II Triomphe et échec de l’Etat-nation
Les peuples des Balkans sortent meurtris de cette « guerre de sept ans », les économies sont
ruinées et les oppositions communautaires se sont mues en véritable affirmation des identités
nationales devenue agressive. L’Etat-nation reste le modèle, mais la réalité est tout autre, car ce
concept de greffe sur des oppositions inter ethniques aggravées par des tensions sociales ou
religieuses. Les nouveaux Etats-nation restent donc fragiles, oscillant constamment entre
dictature et éclatement.
1) Les gagnants et les perdants du Traité de Versailles
Le découpage des territoires ne s’effectue pas sans tenir compte des peuples (appel à des
experts), mais seulement des « bons » : Serbes, Roumains, Grecs. Le problème est qu’ils se
disputent pour des mêmes territoires : ex du Banat pour les Roumains et les Serbes. Il s’agit en
réalité d’un compromis entre les nationalismes vainqueurs et les intérêts politico-économiques
des Puissances. Le besoin de concrétiser ces projets se fait d’autant plus que pressant que
l’empire austro-hongrois est démembré. Des pays tentent d’appliquer le principe de l’Etat-nation
à l’instar de la Serbie, du Monténégro et de la Bosnie qui se regroupent pour former de fait un
Etat yougoslave. Cependant, les revendications territoriales faites par le chef du parti radical
serbe, Pasic le fait inévitablement entrer en conflit avec tous ses voisins ; les négociations sont
donc difficiles. D’autre part, la Roumanie parvient à annexer la Bucovine autrichienne et la
Bessarabie bolchévique ; si la France, la GB, le Japon et l’Italie l’accepte, il n’en est pas de même
pour les Etats-Unis qui se prononcent contre un démembrement de la Russie sans son
consentement. La région est, une fois de plus, le révélateur du jeu des puissances. Quant à la
Bulgarie, elle subit la volonté des vainqueurs : privée de la mer Egée, elle doit également payer
de lourdes indemnités, un traitement qui nourrit évidemment un irrédentisme agressif. Les
Alliés sont bel et bien parvenus à assurer leur domination dans toute l’Europe, comme le montre
le traité de Lausanne de 1923 : il règle la question des Détroits en permettant la libre circulation
des navires marchands, le passage des navires de guerre en temps de paix et la démilitarisation
du Bosphore et des Dardanelles. Ce point stratégique est désormais passé sous domination
européenne.
2) Des démocraties naissantes qui se transforment rapidement en dictatures
L’ambiguïté fondamentale du règlement de la paix de 1919-20 est qu’il résultait de la volonté (et
des intérêts) des quatre vainqueurs, plus que de celle des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Chaque pays joue une carte différente suivant son intérêt : la GB la Grèce, base essentielle en
Méditerranée et gardienne des Détroits ; l’Italie s’oppose à la Yougoslavie et à la Grèce car elle
est en rivalité avec elles pour le contrôle de l’Adriatique ; la France protège la Yougoslavie et la
Roumanie latine, elle se veut la garante du nouvel ordre balkanique. D’ailleurs, elle propose le
renforcement de sa politique balkanique en signant une alliance militaire avec ces deux pays
dans le cadre de la « Petite Entente » proposée par le Tchèque Benes. L’Italie mussolinienne
développe une politique agressive pour dominer l’Adriatique en encourageant les irrédentismes
hongrois, bulgare et le terrorisme croate. LA crise économique pousse les petits Etats à se
rapprocher, d’autant qu’ils ne peuvent compter sur la solidarité des grandes puissances (ex :
assassinat du roi Alexandre sans commandité par l’Italie, mais pas de réaction de la France qui
ne veut pas pousser le pays vers l’Allemagne du IIIe Reich). Une conférence limite la coopération
française au politique en annulant celle militaire. D’autre part, l’influence d’Hitler se fait de plus
en plus présente : Carol II renvoie son ministre des Affaires étrangères partisan d’une alliance
française et de la SDN, sans doute par la volonté du Führer. L’idée d’une sécurité collective
devient donc illusoire et les Etats balkaniques, bien loin de se diriger eux-mêmes sont en fait un
pion dans le jeu des Puissances pour exercer leur influence.