Les troubles du comportement dans la variante frontale de la DFT

Journal Identification = NRP Article Identification = 0261 Date: July 20, 2013 Time: 9:59 am
doi: 10.1684/nrp.2013.0261
REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
119
Article de synthèse
Rev Neuropsychol
2013 ; 5 (2) : 119-28 Les troubles du comportement
dans la variante frontale de la DFT :
comment les explorer ?
Behavioral troubles in bv-FTD:
how to explore them?
Claire Boutoleau-Bretonnière1,2,
Martine Vercelletto1,
Catherine Thomas-Antérion2,3
1CHU de Nantes - Plein-Ciel,
hôpital Laennec,
centre mémoire, ressources et recherche,
75, rue Bataille,
69008 Lyon,
France
<claire.boutoleaubretonniere@chu-
nantes.fr>
2Université Lyon 2,
laboratoire EMC,
EA 3082,
15, avenue Pierre-Mendès-France,
69500 Bron,
France
3Plein Ciel, 75, rue Bataille, 69008 Lyon
Pour citer cet article : Boutoleau-Bretonnière
C, Vercelletto M, Thomas-Antérion C. Les
troubles du comportement dans la variante
frontale de la DFT : comment les explorer ?
Rev Neuropsychol 2013 ; 5 (2) : 119-28
doi:10.1684/nrp.2013.0261
Résumé Les symptômes psychocomportementaux sont au premier
plan dans la variante frontale de la dégénérescence fronto-
temporale (vf-DFT) et ont des conséquences spécifiques sur la prise en charge et le pronostic
fonctionnel des patients. En 2011, une actualisation des critères de la vf-DFT a été propo-
sée par un consortium d’experts mettant l’accent sur cinq symptômes comportementaux : la
désinhibition comportementale, l’apathie et l’inertie, la perte de l’empathie, les conduites
persévératives, et enfin les troubles du comportement alimentaire. Les échelles permettant
d’évaluer les troubles du comportement sont nombreuses. L’échelle de dyscomportement
frontal (EDF) est surtout intéressante pour le diagnostic en pratique clinique, mais peu pour
le suivi. L’inventaire neuropsychiatrique (NPI), développé dans la maladie d’Alzheimer, s’il
reste très utilisé, est finalement peu adapté à la vf-DFT, notamment pour le suivi prospec-
tif. Le Frontal Behavioral Inventory (FBI) semble l’échelle la plus appropriée pour le suivi
prospectif des pathologies frontales. Enfin, des échelles moins connues en France combinent
l’évaluation du comportement et de l’autonomie. Notamment, la Clinical Dementia Rating
Scale (CDR) à laquelle on ajoute un domaine «langage »et un domaine «comportement »
(CDR frontale) pourrait être sensible aux changements lors de l’évolution.
Mots clés : démence frontotemporale ·troubles du comportement ·évaluation comportementale
Abstract Psychobehavioral disorders are core features of demen-
tia. They have consequences on patients’ treatments and
outcome. They are particularly frequent for frontal (or behavioral) variant of frontotem-
poral dementia (fv-FTD). In 2011, an update of fv-FTD criteria was proposed by experts
focusing on five behavioral symptoms: disinhibition, apathy and inertia, loss of empathy,
perseverative behaviors, and finally eating disorders. Scales to assess behavioral problems
are numerous. Thus, the Frontotemporal Behavioral Rating Scale is helpful for diagnosis in
clinical practice but cannot be used for monitoring. The Neuropsychiatric Inventory is still
widely used, but does not address this specific FTD population, particularly for prospec-
tive monitoring. The Frontal Behavioral Inventory (FBI) is useful to discriminate bv-FTD
from other dementias. Less known scales combine behavioral assessment and autonomy.
Frontal Clinical Dementia Rating Scale (FTD-CDR) seems promising because it adds to
the classic CDR a language field and a behavioral field.
Key words: frontotemporal dementia ·behavioral symptoms ·symptom assessment
Correspondance :
C. Boutoleau-Bretonnière
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NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
120
Article de synthèse
Les symptômes comportementaux
et psychologiques des démences (SCPD)
Lorsque l’on évoque le diagnostic de «démence »,
on fait généralement référence à un déclin des fonctions
cognitives. Les troubles psychocomportementaux font pour-
tant partie intégrante de la démence. Ils surviennent à un
stade variable de la maladie d’Alzheimer (MA) et sont,
par définition, révélateurs d’autres maladies comme la
variante frontale de la dégénérescence frontotemporale (vf-
DFT).
Les troubles psychocomportementaux, encore appelés
SCPD, sont définis comme des symptômes de distorsions
de la perception, du contenu de la pensée, de l’humeur ou
du comportement fréquemment observés chez les patients
présentant des troubles cognitifs (conférence de consensus
de l’International Psychogeriatric Association [IPA]) [1]. Ce
ne sont pas des symptômes annexes des troubles cognitifs,
mais des manifestations propres ayant des conséquences
spécifiques sur la prise en charge et le pronostic fonctionnel.
Ils ont été classés selon le type d’expression et regroupés en
sous-groupes syndromiques : troubles affectifs et émotion-
nels, troubles psychotiques, troubles du comportement et
troubles des fonctions élémentaires.
Dans les pathologies frontales et particulièrement dans
la vf-DFT, les SCPD sont au premier plan. Le concept
de «syndrome frontal », décrit par Luria avec des symp-
tômes de type impulsivité, persévérations, grasping, etc.,
a évolué ces dernières années vers celui de «trouble
dysexécutif comportemental »[2]. D’une part, différents
auteurs ont souligné que les lésions anatomiques en lien
avec ce tableau clinique dépassaient largement le lobe
frontal [3]. D’autre part, cela permet de souligner que
dans les mêmes régions sont organisés des processus de
contrôle qui désorganisés peuvent induire soit un trouble
cognitif, soit un trouble comportemental, soit les deux
[4].
La variante frontale de la dégénérescence
frontotemporale
La dégénérescence frontotemporale (DFT) est une mala-
die dégénérative caractérisée par l’apparition progressive
de troubles du comportement précoces et prédominants
et à un degré moindre ou plus tardivement de la cogni-
tion. C’est la première cause de démence du présénium
(survenue avant 65 ans). Décrite il y a plus de 120 ans par
Arnold Pick, après des années de littérature parfois confuse,
alors que les signes cliniques étaient bien connus, il a fallu
attendre la conférence de consensus de 1994 qui avait réuni
les équipes de Lund et de Manchester [5] pour que le
terme de démence frontotemporale soit retenu de manière
consensuelle. En 1998, le terme de dégénérescence lobaire
frontotemporale (DLFT) a été proposé lors d’une conférence
de consensus nord américaine par Neary et al. [6]. Trois
entités syndromiques, différentes en fonction du siège pré-
dominant du processus lésionnel (atteinte à prédominance
frontale et/ou temporale symétrique ou non) répondent à
des critères diagnostiques communs dont la sensibilité est
de 85 % et la spécificité de 95 %. La variante comporte-
mentale ou frontale de DFT (vf-DFT) est la plus fréquente
(trois quart des cas) suivie des deux variantes linguistiques
ou temporales (vt-DFT) (aphasie progressive non fluente et
démence sémantique).
En 2011, une actualisation des critères de la vf-DFT
est proposée par Rascovsky et al. (tableau 1). Un consor-
tium d’experts internationaux a étudié rétrospectivement
les données concernant 137 observations de patients pré-
sentant une vf-DFT confirmée anatomopathologiquement
[7].
Tableau 1. Critères de la variante frontale de la dégénéres-
cence frontotemporale (vf-DFT).
vf-DFT possible
Trois des symptômes suivants doivent être présents
A. Désinhibition comportementale précoce
B. Apathie ou inertie précoce
C. Perte précoce d’empathie ou de sympathie
D. Comportements ritualisés, persévératifs,
stéréotypés précoces
E. Hyperoralité et changements alimentaires
F. Neuropsychologie : troubles des fonctions
exécutives, relative conservation de la mémoire
épisodique et des fonctions visuospatiales
Vf-DFT probable
Tous les signes suivants doivent être présents
A. Critères de DFT possible
B. Déclin fonctionnel significatif, rapporté par
l’aidant ou mis en évidence par la CDR ou autre
C. Imagerie compatible avec une vf-DFT
Vf-DFT certaine
Le critère A doit être présent et associéàBouC
A. Critère de la vf-DFT probable ou possible
B. Confirmation anatomopathologique de DLFT par
biopsie ou à l’autopsie
C. Présence d’une mutation génétique causale
Exclusion
Pathologie neurologique non dégénérative ou autre
Maladie psychiatrique
Biomarqueurs en faveur de la maladie d’Alzheimer
DFT : dégénérescence frontotemporale ; CDR : Clinical Dementia
Rating Scale ; DLFT : dégénérescence lobaire frontotemporale.
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Article de synthèse
La variante frontale de la dégénérescence
frontotemporale et les symptômes
comportementaux et psychologiques des démences
Cette actualisation des critères de Neary et al. [6] per-
met de mettre l’accent sur la survenue précoce de troubles
comportementaux prioritaires pour poser un diagnostic :
la désinhibition comportementale (perte des convenances
sociales, non-respect des règles de conduite automo-
bile, dépenses inconsidérées, désinhibition sexuelle...),
l’apathie et l’inertie (perte d’initiative, perte d’intérêt
social...), la perte de l’empathie ou de la sympathie (émous-
sement affectif, indifférence...), les persévérations, les idées
fixes, les comportements stéréotypés (tics, collectionnisme,
bruxisme...) et, enfin, les troubles du comportement ali-
mentaire (préférence nouvelle pour les sucreries, boulimie,
gloutonnerie). L’association de trois de ces symptômes (ou
deux symptômes et un syndrome dysexécutif) est nécessaire
au diagnostic de vf-DFT possible.
Tous les patients atteints de vf-DFT présenteraient des
troubles du comportement et des troubles affectifs et émo-
tionnels au moment du diagnostic [8] où, en tout cas, les
symptômes comportementaux sont à l’avant-scène de la
maladie, les troubles cognitifs pouvant être alors modé-
rés, voire absents. L’apathie et l’hyperoralité sont les plus
fréquentes [9]. La fréquence des troubles des fonctions
élémentaires (sommeil, continence...) est, elle, beaucoup
moins importante à la phase débutante (<50 %). Les
conduites persévératives ou comportements ritualisés sont
également très fréquents (65 % selon Rascovsky et al.,
2011) et assimilés aux troubles psychotiques [7] dans la
classification de l’IPA. Mais, il est important de noter qu’en
revanche les symptômes psychotiques de type délire, hal-
lucinations sont très rares [10].
De nombreux facteurs de variabilité – âge, pré-
dominance hémisphérique, support neuropathologique,
génétique... – rendent compte de la diversité des présenta-
tions cliniques. C’est ainsi que l’on peut distinguer de fac¸on
schématique la forme apathique ou «pseudodépressive »
en rapport avec une atteinte frontale dorsolatérale et la
forme désinhibée ou «pseudo-psychopathique »en rap-
port avec une atteinte orbitomédiale [11]. Pour porter
le diagnostic, l’examen neuropsychologique est capital
de même que l’imagerie morphologique et fonctionnelle.
L’IRM encéphalique met classiquement en évidence une
atrophie frontale et temporale antérieure et l’imagerie fonc-
tionnelle, une hypofixation frontale ou frontotemporale
(bilatérale, asymétrique ou non) [12, 13]. La découverte de
la progranuline et de son dosage plasmatique et des nom-
breuses mutations génétiques a permis une nette avancée
diagnostique pour les formes concernées [14].
La difficulté du diagnostic
Le diagnostic de vf-DFT reste néanmoins encore dans
certains cas difficile à poser. Une étude portant sur l’histoire
naturelle des DFT, conduite par l’équipe lilloise, a montré
un plus long délai entre les premiers symptômes et la date
du diagnostic (5,9 ans en moyenne) que pour une patholo-
gie de type Alzheimer [15]. Des troubles du comportement
isolés, telles la dépression, les conduites sociopathiques,
les pathologies addictives, la bipolarité, vont faire évoquer
notamment une origine psychiatrique [16-18]. D’autres
peuvent présenter des troubles de la mémoire prédominants
dès la phase débutante qui vont faire évoquer une variante
frontale de MA [19].
Si les progrès de l’imagerie, qu’elle soit morpholo-
gique ou fonctionnelle et l’apport des biomarqueurs ont
permis une nette amélioration des performances diagnos-
tiques, l’imagerie classique peut être prise en défaut dans
18 % des cas environ [7]. Les marqueurs de la pathologie
amyloïde (type PIB ou -amyloïde du liquide cérébros-
pinal) ainsi que les dosages de tau et P-tau permettent
le diagnostic différentiel avec la MA, mais ne permettent
pas le diagnostic positif. Certains patients présentant une
symptomatologie évocatrice mais sans anomalies mor-
phologiques ou fonctionnelles à l’imagerie ou marqueurs
biologiques positifs sont appelés «forme phénocopique »
[20].
Le suivi évolutif des patients permet dans un certain
nombre de cas de trancher mais l’histoire naturelle et
l’évolution des troubles du comportement au fil du temps
est mal connue dans cette pathologie. Très peu d’études
prospectives sont disponibles [21, 22]. De nombreux biais
interviennent : hétérogénéité des stades de la maladie, des
formes de DLFT, des outils d’évaluation, etc.
D’où l’intérêt de mener à bien une évaluation soigneuse
des troubles psychocomportementaux, ce qui en pratique
clinique courante n’est pas toujours aisé. Cela permet de
rappeler que l’examen neuropsychologique comprend trois
temps : l’entretien, le bilan cognitif et le bilan compor-
temental et qu’à l’origine, celui-ci s’appelait d’ailleurs
«l’examen neuro-psychopathologique »[23]. Les tests et
les échelles sont choisis en fonction de l’entretien. Au risque
de paraître trivial, il faut rappeler qu’un bilan standardisé
ciblé sur le repérage de la MA ou du diagnostic des symp-
tômes de maladies psychiatriques ne conviendra pas dans
bon nombre de ces situations (pour revue de question, Ver-
celletto et al. [24]).
Les échelles comportementales
dans la dégénérescence frontotemporale
et leur validation (tableau 2)
Échelles comportementales (liste non exhaustive)
L’échelle de dyscomportement frontal
(EDF) [25]
Elle permet grâce à un entretien semi-structuré réalisé
avec l’aidant de rechercher la présence ou l’absence de
quatre sous-groupes de modifications comportementales :
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Tableau 2. Principales échelles comportementales disponibles évaluant la variante frontale de la dégénérescence frontotem-
porale (vf-DFT).
Échelles Score (score total /
seuil pathologique)
Points forts Points faibles
Échelles
comportementales
Échelle de
dyscomportement frontal
(EDF)
Score sur 4 / >3Rapide Ne permet pas le suivi
Neuropsychiatric
Inventory (NPI)
Score sur 144 / ?Version courte disponible Non spécifique
Frontal Behavioral
Inventory (FBI)
Score sur 72 / >27 Spécifique
Items positifs, items
négatifs
Quelques items
redondants
Durée de passation
>15 minutes
Inventaire du syndrome
dysexécutif et
comportemental (ISDC)
Score sur 144 / ?
(en cours)
Évaluation couplant
l’aspect comportemental
et dysexécutif
Validation en cours
dans la DFT
Middleheim Frontality
Score (MFS)
Score sur 10 / >5Cotation simple : signe
présent ou absent
Très rapide
Ne permet pas le suivi
Pas de traduction
franc¸aise validée
Échelles associant
comportement et
autonomie
Cambridge Behavioural
Inventory (CBI)
Score sur 324 / ?Échelle très complète Pas de traduction
franc¸aise validée
Passation longue
Frontotemporal Dementia
Rating Scale (FRS)
Pourcentage à calculer /
6 stades de sévérité
Permet de classer les
patients DFT en 6 stades
Intéressant pour le suivi
Mode de cotation
complexe
Pas de traduction
franc¸aise validée
FTLD-modified Clinical
Dementia Rating Scale
(FTLD-modified CDR
Scale)
Score sur 3 / ?Échelle très complète
Mode de cotation pratique
Évaluation
comportementale très
succincte
Pas de traduction
franc¸aise validée
DFT : dégénérescence frontotemporale.
troubles du contrôle de soi, négligence physique, troubles
de l’humeur et manifestations de baisse d’intérêt. Les items
de l’EDF reprennent les arguments principaux et complé-
mentaires des critères de Lund et Manchester [5], ainsi que
d’autres troubles du comportement, fréquents dans la vf-
DFT, tels que l’irritabilité, l’apathie, la labilité émotionnelle,
la tendance à s’endormir sans stimulation. Cette échelle a
été validée chez 43 patients atteints de MA, en comparai-
son à 33 patients atteints de DFT et 16 atteints de démence
vasculaire. Le score maximal est de 4, un score de 3 chez
un patient atteint de démence légère à modérée (avec un
MMSE >18) est évocateur de DFT. La sensibilité de ce test
pour différencier MA et DFT est de 100 %, la spécificité
de 93 %, la valeur prédictive positive de 92 %, la valeur
prédictive négative de 100 % et la fiabilité diagnostique
de 97 %. Une échelle semi-quantitative existe mais n’est
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123
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pas encore validée. L’EDF est donc une échelle facile et
rapide à utiliser, très utile à visée diagnostique, mais elle
est insuffisante pour suivre l’évolution de la symptoma-
tologie lors d’un essai thérapeutique. Elle ne permet pas
non plus de différencier les formes apathiques des formes
désinhibées.
L’inventaire neuropsychiatrique
ou Neuropsychiatric Inventory (NPI)
de Cummings et al., traduit en franc¸ais
par Robert et al. [26, 27]
Le NPI est une échelle incontournable pour l’évaluation
des troubles psychocomportementaux. Cette échelle
est basée sur l’interrogatoire de l’aidant naturel. Elle
analyse 12 SCPD : idées délirantes, hallucinations, agi-
tation et agressivité, dépression, anxiété, exaltation de
l’humeur/euphorie, apathie/indifférence, désinhibition, irri-
tabilité/instabilité de l’humeur, comportement moteur
aberrant, sommeil, appétit/troubles de l’appétit. Sont éva-
lués leur fréquence (1 à 4), leur gravité (1 à 3) et le
retentissement (0 à 5) sur l’aidant. Le score pour chaque
domaine est le produit de la gravité multipliée par la fré-
quence. Le score total additionne chaque domaine ; il varie
de 0 à 144. L’étude princeps de validation a porté sur
40 patients ayant des troubles cognitifs de diverses origines
dont 20 patients Alzheimer [26]. De nombreuses études
ont fait suite dans la population Alzheimer notamment
[28, 29].
Cette échelle a été utilisée pour la première fois dans la
DFT par Levy et al. en 1996 [30], en comparant le score
de 22 patients DFT à celui de 30 patients présentant une
MA à un stade modéré des maladies. Cette échelle permet-
tait de discriminer DFT et MA pour 77 % des patients de
chaque groupe. Les patients DFT avaient des scores signifi-
cativement plus élevés pour la désinhibition et l’apathie que
les patients MA alors que ceux-ci avaient des scores plus
élevés pour la dépression. Le score total des patients DFT
étaient globalement plus élevé que celui des patients Alz-
heimer, et la majorité de leurs difficultés apparaissaient pour
les rubriques : apathie, désinhibition, euphorie et compor-
tement moteur aberrant. Pour améliorer sa validité, Rosen
et al. ont proposé le NPI-FTD en choisissant les cinq items
les plus spécifiques de la pathologie frontale : l’euphorie,
l’apathie, la désinhibition, le comportement moteur aber-
rant et les troubles du comportement alimentaires (NPI-cinq
items) [31]. Le NPI a été utilisé dans de nombreux essais
thérapeutiques [32-34] en évaluant les troubles comporte-
mentaux de la vf-DFT. Pour autant, il n’est pas très spécifique
puisqu’il n’a pas été développé pour cette pathologie.
Ainsi, certains symptômes très fréquents et évocateurs tels
que l’indifférence affective, les persévérations, les activités
compulsives ou l’impatience ne sont pas répertoriés. De
plus, nous avons récemment montré dans une étude ancil-
laire comportementale de la cohorte nantaise visant à tester
la mémantine [34], avec suivi prospectif de 49 patients, que
le NPI n’était pas un bon outil pour le suivi des patients
vf-DFT. Nous avons ainsi noté une absence de variation
significative des scores à deux ans, alors que cliniquement
les patients évoluaient [22].
Le Frontal Behavioral Inventory (FBI) [35]
Le FBI, conc¸u pour la DFT, a été proposé par Kertesz
et al. en 1997. Il s’agit d’un entretien semi-structuré
avec l’accompagnant dont la durée de passation est de
15 minutes environ. Cet inventaire comporte 24 items, divi-
sés en 12 items positifs (persévération, irritabilité, jovialité
excessive, troubles du jugement, comportement inadapté,
impulsivité, hyperactivité, agressivité, hyperoralité, hyper-
sexualité, comportement d’utilisation, incontinence uri-
naire) et en 12 items négatifs (apathie, aspontanéité,
indifférence affective, rigidité mentale, perte de la perspi-
cacité, négligence personnelle, trouble de l’organisation,
distractibilité, trouble de l’introspection, réduction du lan-
gage, apraxie verbale, main capricieuse). Le score du FBI va
de 0 à 72 [35, 36]. L’étude princeps a porté sur 12 patients
avec DFT confirmée neuropathologiquement, 16 patients
Alzheimer et 11 patients avec des troubles dépressifs. Le
cut-off proposé pour le diagnostic de vf-DFT était de
27/72. La sensibilité était de 93,9 % et la spécificité de
89,9 %. La reproductibilité inter-examinateur était égale-
ment bonne et les items négatifs fortement corrélés aux
formes apathiques. Les résultats de cette étude pilote ont
été confirmés en 2000 dans une étude rétrospective portant
sur 26 patients vf-DFT, 16 patients vasculaires, 38 patients
Alzheimer, 11 patients avec une aphasie progressive et
17 patients avec dépression. Dans l’étude de la cohorte
nantaise, nous avons montré que les items positifs étaient
corrélés au fardeau de l’aidant de manière significative et
que les items négatifs étaient corrélés aux fonctions cogni-
tives globales (MMSE et échelle de Mattis) [22]. Nous avons
utilisé une version traduite par nos soins (http://www.site-
greco.net/).
L’inventaire du syndrome dysexécutif
et comportemental (ISDC) [37, 38]
Il a pour but l’évaluation d’un syndrome dysexécu-
tif comportemental. Il comporte 12 domaines : réduction
des activités, troubles d’anticipation/organisation, désin-
térêt, euphorie, irritabilité, hyperactivité, persévération,
dépendance environnementale, anosognosie, confabula-
tions, troubles des conduites sociales et troubles des
conduites instinctuelles. La cotation est similaire à celle du
NPI avec tout d’abord une question préliminaire et en cas
de réponse positive, d’autres questions qui sont posées à
la suite. Comme nous l’avons vu précédemment, l’objectif
est de développer des outils dans toutes les pathologies
s’accompagnant d’un possible «syndrome frontal »ou de
troubles dysexécutifs. Il a été ainsi validé sur 461 sujets
ayant diverses affections – traumatisme crânien, accident
vasculaire cérébral, MA, etc. – mais chez aucun sujet avec
DFT. Une étude de validation est actuellement en cours
dans cette population.
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