Développement moral: Où vont les Forces canadiennes?
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En plus de se définir par rapport à la vitesse du changement, (développement lent) la
compétence, contrairement aux attitudes, n’est pas quelque chose que l’on peut
facilement falsifier. Les études indiquent que les personnes ne peuvent falsifier leur
score à un test évaluant leur niveau de compétence moral. Cette compétence doit être
apprise à l’aide d’une formation spécifique jumelée avec des exercices appropriés et
pertinents.
En dehors du développement, « l’autonomie morale » ou le « compétence à porter un
jugement moral » est probablement un des termes les plus méconnus de la
psychologie et de l’éducation morale. Certains diront que le terme «compétence
morale» est, en soi, une contradiction parce que, selon la très influente classification
des comportements humains en deux domaines différents proposée par Bloom9, ce
terme appartient à deux catégories qui s’excluent mutuellement. Le mot «moralité»
appartient prétendument au domaine affectif et le mot «compétence» au domaine
cognitif. Cependant, il se pourrait que cette classification des comportements humains
en deux domaines différents soit une erreur. À cet effet, Piaget et Inhelder10 expliquent :
«Lorsqu’on étudie le comportement selon son aspect cognitif, nous sommes
préoccupés par ses structures. Lorsque le comportement est considéré à partir de son
aspect affectif, nous nous préoccupons de son énergétique (ou économique... ).
Considérant l’impossibilité que ces deux aspects très différents puissent se rencontrer
en un seul, ils restent néanmoins inséparables et complémentaires» (p. 21).
Il existe un deuxième malentendu concernant la relation entre l’autonomie morale et les
règles, normes et conventions sociales. Dans les sociétés modernes, l’idée de la
moralité s’est dissociée des autres idées telles que la norme, la loi et la convention et,
nos perceptions de ces notions se sont dissociées. Cependant, cela ne signifie pas,
comme certains semblent croire, que chaque individu invente ses propres valeurs
morales à partir de rien. Cette croyance s’avère erronée. Dans le cas où nous devrions
inventer nos propres valeurs et compétences morales à partir de rien, nous ne
pourrions jamais supporter la complexité de la vie quotidienne, à plus forte raison les
situations militaires complexes.
Les gens qui s’opposent totalement aux normes de notre société ne sont pas
considérés comme autonomes, mais bien comme amoraux. Cela signifie qu’ils
manquent de sensibilité morale et qu’ils ne se soucient ni du bien, ni du mal. Comme le
souligne Piaget et Inhelder11, le développement de l’autonomie signifie qu’un individu
doit assimiler autant une que l’autre et accueillir la connaissance morale externe. En ce
sens, l’autonomie morale individuelle est essentielle au maintien et quelquefois à la
rectification de l’ordre social. Dans une organisation aussi complexe que l’est les
Forces canadiennes, l’ordre ne peut être maintenu que par des individus qui se sont
appropriés ce même ordre et qui ont appris à appliquer, avec compétence, les principes
moraux auxquels adhère l’organisation.