Un accompagnement personnalisé par un diététicien permet de prévenir la perte de poids des personnes institutionnalisées et atteintes de démence La perte de poids chez les résidents de longs séjours médicalisés est un facteur de risque important de mortalité. Elle est souvent associée à une durée d’hospitalisation plus longue, la survenue d’infections et une forte probabilité de chute. Cette perte de poids est particulièrement fréquente chez les patients atteints de démences, surtout dans les phases terminales de l’évolution de la maladie lorsqu’ils reconnaissent difficilement la nourriture qui leur est proposée ou lorsque leurs fonctions masticatoires sont altérées. Dans d’autres cas, une diminution du poids peut aussi être un des signes initiaux de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer cette perte de poids. Il est possible que des atteintes neuronales ou périphériques affectent les mécanismes de régulation de la masse corporelle. Le patient n’est alors plus capable d’ajuster ses apports nutritionnels à ses dépenses énergétiques. Le métabolisme de base peut aussi se modifier avec l’âge ou lors d’une démence, notamment par l’augmentation relative de la masse maigre par rapport à la masse grasse. Un hypercatabolisme n’est pas à exclure dans certains cas. Enfin, la difficulté de s’alimenter peut à elle seule être responsable d’une dénutrition protéino-energétique lorsque les apports ne couvrent plus les besoins. Dans le cas de démences, il est fort probable que plusieurs de ces mécanismes soient impliqués dont l’intensité peut varier selon le stade d’évolution de la maladie. Face à cette situation à risque, il est important d’avoir à sa disposition des stratégies d’intervention capables de prévenir une telle perte de poids, voire de faire récupérer du poids au patient lorsque c’est possible. Cela peut passer par une attention toute particulière des personnels soignants. Il s’agit en particulier de bien contrôler les apports alimentaires en terme énergétique, de proposer des aliments sous une forme facile à absorber et plus généralement de créer un environnement qui encourage le patient à prendre l’intégralité de ses repas. Plusieurs essais ont déjà été faits dans ce sens, sans que les résultats obtenus ne soient toujours concluants, faute souvent de comparaison avec un groupe témoin, faute également de la courte durée de l’intervention ou de l’interférence avec des comorbidités. L’objectif de cette étude réalisée par une équipe canadienne était de définir des pratiques permettant de maintenir ou d’augmenter le poids corporel de patients atteints de démence et qui résidaient dans des structures médicalisées. Deux centres de soins ont été sélectionnés. Il s’agissait d’établissements comparables d’environ 300 lits organisés en unités de 25 à 30 résidents. Dans un établissement, les patients ne changeaient pas leurs habitudes alimentaires alors que dans l’autre un protocole d’intervention était mis en place. La durée totale de l’étude était de 30 mois. Une période d’observation de 9 mois était programmée après la période de recrutement. Pendant les 9 mois suivant, dans un des deux établissements une équipe de diététiciennes spécialement formée a veillé à l’accompagnement des repas et à la constitution de nouveaux menus personnalisés. Dans les 12 derniers mois, l’équipe de diététiciennes est revenue à ses habitudes de travail antérieures, alors que les nouveaux menus élaborés ont été maintenus. Le poids des participants a été mesuré tous les mois et le nombre de décès, d’infections, d’hospitalisations en aiguë et de chutes était répertorié tous les 3 mois. Chaque diététicienne avait pour mission de suivre individuellement les résidents en passant autant de temps que nécessaire pour accompagner leurs repas et définir un régime personnel qui leur convienne le mieux en terme de besoins nutritionnels et de compliance. Au total, 33 personnes ont été suivies de cette façon, contre 49 dans le groupe témoin. Dans le groupe avec intervention, 27% des participants ont vu leur poids corporel augmenter de 5% ou plus, alors que ce gain ne concernait que 7% des résidents en l’absence de suivi. Cet effet positif se maintenait après la période d’intervention directe lorsque les nouveaux menus continuaient à être proposés. Par ailleurs, seul 6% des personnes de l’établissement expérimental ont perdu 5% ou plus de leur poids corporel contre 36% dans l’établissement témoin. En moyenne, les participants suivis par des diététiciennes ont vu augmenter leur poids corporel de 4,8±0,7% contre une perte moyenne de - 4,5±0,9 % en l’absence d’intervention. Les investigateurs n’ont toutefois pas pu mettre en évidence de différence significative entre le nombre de décès, de chutes, d’hospitalisations ou d’infections dans les deux groupes, probablement à cause de la petite taille des échantillons et du faible nombre d’événements. L’intérêt majeur de cette étude est de montrer que la perte de poids chez les personnes en institution atteintes de démence n’est pas inéluctable sous réserve de leur accorder une attention suffisante et personnalisée en terme de diététique. Cette démarche devra certainement être prolongée par des travaux complémentaires qui permettront de mieux définir le temps optimal à passer avec chaque patient, le type de menu à offrir selon les pathologies et leur évolution, ou la nature des compléments alimentaires à proposer. B. Corman Successful Aging Database Groupe traité Groupe témoin Age en années 79,7 79,8 Hommes, en % 39,4 36,7 Femmes, en % 60,6 63,3 Diagnostics de dépression en % 30,3 34,7 Prescriptions d’antidépresseur en % 48,5 40,8 MMSE 9,0 8,3 Index de Barthel 47,4 42,2 Keller HH, Gibbs AJ, Boudreau LD, Goy RE, Pattillo MS, Brown HM. Prevention of weight loss in dementia with comprehensive nutritional treatment. J Am Geriatr Soc. 2003, 51:945-52. ©2003 Successful Aging SA Af 152-2003