Plusieurs circonstances peuvent être responsables du dépla-
cement du potentiel de corrosion d’un acier vers son domaine
transpassif [1].
• Dans la plupart des milieux nitriques, la réaction qui fixe le
potentiel de corrosion du matériau est la réaction globale de
réduction de l’acide nitrique HNO3en acide nitreux HNO2:
NO3-+ 3H++ 2 e-à HNO2+ H2O
(E0(eau, 25 °C) = 934 mV/ENH)
Cette réaction procède par un mécanisme autocatalytique
qui sera décrit en détail au paragraphe suivant.
• Dans les milieux nitriques contenant des ions oxydants
(c’est-à-dire dont les couples oxydo-réducteurs ont un poten-
tiel redox supérieur à celui du couple HNO3/HNO2), la réac-
tion de réduction de l’oxydant est celle qui fixe le potentiel de
corrosion du matériau. Par exemple, pour le couple
Pu(VI)/Pu(IV), la réaction est la suivante :
PuO22+ + 4H++ 2e-à Pu4+ + 2H2O
(E0= 1 024 mV/ENH)
Suivant le potentiel redox du couple considéré, et la concen-
tration de l’oxydant dans le milieu, l’acier peut rester dans
son domaine passif ou être porté dans son domaine trans-
passif.
• Le contact de ces aciers inoxydables avec des matériaux
métalliques plus nobles est une autre circonstance pouvant
entraîner une augmentation du potentiel de l’acier par cou-
plage galvanique. C’est le cas des platinoïdes (Tc, Ru, Rh,
Pd) qui sont peu solubles dans l’acide nitrique.
Ces trois mécanismes étant thermiquement activés, une aug-
mentation de température, comme sur les parois chauffées
des évaporateurs, est une circonstance aggravante vis-à-vis
du risque de corrosion intergranulaire.
Le mécanisme autocatalytique
de réduction de l’acide nitrique
L’étude thermodynamique du milieu permet d’identifier les
espèces prédominantes intervenant dans le processus de
réduction de l’acide nitrique : ce sont deux espèces gazeuses
(NO, NO2) et une espèce aqueuse (HNO2) (fig. 133) [2, 3].
L’étude de l’influence de la concentration en acide nitrique sur
la nature des espèces limitant le domaine de stabilité du milieu
nitrique en réduction montre que le produit de réduction final
est le monoxyde d’azote pour les concentrations inférieures à
8 mol/L et le dioxyde d’azote pour les concentrations supé-
rieures. Le domaine de stabilité de l’acide nitrique à 100 °C
est représenté sur la figure 133.
L’étude électrochimique du processus de réduction de l’acide
nitrique, effectuée sur électrode de platine puis sur électrode
d’acier inoxydable, a permis de confirmer les résultats issus
de la thermodynamique et a conduit à préciser le mécanisme
[2, 4].
L’acide nitrique est réduit indirectement par un mécanisme
autocatalytique mettant en jeu une étape de transfert de
charge et une réaction chimique régénérant l’espèce élec-
troactive.
L’espèce électroactive est l’acide nitreux qui se réduit en
monoxyde d’azote.
(HNO2)él + H++ e-+ s "(NO)ads + H2O(1)
L’acide nitreux est ensuite régénéré par une réaction chimique
hétérogène entre l’acide nitrique et le monoxyde d’azote.
HNO3+ (NO)ads "(HNO2)él + (NO2)ads (2)
Une troisième réaction se produit entre l’acide nitrique et
l’acide nitreux.
HNO3+ (HNO2)él + 2 s "2 (NO2)ads + H2O(3)
Les réactions (1), (2) et (3) sont les réactions élémentaires du
mécanisme de réduction de l’acide nitrique, valables sur l’en-
semble du domaine de concentration.
Pour des concentrations en acide nitrique faibles à modé-
rées (< 6 mol / L), la réaction de régénération de l’acide nitreux
(2) est lente. Le monoxyde d’azote formé lors de l’étape de
transfert de charge (1) va pouvoir s’accumuler. La réaction (3)
104 La corrosion en milieu nitrique concentré
- 20
- 18
- 16
- 14
- 12
- 10
- 8
- 6
- 4
- 2
0
2
0 1 2 3 4 5 6 7
pH = 0 pH = 18 mol.L-1 4 mol.L-1
14,4 mol.L-1
65 % 40 % 22 %
Fig. 133. Représentation du domaine de stabilité de l’acide nitrique
à 100 °C (partie grise du diagramme) [2, 3].
Log (PO2/ bar)
-log [PHNO3/ bar]
[HNO3] (% en poids et Mol.L-1)
[HNO2] = 10-2 mol.L-1
PNO = 1 bar
PNO2 = 1 bar