Ruptures massives de la coiffe des rotateurs : technique de « margin convergence » A. Vidil - Paris 1. Définition et mode d’action (biomécanique) La technique de « margin convergence » a été décrite à partir du concept biomécanique établi par le Dr S. Burkhart en 1993, considérant qu’une rupture de la coiffe des rotateurs a une configuration similaire à un pont suspendu. Le bord libre de la lésion tendineuse correspond au hauban de suspension, tandis que les insertions antérieure et postérieure de la lésion reproduisent les supports de travée des extrémités de ce hauban. Burkhart définit ainsi une « intégrité biomécanique » de la coiffe qui, lorsque ces haubans mécaniques sont préservés, autorisent une bonne fonction de l’épaule malgré l’existence d’une rupture tendineuse. Dans les lésions massives de la coiffe, la technique de « margin convergence » par suture bord à bord permet de transformer une rupture large en une lésion distale et rétablit ainsi le rôle de hauban antérieur et postérieur de la coiffe. 2. Technique de réalisation (diaporama) Après bilan lésionnel et identification du type de lésion, une libération de la face superficielle et profonde de la coiffe est réalisée, afin de permettre sa mobilisation. Le bord libre de la rupture est rapproché par une suture bord à bord, diminuant ainsi la taille de la lésion. La fixation distale sur le tubercule majeur se fait par des ancres, avec une réinsertion en simple rang médialisé, en cas de rupture massive très rétractée. Le tendon du long biceps peut être utilisé en interposition, afin d’améliorer l’étanchéité de la réparation. En post-opératoire, le patient est immobilisé dans une attelle pendant six semaines. La rééducation passive est débutée précocement ; la mobilisation active n’est autorisée qu’à la sixième semaine et le travail contre résistance à partir du troisième mois. 3. Indications Age : Cette technique de réparation est proposée pour des ruptures massives de la coiffe avec une dégénérescence graisseuse de stade 3 ou 4 de Goutallier. Elle concerne souvent des patients âgés (65 ans d’âge moyen dans les séries publiées), pour lesquels un traitement palliatif par débridement et ténotomie du biceps est discuté. Le résultat fonctionnel est corrélé à la cicatrisation tendineuse, qui semble être obtenue même chez les patients de plus de 70 ans, comme il a été rapporté dans la littérature récente. État général : Les contraintes liées à l’immobilisation et la rééducation nécessitent l’adhésion et la coopération du patient. Une prise en charge spécifique en centre peut parfois être nécessaire pendant la période de handicap transitoire : ceci alourdit les suites opératoires et peut diminuer la motivation du patient. Page 19 Motivation : L’amélioration de la fonction est rapportée dans toutes les séries avec un gain des amplitudes articulaires en élévation antérieure et en rotation externe, une amélioration significative de la douleur correspondant à un indice de satisfaction de 86 % de bons et très bons résultats. Degré de rétraction des tendons et trophicité (infiltration graisseuse) : Le résultat fonctionnel dépend du degré d’infiltration graisseuse pré-opératoire. Dans la série rapportée par Burkhart en 2007, le score UCLA post-opératoire était de 31.5 avec une amélioration de 19 points pour les patients ayant une infiltration graisseuse de 50 à 75 %, alors qu’il était de 22.6 avec un gain de 10.4 points en cas d’infiltration graisseuse de plus de 75 %. Cependant, ces patients ont rapporté une amélioration clinique dans 40 % des cas. 4. Contre-indications Relatives : raideur articulaire gléno-humérale, rupture massive avec dégénérescence graisseuse de grade ≥ 4, Formelles : excentration clinique ou radiologique de la tête humérale, arthrose gléno-humérale. 5. Résultats espérés Atteinte isolée SE/IF : le résultat fonctionnel est directement corrélé à l’obtention de la cicatrisation tendineuse. Dans ce cas, l’amélioration clinique sera supérieure par rapport à un traitement palliatif par débridement et ténotomie du biceps. En cas de rupture itérative, le gain fonctionnel reste conservé et la taille de la rupture semble stabiliser. Atteinte associée du subscapulaire (partie supérieure ou plus) : une lésion partielle ou complète du subscapulaire doit être systématiquement réparée, afin de rétablir le rôle de hauban antérieur de la coiffe. Elle sera réalisée par une technique de réinsertion transosseuse sur le tubercule mineur. Page 20