------------------------------------Un travailleur indépendant est à la fois un chef d’entreprise et un créateur de son propre emploi. Tout travail peut être exercé dans des cadres juridiques divers : - En vertu d’un contrat de travail salarié, - Dans le cadre de contrats civils ou commerciaux (mandat, contrat d’entreprise, contrat de transport etc..) qui préservent l’indépendance du travailleur. Le principe de la liberté du travail couvre d’ailleurs l’ensemble de ces formes d’activité professionnelle. Ce principe s’entend aussi bien de la liberté de louer ses services par un contrat de travail, que de “ contracter pour des services ”, selon l’expression anglaise, et de créer son entreprise pour travailler à son compte, que l’on soit profession libérale, commerçant, artisan ; consultant etc.. Mais et c’est là tout le problème : peut-on isoler le travail de l’indépendant de l’activité de son entreprise, pour assurer la protection de l’emploi indépendant en tant que tel et lui conférer un statut. Pendant longtemps la question de la protection juridique du travail indépendant n’a pas été posée. Le problème était plutôt celui de la protection des salariés en raison de la subordination qui caractérise leur situation. Il fallait donc déterminer le critère du contrat de travail. Cette question a occupé une bonne part du vingtième siècle. Il faut rappeler que non seulement le droit du travail, mais surtout la protection sociale ont d’abord été créés pour les salariés. Le statut social d’une personne dépend, en France, de la nature du contrat en vertu duquel il travaille. Et c’est pourquoi le droit social, c’est-à-dire le droit du travail et le droit de la protection sociale, a été compris d’abord comme le droit social des salariés, ce qui explique en partie la montée de la société salariale. Par ailleurs, toute activité socio-économique repose sur les libertés publiques qui peuvent se décomposer ainsi : - Liberté d’établissement - Liberté d’entreprendre - Liberté de travail - Droit à l’emploi La hiérarchie des sources juridiques : tableau à compléter. Le terme de libertés reste entouré d’une certaine imprécision, voire d’une certaine ambiguïté. Les textes et les doctrines emploient alternativement les termes de droits et de libertés. Deux éléments peuvent éclairer la distinction entre ces deux concepts : l’intervention de la puissance publique (voir le chapitre suivant) qui induit la notion de libertés publiques permettant dans les textes d’énoncer leurs conditions d’exercice; l’évolution des droits, la notion a évolué des droits de aux droits à, qualifiés de droits-créances qui impose à l’Etat de les réaliser (droit à la santé, droit à culture...). La “démocratie libérale” postule que les libertés constituent un moyen, voire le seul, pour accéder à la liberté. Les libertés publiques restent un espoir de liberté et non une garantie. “Les libertés publiques, en elles-mêmes ne promettent rien. Elles garantissent seulement des droits que les individus seuls ou collectivement - auront à mettre en œuvre (...) elles représentent, au sein des structures sociales, une possibilité permanente de recommencements ”1 . Quelques commentaires brefs de la contestation marxiste... 1 Cité dans Libertés publiques, p. 10, Jean-Marie Pontier, éd. Hachette supérieur. 1 Dans tout système socio-économique, et en particulier dans celui qui semble actuellement dominant dans un grand nombre de pays, l’être humain agit non seulement pour se nourrir et survivre, mais également pour accroître ses richesses et/ou son pouvoir. Il affirme ainsi ses droits à entreprendre, à travailler, mais aussi à se regrouper avec d’autres en vue, notamment de se défendre dans son travail (I). L’évolution économique récente a d’autre part, favorisé l’émergence du droit des affaires qui s’inscrit parfaitement dans la complexification des échanges commerciaux et offre ainsi un cadre juridique en constante adaptation aux réalités actuelles (II). I - LES LIBERTES PUBLIQUES : Les libertés sociales et économiques A - Les libertés individuelles. 1 - Le droit de propriété. a - Son affirmation en France est historiquement liée à la contestation du système monarchique à la fin du XVIIIème siècle et à l’avènement du libéralisme économique au XIXème auquel s’associe l’individualisme. b - L’article 544 du code civil illustre la force du droit de propriété : il est “le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements ”. Il reste l’une des revendications constantes du libéralisme et se présente comme l’un des emblèmes de la liberté... c - Il est contesté doctrinalement, notamment par le marxisme qui considère la propriété privée des moyens de production comme la source de l’aliénation des hommes, mais également par l’interventionnisme de l’Etat qui utilise le droit d’expropriation au nom de l’intérêt général2. d - L’affirmation de la valeur juridique du droit de propriété repose sur la Déclaration des droits de l’homme (voir le chapitre Les sources du droit) et sur la décision du Conseil Constitutionnel du 16 janvier 1982 (à l’occasion des nationalisations de 1982) qui renforce les principes énoncés par ladite Déclaration. La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), la Cour européenne des droits de l’homme, la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) ont à leur tour conforté la valeur juridique du droit de propriété. 2 - La liberté du commerce et de l’industrie. L’Ancien régime, marqué par le mercantilisme et le colbertisme (voir le cours d’Economie de 1ère année), ne connaissait qu’une police de l’économie (par le jeu des corporations). Les physiocrates (Quesney, Turgot notamment) contribuèrent à l’avènement de la liberté et du commerce qui inclue dans son acception la liberté d’entreprendre. a - Deux textes en constituent le fondement juridique : le décret d’Allarde des 2 & 17 mars 1791 qui dispose qu’ “il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ” reste toujours en vigueur, et le Conseil d’Etat y fait régulièrement référence dans ses décisions; et la loi Le Chapelier des 14 & 17 juin 1791. b - Le juge administratif réaffirme en permanence ce principe en stipulant dans l’une de ses décisions, que la liberté du commerce et de l’industrie figure au rang des libertés publiques. c - Plusieurs limites restreignent la liberté du commerce et de l’industrie : - Interdictions légales ou réglementations de l’activité (une autorisation ou une déclaration préalables sont nécessaires), - Limites professionnelles (organisations en “ordres professionnels”) et conventionnelles (par exemple les clauses de non-concurrence ou d’exclusivité d’achat...). 2 Le Préambule de la Constitution énonce : “Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ”. 2 B - Les libertés collectives. 1 - La liberté de se regrouper : libertés de réunion, de manifestation et d’association. a - La loi du 30 juin 1881, après plusieurs atermoiements historiques, consacre enfin la liberté de réunion publique, même si ce droit ne possède pas encore une valeur constitutionnelle en France. b - Le décret-loi du 23 octobre 1935 autorise la liberté de manifestation, sous réserve d’autorisation délivrée par le maire ou le préfet... c - La liberté d’association, consacrée par la fameuse loi du 1er juillet 1901, est devenue, par une décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971, l’un des “principes fondamentaux reconnus par les lois de la République”. 2 - Les libertés professionnelles : liberté syndicale et droit de grève. a - La loi du 2 mars 1884 consacre la liberté syndicale, incluse depuis dans le Préambule de la Constitution de 1946 et qui obtient une valeur constitutionnelle par les décisions du 20 janvier 1981 et du 25 juillet 1989. La liberté syndicale implique le droit d’adhérer mais également celui de ne pas adhérer ou de se retirer du syndicat... Voir le chapitre Les représentants des salariés (BTS, 2ème année). b - Le droit de grève est devenu également, après une longue hostilité des pouvoirs publics, un droit constitutionnel reconnu par le Préambule de 1946 et une décision du 25 juillet 1979. II - LE CADRE JURIDIQUE DE L’ACTIVITE ECONOMIQUE : le droit des affaires Le droit commercial est apparu au temps où le droit des marchands faisait référence, de même la notion de droit des affaires s’affirme progressivement sans se substituer totalement au concept de droit commercial. Les pénalistes auraient “popularisé” le terme qui est devenu maintenant classique3. L’aptitude à englober un ensemble de problèmes et à proposer des solutions originales distinguent le droit commercial du droit des affaires : ce dernier accueille les règles pénales, sociales, fiscales... mais réunit les approches du droit public et privé et les techniques juridiques et de gestion. Au caractère normatif du droit “traditionnel”, le droit des affaires propose l’organisation de la réalité juridique. L’étude des nouveaux contrats, typiques du droit des affaires, tels que le crédit-bail ou la franchise commerciale démontrent comment des techniques de gestion deviennent des techniques juridiques pour une unique finalité : l’entreprise. D’autre part, le droit des affaires régit des opérations selon leur nature et leur portée économiques et non en fonction de la personne, selon sa profession comme le pratique le droit commercial. Il tendrait ainsi à s’universaliser, à niveler les normes juridiques, à s’inscrire parfaitement dans l’évolution économique actuelle. L’accentuation des aspirations individualistes et libertaires de l’homme semble avoir paradoxalement renforcé la nature humaine grégaire et le besoin de sécurité. A la famille patriarcale, au domaine seigneurial et à la paroisse s’est substituée une forme de regroupement humain qui occupe considérablement la vie sociale actuelle : l’entreprise qui se retrouve au centre de la “construction juridique” nommée droit des affaires. Suite du cours ci-dessous: Cf. polycopié. 3 Voir le célèbre Droit pénal des affaires, C. Larguier, éd. A. Colin, coll. “U”. 3 A - L’entreprise, sujet et objet du droit des affaires. Sans entrer dans le débat soulevé par les différentes conceptions de la définition de l’entreprise, qui font l’objet du cours d’Economie de l’entreprise, la notion juridique de l’entreprise, fut totalement ignorée des juristes jusque dans les années 80. Elle devient un “concept juridique” à travers le droit social, malgré une opposition d’approche. 1 - Tandis que le droit des affaires postule une force égale des parties en présence, le droit social repose sur l’inégalité de fait des intérêts, admet implicitement une lutte de classes constante. Le droit des affaires s’attache davantage à rechercher des consentements qu’à mettre en exergue des confrontations. Le droit social a pu paraître comme un droit répressif, à l’instar du droit pénal : au XIXème siècle, le patron possédait une présomption de vérité dans le règlement des différents litiges, il est souvent présumé coupable actuellement... Voir le cours de Droit du travail, BTS, 2ème année... Le droit des affaires semble reposer sur le “droit de responsabilité” lié à l’autorité et non à “l’infamie” de la fonction de chef d’entreprise. Le droit social présente une organisation des droits et obligations individuels selon des rapports collectifs : l’exemple, de plus en plus en remis en cause, de conventions collectives, reste le plus significatif du droit social qui limite l’autonomie des entreprises, alors que le droit des affaires semble vouloir l’organiser. 2 - D’autre part, les différentes approches de la “théorie de l’entreprise privée” présentent des enjeux sur la vie publique économique évidents : les restructurations de groupes de sociétés, la localisation de sièges sociaux, les “procédures collectives” face aux problèmes économiques deviennent l’enjeu de débats publics et politiques. Elles posent les questions du rôle du capitalisme d’Etat qui ferait “le malheur des entreprises sans faire le bonheur des travailleurs ” et de l’interpénétration du public et du privé dans laquelle le droit des affaires prend une place prépondérante. L’entreprise, sujet de droit, est donc dotée d’un patrimoine composé d’un actif et d’un passif. Les gestionnaires ont contribué, à leur tour, à l’existence juridique de l’entreprise à travers la comptabilité en partie double... (voir le cours de Gestion). La représentation comptable de l’entreprise l’a promue comme entité autonome de la personne de l’entrepreneur (voir le chapitre Les structures juridiques des entreprises commerciales). 3 - Ainsi le concept juridique de l’entreprise a cheminé, à travers un ensemble de textes législatifs, jusqu’à l’éclosion d’une doctrine de l’entreprise , née davantage de la pratique du droit des affaires que d’une construction conceptuelle dont les débats en montrent parfois les limites4. La “menace” qui pèserait sur le droit des affaires en tant que discipline juridique autonome proviendrait de la complexité de relations économiques et entraînerait sa parcellisation conceptuelle, dommageable aux vertus de droit de synthèse qu’il semble avoir acquises. Le “droit fiscal” et le “droit social” constituent les deux exemples les plus significatifs, sans oublier l’autonomisation croissante du “droit de la consommation” (voir le cours de 2 ème année), du “droit de la concurrence”, voire du droit économique5 ... Mais le droit des affaires n’en conserve pas moins des caractères originaux qui en constituent sa richesse présente. 4 Rappelons que seules les notions de société et de contrat définissent indirectement l’existence juridique de l’entreprise. 5 Le droit économique présente les mêmes particularités que celles du droit des affaires, notamment dans son approche universaliste et de synthèse. Mais leur approche politique diffère : ce dernier conçoit un monde d’échanges économiques égaux entre des individus libres, tandis que le premier représente les relations socioéconomiques entre les individus privées sous l’égide de la puissance publique... 4 B - Les caractères originaux du droit des affaires. 1 - Pluridisciplinarité. De l’aspect strictement commercial, le droit des affaires a conduit les juristes et les praticiens du droit vers une approche qui fait intervenir les sciences économiques et politiques, qui montrent la complexité de la réalité actuelle des affaires, mais surtout qui enrichissent le droit. - Technique et gestion des entreprises (voir le A, ci-dessus). La réalité économique montre également une collaboration constante entre les “juristes” et les “gestionnaires”, allant jusqu’à une certaine diversification de la fonction juridique dans l’entreprise (contentieux, contrats...). 2 - Flexibilité, recherche de la rapidité et de l’efficacité des transactions. Le droit des affaires s’adapte parfaitement à la recherche de pragmatisme inhérente aux affaires ainsi qu’à l’évolution des situations économiques et sociales. Deux exemples significatifs : a - La location gérance voulait, au début de sa mise en application, permettre la création de société sans apport initial. Après la crise des années 70, elle a permis, grâce aux “sociétés de gérance”, la création de quelques emplois... b - La société anonyme, technique “historique” du développement capitaliste, montre son efficacité dans le domaine public et semi-public : la popularité de SEM, des SA nationalisées n’a jamais été aussi grande... 3 - Organisation de la sécurité des transactions, vers un certain néoformalisme. Les sûretés commerciales constituent l’exemple-type de règles qui assurent une certaine sécurité dans les affaires sans nuire à la volonté de rapidité et simplicité de leur réalisation. Mais, l’évolution contextuelle des affaires a conduit, d’autre part, le droit des affaires vers un formalisme de plus en plus pesant. Le droit des sociétés illustre parfaitement cette évolution : constitution, publicité, déclarations, RCS, SIRET... sans oublier les formalités fiscales et sociales périodiques... 4 - Vocation à l’internationalisme. Les conclusions des négociations du GATT en 1993 semblent vouloir renforcer le poids du droit des affaires international (voir le cours d’Economie, BTS 2ème année). 5