Mais même cette constatation ne va pas assez loin, car stabilité politique, sécurité et climat social
ne tombent pas du ciel et ne sauraient non plus être décrétés par des lois.
L’égalité est plus importante que l’inégalité
La stabilité politique, la sécurité et le bon climat social sont au contraire issus d’un noyau commun.
Ce noyau commun consiste dans le fait que l’égalité est plus importante en Suisse que l’inégalité.
Ce sont précisément la sécurité d’approvisionnement et l’infrastructure, ainsi que le système de la
formation, donc les autres facteurs essentiels, qui font partie, conjointement avec la structure des
salaires et la couverture sociale, des domaines centraux dans lesquels s’exprime cette idée fon-
damentale.
En Suisse, nous avons de bonnes infrastructures dans l’ensemble du pays et pour tous ses
habitants. Cela vaut pour les routes et les transports publics, pour l’eau, l’électricité, les télé-
communications, etc. Cela vaut aussi pour les écoles et les hôpitaux. Jusqu’à ce jour, la Suisse
n’a pas connu de « gated communities », ou quartiers réservés (voire « ghettos dorés »), c’est-
à-dire des quartiers résidentiels fermés avec un service public réservé à une classe aisée, cô-
toyant des faubourgs dans lesquels l’infrastructure s’effrite, comme c’est le cas par exemple
d’une manière prononcée aux Etats-Unis.
En Suisse, nous avons une école (primaire) obligatoire de haute qualité, fréquentée par la
(quasi-)totalité des enfants, quel que soit le revenu de leurs parents ou leur niveau social. Il en
va de même pour la formation supérieure, et ce, aussi bien pour la formation professionnelle
que pour les hautes écoles spécialisées et les universités. Nos institutions de formation ne sont
peut-être pas les meilleures au monde, mais elles sont toutes de haut niveau. Il n’y a pas les
bonnes écoles privées et les minables écoles publiques ; il n’y a pas les universités d’élite et
les autres universités, dont les diplômes n’ont guère de valeur, comme c’est le cas en Grande-
Bretagne ou aux Etats-Unis.
En Suisse, nous avons un niveau salarial élevé pour de larges couches de la population. La
proportion des bas salaires est plus faible que dans l’UE-15 ou dans les pays de l’OCDE,
l’inégalité de la structure des revenus est modeste, en comparaison internationale, en dépit de
certaines valeurs aberrantes. En Suisse, la couverture sociale comprend la population tout en-
tière et pas seulement certaines catégories privilégiées, et dans de nombreuses assurances
sociales, l’écart entre les niveaux de prestations n’est pas très important. Nous sommes - en-
core - bien loin du clivage économique très marqué ou des écarts énormes qui caractérisent la
couverture sociale dans d’autres pays.
Il serait possible d’allonger la liste et de montrer, à la lumière de nombreux autres exemples, qu’en
Suisse la moyenne compte davantage que les valeurs de pointe, qu’une qualité de haut niveau
général est plus importante qu’une excellence isolée, que des conditions semblables pour tous
passent avant des privilèges réservés à quelques-uns.