Un kyste thyréoglosse de la base de langue

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Un kyste thyréoglosse de la base de langue
● Dr N. Guerin*
OBSERVATION
Il s’agit d’un jeune homme de 17 ans, consultant pour une
manifestation fonctionnelle de bruit rauque respiratoire de type
cornage associée à un ronflement nocturne sans dyspnée véritable.
Dans les antécédents personnels, on retrouve la notion d’une
tuméfaction sous-mentale dans la petite enfance ayant persisté
plusieurs années avant une disparition spontanée.
L’examen ORL avec naso-fibroscopie retrouve une tuméfaction au niveau de la base de langue, arrondie, ferme, régulière,
réalisant une voussure recouverte de muqueuse normale. La
palpation cervicale est normale. La scintigraphie thyroïdienne
montre une glande thyroïde en situation normale, sans foyer
fixant au niveau de la région buccale et cervicale haute.
L’examen TDM, après injection de produit de contraste,
confirme la présence d’un syndrome de masse médian situé au
niveau de la base de langue, venant au contact de l’os hyoïde,
et présentant des contours polylobés, une densité liquidienne et
une capsule. Le diamètre antéro-postérieur est de 28 mm, avec
un diamètre transverse de 19 mm.
L’examen IRM pratiqué en séquences pondérées en T1 et T2
dans les trois plans de l’espace avant et après injection de
gadolinium met en évidence une formation ovalaire kystique
située au niveau de la base de langue, refoulant l’épiglotte en
arrière, et présentant un caractère liquidien sans prise de
contraste pathologique, avec un prolongement antérieur vers
l’os hyoïde (figure 1).
Le diagnostic retenu est celui d’un kyste du tractus thyréoglosse de la base de langue.
kyste, quelques îlots de glandes salivaires accessoires et de
fibres musculaires striées sont observés. Au voisinage de l’os
hyoïde, la cavité kystique est retrouvée, bordée par un épithélium cylindrique pseudo-stratifié cilié (figure 3).
Figure 1. IRM (coupe sagittale) : aspect nettement hyperintense, de type
liquidien, de la masse basilinguale et de son prolongement antérieur, en
pondération T2.
La cervicotomie exploratrice par voie cervicale antérieure
sous-hyoïdienne retrouve une lésion kystique dont la face antérieure est rattachée à la face postérieure de l’os hyoïde par un
prolongement de 2 mm de diamètre. La dissection du kyste au
ras de sa capsule, après résection du corps de l’os hyoïde, permet l’ablation complète sans rupture du kyste. Celui-ci mesure
4 cm et présente une forme ovoïde, avec deux petits prolongements latéraux (figure 2).
L’analyse anatomopathologique a montré une cavité kystique
bordée par une paroi fibreuse richement vascularisée et contenant une sérosité hématique légèrement éosinophile ponctuée
d’éléments inflammatoires et d’histiocytes. En périphérie du
*Service ORL, Hôpital Robert-Boulin, 33500 Libourne.
Figure 2. Kyste thyréoglosse de la base de langue, aspect peropératoire.
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998
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bourgeons
latéro-linguaux
tuberculum impar
foramen cœcum
copula
furcula
Figure 3. Kyste du tractus thyréoglosse (K) dans son trajet juxtahyoïdien (H).
RAPPEL EMBRYOLOGIQUE
Le champ mésobranchial est la partie de l’intestin pharyngien
comprise entre les extrémités ventrales des arcs branchiaux qui
va former la langue, le corps thyroïde et l’épiglotte. La langue
apparaît à la quatrième semaine de la vie embryonnaire sous la
forme de deux renflements latéraux et d’un renflement médian,
le tuberculum impar, dans la région à hauteur du premier arc. Peu
après, un deuxième renflement médian apparaît : la copula, bourgeon du troisième arc, entre le tuberculum impar et l’éminence
hypobranchiale ; la copula évoluera vers la formation de la base
de langue. Enfin, un troisième renflement médian, constitué par
la partie postérieure du quatrième arc, marque le développement
de l’épiglotte. Par la suite, le mésoblaste prolifère, les deux
ébauches latérales et le tuberculum impar fusionnent pour former
le deux tiers antérieurs de la langue. Le tiers postérieur, ou base
de langue, se forme à partir de la copula, située au-dessus de
l’éminence hypobranchiale qui donnera l’épiglotte (figure 4).
Le corps thyroïde apparaît à la troisième semaine de la vie
embryonnaire sous forme d’une prolifération épithéliale au
niveau du plancher de l’intestin, en un point appelé le foramen
cæcum, à la pointe du V lingual. L’ébauche thyroïdienne se
creuse pour former un canal qui pénètre dans le mésoblaste
sous-jacent et migre en avant de l’intestin pharyngien. Ce
canal thyréoglosse passe en arrière du premier arc et en avant
de l’os hyoïde, de la membrane thyro-hyoïdienne et du cartilage
thyroïde. La glande thyroïde prend sa position définitive en
deux lobes latéro-trachéaux à la fin de la septième semaine.
Normalement, ce tractus se résorbe et disparaît complètement,
ne laissant que deux vestiges : la pyramide de Lalouette et une
fossette vestigiale sur la langue, le foramen cæcum. La croissance de l’os hyoïde s’effectuant après celle du tractus, une
adhérence peut exister entre celui-ci et la face inférieure et
profonde du tractus. Le tractus précroise l’os hyoïde, puis
s’enroule autour de son corps pour décrire une boucle serrée
sur la face postérieure avant de s’en éloigner vers le bas. À ce
niveau, il adhère très fortement au périoste. Le défaut de
résorption du TTG est à l’origine de kystes malphigiens ou
glandulaires, parfois accompagnés d’îlots thyroïdiens accessoires. Le kyste du TTG peut se situer sur tout le trajet du tractus, de la base de langue à la pyramide de Lalouette, mais le
plus souvent en position pré-hyoïdienne (figure 5).
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amygdale palatine
Figure 4. Champ méso-branchial et formation de la langue.
foramen cœcum
os hyoïde
cartilage thyroïde
tractus thyréoglosse
glande thyroïde
Figure 5. Schéma illustrant le trajet du tractus thyréoglosse et son rapport avec l’os hyoïde.
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998
LES KYSTES DU TRACTUS THYRÉOGLOSSE BASILINGUAL
cervico-faciales par défaut d’accolement des arcs branchiaux,
et leur formation est due à une inclusion ou à une non-résorption d’éléments épidermiques.
Ce sont des malformations exceptionnelles. Une étude de la
littérature en 1982 a permis de retrouver 1 284 cas de kystes
du TTG décrits et 380 cas pour lesquels la localisation exacte
du kyste est rapportée : 2,1 % sont de siège intralingual (soit
7 cas décrits antérieurs à 1949 et une localisation en profondeur au niveau du V lingual décrite en 1971).
Plus récemment, ont été décrits :
– un kyste lingual du TTG opéré et mesurant 4,5 cm chez une
petite fille de 7 ans (1972)
– un kyste lingual communiquant par un canal avec la cavité
oropharyngée au niveau du foramen cæcum chez un enfant de
11 ans : le kyste a été découvert lors d’un épisode de surinfection qui a régressé sous antibiotiques et a ensuite été mis en
évidence par une fistulographie (1981).
Dans le diagnostic différentiel, on éliminera les kystes dermoïdes congénitaux médians, tout à fait rares, de topographie
variée : sus-hyoïdiens, surtout au niveau du plancher buccal,
ou adhyoïdiens, juste en avant de l’os hyoïde mais indépendants du corps de l’os hyoïde ; ils font partie des dysraphies
Le kyste thyréoglosse intralingual reste donc une pathologie
exceptionnelle, ce qui contraste avec les conclusions d’études
histologiques de la langue (184 dissections), où l’on retrouve
des restes de tractus étendus dans la langue sur plus de 3 mm
dans 46 % des cas et un tractus étendu à toute la base de
langue depuis la muqueuse de la face dorsale dans 4 % des cas.
CONCLUSION
À la lumière de l’étude de ce cas clinique, on peut recommander, dans le traitement chirurgical des kystes du tractus thyréoglosse, le respect de la technique décrite par Sistrunk en 1920.
Celle-ci consiste en la résection systématique du corps de l’os
hyoïde et l’exérèse du tractus basilingual, avec ablation d’un
cône musculaire en remontant dans la base de langue vers le
foramen cæcum pour éviter toute récidive ultérieure, cervicale
ou linguale.
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À découper ou à photocopier
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A
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N
N
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