II. Diminution des effets centraux et périphériques : bétabloqueurs
L'hypertonie adrénergique, caractérisée par un éréthisme cardiovasculaire, une
hyperexcitabilité neuromusculaire et des perturbations de la thermorégulation, est l'élément
essentiel de la thyrotoxicose. L'explication en serait une amplification par les hormones
thyroïdiennes du signal bêta-adrénergique au niveau de la membrane cellulaire. Les
bêtabloqueurs font disparaître électivement ces symptômes alors que les autres signes de
thyrotoxicose persistent.
Le blocage des récepteurs adrénergiques par le propranolol n'affecte pas l'accumulation d'iode
dans la thyroïde ni la synthèse hormonale, mais entraîne cependant une inhibition de la
conversion périphérique de T4 en T3. Le propranolol, dépourvu d'effets sympathomimétiques
intrinsèques apparaît bien adapté au traitement de la thyrotoxicose. Les bétabloqueurs doivent
être administrés de 10 à 14 jours avant l'intervention avec un minimum de 4 à 8 jours.
L'adaptation du traitement est évaluée sur la courbe horaire du pouls, la fréquence cardiaque
ne devant pas excéder 90/min ni descendre au-dessous de 60/min. En dehors des contre-
indications habituelles des bétabloqueurs, ceux-ci doivent être utilisés en préopératoire en cas
de thyrotoxicose et poursuivis jusqu'au matin même de l'intervention.
L'effet stabilisant de membrane du propranolol entraîne un effet I- pouvant potentialiser l'effet
dépresseur myocardique des agents anesthésiques. Sur le cœur anesthésié, l'interférence
propranolol-anesthésique peut être responsable d'une bradycardie parfois majeure pouvant
conduire à l'asystolie ou d'une hypotension artérielle allant jusqu'au collapsus.
Ces troubles sont habituellement prévenus ou guéris par une atropinisation forte, voire si
nécessaire par le recours aux bêta-stimulants sélectifs, type dobutamine.
D'autres bétabloqueurs plus cardiosélectifs, type acébutolol (Sectral ),sont également indiqués
en préopératoire, tandis que l'esmolol (Brevibloc) est utile en peropératoire en raison de sa
demi-vie courte. En peropératoire, l'injection de bolus d’esmolol sera réservée à la survenue
d'une tachycardie ou de troubles du rythme. Le traitement sera poursuivi dans les premiers
jours postopératoires, un délai de 4 à 7 jours étant nécessaire pour qu'intervienne la chute de la
thyroxinémie et que le pouls se ralentisse spontanément au-dessous de 80/min. Une
interruption prématurée pourrait favoriser la survenue d'une crise thyrotoxique.
Les avantages de l'utilisation des bétabloqueurs dans le contrôle pré-, per- et postopératoire de
l'hyperthyroïdie sont multiples:
- absence de perturbations des tests biochimiques et isotopiques d'activité thyroïdienne
permettant une mise en route rapide du traitement;
- contrôle rapide de la thyrotoxicose ;
- obtention d'une excellente stabilité cardiovasculaire;
- raffermissement de la consistance de la glande et réduction de sa vascularisation,
- prévention de la crise aiguë thyrotoxique postopératoire.
En conclusion, la préparation médicale à l'intervention d'un hyperthyroidien comportera:
en cas de chirurgie réglée, un arrêt progressif 3 semaines avant l'intervention des ATS,
auxquels on substitue des doses progressivement croissantes de Lugol, ou plus
exceptionnellement de lithium, associés en cas de signes de thyrotoxicose aux bétabloqueurs;
en cas d'urgence, on respectera dans toute la mesure du possible le délai d'imprégnation de 4
jours par les bêtabloqueurs; si ce délai ne peut pas être respecté, on envisagera la réalisation
d'une perfusion à débit constant de propranolol ou d'esmolol, associée le cas échéant au
lithium et à la dexaméthasone jusqu'à 8 mg/ j.
C. Examen préopératoire et prémédication
I.Examen préopératoire
Il devra s'attacher à préciser les points suivants.