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◆ Physiologie des Androgènes :
Progrès en Urologie (2004), 14, 685-688
de l’Homme Adulte à l’Homme Vieillissant
Androgènes, vieillissement masculin et gynécomastie
J.L. PARIENTE1, J.TOSTAIN, D.ROSSI
1 Service d’Urologie, CHU de Bordeaux
La gynécomastie correspond à une hyperplasie non tumorale de
la glande mammaire. Elle touche généralement les deux seins,
mais peut cependant être unitalérale. Ce qui peut paraître paradoxal, surtout lorsqu’une étiologie endocrinienne doit être retenue, s’explique vraisemblablement par des différences de sensibilité des récepteurs présents au niveau du tissu mammaire [5,
19, 26].
Le mode de découverte est très variable. Il peut s’agir d’une
découverte fortuite à l’examen clinique ou au contraire du motif
même de la consultation en raison de son volume ou d’une gêne,
voire d’une douleur.
En période néonatale la gynécomastie est fréquente et s’explique par le passage transplacentaire des œstrogènes. Sa survenue possible à la puberté correspond à l’initiation de la stéroïdogenèse. Chez l’homme plus âgé il existe un pic de fréquence
entre 50 et 80 ans où les trois quarts de la population sont touchés. L’origine de ces gynécomasties est souvent mixte mais le
déficit androgénique est la cause la plus fréquente chez l’homme âgé.
I. ANATOMO-PATHOLOGIE
Il s’agit d’une prolifération galactophorique et conjonctive de
type œstrogénique, sans acini, mais avec ébauche de pseudolobules. La proportion entre tissu épithélial et tissu conjonctif
dépend de l’ancienneté de la gynécomastie.Trois types anatomopathologiques sont décrits dans la classification de Williams
[24, 28]:
- Le type 1 correspond à un aspect floride, assez typique de
l’œstrogénothérapie. L’hyperplasie des canaux est entourée de
façon concentrique par un conjonctif assez lâche et oedémateux
où les fibres collagènes sont rares. L’épithélium est hyperplasique.
Figure 1 : Gynécomastie de type 2 : Prolifération galactophorique et
conjonctive avec des pseudo-lobules entourés de façon concentrique
par un conjonctif assez dense (HESx25)
- Le type 2 montre un aspect quiescent. C’est le type le plus fréquent. Les canaux sont enchâssés dans un collagène dense, sans
hyperplasie épithéliale (Figure 1).
- Le type 3 est d’aspect dissocié. C’est le plus rare. Il existe une
hyperplasie épithéliale des canaux mais le collagène est dense.
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II. PHYSIOPATHOLOGIE
Le bilan hormonal doit être complet : FSH, LH, prolactine,
œstradiol, testostérone totale et biodisponible (ou calculée), βhCG et SHBG. En fonction des résultats, un complément orienté peut être demandé (échographie testiculaire, bilan thyroïdien,
hépatique ou surrénalien).
L’apparition d’une gynécomastie traduit une modification du
rapport œstrogène /testostérone. En effet, les androgènes, la testostérone ou la dihydrotestostérone sont inhibiteurs de la prolifération du tissu mammaire. Les œstrogènes endogènes, exogènes ou provenant de l’aromatisation des androgènes stimulent
au contraire la prolifération du tissu mammaire. Les cellules de
Leydig secrètent 15% de l’oestradiol circulant. Le reste provient
de la conversion extragonadique d’un précurseur androgénique.
Il en va de même pour l’œstrone avec un rapport 5% testiculaire - 95% extragonadique.
IV. ETIOLOGIES
Les gynécomasties sont le plus souvent liées à un déséquilibre
hormonal. Chez l’homme âgé une cause iatrogène doit être
recherchée en priorité mais il s’agit le plus souvent d’une gynécomastie liée à un hypogonadisme. La liste suivante tente de
recenser les causes iatrogènes de la façon la plus complète possible, même si certains des traitements cités ne sont pas utilisés
très fréquemment chez l’homme âgé.
L’hyperœstrogénie peut être absolue s’il existe une augmentation pathologique des secrétions d’œstrogènes d’origine tumorale, leydigienne (stimulées par l’hCG) ou périphérique par aromatisation au niveau du tissu adipeux. Il peut s’agir également
d’œstrogènes d’origine exogène (médicaments, aliments). La
synthèse de la SHBG est alors augmentée et entraîne une réduction supplémentaire de la fraction libre des androgènes ce qui
majore encore l’ambiance œstrogénique [13].
1- Etiologies iatrogènes
Après l’hypogonadisme, c’est la cause la plus fréquente de
gynécomastie chez l’homme âgé. La liste des médicaments
potentiellement responsables est assez longue :
L’hyperœstrogénie peut être relative s’il existe une diminution
des androgènes plasmatiques par rapport à des sécrétions d’œstrogènes qui restent normales. L’affinité de la SHBG étant plus
grande pour les androgènes que pour les œstrogènes, la fraction
libre des androgènes se trouve encore plus diminuée.
• Les œstrogènes, utilisés par le patient pour traiter un cancer
de prostate ou par sa partenaire en gel percutané qui peut être
absorbé lors d’un contact direct peu de temps après application.
• Les androgènes par augmentation de la conversion périphérique.
Enfin il existe de nombreuses hormones régulatrices de l’équilibre androgènes/œstrogènes comme les hormones thyroïdiennes,
le cortisol, la prolactine, les gonadotrophines hypophysaires,
l’hCG, l’hormone de croissance et l’insuline [27]. Le déficit
« multihormonal » lié à l’âge est là encore au premier plan.
• Les anti-androgènes (acétate de cyprotérone, flutamide, kétoconazole, spironolactone, cimétidine) ou certains toxiques
pouvant avoir des propriétés anti-androgènes (haschich,
marijuana),
III. ASPECT CLINIQUE
• Les agonistes du GnRh,
L’interrogatoire oriente le diagnostic. Il faut rechercher des
antécédents familiaux du même type, des manifestations semblables à la puberté. L’examen clinique permet de préciser le
caractère uni ou bilatéral, la symétrie éventuelle de la gynécomastie et le volume de la tuméfaction. La palpation recherche
également un écoulement mamelonnaire et d’éventuelles adénopathies axillaires.
• Les inhibiteurs de la 5 réductase (finastéride, dutastéride) [7],
• Les œstrogéno-mimétiques (digoxine, amiodarone, anticalciques, isoniazide),
• Les anti-dopaminergiques (sulpiride, métoclopramide, tiapride, phénothiazine, risperidone),
• La chimiothérapie anti-néoplasique [3],
Le principal diagnostic différentiel à évoquer est l’adipomastie,
de consistance plus molle, granuleuse, non centrée par le mamelon, qui a tendance à suivre le bord inféro-externe du muscle
grand pectoral et est souvent associée à une surcharge pondérale. Les tumeurs du sein sont rares chez l’homme, mais il faut
savoir évoquer le diagnostic devant un nodule dur, insensible,
s’accompagnant d’un éventuel écoulement.
• Les inhibiteurs de l’urico-synthèse (allopurinol) [22],
• Les traitements anti HIV : antiprotéases (indinavir), et inhibiteurs de la reverse transcriptase (stavudine) [6, 20]
2- Etiologies gonadiques
Elles sont plus rares chez l’homme âgé.
L’examen clinique doit être complété en étudiant les caractères
sexuels secondaires, en examinant en particulier les testicules à
la recherche d’un nodule suspect, la thyroïde, et le foie. Les autres signes classiques d’hypoandrogénie liée à l’âge seront
recherchés.
• Tumeurs à cellules de Leydig (hypersécrétion d’œstrogènes)
[11, 21]
• Tumeurs germinales (hypersécrétion d’HCG) [3],
• Tumeurs à cellules de Sertoli (hyper aromatisation des androgènes),
Des examens complémentaires peuvent être utiles : une mammographie [9] et/ou une échographie mammaire permettent de
mieux préciser les caractères perçus lors de l’examen clinique et
de confirmer le diagnostic de gynécomastie. La radiographie
pulmonaire permet d’éliminer une tumeur broncho-pulmonaire.
• Hypogonadismes congénitaux ou acquis (syndrome de Klinefelter, traumatisme, torsion, radiothérapie, chimiothérapie),
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• Pseudo-hermaphrodisme (déficit enzymatique),
Le traitement chirurgical s’adresse aux patients présentant des
complications où chez qui la persistance d’une gynécomastie est
gênante sur le plan esthétique (plutôt chez le sujet jeune). Ce
traitement chirurgical ne résout pas le problème étiologique.
• Syndrome de résistance aux androgènes
3- Etiologies tumorales extra-génitales
Sur le plan technique deux types d’interventions peuvent être
proposées. La plus classique est une mastectomie sous-cutanée
réalisée par une incision péri-aréolaire avec correction d’un
éventuel excès de peau [8, 18, 23, 25]. La complication la plus
fréquente est une invagination du mamelon. La seconde est
représentée par des techniques d’aspiration sur le modèle de la
liposuccion [1, 2, 10] par micro incision para-aréolaire ou par
incision axillaire.
Elles doivent faire l’objet d’une attention toute particulière chez
l’homme âgé.
• Surrénaliennes (hypersécrétion d’œstrogènes et/ou d’androstènedione),
• Bronchiques (carcinome épidermoïde),
• Hépatiques (hépatocarcinome)
• Rénales, cérébrales,
VII. CONCLUSION
• Adénome hypophysaire à prolactine.
La fréquence de la gynécomastie croît avec l’âge. L’augmentation du volume mammaire ne suffit pas pour porter le diagnostic de gynécomastie. Un bilan étiologique précis doit
être réalisé et le traitement dépend du contexte. Chez l’homme âgé l’hypogonadisme et les causes iatrogènes sont les
étiologies les plus fréquentes.
4- Etiologies métaboliques
Elles sont fréquentes et souvent intriquées au DALA.
• Alcoolisme et cirrhose (élévation de la SHBG et de l’œstradiol libre avec abaissement de la testostérone libre) [15, 17,
29],
• Dénutrition sévère,
REFERENCES
• Insuffisance rénale,
• Hyperthyroïdie (élévation de la SHBG) [12].
5- Etiologies diverses
• Hyperstimulation du mamelon (sexuelle, névrotique ou
mécanique),
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• Idiopathiques
V. EVOLUTION
Les gynécomasties peuvent quelquefois disparaître spontanément, mais le plus souvent l’évolution varie selon l’étiologie.
Cependant, si le degré de fibrose est important (surtout quand la
gynécomastie est ancienne), la régression ne sera pas obtenue
malgré la suppression de la cause et l’éventuel traitement substitutif androgénique.
Les différentes complications connues en pathologie mammaire
chez la femme peuvent survenir, à savoir des kystes, des fibroadénomes ou une inflammation locale. La dégénérescence est
exceptionnelle sauf chez le patient porteur d’un syndrome de
Klinefelter.
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VI. TRAITEMENT
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Le traitement médical est assez décevant. On peut utiliser selon
les étiologies une androgénothérapie percutanée par un composé non aromatisable (notamment androstanolone en gel transdermique), du tamoxifène, du danazol, ou de la bromocriptine
[4, 14-16].
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Chez les patients traités pour un cancer de la prostate on peut
tenter un changement d’anti-androgène sans en attendre un
résultat parfait. Certains auteurs ont pu proposer une radiothérapie localisée préventive, ce qui paraît excessif [14].
16. MATHUR R., BRAUNSTEIN G.D.: Gynecomastia: pathomechanisms and
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