Lambeau inguinal de McGregor

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Lambeau inguinal de McGregor
L. Marcucci
Le lambeau inguinal est un lambeau « axial » pédiculé à distance. Il s’agit d’un
lambeau très fiable pour les couvertures des grandes pertes de substance du
membre supérieur, même si son inconvénient majeur est de nécessiter deux
temps opératoires. Il reste un lambeau de choix dans l’arsenal thérapeutique
de la chirurgie de la main, en urgence ou en chirurgie réglée.
McGregor, en 1972 (1), propose ce lambeau, en s’inspirant de la vascularisation du lambeau deltopectoral, centré sur un pédicule artérioveineux
propre, en recherchant un lambeau cutané dans une zone de prélèvement
dépendant d’un système vasculaire constant, anatomiquement fiable et
pouvant être transféré aisément, tout en laissant un préjudice esthétique acceptable. La zone, correspondant à l’artère circonflexe iliaque superficielle, lui
paraît le site de prélèvement idéal, permettant de lever un grand lambeau
inguinal, avec l’avantage de pouvoir réaliser une tubulisation qui autorise une
mobilisation de la main.
Bases anatomiques
L’artère circonflexe iliaque superficielle est une branche constante (fig. 1) de
la face latérale de l’artère fémorale (isolément ou d’un tronc commun avec
l’artère épigastrique inférieure). Elle naît de 2,5 à 3,5 cm sous le ligament
inguinal et mesure environ 1 mm de diamètre. Elle a un trajet ascendant,
Fig. 1 – Origine et trajet de l’artère circonflexe iliaque superficielle, branche latérale constante
de l’artère fémorale.
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
infrafascial au niveau du muscle sartorius, se divisant en deux branches à son
tiers moyen : une branche profonde, restant suprafasciale, qui va entourer
l’épine iliaque antérosupérieure (EIAS), et une branche superficielle infrafasciale, passant sous l’EIAS pour se diviser en un réseau sous-dermique. C’est
cette branche qui vascularise le lambeau (2).
Le pédicule veineux est composé d’un réseau satellite des artères, qui se
draine dans la veine fémorale et d’un réseau superficiel indépendant se jetant
dans la veine grande saphène.
Les dimensions du lambeau peuvent atteindre 30-35 cm de long sur 15 cm
de large. Dans les lambeaux de grande taille, la vascularisation de la portion
la plus latérale est assurée par les anastomoses des réseaux vasculaires souscutanés. On peut sans risque prélever jusqu’à la partie latérale de la paroi abdominale. Pour McGregor (1), la longueur maximale ne doit pas dépasser les
deux tiers de la distance séparant l’émergence de l’artère iliaque circonflexe
superficielle et l’articulation sacro-iliaque.
Technique de prélèvement
Bilan préopératoire
Il faut rechercher l’existence de cicatrices opératoires dans la zone de prélèvement. Les cicatrices d’appendicectomie ne sont pas des contre-indications.
Il faut éviter ce lambeau en cas de cure de hernie.
Installation
Le patient est installé en décubitus dorsal, avec un billot sous la fesse ipsilatérale, ce qui permet de parfaitement dégager la crête iliaque.
Préparation
Le premier temps opératoire consiste à parer et à réparer, voire à seulement
repérer les différentes structures lésées au niveau de la perte de substance à
couvrir. Puis vient la mesure des dimensions du lambeau nécessaire. Le choix
du côté du prélèvement est guidé par la localisation de la perte de substance
et le confort donné par la position du membre receveur. On choisit généralement le côté ipsilatéral, mais ceci n’est pas une règle.
Tracé du lambeau (2, 3, 4) (figs 2, 3)
C’est l’étape préparatoire la plus importante. Il est indispensable de tracer les
incisions cutanées en tenant compte des repères anatomiques :
– repérage premier du ligament inguinal, en joignant par un trait l’épine
du pubis à l’EIAS ;
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Fig. 2 – Axe du
lambeau.
b
a
c
Fig. 3a-c – a) Tracé du lambeau de part et d’autre du trajet de l’artère circonflexe iliaque superficielle ; b) Vue peropératoire du tracé d’un lambeau de taille moyenne ; c) Vue peropératoire
du tracé d’un lambeau de grande taille. (Fig. 3a, b : Collection D. Le Nen.)
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
– puis repérage de l’émergence de l’artère circonflexe iliaque superficielle,
environ 2,5 cm au-dessous du ligament inguinal, par la palpation de l’artère
fémorale (grossièrement à deux travers de doigts) ;
– l’axe du lambeau est tracé, correspondant à la ligne rejoignant le point
d’émergence de l’artère à l’EIAS ;
– on peut alors centrer le dessin du lambeau autour de cette ligne, selon
les nécessités de taille pour la couverture de la perte de substance. Le lambeau
dessiné prend la forme d’une raquette, présentant à son origine, de part et
d’autre de l’émergence de l’artère, une largeur de 2,5 cm (deux travers de
doigts). Il va en s’élargissant vers la partie latérale. Schématiquement, la longueur du pédicule à tubuliser correspond à la distance séparant l’émergence
de l’artère du lambeau et l’EIAS ; les dimensions du lambeau proprement dit,
destiné à couvrir le défect cutané, sont calculées à partir de l’EIAS.
Levée du lambeau (fig. 4)
Le prélèvement débute à la partie distale ou latérale, en emportant tout le
tissu sous-cutané, en restant suprafascial. Au bord supérieur du prélèvement,
on poursuit la dissection jusqu’au ligament inguinal ; en revanche, au bord
inférieur, il faut repérer le bord latéral du muscle sartorius. Quand on arrive
à son bord latéral, il faut emporter le fascia recouvrant le muscle pour ne pas
léser le paquet artérioveineux.
a
Fig. 4a-c – Levée du
lambeau aux abords
du sartorius : prise du
fascia dans le lambeau
pour « sécuriser » la
levée. a) Schéma ;
b) Vue cadavérique ;
c) Vue clinique. (Fig.
b, c : Collection D. Le
Nen.)
b
c
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Il n’est pas nécessaire de poursuivre la dissection jusqu’à l’émergence de l’artère. On s’arrête au bord médial du muscle sartorius, mais il est possible d’inciser la peau plus loin pour avoir une élasticité plus grande.
Lors de la dissection, il faut prendre garde au nerf cutané latéral de la cuisse,
qui passe entre le tenseur du fascia lata et le sartorius. Ce nerf passe en principe à distance du prélèvement, mais il peut être sujet à des variations
anatomiques.
Fermeture du site donneur (fig. 5)
Elle est toujours possible et doit être réalisée avant la fixation de la paroi du
lambeau sur le site receveur. Il ne faut pas hésiter à décoller les téguments de
la paroi abdominale, parfois jusqu’à l’ombilic. L’élasticité cutanée, dans le
segment supérieur, est importante ; en revanche, sous la crête iliaque, elle est
quasi nulle. On peut s’aider de la mise en flexion des hanches (coussin sous
les genoux pendant les premières heures). Un drainage est utile dans les grands
lambeaux, en raison de l’important décollement.
Fig. 5 – Fermeture du site
donneur sur lames ou drains de
Redon, avant la mise en place du
lambeau sur la main.
Tubulisation du pédicule
Pour le confort du patient et des soins infirmiers, il est préférable d’avoir un
tube fermé, mais ceci est difficile à réaliser en cas de pannicule adipeux important et ce n’est pas indispensable. Il faut de toute façon vérifier que la tubulisation ne compromet pas la vascularisation du lambeau et, en cas de doute,
lâcher des points.
Adaptation du lambeau à la perte de substance (fig. 6)
Il faut toujours commencer par fixer la partie distale du lambeau. Au contraire,
si le lambeau est tubulisé à sa base, il vaut mieux commencer par le point
d’angle. La position du membre doit être étudiée pour le meilleur confort du
patient, permettant la meilleure mobilité. La portion pédiculaire peut se situer
indifféremment sur le bord radial ou ulnaire de la main, l’important est que
l’on puisse mobiliser les doigts et le poignet en pronation-supination.
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
a
b
d
c
e
Fig. 6a-e – Patient de 25 ans, victime d’un
accident de la voie publique en moto. Perte
de substance de la face dorsale du poignet
avec fractures ouvertes de l’extrémité distale
du radius et des métacarpiens (a, b). Parage
et ostéosynthèse (c). Prélèvement, puis adaptation du lambeau (d, e).
Dégraissage de la zone distale ? (fig. 7)
On peut se permettre un dégraissage au niveau de la zone distale du lambeau
en cas d’épaisseur excessive, mais il faut rester très prudent pour ne pas léser
le réseau artériel.
Pansement postopératoire
Le pédicule est recouvert d’un pansement gras, ainsi que les zones de sutures.
Le pansement doit permettre de surveiller la coloration du lambeau en laissant une large fenêtre.
La contention du membre supérieur doit être efficace, pour faire face au
réveil à une éventuelle phase d’agitation. Il est souhaitable d’immobiliser
l’épaule et le coude par un bandage de type Dujarrier dans les premières
heures. En revanche, il ne doit pas comprimer le lambeau. La contention peut
être limitée si l’anesthésiste réalise un bloc plexique, ce qui a le double avantage de limiter la mobilité du membre au réveil et, surtout, celui de procurer
un bloc antalgique pendant les premières heures postopératoires.
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a
b
c
d
e
f
g
Fig. 7a-g – Patient de 35 ans victime d’un accident de la voie publique : perte de substance
dorsale de la main et lésion des extenseurs (a). Un lambeau de McGregor est décidé. Un patron
de la perte de substance est découpé dans un gant (b). Le calque est reporté sur la région inguinale, permettant de dessiner le futur lambeau (c). Levée du lambeau qui commence par le
bord latéral (d). Un dégraissage (2 temps) donne au lambeau un aspect esthétique tout à fait
acceptable (e). Résultat en flexion-extension à distance, sans reconstruction de l’appareil extenseur, le patient n’ayant pas souhaité une chirurgie complémentaire, étant satisfait du résultat
au plan fonctionnel (f, g). (Collection D. Le Nen.)
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
Variantes
Dans le tracé du lambeau
D’autres tracés sont possibles : soit l’axe du lambeau est dessiné de l’émergence de l’artère à 2,5 cm au-dessous de l’EIAS (5, 6, 7), soit le lambeau est
dessiné autour de l’axe du ligament inguinal, mais décalé un tiers au-dessus
et deux tiers au-dessous (8).
Le slip flap et le string flap de Mitz (9)
Le lambeau inguinal horizontal, ou slip flap, est taillé en crosse de hockey. Il
est fémorofessier. Il laisse une cicatrice de prélèvement horizontale, basse, la
taille du lambeau prélevé peut être au maximum de 9 cm sur 25 cm.
Le mini lambeau inguinal ou string flap est centré sur le pli inguinal, vascularisé par une perforante cutanée qui se situe immédiatement en-dehors des
vaisseaux fémoraux. Il peut être intéressant pour une perte de substance localisée sur un doigt. Sa longueur utile est de 10 cm sur 6 cm de large. Ses indications sont exceptionnelles, la couverture digitale relevant plutôt des lambeaux locaux ou régionaux.
Lambeau composite ostéocutané
Un prélèvement de crête iliaque est possible (vascularisation de la crête par
une branche de la circonflexe iliaque superficielle). Le tracé du lambeau doit
être bien pensé, pour disposer la greffe osseuse au niveau souhaité, tout en
autorisant la couverture de la perte de substance cutanée.
Suites opératoires
Dès le premier jour postopératoire, l’épaule et le coude peuvent être libérés,
le patient est autorisé à allonger les jambes. Dans notre expérience, le lever
est possible dès le troisième jour, ainsi que la marche. D’autres équipes n’autorisent que la mise au fauteuil.
Les soins locaux, hormis les premiers pansements, sont faits sous la douche,
le patient étant assis ou debout selon son état général.
La mobilisation de la main peut être commencée dès les premiers jours,
elle est d’autant plus aisée que le pédicule est plus long.
La sortie est autorisée à partir du sixième jour, après avoir organisé les soins
avec l’équipe soignante à domicile.
Sevrage
La revascularisation se fait par le site receveur dans un délai de trois semaines.
Le sevrage est donc possible sans risque à ce moment-là. Certains auteurs (3, 5)
Lambeau inguinal de McGregor
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raccourcissent le délai à 15 jours avec des épreuves de clampage du pédicule.
Le sevrage est réalisé par section du pédicule et fermeture du site donneur,
puis adaptation de la zone de section du lambeau à la berge de la perte de
substance cutanée.
Dégraissage
Il est souvent nécessaire de réaliser un dégraissage du lambeau, au maximum la
moitié de la surface en un temps. Celui-ci est souvent associé à une réadaptation
cutanée par des recoupes. On peut réaliser un dégraissage par lipo-aspiration mais,
étant donné qu’il est souvent nécessaire de retendre les berges cutanées, ce procédé
n’offre que peu d’avantages. Il peut donc être nécessaire de réaliser plusieurs temps
de dégraissage (en général deux), chaque fois à six semaines d’intervalle.
Avantages
– Dimensions du lambeau, plus grandes que celle des lambeaux régionaux
de l’avant-bras.
– S’agissant d’un lambeau à distance, il ne sacrifie pas d’axe vasculaire
majeur comme le lambeau chinois, l’artère radiale pouvant être nécessaire lors
de temps ultérieurs de reconstruction.
– Grande facilité technique dans la réalisation, ainsi que reproductibilité.
– Excellente fiabilité.
– Séquelles esthétiques peu visibles au niveau du site de prélèvement (cicatrice dissimulée dans le maillot de bain).
Inconvénients
– Nécessité de plusieurs temps opératoires : sevrage, puis dégraissage(s),
souvent obligatoire(s) chez les patients ayant un pannicule adipeux important.
– Difficulté des soins postopératoires avec un risque d’infection, vu la localisation abdomino-pelvienne, facilement évitée par des pansements soigneux
et réguliers (douche +++).
– Difficulté de la rééducation. De plus, la position déclive de la main ne
permet pas de lutter efficacement contre l’œdème postopératoire.
– Difficulté à récupérer une autonomie chez les patients âgés, avec un enraidissement rapide, une récupération de la mobilité de l’épaule et de la marche
qui reste difficile.
Indications
Le lambeau inguinal a une place de choix dans les grandes pertes de substance
du membre supérieur, de la main (face dorsale ou palmaire), du poignet ou
de l’avant-bras, jusqu’au coude.
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
Il est en particulier indiqué lorsque la perte de substance concerne la face
dorsale du poignet, qui contre-indique le prélèvement d’un lambeau interosseux postérieur.
En cas d’échec d’un lambeau d’avant-bras, il constitue un recours fiable.
Chez la femme, il ne laisse pas de cicatrice visible, comme le fait par
exemple un lambeau antébrachial.
Références
1. McGregor IA, Jackson IT (1972) The groin flap. Br J Plast Surg 25: 3-16
2. Tassin X, Teot L (1993) Lambeau inguinal. In: « Lambeaux cutanés, osseux et musculaires
du membre inférieur ». F Bonnel, L Téot, E Lebreton et al. (eds). Sauramps, Montpellier
3. Legré R, Samson P, Magalon G (1996) Chirurgie des pertes de substance cutanée du membre
supérieur. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris) Techniques chirurgicales. Chirurgie plastique
reconstructrice et esthétique, 45-690, 20 p
4. Baron JL, Bénichou M, Louchahi N et al. (1991) Techniques et indications actuelles du
lambeau inguinal pédiculé en chirurgie de la main. À propos de cent observations. Ann
Chir Plast Esthét 36: 31-44
5. Masquelet AC, Romana MC, Gilbert A (1993) Les lambeaux musculaires et cutanés.
Tome 2 : Les lambeaux de couverture au membre supérieur. Springer, Paris
6. Chow JA, Bilos J, Hui P et al. (1986) The groin flap in reparative surgery of the hand.
Plast Reconstr Surg 77: 421-5
7. Pederson W, Lister G (2005) Skin flaps. Green’s operative hand surgery. Elsevier – Churchill
Livingstone, Baltimore
8. Guiga M, Fourati MK, Meherzi A et al. (1988) Notre expérience des lambeaux inguinaux
pédiculés. À propos de quatre-vingts cas. Ann Chir Main 7: 79-84
9. Mitz V, Guiga M, Staub S, Vilain R (1982) Prélèvement esthétique des lambeaux inguinaux : Le « slip flap », le « string flap ». Ann Chir Plast 27: 165-9
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