
Mise au point
Mise au point
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La Lettre du Neurologue - Vol. X - n°7 - septembre 2006
chez le sujet âgé. Ainsi, près de 20 % des patients traités par la
nortriptyline après un infarctus du myocarde développent des
effets indésirables cardiaques, et une augmentation du risque
d’accidents cardiaques mortels a été rapportée avec des doses
de tricycliques supérieures à 100 mg/j.
Les inhibiteurs de recapture sélectifs de la sérotonine et de la
noradrénaline (ISRNA) constituent désormais une alternative
aux tricycliques et présentent une meilleure sécurité d’emploi
avec des risques cardio-vasculaires négligeables. Plusieurs études
contrôlées réalisées dans les polyneuropathies douloureuses ont
confirmé l’efficacité de la venlafaxine (Effexor
®
) [150-225 mg/j]
et de la duloxétine (Cymbalta
®
) [60-120 mg/j], non encore dis-
ponible (AMM “douleur neuropathique du diabète”). L’efficacité
de ces molécules semble inférieure à celle des tricycliques d’après
les méta-analyses (8, 9), mais il n’existe pas d’études comparatives
directes sur des échantillons suffisants. Les effets indésirables
essentiels concernent une somnolence, des troubles gastro-intes-
tinaux, une sécheresse de la bouche, mais la venlafaxine peut à
fortes doses (300 mg/j) provoquer des poussées tensionnelles et
il est conseillé de surveiller la tension artérielle pour des doses
supérieures à 200 mg/j.
Antiépileptiques
La plupart des antiépileptiques ont des effets bloqueurs des
canaux sodiques, qui jouent un rôle dans la genèse des acti-
vités ectopiques. D’autres agissent préférentiellement sur les
canaux calciques (gabapentine, prégabaline) ou sur l’inhibi-
tion GABAergique (valproate de sodium). Ces traitements ont
une bonne efficacité sur la douleur continue (brûlure), et pas
seulement sur les paroxysmes, contrairement à une idée répan-
due de longue date, mais leur efficacité sur l’allodynie n’est pas
clairement établie.
La carbamazépine (Tégrétol
®
) est le seul antiépileptique à possé-
der une AMM dans le traitement de la douleur neuropathique.
Cependant, son efficacité est relativement peu étayée, en dehors
de la névralgie faciale. Du fait de ses effets indésirables, du risque
d’interaction médicamenteuse et de la nécessité de surveillance
biologique, son utilisation tend actuellement à se restreindre
à la névralgie faciale. Il en est de même pour la phénytoïne,
qui n’est quasiment plus utilisée à ce jour. Il est possible que
l’efficacité remarquable de la carbamazépine dans la névralgie
faciale compense sa tolérance médiocre et augmente ainsi son
acceptabilité dans cette indication.
L’oxcarbazépine (Trileptal
®
) est un kéto-analogue de la carba-
mazépine non inducteur enzymatique. L’oxcarbazépine est plus
facile à manier que la carbamazépine, mais induit autant de
risque d’hyponatrémie et il n’est pas établi que cette molécule
présente moins d’effets indésirables centraux. Son efficacité sur
les douleurs neuropathiques autres que la névralgie faciale, pour
lesquelles ce produit semble avoir une efficacité comparable à la
carbamazépine, est encore assez peu documentée et controver-
sée. Ainsi, une étude a mis en évidence une efficacité modeste de
ce traitement (900-1800 mg/j) dans les douleurs neuropathiques
du diabète, mais les résultats d’autres études publiées sous forme
d’abstract sont négatifs dans cette indication.
La lamotrigine (Lamictal
®
) [200-400 mg/j] a prouvé son efficacité
dans les neuropathies douloureuses du diabète et les douleurs de
l’accident vasculaire cérébral (AVC), à un moindre degré dans la
névralgie essentielle du trijumeau (dans une étude présentant de
nombreux biais). Un certain bénéfice de ce traitement a aussi été
rapporté sur les douleurs neuropathiques du sida, mais limité,
semble-t-il, aux patients souffrant d’une neuropathie toxique. Si
ce produit est généralement bien toléré, il présente des risques
rares, mais potentiellement très graves de complications cutanées
(syndrome de Lyell, épidermolyse), notamment en cas de titrage
rapide et d’association avec le valproate de sodium. Les recom-
mandations officielles incitent donc à une très grande prudence
dans son utilisation, ce d’autant que ce produit n’a pas d’indication
officielle en dehors de l’épilepsie.
L’efficacité du topiramate (Epitomax
®
) n’a été étudiée que dans
les neuropathies douloureuses du diabète, avec des résultats
plutôt négatifs dans l’ensemble, une seule étude sur 4 étant très
faiblement positive.
La gabapentine (Neurontin
®
) [AMM “douleur postzostérienne”]
et la prégabaline (Lyrica
®
), bientôt disponible (AMM “douleurs
neuropathiques périphériques”), de structure et de mécanismes
d’action similaires, ont fait la preuve de leur efficacité sur la
base de larges études multicentriques dans les douleurs post-
zostériennes et la douleur neuropathique du diabète avec en
outre des effets bénéfiques sur le sommeil et la qualité de vie.
Leur efficacité a également été rapportée sur les douleurs du
syndrome de Guillain-Barré, du membre fantôme et sur les
douleurs neuropathiques du cancer (gabapentine) ainsi que
les douleurs d’origine médullaire (gabapentine, prégabaline).
En l’absence d’études comparatives directes, il est impossible
de savoir si la prégabaline est supérieure à la gabapentine ou
aux tricycliques. Les doses efficaces de gabapentine varient de
1200 à 3 600 mg/j (dose moyenne de 1800 mg) et celles de la
prégabaline de 150 à 600 mg/j, avec une efficacité dose-réponse
pour ce dernier traitement. Leurs effets indésirables surviennent
essentiellement au cours du titrage et comportent une somno-
lence, une impression vertigineuse, une asthénie, mais une prise
de poids est possible au long cours. Notons que si la prégabaline
est assez bien tolérée à des doses modérées, le risque d’arrêt
thérapeutique pour effets indésirables augmente nettement à la
dose de 600 mg/j (jusqu’à 20 % dans certaines études).
Le clonazépam (Rivotril
®
) reste l’un des antiépileptiques les plus
prescrits dans les douleurs neuropathiques en France, ce qui
tient vraisemblablement pour une large part à ses propriétés
hypnotiques et anxiolytiques. En effet, bien que son efficacité
sur les douleurs paroxystiques ait été suggérée de longue date,
ce produit n’a fait l’objet d’aucune étude contrôlée permettant
de vérifier son intérêt dans le traitement des douleurs neu-
ropathiques. En outre, même à des doses faibles, il n’est pas
exempt d’effets indésirables (sédation diurne, troubles mnésiques
et attentionnels), notamment chez le sujet âgé, et il présente,
comme toutes les benzodiazépines, un risque de dépendance
au long cours.
Parmi les antiépileptiques en développement clinique avancé, on
peut citer la lancosamide, bloqueur des canaux potassiques, dont
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