Quick Time™e tun dé compr ess eur Photo - JPEG so ntr equ is p our v is io nner cette ima ge. POUVOIR DIRE OU AIAXAIA de Radovan Ivsic du 20 au 31 mars 2007 mise en scène et décor Jacques Bioulès avec Fabienne Augié, Jacques Bioulès, Yves Gourmelon, Patrick Hannais, Alexandre Morand, Abder Ouldhaddi, David Stanley, Evelyne Torroglosa. lumières Jean-Yves Courcoux images Claude Maurin costumes Françoise Astruc ÉPILOGUE – PROLOGUE Qu’est-ce que c’est ? C’est enterré mais ce n’est pas mort ; cela prolifère mais ce n’est pas vivant. Qu’est-ce que c’est ? C’est le théâtre. On a dit : c’est la peste C’est la peste, ce n’est pas la peste. C’est le feu, Ce n’est pas le feu. Ils sont venus nombreux, pas si nombreux, hier, il y a cent ans ; ils voulaient que ce soit de nouveau la tempête, pour la première fois la tempête, que ce soit le fléau, que ce soit de nouveau fléau, le tourbillon, les ténèbres, tout, enfin. Ils se nommaient Adolphe Appia, Gordon Craig, Vsevolod Meyerhold, Filippo Tommaso Marinetti, Jacques Copeau, Antonin Artaud. Ils se nommaient Alfred Jarry, Daniil Harms, Ils avaient d’autres noms aussi, des noms oubliés, des noms presque oubliés. Ils voulaient une seule chose : ils voulaient le théâtre, mais le théâtre ne voulait pas d’eux. Alors quoi ? Et, au fond, qu’est-ce que c’est : ce qui enterré mais qui n’est pas mort, ce qui prolifère mais qui n’est pas vivant ? C’est le théâtre maintenant ! (Trois coups.) SOMMAIRE L’AUTEUR .................................................................................................... 4 POURQUOI RADOVAN IVSIC ? ................................................................................................. 4 BREVE BIOGRAPHIE DE RADOVAN IVSIC .................................................................................. 5 ANNIE LE BRUN PRESENTE RADOVAN IVSIC ............................................................................. 6 « POUVOIR DIRE OU AIAXAIA »............................................................. 7 POURQUOI DECIDER DE MONTER POUVOIR DIRE OU AIAXAIA ? ............................................. 8 PREFACE D’ANNIE LE BRUN A POUVOIR DIRE OU AIAXAIA ...................................................... 9 UN EXTRAIT DE POUVOIR DIRE OU AIAXAIA .......................................................................... 11 UN DEUXIEME EXTRAIT DE POUVOIR DIRE OU AIAXAIA ........................................................ 12 POURQUOI CE DECOR ?.......................................................................................................... 13 POURQUOI ET COMMENT LE CHOIX DE CES CAMARADES ? .................................................... 14 LES CURICULUM VITAE DES ARTISTES ................................................................................... 14 L’OEUVRE .................................................................................................. 22 POEMES ................................................................................................................................ 22 PREFACE DE ETIENNE-ALAIN HUBERT AU RECUEIL « POEMES » ............................................ 23 RADOVAN IVSIC UNE VIE POUR S'EGARER PAR ALAIN JOUBERT ............................................. 26 THEATRE .............................................................................................................................. 28 PREFACE DE JEAN-PAUL GOUJON AU RECUEIL « THEATRE » ................................................. 29 CRITIQUE DE FREDERIC CIRIEZ .............................................................................................. 33 CASCADES ............................................................................................................................ 35 BIBLIOGRAPHIE DE RADOVAN IVSIC ..................................................................................... 36 INFORMATIONS PRATIQUES ................................................................ 37 -3- L’AUTEUR POURQUOI RADOVAN IVSIC ? Parce que j’ai besoin de cette fidélité à une pensée dans le temps, jamais ébréchée, faisant de moi un enfant.Parce que j’ai besoin de cette pensée de Radovan Ivsic qui donne vie à une écriture de théâtre, à une poésie, dont les mots sont ravitaillés par une clarté venant des années-lumière. Ici, chez lui, dans ses mots, rien de feux follets, de joujou pour distraire, pour séduire ; mais tout faire pour savoir aimer, savoir donner, et être sûr de se dire, que pour dire avec les mots il ne faut jamais s’en servir pour se maquiller, sinon ce serait tricher, accepter d’être empoisonné. Jacques Bioulès -4- BREVE BIOGRAPHIE DE RADOVAN IVSIC Poète et auteur dramatique, né en 1921 à Zagreb, Radovan Ivsic a réussi à être interdit aussi bien pendant l'occupation allemande que par le régime titiste. C'est en effet en 1945 que les chantres du réalisme socialiste, renforcés par les premiers surréalistes yougoslaves tour à tour devenus staliniens et/ou titistes, lui ferment pour trente ans les portes du théâtre. Sa poésie connaît le même sort, bien que son poème, Narcisse, ait été saisi en 1942 par le régime oustachi comme symbole de l'art décadent. Du coup, il devient essentiellement traducteur, non seulement des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, du Dom Juan de Molière, mais aussi de Maeterlinck, Marivaux, Mérimée, Apollinaire, Giraudoux, Ionesco, Breton, Césaire... En tant qu'auteur dramatique, il a écrit, entre 1941 et 1956, de nombreux textes de théâtre dont le plus connu est Le Roi Gordogane (1943), cité par André Breton comme une date notable dans les éphémérides surréalistes. On lui doit également parmi d'autres Pouvoir dire ou Aiaxaia. En 1954, il parvient cependant à gagner Paris où il vit depuis lors et où, sur l'invitation d'André Breton et de Benjamin Péret, il a participé à toutes les manifestations du mouvement surréaliste. À partir de là, il écrit presque exclusivement en français. Avec les années 1970, l'oeuvre de Radovan Ivsic est peu à peu « réhabilitée » en Yougoslavie sous la pression des jeunes générations qui choisissent même le nom d'une de ses pièces, Gordogane, pour titre de leur revue. Un peu avant la publication de son théâtre, paraît, en 1974, Crno, un important choix de ses anciens poèmes. C'est par cet ensemble, augmenté de ses textes poétiques écrits à Paris, que commence la publication en français de l'oeuvre de Radovan Ivsic. Plusieurs de ses poèmes inspirèrent des peintres célèbres. Ainsi Miró illustra son poème Mavena paru en France en 1960. A l'inverse, dans Le Puits dans la tour publié en 1967, c'est Ivsic qui "met en mots" les douze encres de Chine que lui donna Toyen. Extrait de la présentation de « Poèmes », éditions Gallimard (2004) -5- ANNIE LE BRUN PRESENTE RADOVAN IVSIC La bienséance aurait voulu que je n'écrive ni ne parle de Radovan Ivsic. Nous vivons ensemble depuis trop longtemps pour que je sois objective. Mais je ne crois pas plus à la bienséance qu'à l'objectivité, vêtements trop bien coupés pour ne pas servir, le plus souvent, à cacher le conformisme de la réflexion ou le manque de la passion. Pourtant, ne craignez rien. Je ne vous raconterai pas la manière dont je suis devenue amoureuse de Radovan, quand j'avais vingt ans et mille raisons de me révolter. À ceci près que, relisant récemment son théâtre, j'ai soudain compris pourquoi je suis avec lui depuis presque quarante ans, après avoir annoncé n'être jamais restée avec qui que ce soit plus de trois mois: j'y ai reconnu, comme une indéfectible constante, le refus de s'en tenir à ce qui est. C'est même le moteur de son théâtre, montrant d'une pièce à l'autre, d'un personnage à l'autre, d'une phrase à l'autre, qu'il n'y a pas de liberté sans l'invention de nouvelles perspectives. Ainsi en va-t-il du Roi Gordogane , écrit en 1943, qui fait surgir la question du pouvoir au plus loin de tout contexte historique comme de toute considération idéologique, pour la ramener au plus près de chacun de nous. On y voit, en effet, comment la puissance de ce roi se nourrit de celle que veulent bien lui donner ses sujets. Et le renversement de perspective est tel qu'il nous oblige à considérer désormais n'importe quel pouvoir à la lumière de ce que nous lui concédons. S'ensuit une étonnante rencontre avec Étienne de la Boétie qui, cinq siècles plus tôt, écrivait le Discours sur la servitude volontaire, comme si, dans l'insoumission de leurs vingt ans, lui comme Radovan avaient trouvé l'imprévisible moyen de nous faire partager la monstruosité des pantins que nous portons au pouvoir. Mais je vous parle de jeunesse, alors que Radovan a maintenant presque quatre-vingt quatre ans. Ce serait ridicule, si la jeunesse ne consistait pas, surtout, à commencer par refuser ce qui empêche de vivre et si ne se retrouvait pas justement cette jeunesse-là dans le théâtre comme dans la vie de Radovan, à travers une façon sauvage de se débarrasser de ce qui empêche de voir comme de respirer. À cet égard, comment ne pas retenir Pouvoir dire ou Aiaxaia où, faute d'oxygène, tout lyrisme meurt avec le personnage du Plongeur ? Et comment ne pas mesurer la valeur prémonitoire de cette pièce-carnage de 1982, quand, dix ans avant la guerre de 1991 dans l'ex-Yougoslavie, un petit garçon angélique, annonciateur de tous les lendemains enchanteurs, vient conclure: «À mon goût, il n'y a pas eu assez de sang. Quand je serai grand, vous verrez ce qui est sanglant» ? Là quelque chose a été vu, qui ne l'a été ni ailleurs ni autrement, car si la criminalité s'y trouve débusquée de façon implacable, c'est à la lumière du merveilleux dont ce théâtre ne se départit jamais. Vous comprendrez peut-être alors que je ne me suis pas souvent ennuyée avec Radovan. Son secret est sans doute qu'il a tout fait pour ne pas avoir de prix, de titres, de décorations, ni de gros ventre. Annie Le Brun -6- « POUVOIR DIRE OU AIAXAIA » P O U V O I R D I R E O U A I A X A I A -7- POURQUOI DECIDER DE MONTER POUVOIR DIRE OU AIAXAIA ? Parce que j’ai besoin des précipices muets, comme le dit le personnage du plongeur. Parce que j’ai besoin, comme le dit si justement AIAX “ Ouvre- moi largement les yeux.” Parce que j’ai besoin comme le dit le personnage du metteur en scène Je suis la mélodie des espaces plus lumineux Parce que j’ai besoin de dire comme le dit XAIA Je t’ai sur le bouton de la langue Parce que j’ai besoin comme le dit le petit livre bariolé Juste Parce que j’ai besoin comme le dit les oeuvres complètes Le châtiment éternel pour le metteur en scène Parce que j’ai besoin comme le dit le messager A mon goût, il n’y a pas eu assez de sang Parce que j’ai besoin comme le disent les motorreurs Jusqu’à l’os anéantir ! Anéantir ! Anéantir ! Parce que j’ai besoin comme le dit Compi Aiax-connexion Troie ? Aiax-connexion Grèce ? Aiax-connexion Sophocle ? Aiax-connexion Saturne ? Parce que j’ai besoin comme le dit le Répondeur téléphonique Les oeuvres complètes sont en conférence. Rappelez demain. Vous pouvez laisser votre message. Parlez au signal sonore. Parce que j’ai besoin de tout cela ; c’est tout. Jacques Bioulès -8- PREFACE D’ANNIE LE BRUN A POUVOIR DIRE OU AIAXAIA dans À distance . J.J. Pauvert aux Èditions CARRERE 1984 Cette pièce est née du désespoir. Non d’un désespoir personnel mais d’un désespoir devant l’état du théâtre aujourd’hui, pour ne pas dire devant l’état du monde. Car si on n’a jamais tant produit de spectacles, on chercherait en vain un nouvel espace théâtral qui est à l’imaginaire d’une époque ce que l’horizon est au voyageur, ce que la parole est à la respiration. Conscient dès 1967 de la gravité de la partie qui se perdait là, Radovan Ivsic affirmait alors que « le théâtre est l’ennui subventionné », que « le théâtre est l’excrément du pouvoir » et qu’enfin « il n’y a pas crise du théâtre mais crise du corps ». On aurait mauvaise grâce à prétendre que depuis les choses ont quelque peu changé. La tendance à la neutralisation du théâtre s’est seulement confirmée quand, pris entre le terrorisme du spectacle visuel où le mot n’a plus de sens et le terrorisme du spectacle engagé où le mot n’a plus qu’un seul sens, le théâtre est devenu un espace sans perspective, un espace sans profondeur. Mais alors pourquoi écrire une nouvelle pièce, pour quoi maintenant et pas avant ? La vérité est que la critique du théâtre ne peut se faire, n’a jamais pu se faire hors du théâtre, en même temps qu’il ne peut y avoir de véritable théâtre aujourd’hui qui ne soit la critique du théâtre d’aujourd’hui. Et on ne saurait par ailleurs passer sous silence l’insistance avec laquelle Vlado Habunek, un des rares metteurs en scène de ce temps dont l’intelligence théâtrale n’aura pas cédé à la pression idéologique, a fait en sorte que cette pièce surgisse*. Seulement, dès lors que Radovan Ivsic se refusait de concevoir le moindre projet ne rendant pas compte de la radicalité de ses positions, il était inévitable que cette pièce l’amène à affronter le problème fondamental du théâtre aujourd’hui qui est d’abord un problème d’optique, dans tous les sens du terme : la seule façon d’échapper à la myopie des spécialistes du théâtre est de détruire le mirage d’une spécificité théâtrale pour aller au-devant des ombres que dissimule le théâtre contemporain. Et en commençant par déchirer l’écran de l’actuel consensus culturel, Radovan Ivsic ne s’est rien proposé d’autre que de ramener sur la scène d’aujourd’hui une violence qui est celle de la pensée. Il s’en est suivi une pièce qui ne ressemble à aucune autre, un spectacle qui tourne le dos à l’époque pour nous conduire en deçà du spectaculaire. Car Aiaxaia ou pouvoir dire est d’abord un voyage, un vrai voyage au pays du langage et dont les péripéties émergent d’un flot de questions : Pouvons-nous encore dire ? Que pouvons-nous dire ? Comment pouvonsnous dire ? Quand pouvons-nous dire ? Jusqu’à quand pouvons-nous dire ? Jusqu’où pouvons-nous dire ? Autant d’interrogations dont les réponses peuvent ouvrir ou fermer l’espace du théâtre en foyer de liberté ou en prison de l’imaginaire. Tel est, je crois, le ressort dramatique de cette pièce : des conditions faites au langage dépend très exactement notre liberté. Point de vue de poète, assurément, si le poète est celui dont la parole élargit l’horizon. Mais aussi point de vue qui peut devenir celui de chacun de nous qui sentons l’horizon se restreindre à mesure que le langage se laisse chaque jour un peu plus frapper d’insignifiance, reflétant en cela fidèlement le processus d’indifférenciation généralisée qui aura marqué cette fin du XX° siècle. Il serait temps qu’on y prenne garde car au cours de cette histoire qui est autant la nôtre que celle d’Aiaxaia, quelque chose est en train de mourir, et c’est le sens. Non pas le sens littéral mais l’idée même du sens qu’il convient ou non de donner à la vie. Et il serait vain de s’attarder à chercher ailleurs l’origine de l’actuelle crise du théâtre : comment devenu inapte à poser la question du sens, le théâtre pourrait-il être lui-même en quête de son propre sens ? On pourra alors mesurer quelle distance Aiaxaia ou pouvoir dire prend avec l’époque pour demander, à travers la discordance des paroles contradictoires, divergentes ou paral- -9- lèles : où, quand, comment le sens se perd-il, se trouve-t-il ? Pourtant, la mise en présence des registres les plus dissonants n’aboutit pas ici à cet éclatement du langage devenu aujourd’hui classique et qui constitue le triomphe du non-sens en même temps que l’impasse de notre modernité. Au contraire, c’est l’extrême violence de cette dissonance – violence telle, que rien et encore moins quelque solution idéologique, ne peut plus dès lors neutraliser – qui, paradoxalement, va faire surgir une harmonie nouvelle. Harmonie paradoxale entre l’immémoriale sauvagerie du cri et la barbarie hygiénique de la voix artificielle. Là réside sans doute la déroutante nouveauté de cette pièce dont l’unité est de n’en pas en avoir. Plus exactement, son unité est d’imposer à chaque instant, ici et maintenant, une diversité de lieu, de temps, d’action qui, au-delà du mélange des genres, installe un jeu de miroirs sans fin entre le passé et le futur, le réel et l’imaginaire, le haut et le bas, la vérité et l’illusion… Prisme d’une liberté radicalement nouvelle à l’intérieur duquel la parole de chaque personnage se développant en relais de la parole des autres ouvre l’horizon comme un éventail. Et cela pour donner non pas une réponse mais pour dévoiler dans leur perspective infinie les questions qui se formulent au plus enfoui de nous-mêmes. En fait, Aiaxaia ou pouvoir dire ne dure que le temps de la mise en place de cet espace. Comme si la quête du sens était très concrètement liée à la possibilité de déploiement du langage au-delà de sa réalité conventionnelle, et donc abstraite. Comme s’il s’agissait de redonner au langage son corps perdu. Entièrement construite sur les structures miroitantes du langage Aiaxaia ou pouvoir dire se confond avec une reconquête, mot après mot, de l’espace de la parole. Espace métaphorique de l’affrontement du corps et du langage qui est celui-là même du théâtre parce que le théâtre a le pouvoir exclusif de le représenter. Espace s’ouvrant ici entre l’absence et la présence, tel une métaphore du néant répercutée à perte de vue pour laisser voir que le sens du théâtre est de poser infiniment la question du sens. Alors regardez bien : entre Ajax d’il y a 3000 ans et Xaia d’il y aura 3000 ans, vous voilà aujourd’hui spectateurs d’un abîme qui est celui de votre liberté. Août 1983 - 10 - UN EXTRAIT DE POUVOIR DIRE OU AIAXAIA SCENE 10 LE PLONGEUR : Je suis si vieux, je suis si seul que je sais aujourd’hui ce qu’est l’horreur : L’horreur, la pire des horreurs, n’est pas le poison instantané de la vipère. L’horreur, c’est quand le poison est versé dans le mot même dans le cœur du mot et quand le mot ne joue plus sur le souffle comme la feuille dans le vent. Et lorsque le mot est empoisonné et plombé, le mot contaminé et contagieux, passe en fraude par la bouche alors, même les plus belles lèvres deviennent pourries, purulentes, croûteuses, et l’amertume du poison au fond de la gorge infecte mortellement les pousses de la vie. L’horreur, c’est lorsque le poison invisible tue les mots et inverse leur sens. Car les mots, les plus beaux mots, on ne les a pas vus soudain disparaître comme les feuilles à l’automne. Non, au contraire, l’un après l’autre, on les a sourdement massacrés, mais en leur laissant un semblant de vie, cadavres prêts à servir d’habits neufs à l’horreur. Tyrannie, tu m’étouffes encore plus quand tu te nommes bourgeon. - 11 - UN DEUXIEME EXTRAIT DE POUVOIR DIRE OU AIAXAIA SCENE 11 LES ŒUVRES COMPLETES : Tout, jusqu’à la fin, jusqu’au fond, jusqu’à la dernière circonvolution, jusqu’aux pommes bleues, jusqu’aux prunes rouges, nous avons déjà tout dit, publié, révélé, nous avons déjà tout signé, consigné, contresigné, nous avons déjà tout maîtrisé, appréhendé, nous avons déjà tout imaginé, conçu, nous avons pensé à tout, nous avons réfléchi à tout dans note cerveau nous avons tout prévu, nous avons tout agité, nous avons tout décidé, après nous, rien de neuf n’est imaginable. Avec le piston de notre pensée universelle nous avons pompé toute nouveauté du passé, du présent, de l’avenir et de la vitesse de la lumière. Nous sommes l’éternel dernier cri, Ce que nous ne comprenons pas, Ce n’est pas sensé. - 12 - POURQUOI CE DECOR ? Il est là, et à chaque instant il doit savoir disparaître. Avec les comédiens il doit jouer à Colin Maillard. Il est là, avec patience et préméditation ; là pour recevoir de face les motorreurs et les motorreuses, les oeuvres complètes et l’envol du messager. En profondeur, il est là pour prendre le plongeur, le metteur en scène. Il est là pour accepter les pirouettes du petit livre Bariolé. Il est là une fois encore pour parler de l’éternel et du présent lorsque Aiax et Xaia arrivent. Il est là et fait oeuvre de boîte magique, de patient de présent. Il est là, presque au garde-à-vous, et exécutant, pour recevoir Compi. Il est là, insondable, pour accueillir le répondeur téléphonique. Il est sans cesse là pour pouvoir dire qu’il est apprenti et fondamental, et qu’il sait lorsqu’il le faut, savoir renoncer à l’ensemble du monde. Jacques Bioulès - 13 - POURQUOI ET COMMENT LE CHOIX DE CES CAMARADES ? Premièrement : par le luxe qu’offre l’amitié. Deuxièmement : par la fascination de leur émotion et non par ces discours sans pensée s’encombrant d’inutiles signes usés depuis plusieurs milliards d’années. Troisièmement : la redite de confirmer des émotions troublantes. Quatrièmement : le plaisir d’évoquer entre nous nos frémissement précédents, ou à découvrir. Cinquièmement : être ensemble dans la multiplicité des résonances. Et pour finir : l’évidence d’aimer les mêmes choses dans le même horizon, au même lever du jour, au même coucher, à la même nuit. LES CURICULUM VITAE DES ARTISTES Fabienne Augié Le petit livre bariolé Il y a si longtemps qu’elle est dans mes créations, mes mises en scène du Théâtre du HangarCompagnie Jacques Bioulès…Déjà, dans Bajazet de Jean Racine (1987) elle était là ; splendidement là dans Atalide. Elle était le fou du Roi Gordogane de Radovan Ivsic (1990). Elle était, elle est, dans mes sensibilités, dans mes émotions, dans mes amitiés ; elle est depuis toujours dans le Théâtre du Hangar. Elle était dans Les Confessionnaux de Jacques Bioulès (2004), dans Schéma de Claude Viallat (2005). Elle était dans Novecento d’Alessandro Baricco ( accueilli au théâtre du Hangar en octobre 2006, dans une mise en scène d’Astrid Cathala). Elle, presque toujours aux premières, parfois aux dernières, même si le nombre de kilomètres à parcourir s’avère difficile. Bref elle est là et c’est l’essentiel. - 14 - David Stanley Le Metteur en scène Lui aussi il est là, mais à sa manière. Parfois dans l’ombre, parfois dans la lumière. Toujours discret, très souvent flamboyant et tellement émouvant. Dans La Mouette d’Anton Tchekhov (accueilli en 2001 dans une mise en scène de Sandrine Barciet), il était un éclatant Trigorine. Tellement émouvant dans les Poèmes de Radovan Ivsic ( une commande que je lui avais faite, créée en 2006 au Théâtre du Hangar) Tellement parfait dans Les Confessionnaux de Jacques Bioulès (2004). Tellement touchant dans Musette et Guinguette de Jacques Bioulès (2002). Prodigieux dans Le Miroir , poèmes en prose de Charles Baudelaire qu’il a mis en scène et que nous avons accueilli en 2003. Lui aussi toujours là, toujours effacé et pourtant là, encore là dans la musique qu’il a faite pour Les leçons de Marie Curie , ma dernière mise en scène. Abder Ouldhaddi Les Motorreurs, Compi L’ami émouvant, présent et fou. Fou dans Moha le Fou, Moha le sage de Tahar Ben Jelloun ( accueilli en 2005 dans une mise en scène de David Ayala), fou dans la vie et pourtant si raisonnable, si près et si lointain. Si juste dans Schéma de Claude Viallat (2005), si Dieu. Lui aussi toujours là. Toujours là pour venir nous voir, ne jamais nous oublier. Toujours prêt à écouter, à toujours donner. Le grand coeur, le fou coeur. Coeur et fou, c’est un beau titre. Les œuvres complètes Patrick Hannais L’ami de toujours, la poésie de toujours, la culture de toujours, la connaissance de toujours, sa présence de toujours. Dans Rideau de Jacques Bioulès ( 1999 ), volontairement sans mémoire, volontairement dérisoire. Il ’était le professeur de L’ami retrouvé de Fred Ulman. C’est là que nous nous sommes connus, c’est là, dans ces moments que nous sommes devenus amis par la poésie. Quelques mois plus tard il me proposait de le mettre en scène dans Noa Noa de Paul Gauguin (1986). Patrick si touchant dans Qui êtesvous Raymond Roussel ? de Jacques Bioulès (2006). Lui aussi toujours là par amitié. Yves Gourmelon Le Plongeur Encore un toujours là, toujours là aussi pour m’aider. Touchant et retiré comme il l’était dans Rideau de Jacques Bioulès ( 1999), avec Fernando Pessoa déjà. Comme il l’était dans Premier Amour de Samuel Beckett ( que nous avons accueilli au théâtre du Hangar en 2005), dans Le livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa encore ( que nous venons d’accueillir en 2006). Comme il l’est lorsqu’on le rencontre à Camaret ; voyageur et marin, mais toujours au port pour assister aux premières. Je dirais que nous sommes ensemble amarrés, à marée haute comme à marée basse. Alexandre Morand Aiax On ne se connaissait pas, si peu, et puis ce si peu est devenu beaucoup dans des non-dits, des - 15 - dits, dans des rires. Je l’avais aperçu dans les travaux de “ Machine Théâtre ”. Il avait l’oeil, l’oeil fou, qu’il savait détacher de lui-même pour enquêter. Et le voilà au Baloard, dans un personnage à l’envers, tellement à l’envers qu’il finissait par redresser la détresse des théâtres inclinés, des comédiens abîmés. Il est donc maintenant là. Evelyne Toroglossa Xaia Des là en veux-tu en voilà, elle aussi est toujours là. Rire et sourire à donner, pour offrir sa générosité qu’elle refuse de négocier. Elle est là, avec sa voix que souvent j’entendais, que souvent j’ai entendue, que souvent j’entends. Nous l’avons accueillie au Théâtre du Hangar en 2001 dans Fando et Lis de Fernando Arrabal, mis en scène par Juliette Mouchonnat, en 2002 dans Récits de Femmes de Franca Rame et Dario Fo, en 2004 dans C’était hier de Harold Pinter, mis en scène par Thady Mac Namara, en 2007 dans Prologue de Bernard-Marie Koltès, mis en scène par Muriel Pascal. D’elle, vu et entendu, pour toujours la garder à vue, et enfin lui dire, c’est à toi maintenant de dire, dans le rôle de Xaia. Va, je t’écoute, je te regarde. Je sais que nous sommes de la même émotion. LA LUMIERE Jean-Yves Courcoux Jean-Yves n’éclaire pas, il illumine. Dans Schéma de Claude Viallat que j’ai mis en scène (2005), je fus frappé de la permanence de ses illuminations, de la mobilité de ses éclaircies, de ses pages de lumière qu’il nous proposait, pour donner aux comédiens et aux textes toutes les formulations destinées à montrer, à découvrir. Dans Qui êtes-vous Raymond Roussel ? de Jacques Bioulès (2006), il proposait la présence constante d’un rivage de lumière, qui parfois s’effaçait, qui parfois, dans une autre clarté visible, savait se mettre à distance. Il est un aquarelliste, ses projecteurs sont des pastilles de couleur et l’électricité devient un pinceau. Finalement on ne voit rien de ce qu’il fait, mais il laisse toujours tout deviner, il reste effacé, pour s’octroyer un véritable langage. Il est devenu ainsi l’ami de toujours. LES IMAGES Claude Maurin Complice de toujours, ami de toujours. Sa grandiose générosité, infatigable générosité. Et derrière sa caméra tout cela apparaît, se ressent en proposant des réponses infinies. Claude est un joyeux enfant, bien qu’il ne fasse pas joujou avec sa caméra, bien au contraire il dépasse l’éternel présent de ses images qu’il met en bobine, (maintenant en numérique) sans faire la moindre mimique aux épisodes qu’il traite. Il était là pour Les imaginaires du Pierrot Lunaire, pour L’inextricable, pour Récréation. Il était tout le temps là, il est tout le temps là. Claude, il sait se mettre à table lorsqu’il filme. LES COSTUMES - 16 - Françoise Astruc Ses costumes sont toujours du futur, des toujours prêts à porter pour que le comédien dedans s’identifie et porte ainsi sa propre répétition. Après, il y a l’au-delà de certaines choses qui resteront toujours secrètes. Jacques Bioulès - 17 - LES C.V DES ARTISTES Fabienne Augié Née en 1968, comédienne, elle a suivi sa formation entre le Théâtre Universitaire de Montpellier, le Conservatoire Supérieur de Région de Montpellier et l’école Espace Acteur à Paris. Elle commence sa carrière de comédienne en 1987 aux côtés de Jacques Bioulès dans Mithridate de J.Racine et joue de nombreux spectacles sous la direction de Claudie Landy. Elle collaborera encore avec Jacques Bioulès pour de nombreux projets. On l’a vu à Montpellier dans Armatimon- la furie des nantis mise en scène de David Ayala, pièce présentée au Théâtre du Hangar en octobre 2002 puis au Théâtre des treize vents en 2004. La pièce La Métamorphose d’après Kafka, adaptation et mis en scène Tiphaine Piffault, à Avignon en janvier 2007. Elle a aussi joué en 2004 aux côtés de Jacques Bioulès dans Les confessionnaux et en 2005 dans Schéma de Claude Viallat. On l’a retrouvée en 2006 dans Novecento : Pianiste mise en scène d’Astrid Cathala. Elle a par ailleurs fait de la direction d’acteur pour Kettly Noel dans le cadre d’un projet chorégraphique à Bamako. David Stanley Comédien, compositeur et metteur en scène, né en 1958. En 1993, il joue Kes de Hines au Théâtre de La Main d’Or à Paris, sous la direction de Sanda Herzic. Puis dans Cornélie, de Garnier, sous la direction de Pascal Omhovère. En 1995, il joue à nouveau sous la direction de Sanda Herzic dans un spectacle d’après les œuvres de La Fontaine : L’enterrement de la fourmi. En 1996, il joue dans Avatar de Théophile Gautier, un spectacle mis en scène par Thierry Atlan. En 1997, il joue dans The picture of Dorian Gray de Wilde, spectacle présenté à Menilmontant et mis en scène par Andrew Wilson. La même année, il joue Tania, Tania, mis en scène par Julia Zimina, au Festival d’Avignon. En 1998, il joue Arcadia de Stoppard, sous la direction de Philippe Adrien au théâtre du Vieux-Colombier. L’année suivante, Le malade imaginaire de Molière, mis en scène par Andrew Wilson est présenté à Londres. Cette même année, il joue à nouveau le spectacle Arcadia à la Comédie-Française, ainsi que Mère Courage de Brecht sous la direction de Jorge Lavelli. En 2000, il interprète Ruy Blas de V. Hugo au Festival de La Luzège, mis en scène par Maria Zachenska. Il joue aussi Va donc chez Törpe de Billetdoux dans une mise en scène de Georges Werler, au théâtre du VieuxColombier à Paris. En 2001, il travaille à nouveau avec Philippe Adrien : Le Roi Lear de Shakespeare, au théâtre de la Tempête et en tournée l’année suivante. En 2002, il imagine, met en scène et joue Le Miroir, petits poèmes en prose de Charles Baudelaire, au Festival de la Luzège, puis au Théâtre du Hangar en 2003. Il était en résidence au Théâtre du Hangar pour son spectacle POEMES, en janvier et février 2006. Il a composé la musique du dernier spectacle de Jacques Bioulès Les leçons de Marie Curie. - 18 - Abder Ouldhaddi Autodidacte, il se forme sur le terrain, d’abord au fil des projets du Théâtre de Lasson, puis au Théâtre de l’Épée de Bois et à la Cartoucherie de Vincennes où la collaboration durera 6 ans. Il y joua entre autres La Controverse de Valladolid (1995) et Noces de Sang (1998) sous la direction de Antonio Diaz Florian, La Mort du Général mis en scène par Marcos Malavia en 1998. Parmi ses derniers spectacles : en 2002 Armatimon, la Furie des Nantis, mise en scène David Ayala, Schéma de Claude Viallat, mise en scène de Jacques Bioulès, au Théâtre du Hangar, à Montpellier ; Moha le fou, Moha le sage, de Tahar Ben Jelloum, mise en scène de David Ayala (prix du public, saison 20042005). Cinq hommes de Daniel Keen mis en scène par Robert Bouvier. Il travaille aussi sous la direction de metteurs en scène tels qu’Omar Porras (Bakkhantes, Noces de sang), Alberto Mazon, Alain Milianti, Marcos Malavia, Antonio Diaz Florian, Anne Quesmand et Jean François Tarcq... Et interprète des œuvres de Molière, Euripide, Garcia Lorca, Diderot, Ionesco, Jarry, Bond, Jean-Claude Carrière, Tahar Ben Jelloun, Pippo del Bono, Robert Bouvier… Au cinéma, il tourne avec Michel Sibra, Le mystère de Parasuram et Rien ne va plus. Patrick Hannais Né le 14 novembre 1948, formé au Conservatoire National Supérieur D'Art Dramatique de Paris de 1971 à 1973, à 57 ans Patrick Hannais a derrière lui de nombreuses années d’expérience professionnelle couvrant une grande partie des pratiques occasionnées par le métier de comédien. Théâtre, cinéma, télévision, radio, lecture, poésie, chanson, écriture et ateliers de pratique artistique. Des débuts en Suisse avec Richard Vachoux et Les Anabaptistes de Dürrenmatt mis en scène par J. Lavelli au Grand théâtre de Genève avec Pierre Tabard et François Simon. Une saison passée au T.E.P. avec Brecht et Rétoré dans Ste Jeanne des Abattoirs , une tournée Baret avec Jean Marais dans Les Misérables, Hamlet au théâtre des Célestins à Lyon dans la mise en scène de Julien Berteau, le festival de Fourvière à Lyon avec Coriolan et Fernand Ledoux dans une mise en scène de Jean Meyer, le rôle de Golaud dans Pelléas et Mélisande au festival d’Alès avec Jean Claude Gal et celui de Gauguin dans Noa Noa mis en scène par Jacques Bioulès qu’il a eu le plaisir d’aller jouer à Tahiti pour la Compagnie Parenthèses et Patricia Molié. On l’a vu en 2006 dans Qui êtes vous Raymond Roussel ? mise en scène de Jacques Bioulès au Théâtre du Hangar et dans Le buveur de temps de philippe Delerm / cie Théâtr’elles Jocelyne Carmichael en 2005 dans Femmes savantes de Molière et Les Singes Savants de J.P. Pelaez Jean Louis Sol et l’Echarpe Blanche, Dialogue avec mon Jardinier d’H.Cueco avec Tom Torel et la Cie du Clapas, Chat Noir… Cros Blanc une évocation en poésie et en chanson de l’inventeur et écrivain Charles Cros avec Hervé Tirefort et l’Acte Chanson. - 19 - Yves Gourmelon En 1981, il crée la compagnie Théâtre au présent. En 1985, il fait la mise en scène de Mangeront-ils ? de Victor Hugo, une production du Centre Dramatique National dirigé par Jérôme Savary. En 1987, il ouvre la salle du Nouveau Théâtre à Montpellier. De 1994 à 2005, Directeur artistique du Chai du Terral – scène conventionnée arts mêlés à Saint Jean de Védas (34430) et poursuivit son parcours de metteur en scène: En attendant Feydeau, divertissement théâtral où l'on joue notamment L'Homme de paille de Georges Feydeau en 1998 ainsi que Abel et Bela de Robert Pinget. En 1999, ce sera Faust d'après Goethe adaptation Daniel Lemahieu puis Cabaret Dramatique de Daniel Lemahieu (dans le cadre de Odyssée 2000). En 2000, Félibien , une folie versaillaise d'après André Félibien. George Dandin de Molière en 2001 ainsi que C'est toi qui dis, c'est toi qui l'es d’Yves Lebeau mai 2001, dans le cadre de Saperlipopette, voilà Enfantillages. Il a joué en 2002 dans Anatomie d’un clown, c'est tout ce que je sais faire de et avec Philippe Goudard. En 2005 il joue et met en scène et joue Premier Amour de Samuel Beckett et en 2006 Le Livre de l’Intranquillité de Fernando Pessoa au Théâtre du Hangar et Jacques le Fataliste de Diderot. Alexandre Morand Après une maîtrise de philosophie consacrée à l’ oeuvre de Gilles Deleuze, il intègre le Conservatoire National de Montpellier dirigé par Ariel GarciaValdes et co-fonde, dès sa sortie, la Cie Machine Théâtre avec laquelle il joue dans de nombreux spectacles : Chopalovitch de Liubomir Simovich mise en scène Christophe Rauck (2001), Platonov Anton Tchékov mise en scène Françoise Bette (2002), Les Pousse Pions de Marion Aubert mise en scène Anne Martin (2002), Torquemada de Victor Hugo mise en scène Ariel Garcia Valdes (2002), Le Roi Nu d’Evgueni Schwarz (2005). Durant cette période, il travaille également avec des metteurs en scène de la région : Sète et Vilar, mise en scène de Moni Grégo (2001), L’Histoire du Soldat de Ramuze mise en scène de Yves Ferry (2002). Mais c’est au sein du collectif Cie Machine Théâtre qu’il réalise ses premières mises en scènes Les enfants du Soleil de Maxime Gorki (2003), La Compagnie des Hommes d’Edward Bond (2004). Il assiste Jean-Claude Fall dans Jean La Chance de Bertold Brecht (2006). Artiste indépendant désormais, il écrit pour la scène des textes fantasques qu’il interprète lui-même et qui moquent les ridicules du petit monde culturel Je suis très intelligent (2006), Yves Souchot, l’émission (2006). Musicien également, il écrit, compose et chante pour le groupe de post-rock expérimental Absinthe Provisoire et réalise des livrets pour des pièces musicales L’Homme qui est aimé de Dieu de Guillaume Contrès créé à L’Acousmonium de Perpignan (2006) - 20 - Evelyne Toroglossa Evelyne Torroglosa est cofondatrice de la compagnie montpelliéraine "L'Estaminet", fruit de la séparation entre les trois comédiennes de la compagnie du " P'tit Atelier3 ": Evelyne Torroglosa , Juliette Mouchonnat et Muriel Pascal. Fando et Lis de Fernando Arrabal fut leur première création, créée au théâtre du Hangar avec la complicité de Jacques Bioulès et Serge Oddos en 2001. Une reprise a eu lieu au festival de Compiègne enjuin 2001 ainsi que en janvier 2002 à la salle Trioletto de Montpellier. Second projet de la compagnie : Lulu d’après Franck Wedekind, joué au Théâtre du Hangar. A suivi une mise en scène commune sur des monologues de Récits de Femmes de Franca Rame et Dario Fo. La pièce a été jouée au restaurant le Baloard ainsi qu’au Théâtre du Hangar en 2003 puis au Festival d’Avignon, à Lunel, au théâtre La Vista, à Pignan, au Théâtre La Vignette. Elle a aussi participé à la création : Les Vagues de Virginia Woolf, et à Petits souvenirs en prose … et puis s’en vont, poétique d’après le roman de Rainer Maria Rilke Les Cahiers de Malte Laurids Brigge , mises en scène de Sylvie Boutley, Théâtre Jean Vilar. En 2005, elle a joué dans C’était Hier d’Harold Pinter, mise en scène de Thady Macnamara au Théâtre du Hangar et au Théâtre de la Vignette en 2005. Mes souvenirs tracent des traits droits de Nourdine Bara, mise en scène Fred Tournaire a eu lieu au Théâtre Jean Villar en 2006 et 100 ans de solitude (1ère partie) de Garcia-Marquez. On l’a retrouvée dans la création de la rentrée 2007 par la Cie L’Estaminet de Prologue de Koltès, mise en scène de Muriel Pascal. Jean-Yves Courcoux Eclairagiste, concepteur lumière depuis une quinzaine d'années, Jean-Yves Courcoux a travaillé pour le théâtre de nombreuses années à la Comédie de Caen avec Michel Dubois (84 / 94) .Puis avec Laurence Février, Michel Raskine, Jean-Louis Benoit, René Loyon, Mathilde Heizmann, et avec Jean-Pierre Larroche (les Ateliers du Spectacle, Paris), Richard Dubelski (Cie Corps à Sons, Paris), Marc Frémond (Pébroc Théâtre, Caen), Etienne Pommeret (Cie « C’est pour Bientôt », Paris), Jean-Pierre Brière (Théâtre du Mégapobec, Evreux), Julien Pillet (Le Nyctalope, Marseille), Annie Pican (La Rampe, Caen), Jacques Bioulès (Théâtre du Hangar, Montpellier). Il a réalisé la création des lumières d'une soixantaine de spectacles ainsi que leur reprise en tournée. La plupart autour de textes contemporains, et du théâtre de recherche musicale, poétique et visuelle. Il travaille également avec des chorégraphes et pour le cinéma (Bruno Romy). Parmi ces spectacles : mise en scène de Jacques Bioulès, Théâtre du Hangar. Dors mon petit enfant (Jan 06) De Jon Fosse, mise en scène Etienne Pommeret,chorégraphie Daniel Larrieu, Cie « C’est Pour Bientôt » - Théâtre des 2 Rives, Rouen. Une Famille Ordinaire (Nov 05) De José Pliya, mise en scène Annie Pican. Théâtre de la Rampe, Théâtre de Saint Lô. L’Epicerie (Oct. 05) De Chantal Joblon, mise en scène Julien Pillet. Cie. Le Nyctalope, Scène Nationale Clermont Ferrand. Œdipe (Fév 05) Sophocle, Hölderlin.Mise en scène Jean Pierre Brière. Cie. Le Mégapobec. Evreux .Scène Nationale. Schéma (Avr 05) de Claude Viallat. Mise en scène Jacques Bioulès.. Qui êtes vous Raymond Roussel ? de Jacques Bioulès (mars 06), Théâtre du Hangar – Compagnie Jacques Bioulès. Montpellier - 21 - L’OEUVRE POEMES Quiconque lit les poèmes de Radovan Ivsic en français est frappé par le dépouillement de la syntaxe, d’où naît l’impression qu’une sorte de vide entoure les mots, leur conférant une capacité maximale d’irradier autour d’eux. Bien que souvent choisis parmi les plus courants, les vocables en reçoivent des résonances illimitées ; les phrases s’égrènent une à une comme si elles étaient énoncées dans le silence nocturne. En outre, faisant entendre un langage d’espace autour du langage des mots, des dispositions typographiques variées ont en commun la propriété de ménager de grandes plages de blanc dans la page, qui parfois n’accueille plus que quelques lignes incandescentes, comme dans l’admirable « Mavena ». Le miracle est alors qu’isolées les unes des autres par ces traces de l’inconnaissable, les phrases imposent au lecteur avec une autorité souveraine la richesse de l’univers secret dont elles sont issues. Étienne-Alain Hubert Avec "Poèmes", qui rassemble le meilleur de la production poétique de Radovan Ivsic écrite au cours des soixante-cinq dernières années, c'est presque une anthologie que lui consacre le célèbre éditeur de la Rive gauche. On y trouve, d'une part, des textes croates traduits ou transposés en français par l'auteur, comme Mavena (1940) ou encore Narcisse (1941). Néanmoins, pour ce dernier poème, dont les décrochages systématiques, novateurs à l'époque, qui affectent les vers rendent presque impossible de trouver un véritable équivalent, sa version française, jusqu'ici inédite, est suivie du texte original. D'autre part, sont repris ses écrits en français dont certains, poèmes ou recueils, illustrés par Miró, Toyen, Jean Benoît ou accompagnant les photos de Jindrich Styrsky, ont été originalement publiés à tirage limité et numéroté (Le Puits dans la tour, 1967; Reprises de vue, 1999). Dans un style différent, avec son énigmatique A.G.M., salut! (1984), c'est bien sûr à l'écrivain croate Antun Gustav Matos (1873-1914) qu'Ivsic rend hommage, reconstituant la déambulation parisienne de cet infatigable passeur de poètes français à Zagreb. Plus près de nous, parmi ses tout derniers poèmes écrits en français, se trouvent notamment Brioni et Echo de Brioni (2001), dédiés à sa compagne Annie Le Brun. La plupart des textes y sont présentés dans leur ordre chronologique, à l'exception de Remous, en toute fin de recueil, qui réunit des fragments retrouvés d'un vaste ensemble de textes automatiques écrits directement en français entre 1940 et 1941 et peu après volontairement détruits par l'auteur. - 22 - PREFACE DE ETIENNE-ALAIN HUBERT AU RECUEIL « POEMES » LA QUINZAINE LITTERAIRE, 01/03/2004 (N° 872) le silence à l’orée de la forêt peureuse « J’aime, j’aimais les mots. Les mots calmes et silencieux : trava (herbe). Les mots sonores : krosnja (frondaison). Les mots prolongés : valovima (dans les vagues). Les mots lisses : rame (épaule). Les mots qui caressent : voda (eau). les mots croates : hridine (les rochers). Mais aussi les mots de Shakespeare : deny thy father and refuse thy name. Les mots de Dante : selva oscura. Les mots de Federico Garcia Lorca : verde que te quiero verde. » Dans ces déclarations datant de 1994, Radovan Ivsic entrouvre le monde intérieur dans lequel sa poésie s’est développée, énonçant pensivement quelques mots aimantés dont il détaille les sonorités. Comment ne pas remarquer que la plupart des vocables qui lui viennent alors à l’esprit renvoient au monde végétal, éléments d’un paysage latent qui serait enfoui au profond de l’être et que les mots qui le désignent font émerger? Paysage naturel, mais aussi culturel, comme le suggère la mention de l’emblématique selva oscura évoquée dans le premier chant de L’Enfer de Dante. De fait, le lecteur de la poésie de Radovan Ivsic se retrouvera souvent plongé dans sa forêt intérieure, dont les formes diverses de la vie végétale peuplent l’imaginaire, depuis l’herbe et la broussaille jusqu’à l’arbre isolé et au bosquet. Songez à la forêt des rêves que traverse la course de Narcisse dans le grand poème de ce titre qui revisite le mythe antique. On peut conjecturer que les résurgences des thèmes végétaux se ressentent d’expériences anciennes, comme la fréquentation d’une nature sauvage dont la Croatie est singulièrement riche. Mais ce que Radovan Ivsic veut directement décrire en 1994, c’est son rapport à un univers verbal très personnel. Il nous fraie un chemin à travers la forêt des mots, de ses mots. Si ses poèmes, écrits au long d’une trajectoire riche de renouvellements, exercent sur nous une emprise aussi constante, c’est sans doute que nous ressentons confusément l’exceptionnelle réceptivité de leur auteur aux mots, au pouvoir suggestif de leurs sonorités, aux relations phoniques qui s’établissent entre eux et qui créent des engendrements imprévus. Voyez par exemple ces vers tirés l’une des pièces courtes de l’ensemble Soudain : « alors lentement / elle marcha sur le rire / sur la rive » : glissement des mots et changement à vue du décor. Il est significatif que l’exemple de l’écriture automatique des surréalistes ait été, à une époque de la vie de Radovan Ivsic, un puissant incitatif, comme on le mesure dans la série de proses justement intitulée Remous. Cet homme de grand conseil — pour reprendre l’expression employée par Breton pour désigner Pierre Mabille —, à la vaste culture, au savoir sans frontières, ce polyglotte qui, durant les années de glace du régime de Tito, vécut de ses traductions des grands auteurs, seule activité que les autorités toléraient de sa part, est capable d’écrire des poèmes aussi bien en français qu’en croate. Et nul doute que la richesse de vocabulaire et la qualité sonore du langage natal aient fait partie des expériences premières qui dictent leurs exigences à une vie d’écrivain. Du beau nom de Mavena, adjectif ancien qui signifie mauve, il a renoncé à chercher un équivalent satisfaisant en français ; quand Mavena intervient dans Narcisse, il a préféré fournir une transposition complète avec l’adjectif nacrée. Il aime évoquer les ressources du croate, où existent un nom et un verbe pour dire le bruit particulier que fait le vent dans les arbres — et nous voici encore en forêt. On ne sera pas surpris que, quand il s’agit pour Radovan Ivsic de traduire la partie de son œuvre écrite dans une langue fondée sur un système de déclinaisons et économe en verbes, il soit conduit à chercher longuement et parfois désespérément dans le français des équivalences qui permettent que les noms, tout en conservant leur densité de contenu et de sugges- - 23 - tion, ne soient pas emprisonnés dans l’armature de nos prépositions ni piégés dans l’appareil logique de notre système verbal. Résultat auquel son exceptionnelle maîtrise des deux langues lui permet d’accéder avec bonheur. Car quiconque lit les poèmes de Radovan Ivsic en français, est frappé par le dépouillement de la syntaxe, d’où naît l’impression qu’une sorte de vide entoure les mots, leur conférant une capacité maximale d’irradier autour d’eux. Bien que souvent choisis parmi les plus courants, les vocables en reçoivent des résonances illimitées ; les phrases s’égrènent une à une comme si elles étaient énoncées dans le silence nocturne. En outre, faisant entendre un langage d’espace autour du langage des mots, des dispositions typographiques variées ont en commun la propriété de ménager de grandes plages de blanc dans la page, qui parfois n’accueille plus que quelques lignes incandescentes, comme dans l’admirable Mavena. Le miracle est alors qu’isolées les unes des autres par ces traces de l’inconnaissable, les phrases imposent au lecteur avec une autorité souveraine la richesse de l’univers mystérieux dont elles sont issues. Quand, ouvrant au hasard ce livre, nous tombons sur cette phrase incomplète « Mais que s’élève l’autre paupière...», il semble que la ponctuation finale, suspendant la voix du texte, nous donne libre cours pour imaginer les prodiges que féconde un regard féminin posé sur le monde. Et quand nous lisons les mots si simples « Elle est dans une crique », nous voici placés devant la coprésence mystérieuse du corps de la femme rêvée et du site marin le mieux fait pour l’accueillir. Les décrochages systématiques qui affectent le vers dans Narcisse et qui n’ont à ma connaissance aucun précédent dans la pratique poétique, créent une impression autre. Il s’agit d’un texte ancien qui se ressent de l’exemple du chœur antique, dont Radovan Ivsic, passionné de théâtre depuis 1937, avait eu la révélation adolescent au théâtre antique d’Orange lors d’un voyage en France. Très peu enclin à apprécier les massives récitations en chœur, les déclamations à l’unisson qu’affectionnait le théâtre de propagande soviétique, il eut l’idée de confier la récitation du poème Narcisse, qu’il venait d’écrire, à quelques acteurs amis, dont les voix dialoguaient pour parfois se rejoindre et de nouveau se séparer. Pour nous qui n’avons pas le privilège d’avoir été les auditeurs de cette récitation à huis-clos, la typographie segmentée de Narcisse représenterait assez bien les échos multipliés du cœur. On comprend que Radovan Ivsic ait été hanté par les formes brèves. Il découvre dès sa jeunesse le Dictionnaire abrégé du surréalisme (l’exemplaire, qu’il a réussi à conserver parmi les aléas de l’Histoire, porte la date émouvante de son achat, fait à Zagreb le 16 juin 1939), petit monument d’humour et de poésie dédié aux citations, c’est à dire aux formules, de préférence concentrées, auxquelles l’absence de contexte permet d’exercer les effets les plus troublants. Il est révélateur aussi qu’il ait subi dès 1941 l’attirance des Tanka japonais, ces petits poèmes lyriques de cinq vers et qu’il ait donné aux six pièces qu’il écrivit selon ce modèle le titre Soudain. Quelques mots à peine épelés, et une vision jaillit pour s’évanouir dans la stupeur muette : la petite fille « s’étonna devant ses mains / et se dit oh tout bas ». Mais Radovan Ivsic sait aussi rendre à travers un long poème le cheminement d’une existence, comme celle de ce prédécesseur, l’énigmatique A.G.M. (Antun Gustav Maros), passeur des poètes français à Zagreb, mort prématurément en 1914, dont, quarante ans plus tard, se retrouvant lui-même à Paris, il reconstitue la déambulation à travers la ville et les choses de l’esprit et dont il rêve qu’épargné par la mort, il eût pu rejoindre le surréalisme. Faut-il rappeler également que de 1941 à 1956, Radovan Ivsic a écrit de nombreux textes de théâtre dont le plus connu est Le Roi Gordogane, cité par André Breton comme une date notable dans les éphémérides surréalistes ? À plus grande échelle que dans les poèmes mais selon une démarche proche, les pièces de Radovan Ivsic élèvent au rang d’actants les paroles qui s’échangent dans l’espace théâtral. Comme l’a écrit avec justesse Annie Le Brun, « dans chacune de ses pièces, le drame naît et naît seulement de la mise en œuvre, de la mise en présence, de la mise en acte des différentes paroles. Non pas de l’impossibilité des êtres à communiquer sur laquelle repose tout le théâtre de l’absurde. Mais de la distance entre les différentes paroles, de ses accroissements, de ses durcissements progressifs, de sa fluidité soudaine, de sa transpa- - 24 - rence furtive, bref de ses variations infinies qui sont les possibilités mêmes de sens et de nonsens de nos vies. » L’une des pièces porte ce beau titre alternatif : Aiaxaia ou pouvoir dire. « Pouvoir dire » : c’est bien de cela qu’il s’agit dans le théâtre comme dans la poésie de Radovan Ivsic. À dire vrai, l’expression pourrait se décliner sur plusieurs niveaux et d’abord sur celui de la liberté, quand l’expression poétique et le langage théâtral, si ce dernier est par chance toléré, restent les seules garanties d’exister authentiquement qui soient ouvertes à l’individu. Interdit par le régime fasciste de Pavelic, bridé et censuré par le régime communiste de Tito, dont l’image flatteuse répandue en Europe de l’Ouest faisait sourire amèrement ceux qui savaient, Radovan Ivsic a cherché dans l’écriture non l’évasion et l’oubli du présent, mais le moyen de « rejoindre le vrai dans les périodes troublées », pour reprendre l’expression qui définissait la conception d’Ossip Mandelstam au témoignage de Nadedja. Mais « pouvoir dire » devient aussi un impératif vital pour celui auquel son expérience sensorielle et son expérience intime enseignent qu’il vit dans un monde de l’écoulement. Non qu’il existerait chez Radovan Ivsic une nostalgie de la fixité : il semble au contraire que les choses détiennent leur plus forte présence quand elles sont transitives et fugaces, que les êtres se révèlent quand ils sont emportés dans la fuite : témoin l’insaisissable petite fille qui traverse les poèmes, analogue à celle qui court à travers la peinture de Chirico. Il existe même chez lui un affect particulier, constitué de souffrance et de plaisir paradoxal, qui est associé mystérieusement à l’égrènement, à l’effritement. Ainsi Mavena avait-t-elle déjà partie liée avec l’écoulement du sable : le thème qui, en d’autres temps, nous eût ramenés aux déplorations sur la fuite du temps et l’arrachement des jeunes vies, débouche sur cette question insolite et rêveuse. « Saistu maintenant pourquoi j’aime tant le sable ? » Voyez aussi l’admirable suite de courts poèmes en prose titrée Météores, qui met en scène un univers où l’humain et le cosmique, l’intime et l’extérieur ne se trouvent plus séparés que par des frontières poreuses ; à la fin de chaque morceau, la femme fait entendre une parole sans surprise pour définir le « météore » — éclair, mirage, tremblement de terre — dont elle est mystérieusement le siège. La trajectoire de ce poète de l’amour fou et du rêve était destinée depuis longtemps à croiser et à épouser dans les faits celle du surréalisme. Comme il le raconte avec l’émotion qui accompagne le récit des événements encore tout proches, c’est en novembre 1954 qu’à peine débarqué à Paris après s’être quasiment enfui de Yougoslavie, il rencontre Benjamin Péret et, presque aussitôt, André Breton. Devenu un membre fervent du groupe — mais très éloigné de l’esprit partisan que — , il publiera quelques textes graves dans les revues du mouvement ; à la demande de Breton auquel le liera une amitié sans réserve, il se chargera de l’accompagnement musical de certaines manifestations, comme l’exposition É.R.O.S. à la galerie Cordier en 1959-1960 ; du peintre autodidacte Matija Skurjeni, qui rapportait de ses rêves des paysages à la fois minutieux et troublants, il se fera l’introducteur auprès du surréalisme. Après la mort de Breton, il se retrouvera avec quelques-uns — Georges Goldfayn, Annie Le Brun, Toyen, Jean Benoît, Mimi Parent...), à vouloir poursuivre l’aventure à travers la collection Maintenant, mais, comme il le dira, « loin du bruit qui se fait aujourd’hui autour des plus diverses exploitations du surréalisme ». Éclatante fécondité des conjonctions. Radovan Ivsic connaissait depuis longtemps l’œuvre de Toyen, puisqu’une médiocre reproduction de La Dormeuse dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme l’avait subjugué dès 1939. Lors de son premier séjour à Paris, il en identifie l’auteur dans cette femme au visage attentif qu’il découvre, le plus souvent silencieuse et grave, dans l’entourage de Breton. Dès lors commence une amitié sans faille qui va déboucher sur la création d’un des plus beaux et des plus attachants livres illustrés que le surréalisme ait suscités. Au printemps 1966, Toyen apporte à Radovan Ivsic une série de douze dessins à l’encre de Chine, des « débris de rêves » dit-elle, et lui demande des textes pour, en quelque sorte, « illustrer » les images. L’aboutissement sera Le Puits dans la tour - Débris de rêves, dont Radovan Ivsic assurera lui-même la fabrication avec la patience de l’artisan et l’inspiration du créateur. Lisez lentement cette prose magique, saisissante célébration de la féminité pensive. - 25 - RADOVAN IVSIC UNE VIE POUR S'EGARER PAR ALAIN JOUBERT « La poésie s'écrit avec l'alphabet des vagabonds », énonce Radovan Ivsic. Il y a pour cela une excellente raison : il n'existe pas de forme surréaliste de référence en matière de création, quelle qu'en soit la nature. Mais pourquoi « surréaliste » ? Parce que ce serait faire injure à ce poète né à Zagreb que de ne pas, d'emblée, reconnaître en lui un surréaliste à part entière. Je veux dire par là que s'il fut ce membre fervent du groupe qui se réunissait autour d'André Breton jusqu'à sa disparition en 1966, il demeure toujours l'un de ceux qui apportèrent une couleur particulière aux activités poétiques du mouvement, faite d'air et de feuilles, de femmes et de météores, de sable et de lumière. Derrière Ivsic, « les branches se referment avec les plis du rêve » et si « elle n'a même pas besoin de se taire pour tout dire » c'est parce que « dès qu'elle désire se trouver quelque part, ses mains y sont déjà. » On voit que la simplicité du langage manifeste ici une claire volonté de ne pas imposer une image, contrairement à ce que pensent ceux pour qui le surréalisme renvoie poétiquement à quelque chose de figé, à une forme idéologiquement dominante, donc restrictive, à une perpétuelle imitation de lui-même. Finissons-en une bonne fois pour toutes avec ceux-là, qui transforment la poésie en langue de bois, de ce bois dont il est, dès lors, facile de fabriquer des cercueils ! Est-t-il d'ailleurs légitime de parler de poésie surréaliste et de placer sous cette même étiquette à la fois Breton et Péret, Char et Artaud, Desnos et Blanchard, Soupault et Bousquet, Eluard et Mayoux, Arp et Césaire, Prévert et Tzara, Prassinos et Queneau, ou encore JeanPierre Duprey, Magloire Sainte Aude, Gherasim Luca, Marianne Van Hirtum, Yves Elléouët, Joyce Mansour, Guy Cabanel et, aujourd'hui, Radovan Ivsic ? (1) Ces poètes, on le sent aussitôt, ne sauraient fonder leur écriture sur un même modèle, serait-il « surréaliste », et le rôle qu'ils font jouer à l'image est loin d'être identique chez chacun. Y-a-t-il même toujours présence effective de l'image ? On vient de voir que ce pouvait ne pas être le cas. Pour Ivsic, il est primordial de « rendre le langage à sa vraie vie (...) en se portant d'un bond à la naissance du signifiant », ce que recommandait jadis Breton. Ainsi se place-t-il en position de susciter l'image par induction, pour qu'elle se forme - ou non - dans l'esprit du lecteur, au lieu de lui être fournie, là, sur le papier, de manière irrévocable. Une image à l'état latent se présente alors, lentement, en aval du langage, permettant au lecteur de la forger en partie par lui-même, de l'enrichir en la clarifiant, de la faire passer magiquement de l'état d'évocation à celui de révélation. Les objets, les corps, les animaux, les végétaux interviennent dans le mouvement poétique provoqué par Radovan Ivsic, et c'est de leur authenticité même que surgit la poésie : « Tranquillement assis sur les continents migrateurs de nos bagages, nous n'avons pas besoin de porteurs. » « Pour échapper au nœud coulant des frontières, adoptez le pas de fox-trot des sauterelles. » « Nous sommes seuls comme les montagnes. » « Le poème n'a pas de mémoire », disait René Char, tant il est vrai que ce qui prend forme dans l'espace intérieur tient plus de la fulgurance de l'éclair que des chandelles du souvenir. L'image n'a donc pas besoin d'être aux premières loges, sinon un peu retrait, dans la pé- - 26 - nombre, là où seuls brillent les diamants. La modernité de la poésie d'Ivsic est « hors du temps », je veux dire aussi définitivement éternelle qu'une plume de Dodo. Ce qui la rend si particulière, c'est le caractère déconcertant de l'humour qui l'accompagne, c'est la fraîcheur de la vie qui y circule, c'est l'éblouissement de la nature qui y fait son nid : « Elle plonge les bras dans l'eau pour s'endormir. » « Seule, elle ne sera jamais tout à fait nue. » « Citadine, elle a le secret d'ouvrir les cages. Avec le premier tigre, elle descend dans le métro. Bientôt, ils sont dans le désert. Les ampoules s'éteignent mais dans le noir deux yeux verts ne tarderont pas à s'illuminer. C'est l'éclipse, se dit-elle. » Et si au lieu de parler de poésie surréaliste, il convenait d'utiliser la formule « le surréalisme et la poésie » comme, au bout du compte, André Breton dut se résigner à le faire pour la peinture, face à l'impossibilité de définir vraiment, de limiter, ce qu'était la peinture surréaliste ? Finalement, les poètes qualifiés de "surréalistes" se reconnaissent beaucoup plus à l'infinie capacité d'invention dont ils font preuve, à la puissance de leur imagination et, par dessus tout, à l'esprit de révolte qui les animent. À leur humour aussi. Pas à la forme qu'ils utilisent. Joé Bousquet disait que « la réalité d'un objet ne se maintient qu'à travers ses métamorphoses ». À coup sûr, il en va de même concernant la vérité poétique du surréalisme. Jusqu'ici, il n'était guère facile de lire les Poèmes de Radovan Ivsic, la plupart ayant été publiés soit par des éditeurs relativement confidentiels, soit avec un luxe extrême - et à peu d'exemplaires -, l'un n'empêchant pas l'autre, évidemment. Prendre l'exacte mesure de ceuxci était donc délicat, la rareté et la dispersion provoquant l'injustice. Il faut se féliciter que Gallimard ait réuni cet ensemble très euphorisant quant à l'idée que l'on doit se faire de la poésie aujourd'hui, les « grands dominants officiels » préférant, hélas, se livrer à de tristes besognes laborantines qui assomment leurs lecteurs aussi sûrement qu'une matraque électrique... Un second volume consacré au théâtre d'Ivsic est en préparation. Je suis certain qu'une fois connue, l'une des répliques de son chef d'œuvre, Le Roi Gordogane, deviendra vite un repère de brigands pour initiés : « C'est mon champ, c'est mon écu ! ». Non, vous n'en saurez pas plus pour l'instant. Évidemment, encore faudrait-il qu'un metteur en scène un peu curieux se donne la peine de monter cette merveille de drôlerie... Mais : « Il n'y a plus de distance il n'y a plus de vent il n'y a plus d'eau il y a le poids du monde. » * (1) On notera que toute la fine fleur de la poésie française est directement issue du surréalisme, ou de sa mouvance. - 27 - THEATRE «Ce volume, qui rassemble la production théâtrale de Radovan Ivsic, est avant tout remarquable par sa profonde diversité. Il contient non pas un théâtre, qui serait régi par une formule préconçue, mais plusieurs théâtres, où se joue un langage d'une liberté extrême... Comme l'a souligné Annie Le Brun, les pièces de Radovan Ivsic sont d'abord un voyage, un vrai voyage au pays du langage. Et ils sont bien rares, ceux qui, comme leur auteur, s'embarquent seuls pour une telle aventure, «les yeux fixés au large et les cheveux au vent». Au lecteur, à présent, de s'immerger dans le courant des mots, afin de découvrir un théâtre à l'image même de son auteur : libre et solitaire, mais relié aux autres par la force et la plénitude multiple de son langage. La voix qui s'y fait entendre est, d'un bout à l'autre, celle d'un poète qui, pour paraphraser le mot de Breton, n'a jamais démérité, n'a jamais cessé de ne faire qu'un de la chair de l'être aimé et de l'eau glissant sur les feuilles et les fougères.» Jean-Paul Goujon. Parce que le merveilleux est d'essence noire, le théâtre de Radovan Ivsic, poète, dramaturge et traducteur né en 1921 à Zagreb, en Croatie, porte en lui l'éclat du merveilleux le plus évident et de la noirceur la plus implacable, liée aux questions imbriquées de la violence, du langage et de la liberté. Sont rassemblées ici, toutes les pièces de Radovan Ivsic, ou bien directement traduites du croate, ou bien réécrites en français par ses soins. Ces pièces, rédigées pour la plupart à Zagreb aux heures les plus noires du XX e siècle tout d'abord lors de la présence nazie en ex-Yougoslavie, puis sous la dictature socialiste de Tito -, donnent toutes de la visibilité et de l'espace à cette question clé de l'aventure humaine : quel est le destin du langage lorsque la violence du pouvoir, de tous les pouvoirs, tend à vouloir l'englober ? Cette question, Radovan Ivsic ne cessera de se la poser de manière aiguë dès ses premières oeuvres. Avec une gradation dans le pessimisme assez troublante alors qu'il est encore un tout jeune homme et que le théâtre souffle en lui comme un vent salubre : sont ainsi là pour témoigner de cette terreur face au langage mis au piquet - et bientôt mis en camp... -, ainsi que de l'urgence d'un langage théâtral absolument libre, en constante réinvention formelle, Airia (1941), Le Roi Gordogane (1943, la plus connue des pièces de Radovan Ivsic, qui a donné son nom à une revue littéraire croate, Gordogan, fervent clin d'oeil à un écrivain volontairement occulté dans son pays natal jusqu'au seuil des années 1980), Vané (1943), Le Capitaine Olivier (1944), Le Caporal Oral (1944) - titre parfait pour une pièce, on l'aura compris, qui règle son compte à l'aboiement militaire -, Aquarium " Cauchemar sans acte et sans fin " (1956, pièce-loupe rédigée à Paris après que le poète s'est installé dans la capitale française en 1954 pour fuir le régime de Tito). Et pour finir Pouvoir dire ou Aiaxaia (1982). - 28 - PREFACE DE JEAN-PAUL GOUJON AU RECUEIL « THEATRE » « Quand tout est à sa place, quelque chose va arriver » Souvent, le théâtre écrit par les poètes est plus dense et plus dru que celui des dramaturges professionnels. Je n’entends point par là, faut-il le préciser, le théâtre qui se veut « poétique », lequel est chose redoutable, mais bien celui qui s’est imposé aux poètes comme une nécessité. De là qu’un tel théâtre s’affirme, à l’instar de la poésie elle-même, comme essentiellement différent. Dans un entretien publié en 1979 dans la revue croate Gordogan, Radovan Ivsic a lui-même indiqué comment il en est venu, lors de ses débuts, à tenir que « la poésie ne pouvait plus se contenter de la parole imprimée », et à prêter une attention de plus en plus grande au théâtre, en tant que lieu « où chacun est amené à se voir dans la violence de ce qui le lie à la collectivité et à l’univers, tout en l’en séparant ». Glissement qui s’est effectué tout naturellement, et qui explique que le premier texte composé par le jeune écrivain soit justement une pièce de théâtre, Airia (1941), qui fut suivie, non moins naturellement, par l’admirable poème choral Narcisse (1942). Ce volume, qui rassemble la production théâtrale de Radovan Ivsic, est avant tout remarquable par sa profonde diversité. Il contient non pas un théâtre, qui serait régi par une formule préconçue, mais plusieurs théâtres, où se joue un langage d'une liberté extrême. Aussi serait-il absurde d’enfermer cette production dans la définition simpliste de « théâtre surréaliste ». Y a-t-il d’ailleurs jamais eu de théâtre surréaliste ? Plus encore, se serait se méprendre complètement sur l’essence même de ces pièces, qui ne visent point à décalquer des recettes littéraires ou à appliquer des mots d’ordre théoriques, mais bien à représenter, par des moyens dramatiques particuliers, l’irréductible opposition de la poésie et de l’amour à un monde où le moindre individu tend à se croire investi d’un pouvoir sur les autres. Nous sommes donc en théâtre qui ne cherche pas à être « engagé », mais qui fait toucher du doigt, par d’autres voies, la tragique réalité d’une époque et d’une société. C’est par cette démarche oblique, mais combien plus sûre et plus directe, qu’une pièce comme Aquarium parvient, selon le mot de l’auteur à « exprimer un espace où l’individu et le nombre ne cessent d’écrire leur histoire sensible ». Et cette histoire, c’est aussi celle de Radovan Ivsic. Entendons-nous bien : ses pièces visent à l’intemporalité, en ce sens qu’elles ne se soucient point de reproduire une quelconque réalité historiquement située et donc limitée. Mais elles représentent, justement, une tentative pour élaborer un autre théâtre, qui, cessant d’être esclave des circonstances, traduise pardelà le temps tout ce qu’a vécu son auteur de 1940 à 1980. À cet égard, la période 19411945, qui est celle du régime fasciste oustachi en Croatie, voit paradoxalement, chez Radovan Ivsic, une extraordinaire floraison dramatique. Coup sur coup, comme mû par une nécessité irrésistible de s’opposer en écart absolu à la réalité politique, il écrit clandestinement cinq pièces, qui formeront le noyau de sa production dramatique : Airia (1941), Le Roi Gordogane (1943), Vané (1943), Le Capitaine Olivier (1944), et Le Caporal Oral (1944). Mais après la fin de la Seconde Guerre mondiale, une autre tyrannie s’installe. Bien des espoirs retombèrent et, peu à peu, l’écrivain fut contraint de ne plus pouvoir représenter que des spectacles de marionnettes. Pour lui, le théâtre se trouvait ainsi, par le force des choses, réduit à son expression la plus nue, et sans doute la plus essentielle – ce qu’il appellera « l’illusion théâtrale à l’état pur », et qui était aux antipodes du réalisme socialiste et du misérabilisme qui sévissaient alors dans son pays. Cette expérience ne dura que de 1946 à 1948, après quoi l’écrivain fut obligé de renoncer définitivement à toute activité théâtrale. Mais l’écriture jaillira par la suite à deux reprises, ce qui nous vaudra, en 1956, Aquarium, et en 1982, Pouvoir dire ou Aiaxaia. - 29 - Évoquant la période 1941-1945 dans l’entretien auquel nous faisions allusion, Radovan Ivsic pourra déclarer : « Je partais en quelque sorte à la recherche des ombres qui maintenaient notre jeunesse au-dessus du néant. » Dès lors, il s’employa à faire du théâtre « le lieu concret de la poésie ». Et c’est par son principe central, la poésie alliée au rêve, que ce théâtre rejoint le plus profond surréalisme. Le rêve, ici, n’est pas une réalité extérieure, un panorama gratuit. Toutes ces pièces nous transportent d’emblée à l’intérieur même du rêve, inaugurant une perpétuelle métamorphose, comme Airia dira d’elle-même : « Je disparaissais de plus en plus en aval de mon regard, je devenais ce que j’apercevais… Et j’étais déjà loin, nocturne et la nuit elle-même. » Le même principe de métamorphose, mais en moins rassurante, gouverne Vané, petite pièce écrite pour un théâtre d’ombres. Principe de métamorphose fonctionnant aussi dans la pire des lumières comme dans Le Caporal Oral où sont mis en scène des êtres qui, telles des marionnettes en folie, s’enfoncent dans leur rage de destruction meurtrière. Oral et ses sbires sont cependant mis en déroute par le couple d’amoureux Lané-Moschita, et la pièce finit comme une fable : « Héros, il n’y a plus de guerre. Héros, retournez chez vous planter des petites carottes ! » Dans chaque pièce de Radovan Ivsic, il est des personnages qui portent obstinément en eux une exigence de rêve, tel le capitaine Olivier ; ce rêveur éveillé parti non pas « dans les plus sombres villes » (Rimbaud) mais dans une île du Pacifique, et beaucoup moins à la recherche du bonheur, comme il croit, qu’en quête du rêve avec lequel sa vie finit par se confondre. Précisément, Le Capitaine Olivier exprime à merveille le côté à la fois cocasse et tragique du rêve en butte à la réalité, fût-elle culturelle comme lors de cette représentation de Tristan et Yseult, donnée dans l’île devant des enfants qui s’endorment tout de suite. D’autant que l’auteur insistera après coup : « le théâtre dans le théâtre est peut-être le lieu le plus vrai du théâtre. J’ajouterai, le plus vrai parce que le plus réel ». Ce qui l’autorise à parodier la légende courtoise, pour y passer au crible de l’humour tout à la fois le mythe de l’amour malheureux et les redoutables conventions du bonheur amoureux. Une nouvelle fois, Radovan Ivsic s’en remet au langage. Ainsi, pour nous montrer un Tristan vieillard face à une Yseult assassine, coquette et rouée, il n’hésite pas à forger des hexamètres : Hélas, depuis cinquante fois les étés ont chassé les hivers et notre Tristan aux cheveux déjà blancs sur les mers navigue lassé, malheureux et vieilli, ne pensant qu’à Yseult, son amour immense, à jamais condamné mais jamais apaisé ni éteint... Comme il n’hésite pas à prendre au piège de sa métrique particulière chaque personnage de cette parodie qui en acquiert une allure de marionnette verbale. Et cela jusqu’à faire passer pour dérisoire toute représentation culturelle incapable de tenir devant les grands courants du rêve qui emportent certaines vies. Avec Le Roi Gordogane, le lecteur découvrira un texte étonnant, qu’André Breton avait salué comme une oeuvre hors pair. Gordogane tout comme les autres personnages s’avance vers nous en circulant dans les mots : un langage à la fois d’antan et intemporel, où abondent images et métaphores familières, interjections et épithètes rituelles, dont certaines sont sans doute puisées dans un vieux fonds folklorique croate, mais comme réactivées par la poésie. Est aussi sensible un certain déplacement des mots, dont la répétition s’égrène comme une incantation, par laquelle certains personnages s’enfoncent obstinément dans leur rêve, même devant l’autre : Non, je n’ai pas dit que toi, tu es un petit poisson, que tu as des ouïes, une queue et des nageoires, ni que tu es couverte d’écailles. Pourquoi dire cela ? Je voyais la lune. Elle était immobile et calme. Je te voyais aussi. Tu étais remuante et sautillante. Et je me demandais : - 30 - que se passerait-il si tu ne bougeais pas et si la lune gambadait à travers les étoiles comme toi à travers la forêt ? Au fond, le roi lui-même – « notre royal et glorieux souverain » - fait bien moins penser au Père Ubu qu’à quelque monarque échappé d’une légende à la Maeterlinck, où passent des princesses et des chevaliers. Nul angélisme cependant : le couple d’amoureux finira pendu, et les rats viendront ronger les yeux des suppliciés. Mais à quoi bon faire des rapprochements et se livrer au petit jeu des « influences » ? Il faut oublier Ubu. Tout baigne ici au contraire dans une autre lumière. À cet égard, Le Roi Gordogane trouvera son aboutissement naturel dans la parole de plomb que sous-tend Aquarium et Aiaxaia. Mais reste que si Tinatine, le fils du roi Gordogane, est une caricature d’amoureux, il est aussi tragique et désarmant que « le papillon qui meurt de son amour » : Père, ne t’étonne pas de ce que tu vas entendre. Me taire et dissimuler, ce n’est plus possible, et je vais te révéler ce que je voudrais tant te cacher. Mais quand la pluie tombe, qui peut l’arrêter ? J’aime, mon père, j’aime d’amour. L’amour me ploie et me retourne comme la tempête les feuilles sèches, il me traîne sur les cailloux rugueux et me jette sur des rochers pointus... Nous voici en présence d’un drame d’un genre tout nouveau, et surtout unique, car il est en parfaite symbiose avec l’univers si particulier des poèmes de Radovan Ivsic. Loin de raconter une action ou de dérouler une intrigue, il s’agit avant tout de montrer cette métamorphose constante des êtres, des objets et des lieux, qui se joue dans la tête des personnages. Monde en perpétuelle mutation, rempli d’une respiration végétale et animale, qui ne diffère en rien des forces qui nous agissent, jusqu’à en imprégner même « la forêt où il y a plus de dangers que de feuilles ». Et c’est dans cette forêt, qui est celle des paroles, que se déplace Gordogane, possédé de la volonté de « tsaf » (tuer) tout le monde (pour emprunter son langage). On ne doit pas s’étonner si, à la fin de la pièce, après avoir exterminé ses sujets jusqu’au dernier, de même que Bouvard et Pécuchet se remettaient à copier, il se remet à « tsaf » les arbres. C’est là son destin. Est-ce un hasard si la première représentation de la pièce sur une scène eut lieu, par les soins de théâtre Forain, devant les ruines du château du marquis de Sade, à Lacoste ? Dans Aquarium se fait jour une tension nouvelle, une inquiétude accrue : celle de se sentir vivre à présent dans un monde sans espoir, où les rêves eux-mêmes sont traqués, où c’est l’esprit que l’on veut, bien plus que le corps, anéantir. Cauchemar sans acte et sans fin, tel est le sous-titre de cette pièce évoquant le monde des camps, face cachée et meurtrière de la Yougoslavie de Tito. De la Seconde guerre mondiale à la guerre froide,, le pays n’aura fait que changer de geôliers à casquette. Le voici en proie à une langue de bois dont la pièce va nous fournir une très curieuse démonstration. Car cette langue tyrannique et vide, Radovan Ivsic, loin de la calquer, va nous en donner l’équivalent, en nous faisant assister à son auto génération aussi monstrueuse que drôle dans la bouche de chacun des officiers et des soldats de la pièce. Langue prête à tout pour camoufler l’horreur dont elle se nourrit, il lui suffit du plus dérisoire point d’ancrage – de l’ail aux échecs, du football à la philatélie – pour proliférer en intarissable discours d’ornement monomaniaque. C’est ainsi que telle la peinture qui ne saurait reproduire la réalité, le théâtre ne doit pas non plus se préoccuper de réalisme, futil socialiste, ni de mimétisme. Et l’auteur prend soin de fuir tout pathétique : rien de commun, donc, avec un certain théâtre de dénonciation militante. Nous sommes dans un cauchemar de mots – celui-là même où s’est débattu tout le XX° siècle. Et, comme dans toutes les autres pièces de Radovan Ivsic, l’amour fait entendre son chant, comme une protestation incongrue. Il réussit même, par les interventions de la jeune Plume, à se faufiler entre deux tirades de cette langue de bois qui remplit Aquarium. À chaque fois, - 31 - la rencontre passionnelle de deux êtres modifie tout et fait changer de signe la vie. Mais cet amour n’est nullement « l’amour vainqueur et la vie opportune » que chantait Verlaine. Il a maille à partir avec la vie, avec un univers qui, non content de le nier, veut l’écraser. Le caporal Oral, l’Oreille en veste de cuir, le colonel Nell, les Motorreurs, les Oeuvres complètes : incessant martèlement du langage de tous ces laquais du pouvoir, écrasante ferraille de mots qui, dans la plupart de ces pièces, répand à l’infini son bruit de fond, répété comme une litanie meurtrière. Le langage acquiert ainsi sa plus haute importance : l’architecture dramatique n’est plus donnée par les idées ou les circonstances, mais par les mots. C’est leur enchaînement, leurs affinités et leur pouvoir de suggestion qui constituent la logique même du texte. Souvent, ces mots dérivent et patinent, entraînés par leur vertu analogique, comme on le voit par les paroles échangées par les différents couples d’amoureux. D’autres fois, ils trébuchent et tournent à vide, se mordant la queue, catoplébas modernes qui éructent le bafouillage sans fin de leur langue de bois. Il est peu d’oeuvres dramatiques où, à travers le contrepoint des diverses paroles, se trouvent révélées avec une telle lucidité « les structures miroitantes du langage » (Annie Le Brun). La dernière pièce, Pouvoir dire ou Aiaxaia, représente une radicalisation de ce qui était déjà en oeuvre dans Aquarium. À présent, nous sommes transportés dans un monde où dominent le lavage de cerveau et les slogans (« Tout le pouvoir au pouvoir ! » « Si vous êtes pour le progrès, soyez pour le progrès ! »). Réduit à n’être plus que consigne politique ou refrain de campagne électorale, « le mot empoisonné et plombé ». la voix du poète se fait alors entendre : L’horreur, c’est lorsque le poison invisible tue les mots et inverse leur sens. Car les mots, les plus beaux mots, on ne les a pas vus soudain disparaître comme les feuilles à l’automne. Non, au contraire, l’un après l’autre, on les a sourdement massacrés, mais en leur laissant un semblant de vie, cadavres prêts à servir d’habits neufs à l’horreur. Tyrannie, tu m’étouffes encore plus quand tu te nommes bourgeon. Il ne reste plus qu’un univers où les mots sont mis au service de la logique la plus assassine : « L’important n’est pas de juger mais de punir ! » Et la fin d’Aiaxaia rejoint celle du Roi Gordogane : « À mon goût il n’y a pas eu assez de sang. Quand je serai grand, vous verrez ce qui est sanglant. » La boucle est bouclée. Comme l’a souligné Annie Le Brun, les pièces de Radovan Ivsic sont d’abord un voyage, un vrai voyage au pays du langage. Et ils sont bien rares ceux qui, comme leur auteur, s’embarquent seuls pour une telle aventure, « les yeux fixés au large et les cheveux au vent ». Au lecteur, à présent de s’immerger dans le courant des mots, afin de découvrir un théâtre à l’image même de son auteur : libre et solitaire, mais relié aux autres par la force et la plénitude multiple de son langage. La voix qui se fait entendre est, d’un bout à l’autre, celle d’un poète qui, pour paraphraser André Breton, n’a jamais démérité, n’a jamais cessé de ne faire qu’un de la chair de l’être aimé et de l’eau glissant sur les feuilles et les fougères. Jean-Paul Goujon - 32 - CRITIQUE DE FREDERIC CIRIEZ Le théâtre complet du poète croate Radovan Ivsic, compagnon de route des surréalistes dès 1954. Une oeuvre dramatique puissante et singulière qui pose en creux la question des rapports entre langage et politique. Parce que le merveilleux est d'essence noire, le théâtre de Radovan Ivsic, poète, dramaturge et traducteur né en 1921 à Zagreb, en Croatie, porte en lui l'éclat du merveilleux le plus évident et de la noirceur la plus implacable, liée aux questions imbriquées de la violence, du langage et de la liberté. Dans cette importante somme théâtrale publiée chez Gallimard (après la publication en 2004, chez le même éditeur, de l'ensemble des poèmes sombres et cristallins d'un auteur qui participa activement au mouvement surréaliste aux côtés d'André Breton et de Benjamin Péret), le lecteur trouvera rassemblées toutes les pièces de Radovan Ivsic, ou bien directement traduites du croate, ou bien réécrites en français par ses soins. Ces pièces, rédigées pour la plupart à Zagreb aux heures les plus noires du XX° siècle - tout d'abord lors de la présence nazie en ex-Yougoslavie, puis sous la dictature socialiste de Tito , donnent toutes de la visibilité et de l'espace à cette question clé de l'aventure humaine : quel est le destin du langage lorsque la violence du pouvoir, de tous les pouvoirs, tend à vouloir l'englober ? Cette question, Radovan Ivsic ne cessera de se la poser de manière aiguë dès ses premières oeuvres. Avec une gradation dans le pessimisme assez troublante alors qu'il est encore un tout jeune homme et que le théâtre souffle en lui comme un vent salubre : sont ainsi là pour témoigner de cette terreur face au langage mis au piquet - et bientôt mis en camp... -, ainsi que de l'urgence d'un langage théâtral absolument libre, en constante réinvention formelle, Airia (1941), Le Roi Gordogane (1943, la plus connue des pièces de Radovan Ivsic, qui a donné son nom à une revue littéraire croate, Gordogan, fervent clin d'oeil à un écrivain volontairement occulté dans son pays natal jusqu'au seuil des années 1980), Vané (1943), Le Capitaine Olivier (1944), Le Caporal Oral (1944) - titre parfait pour une pièce, on l'aura compris, qui règle son compte à l'aboiement militaire -, Aquarium " Cauchemar sans acte et sans fin " (1956, pièce-loupe rédigée à Paris après que le poète s'est installé dans la capitale française en 1954 pour fuir le régime de Tito). Entre 1941 et 1956, Radovan Ivsic écrit donc l'essentiel de son théâtre dramatique. Pour autant, comment expliquer que celui-ci soit aussi peu historiquement situé ? On pourrait donner comme explications l'évitement du combat frontal avec la réalité historique autant que le choix du dramaturge de mettre ses distances avec une certaine forme de réalisme théâtral militant, trop démonstratif, trop idéologique, un peu balourd. Mais cela ne suffit pas. Car peut-être faut-il voir dans ce refus de la donnée historique brute, "événementielle", le désir d'ausculter une autre historicité, plus subtile, plus secrète, plus précieuse : non plus l'historicité du " fait " et de " l' événement " en tant que tels, mais celle du langage lui-même, doublement victime de l'actualisation sans fin de notre propre violence primitive et des ténèbres de l'époque. Bref, où en est-on avec le langage au moment où le fiasco de l'Histoire, en une apothéose négative, stimule à n'en plus finir, comme à coups de fouet ou de mitraillettes, la sauvagerie du verbe des gardiens du pouvoir ? Alors surgissent pour nous le " dire " les protagonistes du - 33 - théâtre de Radovan Ivsic, qu'il s'agisse de l'illustre Gordogan, sombre idiot en quête d'une violence sans objet, ivre de mises à mort à la chaîne, ou qu'il s'agisse encore de ce dérisoire caporal Oral, petit porc ordinaire qui a cependant le mérite de la franchise en nous signifiant l'importance philosophique de sa nullité : " Tout en moi clame le sang et la viande." La messe est dite. Celle du langage et de la poésie s'entend, ici transformée en son inverse ontologique, la célébration du carnage... Quant aux créateurs, dans cet espace-temps-là, ils ne sont guère en forme, à l'image du metteur en scène de Pouvoir dire ou Aiaxaia, pièce de 1982 interrogeant les enjeux de la lutte à mort entre langage / théâtre / poésie et horreur politique - une allégorie de la " destruction de la création " si l'on veut - qui nous livre ces mots terribles : " Je suis metteur en scène / ou plutôt : J'étais metteur en scène / car je ne sais plus où je suis / Je suis dans une grave crise. " Aïe, aïe, aïe ! Dans ce monde calamiteux où le langage va mal (promis à devenir dans Aquarium le lieu vide et terrifiant du journalisme obscène et de la " communication politique " discipline d'ailleurs curieusement enseignée aujourd'hui à l'Université), n'y aurait-il que tristesse, n'y aurait-il que pesanteur terrestre ? Heureusement non. Le théâtre de Radovan Ivsic est ainsi, malgré les circonstances historiques de sa genèse, très gai, très énergique, très léger, en perpétuel mouvement de mots, manière de poésie concrète vivifiée par les courants du rêve et du légendaire, peuplée de forêts étincelantes, de sources, de princesses et d'idiots. Gai, aussi et surtout, en raison du caractère facétieux d'un auteur bien trop joueur pour réduire la tragédie humaine à un pur bloc de tristesse, bien trop affûté dans sa réflexion sur le monde pour ne pas tirer le signal d'alarme sans nous donner un conseil majeur, d'utilité publique oserait-on dire : puisque " pouvoir dire est le bonheur ", eh bien disons, ou montrons, et surtout célébrons ce qui ne surgit qu'une fois au sein de ce monde fatalement livré au jeu des apparences et des métamorphoses : l'image, la poésie, " le théâtre maintenant " comme le dit avec un sincère optimisme le dramaturge lui-même dans L'épilogue - prologue de ce très tonique volume. (sur le site : http://www.fnac.com) - 34 - CASCADES Cascades regroupe une vingtaine de courts essais et entretiens qui reflètent les préoccupations de Radovan Ivsic depuis sa jeunesse. La plupart, dont certains inédits en français, ont déjà fait l’objet d’une publication dans les journaux, revues ou proviennent de préfaces d’ouvrages divers ou de catalogues d’exposition. Radovan Ivsic y rappelle ses positions qui ne séparent jamais l’esthétique de la politique, ayant été amené à mesurer combien le traitement de la langue est lié à celui que le pouvoir réserve aux hommes. Ansi le voit-on, après la saisie, sous l’occupation allemande, de son premier livre comme symbole de l’art décadent, prendre les plus grandes distances avec les anciens surréalistes de Belgrade, devenus serviteurs du titisme, rejoints par Eluard qui déclare en 1945 que la Yougoslavie est « une forteresse de liberté » « Du poète, déclare Radovan Ivsic, il ne faut exiger qu’une seule chose : ne pas cesser d’être poète. Mais il cesse d’être poète, dès qu’il consent à «écrire la langue qui ment, la langue de bois, la langue morte, même s’il aligne des milliers de vers. » La poésie est par essence libertaire. Quel que soit le propos abordé, tous ces textes en témoignent et illustrent cette parole de Saint-John Perse : « Le poète est la mauvaise conscience du monde. » QUELQUES EXTRAITS DU RECUEIL « CASCADES » Dans Ouvrir l’horizon (page 78) Une pièce de théâtre est le résultat d’un complot très obscur entre le monde et celui qui s’en éloigne pour y revenir grâce au cheval de Troie de la fiction. Dans Dire non (page 96) Chaque trahison non seulement enlaidit la vie en restreignant le champ de la liberté, mais chaque trahison artistique ou intellectuelle peut, un jour ou l’autre, être évaluée très concrètement en poids de souffrance, de sang et même de mort. Extrait de morale ?moralismes ? (page 223) Mais pour finir je voudrais vous dire qu’il y a quand même un mot qui ne m’a jamais trahi, c’est le mot NON. CASCADES de Radovan Ivsic - Gallimard - Parution : juin 2006 - 35 - BIBLIOGRAPHIE DE RADOVAN IVSIC En français AIRIA, Éditions J.-J. Pauvert, Paris, 1960. MAVENA, avec une lithographie de Joan Miro, Éditions surréalistes, Paris, 1960; Éditions Maintenant, Paris, 1972. LE PUITS DANS LA TOUR (avec Toyen : Débris des rêves, 12 pointes sèches), Éditions surréalistes, Paris, 1967. LE ROI GORDOGANE (avec une pointe sèche et 6 collages de Toyen), Éditions surréalistes, Paris, 1968. LA TRAVERSÉE DES ALPES (en collaboration avec Annie Le Brun et Fabio De Sanctis), Éditions Maintenant, Rome, 1972. LES GRANDES TÉNÈBRES DU TIR (avec Toyen : Tir, cycle de 12 dessins), Éditions Maintenant, Paris, 1973. TOYEN, monographie, Éditions Filipacchi, Paris, 1974. AUTOUR OU DEDANS, Éditions Maintenant, Paris, 1974. QUAND IL N'Y A PAS DE VENT, LES ARAIGNÉES... Contre-moule, Paris, 1990. REPRISES DE VUE (avec 13 photographies de Jindrich Styrsky, Strelec, Prague, 1999. POÈMES, Éditions Gallimard, 2004. THÉÂTRE, Éditions Gallimard, 2005. CASCADES, Éditions Gallimard, 2006. En croate NARCIS, Zagreb, 1942 (interdit). TANKE, Zagreb, 1954. CRNO, Liber, Zagreb, 1974. TEATAR, CeKaDe, Zagreb, 1978, 2e édition augmentée NZMH, Zagreb, 1998. BUNAR U KULI, Graficki Zavod Hrvatske, Zagreb, 1981. U NEPOVRAT, Graficki Zavod Hrvatske, Zagreb, 1990. U NEPOVRAT, OPET, NZMH, Zagreb, 2002 CRNO I CRNO, Matica hrvatska, Zagreb, 2003. En édition bilingue POEZIJA/POÉSIE, Matica hrvatska, 1999, 2° édition augmentée, 2002. - 36 - INFORMATIONS PRATIQUES INFORMATIONS Contact presse Maud Vincent Furic : 04 67 41 32 71 Théâtre du Hangar 3 rue Nozeran 34090 Montpellier tram ligne 1 - arrêt Albert 1er ou Philippidès Téléphone : 04.67.41.32.71 Fax : 04.67.03.07.12 Mail : [email protected] Notre site Internet: www.theatreduhangar.com HORAIRES Mardi, vendredi, samedi : 20 heures 45 Mercredi, jeudi : 19 heures Dimanche : 17 heures Relâche le lundi TARIFS Plein tarif : 13 € Tarif réduit : 9 € (étudiants, -26 ans, + 65 ans, demandeurs d’emploi, intermittents) Pass’Culture : 5 € Scolaires (groupe constitué) : 5 € NOTRE EQUIPE Directeur artistique : Jacques Bioulès Administrateur : Xavier Péquin Chargée de communication : Maud Vincent-Furic Collaboratrice et costumière : Françoise Astruc Directeur technique : Serge Parizet - 37 -