GROUPES ARITHM´
ETIQUES ET K-TH´
EORIE ALG´
EBRIQUE
1. D´
efinitions de base
La lettre kd´esigne un anneau.
1.1. Scemas en groupes.
D´
efinition 1.1 – Un sch´ema en groupes est un foncteur
G: (kalgebres)(groupes),
repr´esene par une k-alg`ebre Ade type fini sur k. En d’autres
termes pour toute k-alg`ebre K, on a un groupe G(K) =
Homkalg(A, K).
Par Yoneda, on note que l’alg`ebre Aest en fait une alg`ebre
de Hopf (commutative).
Exemple 1.2 – L’exemple le plus important est GLn, et ici
bien sˆur GLn(K) est le groupe des matrices n×ninversibles.
L’alg`ebre Aest
A=k[X11, . . . , Xnn, D1],
o`u D=det(Xij ). La diagonale est donn´ee par
∆(Xij ) = X
s
Xis Xsj .
On peut citer ´egalement le groupe additif Ga, pour lequel
Ga(K) est le groupe additif K. Ce sch´ema en groupes est
repr´esene par k[T], et la diagonale est ∆(T) = T1 + 1 T.
D´
efinition 1.3 – Un morphisme HGest une transforma-
tion de foncteurs. Si Gest repr´esene par A, si Hest repr´esene
par un quotient A/I, et si HGest repr´esent´e par AA/I,
alors on dit que Hest un sous-groupe ferm´e de G.
Exemple 1.4 Le groupe orthogonal Onest d´efini par
On(K) = {MGLn(K) : tM·M=Id}.
C’est un sous-groupe ferm´e de GLn: en effet, l’alg`ebre le
repr´esentant peut ˆetre obtenue `a partir de l’alg`ebre de GLnen
divisant par l’id´eal engendr´e par les ´equations qui traduisent
tM·M=Id.
Mˆeme commentaire pour le groupe symplectique Sp2n
d´efini par
Sp2n(K) = {MGL2n(K) : tM·J·M=J},
o`u
J=0Id
Id 0.
Exemple 1.5 – Si GHest un morphisme quelconque, et si
l’on pose N(K) = ker(G(K)H(K)), alors Nest un scema
en groupes, repr´esent´e par ABk, si Gresp Hest repr´esent´e
par Aresp B. En consid´erant la suite exacte
0IBk0
(I= id´eal d’augmentation de l’alg`ebre de Hopf B), on constate
que ABk=A/I ·A, et donc que Nest un sous-groupe ferm´e
de G.
D´
efinition 1.6 – Soit Gun scema en groupes, et soit V
un k-espace vectoriel. On note Vle foncteur V(K) = VK,
et GLV(K) = Aut(VK). Une repr´esentation de Gdans
Vest donn´ee par l’une des trois situations suivantes, qui sont
´equivalentes :
un morphisme GGLV,
une transformation de foncteurs G×VV, telle que
pour tout K, l’application G(K)×V(K)V(K) est
une action lin´eaire,
une structure de A-comodule `a droite sur V.
Explicitement, si ρ:VVAest une structure de
A-comodule `a droite sur V, si (vi) est une base de V, et si
ρ(vj) = Piviaij , alors Xij 7→ aij d´efinit un morphisme
GGLV.
Lemme 1.7 – Soit Uun A-comodule `a droite, et soit vU.
Alors il existe un sous-comodule VUde dimension finie qui
contient v.
D´emonstration. Soit (ai) une base de A, et ´ecrivons ρ(v) =
Pviai. On note ´egalement ∆(ai) = Prijkajak. Alors
Xρ(vi)ai= (ρid)ρ(v)=(id∆)ρ(v) = Xvirijkajak.
En comparant les coefficients de akon obtient ρ(vk) = Pvi
rijkaj.Donc on peut prendre pour Vl’espace engendr´e par les
viet par v.
Th´
eor`
eme 1.8 Soit Gun sch´ema en groupes. Alors Gest
un sous-groupe ferm´e d’un GLn.
D´emonstration. A l’aide du lemme, on trouve un sous-
comodule Vdu comodule A, qui est de dimension finie et
contient des g´en´erateurs de l’alg`ebre A. Ce comodule Vfour-
nit un morphisme GGLV. Si (vj) est une base de V, et si
ρ(vj) = ∆(vj) = Pviaij , alors l’homomorphisme d’alg`ebres
repr´esentant GGLVest donn´e par Xij 7→ aij , comme ob-
serv´e plus haut. Comme vj= (εid)∆(vj) = Pε(vi)aij , il
est clair que cet homomorphisme est surjectif.
1.2. L’alg`ebre de Lie associ´ee. Pour toute k-alg`ebre K, on
note simplement K[ε] l’alg`ebre K[ε]/(ε2). On a une applica-
tion π:K[ε]Kqui envoie εsur 0.
D´
efinition 1.9 – Soit Gun scema en groupes, et soit
el’´el´ement neutre de G(K). Le sous-ensemble π1
(e) de
G(K[ε]) est not´e g(K).
Exemple 1.10 – Soit G=GLn. Un ´el´ement de GLn(K[ε])
est une matrice inversible de la forme A+εB, o`u Aet Bsont
des matrices `a coefficients dans K. Le sous-ensemble gl(K) est
form´e des matrices de la forme Id+εX, qui sont automatique-
ment inversibles quel que soit X(d’inverse Id εX). Ainsi,
gl(K) est tout simplement identifi´e `a l’ensemble des matrices
`a coefficients dans K. C’est naturellement une alg`ebre sur K,
et donc une alg`ebre de Lie.
Proposition 1.11 Il existe une unique structure d’alg`ebre
de Lie sur g(K)telle que :
(1) un morphisme GHinduit un homomorphisme
d’alg`ebre de Lie g(K)h(K),
(2) lorsque G=GLn, la structure est celle d´ecrite dans
l’exemple pr´ec´edent.
1
2 GROUPES ARITHM´
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EBRIQUE
D´emonstration. On plonge Gdans un GLn(on a vu que
c’´etait toujours possible). Il est clair que g(K)gln(K).
Montrons d´ej`a que g(K) est un sous-espace vectoriel. Soit
Al’alg`ebre repr´esentant G; c’est un quotient de k[Xij ,1
i, j n], et on va noter (Pα) une famille de polynˆomes engen-
drant les relations d´efinissant A. Un ´el´ement de gln(K) est de
la forme Id +εX, et il appartient `a g(K) si et seulement si
pour chaque αon a Pα(Id +εX) = 0. En utilisant la formule
de Taylor et le fait que ε2= 0, on a
Pα(Id +εX) = Pα(Id) + ε dPα(X) = ε dPα(X).
(En effet Id G(K) donc Pα(Id) = 0). On constate que g(K)
est d´efini par les ´equations lin´eaires dPα(X) = 0, c’est donc
un sous-espace de gln(K).
Soit maintenant g=Id +εX un ´el´ement de g(K), que l’on
voit comme un ´el´ement de G(K[ε]), et soit g0=Id +ε0Yun
autre ´el´ement de g(K), cette fois vu dans G(K[ε0]). On intro-
duit K00 =K[ε]K[ε0], et on voit get g0tous deux comme
´el´ements de G(K00), qui est un groupe. On calcule simplement
que le commutateur de get g0dans ce groupe est
Id +εε0[X, Y ]G(K[εε0]),
o`u bien sˆur [X, Y ] = XY Y X. L’isomorphisme ´evident de
K[εε0] sur K[ε] envoie cet ´el´ement sur Id +ε[X, Y ], et donc
[X, Y ]g(K). On a bien montr´e que g(K) est une sous-alg`ebre
de Lie de gln(K).
Le reste est laiss´e `a titre d’exercice.
Exemple 1.12 – Les ´el´ements de l’alg`ebre de Lie on(K) as-
soci´ee `a Onsont les matrices de la forme M=Id +εX telles
que tM·M=Id. Ceci ´equivaut `a tX+X= 0, ´equation qui
d´ecrit on(K) comme sous-alg`ebre de gln(K).
De mˆeme on constate que sp2n(K) est constitu´ee des ma-
trices de la forme Id +εX avec tXJ +JX = 0.
Enfin sln(K) = matrices de trace nulle. En effet, det(Id +
εX) = 1 + εT r(X).
1.3. Espaces analytiques associ´es. On suppose mainte-
nant que kest de caract´eristique nulle, et la lettre Kva
d´esigner un corps m´etrique contenant k. Essentiellement on
pense `a K=C, parfois aussi K=Rou K=Qp.
Soit Arepr´esentant G. On se donne une pr´esentation de
A=k[X1, . . . , XN]/(P1, P2, . . .).
L’ensemble G(K) est alors naturellement vu comme le sous-
ensemble de KNo`u les Pi’s s’annulent. C’est donc un sous-
espace analytique. Changer de pr´esentation pour Adonnerait
une bijection polynomiale entre les espaces analytiques.
On va utiliser le r´esultat classique suivant : il existe au moins
un point xdans tout espace analytique Vqui est “lisse”, au
sens o`u Vest une vari´et´e (manifold) analytique dans un voi-
sinage de x. Or ici G(K) est un groupe, donc ´etant donn´e
deux points xet yil existe un automorphisme analytique de
G(K), `a savoir la multiplication par yx1, qui envoie xsur y,
donc yest lisse ´egalement. Donc G(K)est un groupe de Lie
analytique.
Pour tout corps Lentre ket K, l’alg`ebre ALs’applique
dans l’alg`ebre des fonctions analytiques sur G(K). Le Null-
stellensatz affirme, notamment, que le noyau de
AL→ H(G(K))
est constitu´e d’´el´ements nilpotents (ici la lettre Hest emploee
pour “holomorphe”, et H(G(K)) est l’alg`ebre des fonctions
analytiques sur G(K)). Comme on est en caract´eristique 0, on
profite d’un joli th´eor`eme de Cartier :
Th´
eor`
eme 1.13 – Une alg`ebre de Hopf (commutative) en ca-
ract´eristique 0ne poss`ede pas d’´el´ements nilpotents non-nuls.
Ainsi ALpeut ˆetre vue comme une alg`ebre de fonctions
sur G(K). Lorsque L=K, on appelle AKl’alg`ebre des
fonctions r´eguli`eres (ou alg´ebriques) sur G(K).
Un groupe de Lie analytique Gd´efinit une alg`ebre de Lie
tangente L(G). Lorsque Gest pr´esene comme sous-vari´et´e de
KNd´efinie par des ´equations analytiques Pα= 0, alors l’es-
pace vectoriel L(G) est le sous-espace d´efini par les ´equations
dPα= 0 (diff´erentielle au point eG). Le calcul effectu´e dans
la preuve de la proposition 1.11 montre que L(G) s’identifie `a
l’espace g(K). Enfin, les deux propri´et´es de cette proposition
sont satisfaites pour la structure d’alg`ebre de Lie obtenue ana-
lytiquement sur L(G) – notamment, pour G=GLn(K) on
obtient la structure canonique d’alg`ebre de Lie. Par unicit´e,
L(G) et g(K) s’identifient comme alg`ebres de Lie.
2. Groupes semi-simples et r´
eductifs
2.1. Les d´efinitions. Soit tout d’abord Gun groupe de Lie
complexe analytique – dans la suite nous dirons “groupe com-
plexe”. On rappelle qu’un module (tr`es g´en´eralement) est dit
semi-simple si c’est une somme directe de modules simples
(irr´eductibles).
D´
efinition 2.1 – Une alg`ebre de Lie (sur un corps quel-
conque) est dite semi-simple si tous ses modules sont semi-
simples.
D´
efinition 2.2 – Soit Gun groupe complexe et soit gson
alg`ebre de Lie.
On dit que Gest semi-simple si gest semi-simple.
On dit que Gest r´eductif si tous les G-modules sont semi-
simples.
On montre facilement :
Lemme 2.3 Un groupe complexe semi-simple est r´eductif.
Soit maintenant Gun scema en groupes, et supposons que
kC.
D´
efinition 2.4 On dit que Gest connexe, simplement
connexe, semi-simple, ou r´eductif, s’il en est ainsi de G(C).
2.2. Un crit`ere pour les groupes r´eductifs.
Proposition 2.5 Soit Gun groupe complexe, d’alg`ebre de
Lie g. Supposons qu’il existe un sous-groupe compact Kde G,
d’alg`ebre de Lie k, tel que
(1) π0(K) = π0(G), et
(2) g=kRC.
Alors Gest r´eductif.
D´emonstration. Soit ρ:GGLVune repr´esentation (com-
plexe) de Gdans V. La restriction de ρ`a Kest semi-simple :
c’est une cons´equence de l’existence de la mesure de Haar sur
les groupes compacts. On peut donc ´ecrire Vcomme somme
directes de sous-K-modules V1, . . . , Vs, et en d’autres termes
la restriction de ρs’´ecrit
KGLV1× · · · × GLVsGLV.
En prenant les applications tangentes, et avec des notations
´evidentes, on obtient :
kgl1× · · · × glsglV.
Chaque Viest bien un sous-espace complexe, et Qgliest vue
comme une sous-alg`ebre de Lie complexe de gl. L’hypoth`ese
(2) ci-dessus garantit alors que gest appliqu´ee dans Qglipar
GROUPES ARITHM´
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EORIE ALG´
EBRIQUE 3
. La composante connexe de l’unit´e dans G, disons G0, est
donc envoee par ρdans QGLVi.
L’hypoth`ese (1) montre qu’il existe dans chaque composante
connexe de Gun ´el´ement xde K, donc tel que ρ(x)QGLVi.
La composante connexe enti`ere, qui est xG0, s’envoie donc
dans ce mˆeme groupe par ρ. Finalement ρ(G) est compris dans
le sous-groupe QGLVide GLV, ce qu’on voulait.
Exemple 2.6 On va utiliser librement les calculs bien
connus des alg`ebres de Lie des groupes compacts classiques. On
constate que GLn(C), SLn(C), On(C), Spn(C) sont r´eductifs,
car ils contiennent les groupes compacts U(n), SU(n), O(n),
Sp(2n) avec les propri´et´es (1) et (2) comme dans la proposi-
tion.
Par contre on ne trouve pas de tel sous-groupe compact
pour Ga(C) = C. Et en fait ce groupe n’est pas r´eductif : la
repr´esentation
Ga(C)GL2(C),
x7→ 1x
0 1
n’est pas semi-simple.
2.3. Un crit`ere pour les groupes semi-simples.
Lemme 2.7 – Soit kune alg`ebre de Lie r´eelle, et soit g=kC.
Alors si kest semi-simple, gl’est aussi.
D´emonstration. Si West un k-module, on note WCou c(W)
sa complexification ; si Vest un g-module, on note VRou r(V)
sa r´ealification. On a les formules bien connues :
(1) r(WC) = WW, et
(2) c(VR) = V¯
V.
D’apr`es (2), tout g-module Vest un sous-module de c(VR),
donc pour montrer que Vest semi-simple (compl`etement
r´eductible), il suffit de montrer que pour tout k-module simple
W, le module c(W) est semi-simple.
Soit Uun sous-g-module simple de WC. D’apr`es (1), si U
est propre, alors URest isomorphe `a W. Dans ce cas WCest
isomorphe `a c(UR) = U¯
U, c’est donc bien une somme directe
de modules simples.
Proposition 2.8 – Sous les hypoth`ese de la proposition 2.5,
si l’on suppose que π1(K)est fini, alors Gest semi-simple.
D´emonstration. Compte tenu du lemme, il suffit de mon-
trer que kest semi-simple. Soit ˜
Kle revˆetement simplement
connexe de K. Puisque π1(K) est suppos´e fini, le groupe ˜
K
est encore compact, d’alg`ebre de Lie k.
Si ρ:kglnest une repr´esentation de k, un r´esultat
classique et fondamental sur les groupes de Lie simplement
connexes garantit qu’il existe une repr´esentation de ˜
Kqui
induit ρ. Comme ˜
Kest compact, cette repr´esentation est
compl`etement r´eductible, et donc ρl’est aussi.
Remarque 2.9.En fait on peut montrer que, pour un groupe
compact K, il y a ´equivalence
π1(K) fini Z(G) fini.
Le sens est d´elicat, mais on peut donner deux
d´emonstrations tr`es simples de , la deuxi`eme ´etant assez
instructive.
(1) Ecrivons Cpour le centre Z(G). On a une fibration
CKK/C, et donc une suite exacte :
π2(K/C)π1(C)π1(K).
Le π2d’un groupe de Lie est toujours nul, donc si
π1(K) est fini, le sous-groupe π1(C) est ´egalement fini.
Comme la composante connexe de l’unit´e dans Cest
un tore, il doit ˆetre de dimension 0, cqfd.
(2) L’alg`ebre de Lie ctangente `a Ca un suppl´ementaire
dans la repr´esentation adjointe, puisqu’elle est semi-
simple ; et donc si cest non-nulle, kposs`ede un quo-
tient de dimension 1, que l’on va noter a. Or, an’est
pas semi-simple, par exemple :
agl2,
λ7→ 0λ
0 0
est une repr´esentation non semi-simple. Contradiction,
et c= 0.
Remarque 2.10.En r´ealit´e, la condition “π1(K) fini” est
´egalement n´ecessaire ! (pour que ksoit semi-simple). C’est plus
compliqu´e (long) `a d´emontrer. L`a encore on peut donner un
r´esultat partiel tr`es simple : si un groupe r´eductif Ga un centre
non-fini, alors il n’est pas semi-simple. Cela se montre comme
le (2) de la remarque pr´ec´edente : l’alg`ebre de Lie ga un quo-
tient ab´elien, donc pas semi-simple.
Exemple 2.11 – On reprend les groupes de l’exemple 2.6.
D’apr`es la proposition, on sait qu’ils sont tous semi-simples
`a l’exception de GLn, car SU (n) et Sp(n) sont simplement
connexes alors que π1(O(n)) = Z/2 pour n3.
Le centre de GLnn’est pas fini, donc ce groupe n’est pas
semi-simple.
3. La forme de Killing d’une alg`
ebre de Lie
3.1. Rappels.
3.1.1. Alg`ebres de Lie.
Soit kun corps. La multiplication [,] sur une alg`ebre de
Lie (A, [,]) sur kest une forme bilineaire altern´ee (`a va-
leurs dans A) v´erifiant la formule de Jacobi
[[X, Y ], Z] + [[Y, Z], X] + [[Z, X], Y ] = 0 (X, Y, Z A).
FDans la suite, A=(A, [,]) est une alg`ebre de Lie sur
k.
Exemple : Soit Vun k-espace vectoriel. Sur Endk(V),
d´efinissons le produit [X, Y ] = XY Y X. C’est clairement
une forme bilin´eaire altern´ee, et l’on a pour tous X, Y et Z
(XY Y X)ZZ(XY Y X)+(Y Z ZY )X
X(Y Z ZY )+(ZX XZ)YY(ZX XZ)=0 .
On notera Endk(A) l’alg`ebre de Lie (Endk(V),[,]) ainsi
d´efinie.
On note adXl’endomorphisme de Ad´efini par adX(Y) =
[X, Y ]. On a, d’apr`es Jacobi (et d’apr`es l’antisym´etrie du cro-
chet),
ad[X,Y ]= adXadYadYadX
L’application ad : A EndkAefinie par ad(X) = adXest
donc un morphisme d’alg`ebres de Lie.
4 GROUPES ARITHM´
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EBRIQUE
3.1.2. Alg`ebres de Lie nilpotentes.
On pose C0(A) = A et l’on d´efinit par r´ecurrence la suite
(Cn(A))n0en posant Cn+1(A) = [A, Cn(A)]. L’alg`ebre de
Lie A est dite nilpotente s’il existe un entier ntel que Cn(A)
soit nul.
Si Xest un ´el´ement de A, on dit que Xest nilpotent s’il
existe un entier ntel que l’on ait
adn
X(Y)=0 YA .
Dans une alg`ebre nilpotente, tous les ´el´ements sont nilpotents.
Le contraire est vrai :
Th´
eor`
eme 3.1 – (Engel) On suppose que l’espace vectoriel
Asous-jacent `a Aest de dimension finie.
Aest nilpotente ssi ad(A) est une sous-alg`ebre de Lie nil-
potente de Endk(A).
Une sous-alg`ebre de Lie S de Endk(kd)dont tous les
´el´ements sont nilpotents (i.e. MS, n, M n= 0) est
conjugu´ee `a une sous-alg`ebre (de Lie) de l’alg`ebre (de Lie) des
matrices strictement triangulaires sup´erieures.
Remarque : il n’est pourtant pas vrai que l’image d’un mor-
phisme d’alg`ebres de Lie A Endk(V) est conjugu´ee `a une
sous-alg`ebre de matrices triangulaires strictement sup´erieures.
Si A =< X > est une alg`ebre ab´elienne de dimension 1, et si
Mest une matrice de Endk(k2) non nilpotente, alors le mor-
phisme d’alg`ebres de Lie A Endk(k2) d´efini par π(X) = M
fournit un contre-exemple. Voir cependant le th´eor`eme de Lie
ci-dessous.
Note : Soit T+
1le groupe alg´ebrique des matrices triangu-
laires sup´erieures ayant des 1 sur la diagonale (d´efini disons sur
k). Alors son alg`ebre de Lie est celle des matrices strictement
triangulaires sup´erieures.
3.1.3. Alg`ebres de Lie r´esolubles.
On pose D0(A) = A et l’on d´efinit par r´ecurrence la suite
(Dn(A))n0en posant Dn+1(A) = [Dn(A), Dn(A)]. L’alg`ebre
de Lie A est dite r´esoluble s’il existe un entier ntel que Dn(A)
soit nul.
Th´
eor`
eme 3.2 (Lie) Soit nla dimension de A.
Aest r´esoluble si et seulement s’il existe une suite A =
A0A1⊃ · · · ⊃ An= 0 de sous-alg`ebres de Atelles que Ai+1
soit un id´eal de codimension 1dans Ai.
Soit K/k une extension de corps. On a [AkK, AkK] =
[A,A]kK. En particulier, l’alg`ebre Aest r´esoluble ssi AkK
l’est.
Si kest de caract´eristique nulle et alg´ebriquement clos,
l’image de tout morphisme π: A EndK(Kd)d’une
alg`ebre r´esoluble est conjugu´ee `a une sous-alg`ebre (de Lie) de
l’alg`ebre des matrices triangulaires sup´erieures.
Note : Soit (T+)×le sous-groupe de GLnconstitu´e des ma-
trices triangulaires sup´erieures inversibles. Son alg`ebre de Lie
est constitu´ee des matrices triangulaires sup´erieures (avec des
coefficients quelconques sur la diagonale) T+.
Proposition 3.3 Soit Aune alg`ebre de Lie de dimension
finie. Il existe un unique id´eal de A, r´esoluble, contenant tous
les id´eaux r´esolubles de A.
En effet, si Iet Jsont deux id´eaux r´esolubles, l’ideal
I+Jest encore r´esoluble, ´etant une extension par J(qui est
r´esoluble) de (I+J)/J qui est isomorphe `a I/(IJ) (qui est
r´esoluble).
On appelle ce plus grand id´eal le radical de A, (notation :
rad(A)).
3.1.4. Alg`ebres semi-simples.
Une alg`ebre de Lie est dite semi-simple si l’une des propri´et´es
´equivalentes suivantes est v´erifi´ee :
tous ses modules sont semisimples, i.e. sont somme directe
de modules simples,
tout sous-module d’un module admet un suppl´ementaire,
Par exemple, si A 6= 0 est ab´elienne (i.e. si [A,A] = 0),
alors A n’est pas semi-simple. En effet, choisissant une droite
vectorielle <x>A, et un suppl´ementaire SA (qui sont
tous deux des id´eaux, dans cette situation), on construit une
repr´esentation π: A Endk(k2) en posant π(x) = 0 1
0 0
et π(s) = 0 pour sS. Cela fait de Endk(k2) un module
sur A, qui n’est pas semisimple, puisque le sous-module M
engendr´ee par l’image de πn’admet pas de suppl´ementaire.
(Remarquer que A.Endk(k2)T+(k), que AT+(k) = M, et
que A.M = 0.)
On en d´eduit (par exemple en utilisant le premier point de
3.2) qu’une alg`ebre ayant un quotient r´esoluble n’est pas semi-
simple. Mieux : si l’alg`ebre A est semi-simple, son id´eal nil-
potent maximal rad(A) est un sous-module de A (vue comme
module sur elle-mˆeme), admet donc un suppl´ementaire S, qui
est aussi un id´eal. Comme A ne se projette pas sur une alg`ebre
nilpotente non triviale, on a rad(A) = 0. La r´eciproque est
vraie (et sera justifi´ee plus bas) :
Th´
eor`
eme 3.4 – L’alg`ebre de Lie Aest semisimple ssi rad(A)
est nul.
3.2. La forme de Killing.
3.2.1. D´efinition et premi`eres propri´et´es.
La forme de Killing de A, not´ee BA(,) ou si aucune confu-
sion n’est `a craindre B(,) est d´efinie, pour X, Y A par
B(X, Y ) = Tr(adXadY).
Elle est clairement sym´etrique, et l’on a, pour X, Y, Z A, les
´egalit´es
B([X, Y ], Z) = Tr(ad[X,Y ]adZ)
= Tr(adXadYadZadYadXadZ)
= Tr(adXad[Y,Z]) = B(X, [Y, Z])
d’o`u la relation d’invariance
B(adX(Y), Z) = B(Y, adX(Z)) .
Proposition 3.5 Soit Iun id´eal de A. Son orthogonal I
pour BAest aussi un id´eal. De plus, la restriction de BA`a I
et BIco¨ıncident.
D´emonstration : La premi`ere affirmation d´ecoule
imm´ediatement de la propri´et´e d’invariance. La seconde af-
firmation est cons´equence du fait, appliqu´e pour X, Y I`a
e= adXadYet U=I, que si Vest un espace vectoriel et U
un sous-espace vectoriel, alors la trace d’un endomorphisme e
de Vstabilisant Uest somme de la trace de la restriction de e
`a Uet de la trace de l’endomorphisme fourni par esur V/U .
3.2.2. La forme Trace sur Endk(kn).
Soit Ei,j la matrice de Endk(kn) ayant des 0 partout, sauf `a
l’intersection de la i-`eme ligne et de la j-`eme colonne, o`u il y
a un 1. La famille (Ei,j ) forme une base de Endk(kn).
On a
Tr(Ei,j Ek,l) = 1 ssi i=let j=k
0 sinon .
(En fait, on a Ei,j .Ekl =Ei,l si j=k, et 0 sinon).
GROUPES ARITHM´
ETIQUES ET K-TH´
EORIE ALG´
EBRIQUE 5
Exemple : Si n= 3, la matrice de Gram de (x, y)7→ Tr(xy)
dans la base (E1,1, . . . , En,n, E1,2, . . . , En1,n, E2,1, . . . , En,n1)
est
1
...
1
1
...
1
1
...
1
.
Remarque : On voit donc que si k=R, et si UEndk(kn)
est un sous-espace totalement isotrope, alors Uest conjugu´e
(via un ´el´ement de GL(Endk(kn)) `a un sous-espace de l’es-
pace des matrices strictement triangulaires sup´erieures). Ceci,
ajout´e au th´eor`eme d’Engel, fournit la
Proposition 3.6 – Si k=R, l’alg`ebre Aest nilpotente ssi sa
forme de Killing est identiquement nulle.
3.2.3. La forme de Killing de sl2.
L’alg`ebre sl2est la sous-alg`ebre des ´el´ements de gl2dont la
trace est nulle. Elle admet donc pour base les trois matrices
h=1 0
01, e =0 1
0 0 , f =0 0
1 0
et le crochet est d´etermin´e par les relations
[h, e]=2e , [h, f] = 2f , [e, f] = h .
En cons´equence, dans la base (h, e, f), la repr´esentation ad-
jointe envoie
hsur 2E2,22E3,3, e sur 2E2,1+E1,3et fsur 2E3,1E1,2
et l’on d´eduit du calcul de la sous-section pr´ec´edente que la
matrice de Gram de la forme de Killing de sl2, dans la base
(h, e, f) est
8
4
4
.
3.2.4. Les crit`eres de Cartan.
Th´
eor`
eme 3.7 – (Crit`eres de Cartan) Supposons que kC.
Aest r´esoluble ssi l’on a B(A,[A,A]) = 0.
Aest semisimple ssi Best non-d´eg´en´er´ee.
Par exemple, on d´eduit du premier point que le noyau de B
est un id´eal nilpotent, et donc du second la
Corollaire 3.8 Si rad(A) est trivial, alors Aest semi-
simple.
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