Bilan d`imagerie des fractures articulaires de l`épaule

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Les fractures articulaires de l’épaule recou-
vrent une grande variété d’entités allant des
fractures de l’extrémité supérieure de l’humé-
rus aux fractures plus rares de la glène ou de
la coracoïde. Une synthèse sur ce sujet de-
mande de développer des problématiques
très différentes qui vont de la luxation de
l’épaule à l’ostéonécrose de la tête humérale
en piochant dans chacune des innombrables
classifications les éléments clés de descrip-
tion. Ces fractures restent un défi chirurgical
en raison des difficultés du traitement. Elles le
sont également pour le radiologue qui doit
donner au chirurgien les éléments indispensa-
bles pour décider de l’indication de la chirur-
gie et pour évaluer les facteurs pronostiques
initiaux de complications. Dans ce cadre,
l’imagerie en coupes, en particulier l’examen
TomoDensitoMétrique (TDM ou scanner) a
maintenant une place de choix.
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Ces lésions sont fréquentes chez le sujet
âgé et ostéoporotique. L’objectif du bilan ra-
diographique est d’obtenir une description
précise des lésions, incluant le nombre de
fragments atteints, leur déplacement et l’an-
gulation des fragments déplacés. En pratique,
la grande majorité des fractures de l’ESH sont
peu ou non déplacées et surviennent lors de
traumatismes minimes.
La littérature abonde de classifications
pour leur description. Plus ces classifications
se complexifient pour gagner en précision,
moins elles deviennent reproductibles. Les
plus utilisées sont celles de Neer, Duparc,
Codman, et la classification A.O. (AO/OTA) :
- La classification de Neer présente plu-
sieurs variantes. Elle dénombre 4 frag-
ments : la diaphyse, la grande tubérosité,
la petite tubérosité, la tête humérale. Ne
sont comptabilisés dans cette classifica-
tion que les fragments présentant un dé-
placement de plus d’1 cm ou une angu-
lation de plus de 45 degrés.
- La classification de Duparc, plus simple
et utilisée par les équipes françaises dis-
tingue les fractures articulaires des extra-
articulaires (détaillée plus bas).
- La classification A.O. divise les fractures
en 3 groupes selon le risque de nécrose
de la tête humérale.
Cas particulier de la fracture articulaire
Quelle que soit la classification utilisée,
toutes distinguent l’entité particulière qu’est
la fracture articulaire. Elle consiste toujours
en une atteinte du col anatomique à risque
d’ostéonécrose de la tête. Son traitement est
complexe et son pronostic toujours incer-
tain. Certaines classifications sont particuliè-
rement bien adaptées à la description de ce
type de lésions, notamment celle de Duparc.
Elle distingue 3 groupes de fractures articu-
laires (fig. 1) :
- La fracture céphalique pure, extrême-
ment rare, consiste en une atteinte isolée
du col anatomique. Son équivalent dans
la classification de Neer est la fracture à
2 fragments du col anatomique et C1,3 de
la classification AO/OTA.
- La fracture céphalo-tubérositaire, la plus
fréquente, associe une fracture du col
anatomique à une fracture des tubérosi-
tés. Elle a pour équivalent les fractures à
3 ou 4 fragments de Neer et certaines
fractures C1 ou C2 de l’AO/OTA selon le
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J. Silvera, V. Vuillemin, C. Mutschler, F. Taillieu,
P. Halimi
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Cours européen de pathologie chirurgicale du membre supérieur et de la main
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degré de déplacement. Duparc identifie
4 types de ces fractures selon le degré
d’impaction et la présence d’une luxa-
tion associée.
- La fracture céphalo-métaphysaire ou
fracture de l’encoche est secondaire à
une luxation traumatique, antérieure ou
postérieure. Il existe dans ce cas une ex-
tension métaphysaire du trait de fracture
ayant comme point de départ l’encoche
de Malgaigne. Le trochiter, et parfois
même le trochin, peuvent être détachés.
Ce type de fracture est à faible risque
d’ostéonécrose céphalique.
Quelques éléments sémiologiques
intéressants à connaître
Il peut exister sur la radiographie standard
ou sur le scanner un niveau liquide/graisse
qui témoigne d’une lipo-hémarthrose et qui
signe la fracture articulaire.
Dans la fracture céphalo-tubérositaire, l’ap-
parition d’un diastasis à la partie supérieure de
l’interligne articulaire, secondaire à la bascule
en valgus de la tête témoigne du caractère ar-
ticulaire et déplacé de la fracture (fig. 2).
La distinction est parfois difficile entre une
fracture extra-articulaire cervico-trochitérien-
ne (fracture de Kocher associant un trait sous-
tubérositaire haut et une atteinte trochitérien-
ne) d’une fracture céphalo-tubérositaire. Cette
distinction basée sur la topographie exacte du
trait de fracture est pourtant fondamentale, la
fracture de Kocher ne présentant pas de risque
accru d’ostéonécrose.
La présence d’une image en doubles
contours de la tête humérale signe une lésion
articulaire avec refend céphalique responsa-
ble d’un décalage de la corticale en marche
d’escalier. Cette lésion doit être impérative-
ment reconnue et décrite car elle présente un
risque arthrogène majeur (fig. 3).
 Schéma, d’après Duparc, des fractures articulaires de l’extrémité supérieur de l’humérus, avec 4 types
de fractures céphalo-tubérositaires. Type 1 : engrenée ; type 2 : engrenée avec fragment céphalique déplacé ;
type 3 : désengrenée ; type 4 : fracture-luxation (engrenée ou désengrenée).
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Bilan d’imagerie des fractures articulaires de l’épaule
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 Fracture céphalo-tubérositaire. Diastasis articulaire de la partie supérieure de l’interligne glé-
no-huméral (flèche) par bascule de la tête, témoignant du caractère intra-articulaire de la fracture.
 Image en double contours de la tête humérale (flèche grise). Secondaire à un refend céphalique
responsable d’un décalage de la corticale en marche d’escalier de plus de 2 mm (flèche blanche).
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Cours européen de pathologie chirurgicale du membre supérieur et de la main
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Les fractures de la scapula sont rares et ne
représentent que 3 à 5 % des fractures de
l’épaule. Elles surviennent généralement lors
de traumatismes violents, chez des patients
polytraumatisés et s’accompagnent fréquem-
ment de lésions des parties molles (nerveuses,
vasculaires, pulmonaires).
Pour certains, le concept de fracture “arti-
culaire” de la scapula est différent de celui
des fractures de l’ESH. Il ne s’agit pas unique-
ment des fractures à “composante articulaire”
mais de l’ensemble des fractures susceptibles
d’altérer l’architecture de la glène ou de com-
promettre la biomécanique de la voûte acro-
mio-coracoïdienne.
Elles peuvent intéresser la cavité glénoïda-
le, le col anatomique ou chirurgical (la plus
fréquente) de la scapula, la coracoïde ou
l’acromion dans leur portion basale. La plu-
part requièrent un traitement chirurgical.
La conception la plus classique et retrou-
vée dans la plupart des classifications (AO/
OTA et Ideberg) intègre dans les fractures arti-
culaires, les fractures de la cavité glénoïdale
et certaines fractures du col.
En cas de suspicion clinique de fracture de
la scapula, un scanner est indispensable pour
analyser les traits de fracture et rechercher no-
tamment les fractures occultes de la cavité glé-
noïdale à risque arthrosique majeur (fig. 4).
Les classifications internationales sont
nombreuses :
- La classification des fractures de la cavité
glénoïdale en 5 stades d’Ideberg est la
plus utilisée.
 Fracture de la glène étendue à l’écaille (flèche blanche) avec marche d’escalier articulaire de 4 mm
(flèche noire). Cette lésion est classée (F) articulaire, 2 (de la glène et multifragmentaire) dans la classification
AO. Elle intéresse la portion postérieure et “sous équatoriale” de la glène.
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Bilan d’imagerie des fractures articulaires de l’épaule
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- La classification AO/OTA est intéressante
et détaillée concernant les fractures arti-
culaires, récemment actualisée. Elle offre
une description détaillée non seulement
de la localisation et de l’orientation du
trait de fracture, mais aussi de sa position
exacte dans la cavité glénoïdale, sché-
matiquement divisée en 4 quadrants.
Cette donnée est intéressante puisqu’elle
oriente vers une voie d’abord antérieure
ou postérieure [1].
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Il est dans tous les cas indispensable. Il doit
toujours comprendre une face et un profil, qui
posent le diagnostic et orientent d’emblée le
traitement. Les conditions de réalisation des
clichés aux urgences sont souvent difficiles
mais les critères de qualité doivent être res-
pectés pour ne pas méconnaître des lésions,
en particulier une luxation associée. La
concordance intra- et inter-observateur de la
classification des fractures est mauvaise quel-
le que soit la classification utilisée. Les raisons
sont multiples (difficulté des mesures de dé-
placement et d’angle, mauvaise visualisation
des fragments fracturés). Elle s’améliore toute-
fois avec l’expérience du lecteur [2].
Radiographie “classique” de face de
l’épaule
C’est un cliché de face antéro-postérieur
en double obliquité, ce qui signifie une rota-
tion du tronc de 45° vers le côté examiné et
une inclinaison du rayon de 25° vers le bas.
Ceci assure la tangence à la glène, permettant
de dépister une luxation, en particulier posté-
rieure, et de dégager l’espace sous-acromial.
Les clichés en rotation interne et externe, s’ils
peuvent être réalisés, permettent une meilleu-
re analyse des tubérosités.
Un cliché de face vraie en décubitus, ou
incidence de Railhac, peut s’avérer très infor-
matif et est très simple à réaliser en cas d’im-
potence fonctionnelle. Le patient est en décu-
bitus dorsal et le rayon vertical. Cette
incidence expose parfaitement la moitié laté-
rale de la clavicule, l’articulation acromio-
claviculaire, la scapula et le gril costal supéro-
latéral. Mais elle ne dégage pas l’interligne
glénohuméral (fig. 5).
Radiographie de profil de l’épaule
Le cliché de profil le plus simple à réaliser
en cas d’impotence fonctionnelle est le profil
de Lamy. Il permet également l’étude de
l’omoplate, en particulier de la coracoïde. Le
profil axillaire ne peut être proposé qu’après
avoir éliminé une fracture complexe sur le cli-
ché de face. Il peut être réalisé avec une faible
abduction en positionnant la cassette sur le
moignon de l’épaule et avec un rayon ascen-
dant. Il étudie la coracoïde, la morphologie
de l’acromion et la glène.
Autres incidences utiles en complément
L’incidence de Garth est particulièrement
utile en cas de luxation. Elle s’effectue en po-
sition assise ou debout, main posée sur
l’épaule controlatérale, bras en rotation mé-
diale. Le rayon directeur est incliné de 45° en
cranio-caudale. Elle montre 90 % des lésions
de Malgaigne et des lésions du rebord antéro-
inférieur de la glène.
Un profil d’urgence, patient penc en
avant en oblique antérieur, inclinaison podo-
craniale du rayon de 30 à 40° peut être réalisé
en cas de patient non mobilisable. Ce cliché
est utile pour évaluer le centrage de la tête,
rechercher les atteintes de la partie postéro-
latérale de la tête ou du bord antéro-inferieure
de la glène.
En cas de suspicion de fracture de la cora-
coïde, le bilan radiographique est souvent pris
en défaut. Les incidences les plus sensibles
sont le profil axillaire et une incidence de face
avec inclinaison céphalique de 45 degrés.
Les profils glénoïdiens ne sont pas réalisés
en urgence mais font partie du bilan à dis-
tance d’une luxation. Ils étudient le rebord
glénoïdien.
L’anatomie complexe de la scapula rend le
bilan radiographique simple souvent peu
contributif. On effectue des clichés centrés
sur l’omoplate de face et de profil strict.
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