La relativité en vingt questions 1. Pourquoi dit-on parfois que la relativité est une théorie mal nommée ? 2. On lit souvent la phrase suivante : « Les quatre équations de Maxwell ne sont pas invariantes par transformation de Galilée ». Pourquoi une telle affirmation n’est-elle que partiellement correcte ? 3. Pourquoi, malgré certaines analogies, les ondes électromagnétiques sont-elles fondamentalement différentes des ondes acoustiques ? 4. On lit souvent, dans des textes relativistes, pas nécessairement destinés au grand public, que les intervalles temporel et spatial sont séparément invariants en relativité galiléenne. Pourquoi cette affirmation est-elle en partie incorrecte ? 5. Il existe deux façons d’écrire l’intervalle entre deux événements, l’une privilégiant le temps, l’autre privilégiant l’espace. Pourquoi, malgré une même efficacité calculatoire, la première est-elle conceptuellement et même pédagogiquement préférable à la seconde ? 6. En relativité restreinte, il est souvent commode de mesurer le temps en mètre, en utilisant la coordonnée ct au lieu de la variable temps t . Pourquoi cependant la phrase suivante souvent entendue : « Avec la relativité, le temps et l’espace ont désormais des statuts identiques », est-elle abusive ? 7. Lors d’une émission télévisée grand public sur la relativité, un scientifique ( !) voulant illustrer la contraction des longueurs a affirmé qu’un voyageur, situé dans un train se déplaçant à grande vitesse par rapport à la Terre, voyait la largeur de la fenêtre de son compartiment se rétrécir. Pourquoi une telle affirmation traduit-elle une incompréhension de la relativité ? 8. Pourquoi n’y a-t-il pas réciprocité de situation dans l’expérience de pensée sur les jumeaux de Langevin ? 9. Pourquoi James Bradley a-t-il pu, en 1729, estimer la vitesse de la lumière dans le vide, avec une efficacité remarquable, en étudiant l’aberration de l’étoile g du Dragon, alors qu’il s’appuyait sur une théorie newtonienne ? 10. Pourquoi l’expérience interférométrique de Fizeau, où la lumière se propage dans de l’eau en mouvement, suffisait à valider le point de vue d’Einstein sur l’espace et le temps, sans le recours de l’expérience de Michelson et Morley ? Introduction. Principe de relativité 13 La forme de l’équation div E = 0 n’est donc pas invariante de forme par changement de référentiel galiléen. En revanche, l’équation structurelle div B = 0 , elle, l’est. En effet, elle s’explicite selon : ∂By ∂Bx ∂Bz + + =0 ∂x ∂y ∂z Or, d’après l’égalité des champs magnétiques B = B , on a, en tenant compte de la transformation de Galilée : ∂By ∂Bz ∂By ∂Bx ∂Bx ∂Bz = = = et ∂x ∂x ∂y ∂y ∂z ∂z d’où, en ajoutant membre à membre : div B = div B = 0 . Remarque : Le comportement des deux autres équations de Maxwell (loi d’induction et théorème d’Ampère) est analysé en exercice (cf. Exercices). III . 4 . — Transformation de Lorentz-Poincaré C’est en 1905 que le savant français H. Poincaré énonça, à l’Académie des Sciences de Paris, la nouvelle transformation des coordonnées, par changement de référentiel galiléen, sous sa forme définitive, en lui accordant une importance physique et en en attribuant élégamment la paternité à Lorentz : t = ge (t + be x /c) x = ge (x + be ct ) y = y z = z avec : be = ve c et ge = (1 − b2e )−1/2 Il montre alors que cette transformation laisse invariante la forme quadratique x2 + y2 + z2 − c2 t2 et qu’elle a une structure mathématique de groupe, c’est-à-dire que le produit de deux transformations de Lorentz est encore une transformation de Lorentz. Sur la figure 1.10, on a représenté la variation de ge en fonction de be ; on voit que ge varie entre 1 et l’infini lorsque be passe de 0 à 1 . ge 2 1 0 1 be F IG . 1.10. Comme pour la transformation de Galilée, les origines des durées et des espaces sont supposées les mêmes pour les deux référentiels. Selon cette transformation, le temps n’apparaît plus comme un paramètre universel. Nous reviendrons plus loin sur les implications de ce résultat qui surprit les physiciens de l’époque et déroute encore les débutants. Transformation de Lorentz-Poincaré. Intervalle entre deux événements 31 III . — FORMALISME QUADRIDIMENSIONNEL Ce formalisme, introduit par le mathématicien balte H. Minkowski, permet de développer techniquement un calcul vectoriel adapté à l’espace-temps de la relativité restreinte. Il s’appuie évidemment sur l’invariance du carré s212 de l’intervalle qui sépare deux événements. III . 1 . — Quadrivecteur On appelle quadrivecteur un vecteur, noté 4 − x , dont les quatre composantes x0 , x1 , x2 , x3 , de même dimension physique, se transforment dans un changement de référentiel galiléen de la même façon que ct , x , y et z . Par conséquent : x0 = ge (x0 + be x1 ) x1 = ge (x1 + be x0 ) x2 = x2 x3 = x3 Ces relations linéaires peuvent être écrites sous forme matricielle en introduisant la matrice suivante de Lorentz-Poincaré : ⎡ ⎤ ge ge b e 0 0 ⎢ ge b e ge 0 0⎥ ⎥ L=⎢ ⎣ 0 0 1 0⎦ 0 0 0 1 En effet, on a : 4 − x = L{4 − x } soit explicitement ⎡ ⎡ ⎤ ge x0 ⎢ ge b e ⎢x1 ⎥ ⎢ ⎥ = ⎢ ⎣ 0 ⎣x2 ⎦ x3 0 ge b e ge 0 0 0 0 1 0 ⎤ 0 0⎥ ⎥ 0⎦ 1 ⎡ ⎤ x0 ⎢x ⎥ ⎢ 1 ⎥ ⎣x2 ⎦ x3 Le déterminant de la matrice L vaut 1 , car lorsqu’on le développe par la ligne 4, il s’explicite selon : ⎡ ⎤ ge ge b e 0 ge ge b e ge 0⎦ = 1 × 1 × det det L = 1 × det ⎣ge be = g2e (1 − b2e ) = 1 ge b e ge 0 0 1 Il est souvent commode d’introduire la matrice carrée relative aux seules coordonnées intéressantes x0 et x1 . La relation matricielle précédente se réduit alors à : 2 − x = Lr {2 − x } avec Lr = ge ge b e ge b e ge Cette relation s’explicite alors selon : x0 ge = x1 ge b e ge b e ge x0 x1 Exemple : les coordonnées d’un événement E1 dans R sont, en mètre : ct = 1 ; x = 0, 6 ; y = 2 ; z = 1, 5 . Dans R , tel que ve = 0, 6 c , soit be = 0, 6 , ge = 1, 25 et ge be = 0, 75 , les 34 2. Transformation de Lorentz-Poincaré. Intervalle entre deux événements Elles donnent l’unité de longueur qui est relative à chaque système d’axes (Fig. 2.7). Cette unité est représentée par les longueurs OA et OB dans le système ( x, ct ), et par les longueurs OA et OB dans le système ( x , ct ). On voit que le référentiel R a ses axes d’autant plus proches de la diagonale du premier quadrant que la vitesse d’entraînement est plus grande. Ce diagramme n’a plus qu’un intérêt historique ; il est parfois utilisé en cinématique relativiste, lorsqu’on souhaite « visualiser » les transformations des durées et des longueurs, mais sa lecture n’est pas commode, en raison des unités de longueur différentes sur les axes correspondants. III . 4 . — Groupe de transformation de Lorentz-Poincaré C’est Poincaré qui souligna, le premier, la structure de groupe de la transformation de LorentzPoincaré. La propriété essentielle de la structure de groupe est la loi dite de composition interne, selon laquelle, entre trois référentiels R , R et R , la transformation de R à R , qui résulte des deux transformations de Lorentz-Poincaré successives, de R à R puis de R à R , est aussi une transformation de Lorentz-Poincaré (Fig. 2.8). Pour établir ce résultat, effectuons le produit matriciel de ces transformations, en désignant par ve = be c la vitesse de translation de R par rapport à R et par ve = be c la vitesse d’entraînement de R par rapport à R ; ge et ge sont les facteurs relativistes correspondants. Il vient, en adoptant l’écriture réduite : 2 − x = Lr {2 − x } et avec : Lr = ge ge b e 2 − x = Lr {2 − x } et ge b e ge et Lr = y y R O x ge ge be ge be ge y ve ve O 2 − x = Lr Lr {2 − x } R O x R x F IG . 2.8. Calculons le produit des deux matrices Lr Lr : ge ge b e ge be ge ge ge (1 + be be ) ge ge (be + be ) Lr Lr = = ge b e ge ge be ge ge ge (be + be ) ge ge (1 + be be ) ce qui peut se mettre sous la forme : ge ge be ge be ge si on pose ge = ge ge (1 + be be ) soit : 1− b2 e 1 − b2e )(1 − b2 (1 + be be )2 − (be + be )2 e ) = = =1− (1 + be be )2 (1 + be be )2 be + be 1 + be be 2 Il en résulte la relation suivante entre be , be et be : be = be + be 1 + be be d’où ve = ve + ve 1 + ve ve /c2 Cette relation exprime la composition des vitesses, selon l’axe commun Ox , appliquée à l’origine O de R , entre les référentiels R et R (cf. chapitre 4). Fondements de la cinématique einsteinienne 57 IV . 2 . — Quadrivecteur d’onde L’onde lumineuse monochromatique plane est caractérisée, en notation complexe, par la fonction d’onde C (cf. Optique) : C(r, t) = A exp[−i(vt − k · r)] = A exp[i(kx x + ky y + kz z − vt] où v = 2pn est la pulsation et k le vecteur d’onde de composantes kx , ky et kz . La partie imaginaire de l’argument de l’exponentielle peut être considérée comme le produit scalaire, changé de signe, de deux quadrivecteurs : 4-x = (ct, r) et 4-k = (v/c, k) , appelé quadrivecteur d’onde : v ,k C(r, t) = A exp[−i(4-k · 4-x)] avec 4-k = c Cette définition du quadrivecteur d’onde a un sens car le produit scalaire, 4-x · 4-k , est un invariant par changement de référentiel galiléen. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que les phénomènes d’interférence de deux ondes planes (cf. Optique), qui sont déterminés par la différence de phase entre ces ondes, sont invariants dans ce changement. IV . 3 . — Formules de l’effet Doppler-Fizeau Les formules de l’effet Doppler-Fizeau découlent de la transformation de Lorentz entre le référentiel de la source R et celui du récepteur R : v/c = ge (v /c + be kx ) kx = ge (kx + be v /c) ky = ky kz = kz Puisque kx = k cos u = (2pn /c) cos u , cette dernière équation donne : n = ge (n + be n cos u ) soit 1 ge (1 + be cos u ) n = n En utilisant les indices s et r pour la source et le récepteur respectivement, on retient l’expression explicite suivante : nr = ns 1 ge (1 + be cos ur ) IV . 4 . — Effet Doppler-Fizeau longitudinal a) Définition et expression L’effet Doppler-Fizeau est longitudinal lorsque l’angle que fait la direction de l’onde avec l’axe du mouvement est nul : ur = 0 . La formule précédente se réduit, dans ce cas, à : (1 − b2e )1/2 nr = ns 1 + be soit nr = ns 1 − be 1 + be 1/2 Dans le cas fréquent où be 1 , on obtient la formule approchée suivante : nr ≈ ns (1 − be ) ou nr − ns Dn ve = ≈− ns ns c avec Dn = nr − ns 60 3. Fondements de la cinématique einsteinienne Lorsque les vitesses des particules, qui émettent le rayonnement, sont faibles, comme c’est le cas ici, on obtient la formule approchée suivante : Dn = nr,m − ns b2 = e ns 2 ce qui s’écrit aussi Dl = lr,m − ls b2 =− e ls 2 en introduisant les longueurs d’onde ls = c/ns et lr,m = c/nr,m . Dans l’expérience de Ives et Stilwell, le déplacement spectral par effet Doppler-Fizeau transversal de la raie H b , pour les ions H + 2 , de longueur d’onde 481, 6 nm , était de 2 pm . Notons que le déplacement spectral par effet Doppler-Fizeau longitudinal était, lui, de 1 500 pm . Remarque : La lecture de la publication de Ives et Stilwell est instructive, car ces auteurs n’étaient pas initialement des supporters inconditionnels de la théorie relativiste, au contraire. IV . 6 . — Aberration de l’émission lumineuse Les formules spatiales issues de la transformation du quadrivecteur d’onde donnent : v et k sin u = k sin u k cos u = ge k cos u − be c Comme k = 2pn/c et k = 2pn /c , il en résulte que : n cos u = ge n(cos u − be ) soit, en tenant compte de l’effet Doppler et en adoptant des notations explicites : cos ur = cos us − be 1 − be cos us et sin ur = sin us ge (1 − be cos us ) Pour us = 0 , on retrouve ur = 0 . En revanche, pour us = p/2 , on obtient : cos ur = −be et sin ur = 1 ge d’où tan ur = − 1 ge b e Il en résulte, en introduisant l’angle ar = ur − p/2 : tan ar = − 1 = ge b e tan ur IV . 7 . — Aberration des étoiles Le cas où us = −p/2 est historiquement très intéressant car il correspond à l’émission d’une onde lumineuse émise par une étoile dans le sens opposé à l’axe Oy . L’angle ur sous lequel cette émission est perçue par un observateur terrestre diffère de −p/2 (Fig. 3.15) ; aussi appelle-t-on aberration des étoiles l’écart entre ces deux angles. Ce phénomène a été étudié par J. Bradley en 1729, dans le cadre newtonien évidemment. Rigoureusement, on a, ici, puisque us = −p/2 : cos ur = −be et sin ur = − 1 ge d’où tan ur = 1 ge b e Transformation einsteinienne des vitesses et des accélérations 69 Les vitesses v et v s’explicitent en coordonnées cartésiennes selon : dx vx = d x v = x dt dt dy d y et v vy = v vy = d t d t dz d z vz = v = z R R dt dt Il vient, en différentiant les relations spatio-temporelles : d x = ge (d x + be c d t ) d y = d y d z = d z et c d t = ge (c d t + be d x ) d’où : dx ge (d x + be c d t ) = cdt ge (c d t + be d x ) dy d y = cdt ge (c d t + be d x ) dz d z = cdt ge (c d t + be d x ) En divisant haut et bas par d t , et en simplifiant, on obtient : vx = vx + ve 1 + ve vx /c2 vy = vy ge (1 + ve vx /c2 ) vz = vz ge (1 + ve vx /c2 ) Notons que ge n’intervient que dans les composantes transversales vy et vz . Comme on pouvait s’y attendre, on retrouve les formules newtoniennes en faisant tendre c vers l’infini. Cependant, contrairement au cas newtonien, on ne peut pas exprimer les formules einsteiniennes sous une forme vectorielle globale. Il est donc nécessaire de distinguer la vitesse v// , suivant la direction de ve , de la vitesse v⊥ , suivant la direction perpendiculaire à ve . On écrit alors : v// + ve v⊥ v// = et v⊥ = 2 1 + ve · v /c ge (1 + ve · v /c2 ) Remarque : En changeant ve en −ve , on en déduit aisément les relations inverses, donnant vx , vy et vz en fonction de vx , vy , vz . vy vx − ve vz vz = vx = vy = 1 − ve vx /c2 ge (1 − ve vx /c2 ) ge (1 − ve vx /c2 ) I . 2 . — Exemples a) Vitesse relative de deux particules en mouvement sur un axe Deux particules A1 et A2 se déplacent sur un axe Ox , avec les vitesses respectives 0, 9c et −0, 9c (Fig. 4.2). La vitesse relative de A2 par rapport à A1 est la vitesse de A2 par rapport au référentiel galiléen R lié à A1 . Comme u = 0, 9 c , on trouve : −0, 9 − 0, 9 = −0, 994 c vx = 1 − 0, 9 × (−0, 9) y y R R v1 O O x A1 F IG . 4.2. x A2 76 4. Transformation einsteinienne des vitesses et des accélérations si initialement vy = 0 et y = h . Dans R , par rapport auquel R est en translation rectiligne uniforme, à la vitesse ve , selon l’axe Ox , l’accélération a pour expression, d’après les formules de transformation : a g a// = 0 et a⊥ = ⊥2 = − 2 = −6, 28 m · s−2 si be = 0, 6 ge ge IV . 2 . — Quadrivecteur accélération a) Définition On obtient le quadrivecteur accélération 4-a en dérivant le quadrivecteur vitesse 4-v par rapport au temps propre t : 4-a = d(4-v) dt avec 4-v = (gc, gv) Comme le carré de la pseudo-norme 4-v2 est la constante c2 , il vient, en dérivant par rapport à t : d(4-v) d 4-v2 = 4-v · = 0 d’où dt dt 4-v · 4-a = 0 Ainsi, le produit scalaire des quadrivecteurs 4-v et 4-a est nul. Les parties temporelle et spatiale de 4-a ont pour expressions respectives : dg d(gc) =c dt dt d(gv) dv dg =g +v dt dt dt et En introduisant le temps t du référentiel R et l’accélération a = d v/ d t dans R , ces parties s’écrivent aussi, puisque d t/ d t = g : a0 = c dg dg =g c dt dt Comme : dg 1 =− dt 2 et d(gv) dg = g2 a + g v dt dt 3/2 v dv v dv v2 −2 2 = g3 2 1− 2 c c dt c dt les parties spatiale et temporelle de 4-a s’explicitent aussi selon : a0 = g4 cb db dt et d(gv) db = g2 a + g4 vb dt dt On voit que la relation entre le quadrivecteur accélération 4-a et l’accélération a n’est pas simple, contrairement à celle entre le quadrivecteur vitesse 4-v et la vitesse v . Le quadrivecteur 4-a présente cependant un intérêt lorsque l’on dispose de l’expression de la quadrivitesse 4-v en fonction du temps propre t . Exemple : Pour une particule dont le quadrivecteur vitesse 4-v a les composantes suivantes, en fonction du temps propre t : v0 = gc = c cosh(vt) v1 = gvx = c sinh(vt) v2 = gvy = 0 v3 = gvz = 0 le quadrivecteur 4-a s’obtient par simple dérivation : a0 = cv sin(vt) a1 = cv cosh(vt) a2 = 0 a3 = 0 Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse 87 b) La direction de la vitesse est constante : mouvement rectiligne L’exemple typique d’un tel mouvement est celui d’une particule dans un champ électrique, avec une vitesse initiale nulle ou colinéaire au champ (cf. chapitre 6). Explicitons la dérivée d g/ d t : dg 1 =− dt 2 −3/2 v dv 2v d v v2 = g3 2 − 2 1− 2 c c dt c dt d’où v dg dv dv = g3 b 2 = g(g2 − 1) dt dt dt La loi fondamentale devient alors : gma + mv dg = gma + mg(g2 − 1)a = F dt soit g3 m a = F Dans ce second cas, les résultats obtenus sont analogues aux résultats newtoniens : il suffit de remplacer la masse m par g3 m . II . 4 . — Un concept inutile Dans sa première publication originale sur la relativité, Einstein introduisit, sans d’ailleurs leur attribuer une quelconque importance, les deux concepts de masse transversale gm et de masse longitudinale g3 m . Mais, un peu avant lui, Poincaré avait déjà émis l’idée qu’en relativité la masse d’un corps devrait varier avec sa vitesse. Après analyse, ces deux concepts de masse variable s’avèrent sans intérêt technique et discutables sur le plan épistémologique. Aussi, les physiciens les ont-ils progressivement abandonnés. Einstein se rallia à cet abandon, comme le montre l’extrait original de la lettre qu’il a envoyée en 1948 à son ami L. Barnett : Es ist nicht gut von der Masse M = m/(1 − v 2 /c2 )−1/2 eines bewegten körpers zu sprechen, da für M keine klare Definition gegeben werden kann. Man beschränkt sich besser auf die « RuheMasse » m . Daneben kann man ja den Ausdruck für momentum und Energie geben, wenn man das Trägheitsverhalten rasch bewegter Körper augeben will. En français : Il n’est pas bon de parler de masse M = m/(1 − v 2 /c2 )−1/2 d’un corps en mouvement, car M ne peut être défini de façon claire. Il vaut mieux ne parler que de « masse au repos » m . En revanche, on peut donner les expressions de la quantité de mouvement et de l’énergie pour représenter l’inertie d’un corps en mouvement très rapide. II . 5 . — Théorème du moment cinétique Comme en mécanique newtonienne, on peut déduire de la loi fondamentale de la dynamique, appliquée à une particule A , le théorème du moment cinétique. En effet, si l’on multiplie, vectoriellement à gauche, les deux membres de l’équation exprimant cette loi, par le vecteur position OA , on obtient : OA × dp = OA × F dt À droite, on reconnaît le moment de la force ; à gauche le terme s’écrit aussi : OA × d(OA × p) d OA d(OA × p) dp = − ×p= −v×p dt dt dt dt 88 5. Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse Comme v × p = 0 , il vient, en introduisant le moment cinétique de la particule LO : d LO = OA × F dt avec LO = OA × p Notons que si la force qui s’exerce sur la particule est centrale, c’est-à-dire si son support passe par le centre fixe O , son moment est nul. Il en résulte que le moment cinétique est une constante vectorielle : LO = Cte soit OA × p = Cte Ainsi, comme en mécanique newtonienne, le mouvement d’une particule soumise à une force centrale, par exemple une force électrostatique, est tel qu’il y a conservation du moment cinétique. Il en résulte que ce mouvement est plan, puisqu’à chaque instant, vecteur vitesse et vecteur position doivent être perpendiculaires à un vecteur fixé (cf. Mécanique). Remarque : On obtient un résultat identique dans le cas de la force de gravitation qui s’exerce entre deux particules, puisque cette force aussi est centrale. Cependant, la gravitation est une force ignorée par la relativité restreinte ; précisément, sa prise en compte singulière constitue la théorie de la relativité générale (cf. chapitre 10). III . — THÉORÈME DE L’ÉNERGIE. ÉNERGIE DE MASSE L’expression relativiste de l’énergie cinétique fut donnée pour la première fois par Einstein, dans sa seconde publication sur la relativité restreinte en 1905, intitulée « L’inertie d’un corps dépend-elle de son contenu en énergie ? ». Pour établir cette expression, il est plus simple d’utiliser la même méthode analogue que celle utilisée en mécanique newtonienne (cf. Mécanique). III . 1 . — Énergie cinétique Multiplions scalairement les deux membres de l’équation vectorielle F = d p/ d t par la vitesse v . On obtient : dp F·v=v· dt Le membre de gauche représente la puissance totale de la somme F des forces qui s’exercent sur la particule. Quant au membre de droite, il peut s’écrire autrement : v· dp dg dg dg dv dv mc2 d g d(gmc2 ) = gmv · + mv 2 = gmv + mv 2 = 2 + mc2 b2 = dt dt dt dt dt g dt dt dt puisque : v dv dg = g3 2 dt c dt et 1 + b2 = 1 g2 On peut retrouver ce résultat en différentiant 4-p2 = m2 c2 : 4-p · d(4 − p) = 0 donne gmc d(gmc) − p · d p = 0 d’où v · d p = d(gmc2 ) La quantité gmc2 est homogène à une énergie. Afin d’en donner sa signification, développons-la au voisinage de g = 1 . Il vient : −1/2 mv 2 v2 v2 2 2 2 ≈ mc 1 + 2 = mc2 + gmc = mc 1 − 2 c 2c 2 Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse 89 Comme (g − 1)mc2 représente, à faible vitesse, l’énergie cinétique newtonienne, on définit l’énergie cinétique einsteinienne par : Ek = (g − 1)mc2 III . 2 . — Énergie de masse Ce concept d’énergie associée à la masse d’un corps a été perçu pour la première fois par Poincaré en 1904, puis développé par Einstein en 1905. D’après ce qui précède, contrairement à ce que l’on a, en mécanique newtonienne, l’énergie totale d’une particule libre diffère de l’énergie cinétique. La différence E0 est appelée l’énergie de masse : E0 = E − Ek = gmc2 − (g − 1)mc2 d’où E0 = mc2 C’est donc l’énergie associée à la seule masse m, indépendamment de tout mouvement. Un simple calcul numérique montre que cette énergie est considérable, puisque : pour m = 1 kg alors E0 = 9 × 1016 J L’énergie de masse traduit ainsi une équivalence fondamentale entre masse et énergie et, en dernière analyse, une annexion par l’énergie du concept de masse, lequel fut introduit en mécanique newtonienne antérieurement à celui d’énergie et donc indépendamment de lui. On peut souligner cette équivalence en considérant qu’un atome au repos, d’énergie E0 , et donc de masse m = E0 /c2 , auquel on fournit une énergie supplémentaire DE0 qui provoque une modification de sa structure interne, voit son énergie augmentée de DE0 et donc sa masse varier de : Dm = DE0 c2 Notons que, pour une particule qui garde son identité, une telle énergie de masse n’est pas disponible. En revanche, elle l’est, au moins partiellement, lorsque la particule subit une collision inélastique, au cours de laquelle elle s’est totalement transformée (cf. chapitre 7). Remarque : Ce qui précède montre que la célèbre formule, E0 = mc2 , soulignant l’équivalence entre masse et énergie, provient d’une analyse approfondie des conséquences de la loi fondamentale de la dynamique einsteinienne, cette dernière généralisant la deuxième loi de Newton et s’inscrivant naturellement dans le nouveau cadre spatio-temporel de la relativité. On est ainsi loin d’une pensée hasardeuse, voire magique, telle que celle qui transparaît malicieusement dans une caricature connue, dans laquelle on représente Einstein pensif qui, après avoir écrit sur un tableau noir successivement E = ma2 et E = mb2 , s’apprête à trouver enfin E = mc2 . III . 3 . — Théorème de l’énergie cinétique En introduisant, dans l’équation de base précédente, l’énergie cinétique et l’énergie de masse, on obtient le théorème de l’énergie cinétique suivant : d(Ek + E0 ) =P dt ou d(Ek + E0 ) = P d t = dW Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse 91 III . 6 . — Exemples a) Particule chargée dans un champ électrique Une particule (masse m , charge q ), de vitesse initiale nulle, est issue d’un point O et accélérée sous une différence de potentiel Va . Rappelons que l’énergie potentielle électrique d’une particule chargée dans le potentiel V a pour expression Ep = qV (cf. Électromagnétisme), ce que l’on obtient comme suit : − d Ep = dW = F · d r = qE · d r = −q d V d’où Ep = qV par définition du potentiel V dont dérive un champ électrique stationnaire. Pour calculer la vitesse de la particule, à la sortie de l’anode, exprimons la conservation de l’énergie (Fig. 5.1a). Il vient : 0 + mc2 + q(−Va ) = (g − 1)mc2 + mc2 + 0 Il en résulte que : qVa g=1− mc2 et 1 v =c 1− [1 − qVa /(mc2 )]2 1/2 Notons que le produit qVa doit être négatif ; s’il s’agit d’un canon de microscope électronique, les particules sont des électrons q = −e < 0 et Va > 0 . Sur la figure 5.1b, on a représenté b = v/c en fonction de la quantité sans dimension a = −qVa /(mc2 ) . Pour a = 2 , ce qui correspond à une tension d’accélération de Va qui vaut 2me c2 = 1, 024 MV pour des électrons, la vitesse vaut : v =c× 1/2 8 = 0, 94 c 9 Notons que la tension nécessaire pour donner une telle vitesse à des protons est 2mp c2 = 1 876 MV . Cathode Anode Détecteur b = v/c 1 Vide Va a= 0 a) 1 3 2 − qVa mc2 b) F IG . 5.1. Il est instructif de comparer les expressions einsteinienne et newtonienne de la vitesse. Pour cela, utilisons les indices E et N pour désigner ces deux expressions respectivement : 1/2 −2 1/2 2 2qVa vE qVa 2qVa ≈ 1− 1− ≈ 1−1− −3 + ··· c mc2 mc2 mc2 1/2 vN vN 3 qVa 3 qVa ≈ + · · · ≈ + · · · 1+ 1 + c 2 mc2 c 4 mc2 92 5. Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse Il en résulte que : vE − vN 3 qVa = < 0 soit vN 4 mc2 3qVa Dv =− v 4mc2 Pour des électrons ( −qVa = eVa ), Dv/v 1% lorsque Va 7 kV . Pour des protons ( −qVa = −eVa = e|Va | ), Dv/v 1% lorsque |Va | 13 MV . La variable a = −qVa /(mc2 ) , sans dimension et positive, qui est utilisée dans le graphe de la figure 5.1b, est commune à toutes les particules. On distingue généralement trois domaines : le premier est newtonien, le deuxième einsteinien et le troisième ultra-einsteinien. Dans ce dernier domaine, on peut considérer que v ≈ c avec une excellente approximation. Le tableau 5.1 donne les valeurs de g et b pour des électrons accélérés dans un microscope électronique. Va (kV) 50 100 300 500 1000 3000 g 1,098 1,196 1,578 1,978 2,957 6,870 b 0,413 0,548 0,776 0,863 0,941 0,989 TAB . 5.1. b) Particule dans un champ gravitationnel uniforme En mécanique newtonienne, l’énergie potentielle d’une particule, de masse m , dans un champ de gravitation uniforme G est telle que : − d Ep = mG · d r d’où Ep = mF avec F = − G · d r = −G · r + Cte Cette expression est analogue à l’énergie potentielle électrique précédente. Cependant, elle ne convient pas en relativité pour la force de gravitation, car cette dernière s’écrit différemment en relativité (cf. chapitre 10). En effet, la force de gravitation que subit une particule A , d’énergie E = gmc2 , de la part d’un champ de gravitation, a pour expression : F= E G = gm G c2 Il en résulte, pour l’énergie potentielle associée, la relation suivante : d Ep = −F · d r = −gmG · d r d’où d Ep = gmG d z si l’axe Oz désigne la verticale ascendante. Pour un pendule simple, de longueur l , on a (Fig. 5.2) : z = −l cos u On en déduit : d’où d z = l sin u d u et d Ep = gmGl sin u d u d Ep = gmGl sin u du Comme g est relié à Ep par la relation traduisant la conservation de l’énergie, selon : gmc2 + Ep = mc2 + Ep,0 Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse 93 Ep,0 étant l’énergie potentielle lorsque le pendule est au repos, il vient : Ep,0 − Ep d Ep = 1+ mGl sin u du mc2 On trouve l’expression de Ep en intégrant l’équation différentielle : d Ep = sin u d u mGl [1 + (Ep,0 − Ep )/(mc2 )] Pour cela, effectuons le changement de variable : u= Gl (Ep,0 − Ep ) avec c2 On obtient, en posant b = mGl : − ce qui s’intègre selon : u+b Gl ln = 2 cos u Cte c du = − Gl d Ep c2 Gl du = 2 sin u d u u+b c Gl (Ep,0 − Ep ) + mGl = Cte × exp c2 soit Gl cos u c2 Il en résulte, si u0 est l’angle correspondant à Ep = Ep,0 : Gl Gl d’où Ep = Ep,0 +mc2 1 − exp Gl(cos u − cos u0 )/c2 0 = mc2 −Cte× 2 exp 2 (cos u − u0 ) c c O G u A F IG . 5.2. Remarque : On retrouve bien l’expression newtonienne, en faisant Gl/c2 1 : Gl Ep ≈ Ep,0 + mc2 1 − 1 + 2 (cos u − cos u0 ) = Ep,0 + mGl(cos u − cos u0 ) c IV . — RELATION ENTRE QUANTITÉ DE MOUVEMENT ET ÉNERGIE IV . 1 . — Particule de masse non nulle La relation entre la quantité de mouvement p et l’énergie E d’une particule libre, de masse non nulle, peut être établie en éliminant la vitesse entre les expressions de la quantité de mouvement et de l’énergie : mv mc2 p= et E = (1 − v 2 /c2 )1/2 (1 − v 2 /c2 )1/2 94 5. Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse Il suffit pour cela de calculer la quantité E 2 − p2 c2 : m2 c4 m2 v 2 c2 m2 c4 − = E −p c = 1 − v 2 /c2 1 − v 2 /c2 1 − v 2 /c2 2 2 2 v2 1− 2 c = m2 c4 Notons que cette quantité est, au coefficient multiplicatif c2 près, la norme du quadrivecteur quantité de mouvement-énergie. En effet , le carré de la pseudo-norme 4 − p s’écrit explicitement : 4-p2 = E2 − p2 = m2 c2 c2 On retiendra donc : E 2 − p2 c2 = m2 c4 Sur la figure 5.3, on a représenté un triangle rectangle ABC dans lequel E est l’hypothénuse AC = E . Il s’agit là d’un simple moyen mémotechnique s’appuyant sur la formule de Pythagore bien connue. L’exploitation technique de la relation entre quantité de mouvement et énergie est grandement facilitée si l’on exprime les énergies en MeV , les quantités de mouvement en MeV · c−1 et les masses en MeV · c−2 . Par exemple, on dira pour un proton, de masse mp = 0, 938 GeV · c−2 , et de quantité de mouvement p = 1 GeV · c−1 , que son énergie vaut E = 1, 371 GeV . Remarque : La relation entre p et E s’écrit aussi : p= 1 2 (E − m2 c4 )1/2 c La quantité de mouvement n’a donc de sens que dans les deux cas suivants : E mc2 et E −mc2 . Cette dernière possibilité a été à l’origine de « l’invention » des antiparticules par le physicien anglais P. Dirac en 1930, ce qui lui valut le prix Nobel en 1933. Les positrons ont été découverts deux ans plus tard, en 1932 par l’américain C. Anderson, lequel reçut pour cela le prix Nobel en 1936 (cf. chapitre 8). E A pc C mc2 B F IG . 5.3. IV . 2 . — Particule de masse nulle La relation entre l’énergie E d’une particule libre et sa quantité de mouvement p garde un sens pour m = 0 , puisque le facteur g devient alors infini. Dans ce cas, elle se réduit à : E = pc Il en est ainsi pour les photons, particules associées aux ondes électromagnétiques. Cette prévision théorique a été expérimentalement confirmée par l’effet photo-électrique et l’effet Compton (cf. Quantique). i) Selon l’effet photo-électrique, interprété par Einstein en 1905, le photon est la particule, d’énergie hn , que l’on doit associer au rayonnement électromagnétique monochromatique de fréquence n , h = 6, 626 × 10−34 J · s étant la constante universelle de Planck. 100 5. Dynamique et énergétique einsteiniennes. Énergie de masse VI . 2 . — Formules de transformation On déduit de la définition du quadrivecteur force les formules de transformation suivantes, par changement de référentiel galiléen R et R : gF · v/c = ge g F · v /c + be g Fx gFx = ge g Fx + be g F · v/c gFy = g Fy gFz = g Fz On condense souvent les trois dernières formules en distinguant la force longitudinale F// , suivant la direction du mouvement, et la force transversale F⊥ , normale à cette direction : gF// = ge g F// + be F · v /c gF⊥ = g F⊥ VI . 3 . — Exemples a) Force d’interaction entre deux électrons de même vitesse Soient deux électrons A1 et A2 qui se déplacent à la même vitesse v par rapport au référentiel R , normalement à la droite qui les joint (Fig. 5.5). Les forces F1 et F2 , qui s’exercent respectivement sur A1 et A2 , dans le référentiel R lié aux particules, sont d’origine électrostatique : F1 = − e2 1 q2 ey = − e2 ey 2 4pε0 d d et F2 = q2e ey d2 q2e = en posant e2 4pε0 Dans R , les formules de transformation, relatives aux forces transversales, s’écrivent : gF1 = g F1 gF2 = g F2 g= avec −1/2 v2 1− 2 c et g = 1 Par conséquent : F1 = − q2e d2 1/2 v2 ey 1− 2 c et F2 = q2e d2 1− v2 c2 1/2 ey Remarques : 1)Pour v c , ces forces deviennent, puisque m0 ε0 c2 = 1 : F2 = −F1 = e2 m0 e2 v 2 e − ey y 4pε0 d2 4p 2d2 On reconnaît, avec le second terme, une force attractive d’origine magnétique. 2) On constate que l’on a ici, comme en mécanique newtonienne, F1 + F2 = 0 . Cependant, ce résultat n’est pas général comme le montre l’exemple qui suit. 108 6. Électrodynamique des particules rapides II . — PARTICULE DANS UN CHAMP ÉLECTRIQUE CONSTANT II . 1 . — Équations différentielles du mouvement Lorsque le champ électromagnétique se réduit à un champ électrique E constant, c’est-à-dire stationnaire et uniforme, la loi fondamentale d’Einstein se simplifie selon : dp = qE dt Choisissons un référentiel galiléen du laboratoire R = Oxyz , tel que O soit la position initiale de la particule (Fig. 6.2), Ox soit orienté selon E et Oxy contienne la vitesse initiale vi qui fait l’angle ai avec E . On rend ainsi l’analyse commode sans en restreindre sa généralité. En projetant dans la base de R , on obtient : ṗx = qE E ṗx px = qEt + pi,x ṗy = 0 ṗy = q 0 py = Cte = pi,y d’où et ṗz = 0 0 ṗz pz = Cte = pi,z = 0 Comme vz = pz c2 /E = 0 , la trajectoire est contenue dans le plan formé par E et vi . Quant aux deux autres composantes de la vitesse, elles s’explicitent selon : (qEt + pi,x )c2 vx = ẋ = 1/2 m2 c4 + c2 (qEt + pi,x )2 + c2 p2i,y vy = ẏ = pi,y c2 m2 c4 + c2 (qEt + pi,x )2 + c2 p2i,y 1/2 y E R vi ai O x F IG . 6.2. II . 2 . — Mouvement rectiligne Comme en mécanique newtonienne, on obtient un mouvement rectiligne lorsque la vitesse initiale vi est nulle ou parallèle au champ E . En effet, dans ce cas, pi,y = 0 , d’où pi,x = pi . Le mouvement est alors rectiligne suivant la direction de E . On a, en effet, d’après ce qui précède : ẋ = (qEt + pi )c2 [m2 c4 + (qEt + pi 1/2 )2 c2 ] =c (qEt + pi )/(mc) 1/2 [1 + (qEt + pi )2 /(m2 c2 )] et ẏ = 0 Cette dernière équation donne immédiatement : y = Cte = 0 . On en déduit x en intégrant. Posant : w =1+ (qEt + pi )2 m2 c2 avec dw = 2 (qEt + pi )qE dt m2 c2 142 7. Collisions de particules rapides III . — COLLISIONS ÉLASTIQUES De telles collisions entre une particule projectile A1 (masse m1 ) et une particule cible A2 (masse m2 ) au repos satisfont à la réaction (Fig. 7.2a) : A1 + A2 → A1 + A2 dans laquelle la quantité de mouvement totale et l’énergie totale se conservent : p1 = p1 + p2 et E1 + m2 c2 = E1 + E2 Il est naturel d’introduire les angles de diffusion des particules, par rapport à la direction incidente : u1 = (p1 , p1 ) et u2 = (p1 , p2 ) ou bien l’angle a = (p1 , p2 ) que font entre elles les particules émergentes. III . 1 . — Collision entre deux particules dans le référentiel R Entre les deux équations de conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie, éliminons p1 et E1 . Il vient : (E1 + E2 − m2 c2 )2 − (p1 + p2 )2 c2 = m21 c4 soit : (E1 + E2 )2 − 2m2 c2 (E1 − E1 ) − p12 c2 − p22 c2 − 2p1 p2 c2 cos a = m21 c4 On obtient, en développant et en simplifiant : 2m22 c4 + 2E1 E2 − 2m2 c2 (E1 + E2 ) − 2p1 p2 c2 cos a = 0 d’où cos a = m22 c4 + E1 E2 − m2 c2 (E1 + E2 ) p1 p2 c2 On en déduit en exprimant les quantités de mouvement en fonction des énergies : cos a = m22 c4 + E1 E2 − m2 c2 (E1 + E2 ) (E 21 − m21 c4 )1/2 (E 22 − m22 c4 )1/2 Si la collision concerne deux particules de même masse m , la relation précédente devient : cos a = m2 c4 + E1 E2 − mc2 (E1 + E2 ) (E − mc2 )(E − mc2 ) (E − mc2 )1/2 (E2 − mc2 )1/2 = 2 1 2 4 1/2 2 2 = 1 2 2 2 4 1/2 2 4 1/2 2 4 1/2 (E1 + mc2 )1/2 (E2 + mc2 )1/2 (E 1 − m c ) (E 2 − m c ) (E 1 − m c ) (E 2 − m c ) On voit que cos a n’est pas nul et par conséquent que la collision entre deux particules, de même masse, n’implique pas, comme en mécanique newtonienne, un angle de p/2 entre les particules émergentes (cf. Mécanique). On retrouve aisément le résultat newtonien en faisant dans la relation précédente : E1 ≈ mc2 et E2 ≈ mc2 Pour une telle collision entre deux particules de même masse, par exemple des protons (Fig. 7.3a), on peut vérifier que que la relation vectorielle de conservation de la quantité de mouvement est bien vérifiée (Fig. 7.3b). En effet, en mesurant les rayons de courbure des trajectoires incurvées par un champ magnétique (cf. chapitre 6), on obtient les normes des quantités de mouvement connaissant p1 , puisque : p1 p p = 1 = 2 R1 R1 R2 On en déduit p1 , p2 , E1 , E1 et E2 ; on constate alors que la relation scalaire de conservation de l’énergie est bien satisfaite. Collisions de particules rapides 143 p 1 u1 a p 2 a) u2 p1 b) F IG . 7.3. Lorsque ce n’est pas le cas, il est nécessaire de revenir sur l’hypothèse même d’une collision élastique : on a pu oublier la création d’une particule neutre (neutron, neutrino, photon, etc.) qui, elle, ne laisse aucune trace dans un détecteur sensible uniquement aux particules chargées (cf. chapitre 8). Nous reviendrons plus loin sur ce point en analysant en détail les collisions inélastiques. Remarque : L’exploitation technique des résultats expérimentaux est grandement facilitée si l’on adopte comme unité le MeV pour les énergies, le MeV · c−1 pour les quantités de mouvement et le MeV · c−2 pour les masses. Par exemple, pour la collision élastique entre deux protons de la figure 7.3, on écrit : p1 = 2 607 MeV · c−1 p2 = 0 et m1 = m2 = mp ≈ 938 MeV · c−2 III . 2 . — Détermination de la masse d’une particule projectile Supposons que la collision élastique concerne une particule cible connue et une particule projectile, de masse inconnue, dont on sait déterminer la valeur p1 de la quantité de mouvement, grâce à un champ magnétique. Comme on souhaite éliminer les caractéristiques de la particule projectile après collision, écrivons les équations de conservation sous la forme : p1 = p1 − p2 ce qui donne : et E1 = E1 − E2 + m2 c2 (E1 − E2 + m2 c2 )2 − (p1 − p2 )2 c2 = m21 c4 Il vient, en effectuant et en simplifiant : 2 2 2 4 E12 + (E2 − m2 c2 )2 − 2E1 (E2 − m2 c2 ) − p21 c2 − p2 2 c + 2p1 · p2 c = m1 c soit : 2 2 (E2 − m2 c2 )2 − 2E1 (E2 − m2 c2 ) − p2 2 c + 2p1 · p2 c = 0 148 7. Collisions de particules rapides Masse Particules −2 ( MeV · c + proton p neutron n ) Charge Q Nombre (en unité e) baryonique B +1 +1 938,27 939,565 0 +1 − 0,511 −1 0 + positron e 0,511 +1 0 photon g 0 0 0 0 0 0 0 électron e neutrino ne méson p0 −6 2, 8 × 10 135 + 139,6 +1 0 − 139,6 −1 0 méson K + 493,7 1 0 méson K 0 498 0 0 méson m + 105,6 1 0 méson m − 105,6 −1 0 méson p méson p TAB . 7.2. Exemples 1) Formation de l’atome d’hydrogène à partir d’un électron et d’un proton : p+ + e− → H m + 2) Particule donnant spontanément deux particules ; désintégration du méson p+ en un méson et un neutrino n : p+ → m+ + n 3) Collisions entre particules donnant deux ou plus de deux particules p+ + p+ →21 H+ + p+ où 21 H+ le deuton. Remarque : Historiquement, on a proposé d’autres lois de conservation, comme la conservation du nombre d’étrangeté S (de strange en anglais), appelée ainsi car les particules à l’époque se comportaient de façon étrange. Cependant cette loi est parfois violée, comme dans la désintégration d’un méson K+ de nombre d’étrangeté 1 , selon la réaction suivante, établie expérimentalement en 1947 : K+ → p+ + p0 En effet, les pions p+ et p0 étant des particules de nombres d’étrangeté nuls, l’étrangeté n’est pas conservée. IV . 2 . — Transformation réciproque de masse en énergie La transformation réciproque de masse en énergie est plus ou moins importante selon la nature des collisions inélastiques. Dans la chimie atomique ou moléculaire, son influence est négligeable, alors que son rôle est essentiel dans les réactions nucléaires. Collisions de particules rapides 149 a) Défaut de la somme des masses dans l’atome d’hydrogène Analysons la réaction de formation d’un atome d’hydrogène dans son état fondamental, à partir d’un proton et d’un électron selon la collision inélastique : p+ + e− → H Dans le référentiel du centre de masse R∗ , l’énergie de l’atome s’écrit : E ∗ = mH c2 soit E ∗ = mp c2 + me c2 + Ek∗ + Ep en séparant les énergies de masse, l’énergie cinétique et l’énergie potentielle d’interaction électrostatique : mH c2 = mp c2 + me c2 + Ek∗ + Ep et mc2 = mp c2 + me c2 − mH c2 = Ek∗ + Ep = −13, 6 eV car, dans l’état fondamental : Ek∗ + Ep = −13, 6 eV . On voit que le défaut de la somme des masses est ici négligeable, puisqu’il ne représente qu’une très faible fraction ( ∼ 10−8 ) de l’énergie de masse des réactifs : mc2 ≈ 0 et mH c2 ≈ mp c2 + me c2 Il en est de même pour toute la chimie atomique et moléculaire où les énergies mises en jeu sont très faibles devant les énergies de masse. Aussi, dans ce contexte, admet-on la conservation de la somme des masses d’un système et identifie-t-on la masse de ce dernier à la somme des masses de ses constituants. b) Défaut de la somme des masses dans la fission d’un noyau lourd La réaction suivante est une réaction importante de fission d’un noyau lourd, le noyau de l’uranium 235 : 235 95 138 92 U + n → 39 Y +53 I + 3n Parmi les produits de réaction, I désigne l’iode et Y l’yttrium. Dans cette réaction, le défaut de la somme des énergies de masse est mc2 = 240 MeV , d’où l’énergie libérée par mole de noyaux ( ≈ 240 g ) : Qm = mc2 × NA = 240 × 6, 12 × 1023 MeV ≈ 2 × 1013 J Ce résultat est énorme, comparé à l’énergie 4 × 105 J fournie par la combustion de 12 g de carbone dans 32 g d’oxygène. La fission de noyaux d’uranium 235 est à la base du fonctionnement des centrales nucléaires : l’énergie cinétique des neutrons est récupérée pour produire de la vapeur d’eau, laquelle fait tourner une turbine qui produit de l’électricité (cf. chapitre 8). Remarque : La forme guerrière d’une centrale nucléaire est la bombe A (atomique). c) Défaut de la somme des masses dans la fusion de deux noyaux légers Une réaction de fusion typique est l’interaction d’un deutéron d (noyau de deutérium 21 H+ ) et d’un triton t (noyau de tritium 31 H+ ) donnant un hélion a (noyau d’hélium 42 He2+ ) et un neutron : d+t → a+n Le défaut de la somme des énergies de masse vaut ici (cf. 7.1) : mc2 = md c2 + mt c2 − ma c2 − mn c2 = 1875, 56 + 2808, 84 − 3727, 27 − 939, 55 ≈ 17, 6 MeV 150 7. Collisions de particules rapides ce qui représente la fraction 3, 8 × 10−3 de la somme des énergies de masse des réactifs. On en déduit l’énergie libérée par mole de réactifs (deutéron et triton), c’est-à-dire pour 5 g de matière : Qm = mc2 × NA = 17, 57 × 6, 02 × 1023 MeV ≈ 1, 7 × 1012 J Compte tenu de la masse molaire, ce résultat est du même ordre de grandeur que celui obtenu dans la fission. Remarques : 1) La fusion de noyaux légers permet de comprendre le rayonnement énergétique des étoiles (cf. chapitre 8). 2) La fusion est aussi à la base du fonctionnement de la bombe H (à hydrogène). La bombe à neutrons ou bombe N, conçue en 1979, n’est qu’une bombe H de faible puissance. Dans ce cas, les effets mécaniques destructeurs sont plus faibles que les effets d’irradiation qui déciment l’ennemi, d’où son intérêt guerrier. IV . 3 . — Seuil énergétique d’une collision inélastique Une collision inélastique, entre deux particules A1 et A2 , qui donne de nouvelles particules A3 , A4 , A5 , etc., ne peut se produire qu’à la condition que l’énergie totale du système soit suffisante. Nous nous proposons d’établir l’expression du seuil énergétique. a) Cas où la cible est au repos Soit deux particules, le projectile A1 et la cible A2 au repos par rapport au référentiel du laboratoire R . Supposons qu’après la collision apparaissent plusieurs particules A3 , A4 , A5 , etc. A1 + A 2 → A 3 + A 4 + A 5 + · · · Une telle réaction n’est possible que si l’énergie du système {A1 , A2 } est supérieure à une valeur minimale appelée énergie-seuil Es . Pour déterminer ce seuil, il est commode de se placer dans le référentiel R∗ , seul référentiel où, en raison de la définition de R∗ ( P∗ = 0 ), les particules émergentes peuvent être simultanément au repos ( Pf = 0 quel que soit f ). Ainsi : E ∗ (m3 + m4 + m5 + · · · ) c2 soit E∗ mf c2 f Afin d’exprimer cette condition en termes énergétiques du référentiel R , utilisons l’invariance de la norme 4-P : E 2 − P2 c2 = E ∗2 − P∗2 c2 = E ∗2 La condition précédente peut ainsi s’écrire : ⎞2 ⎛ (E1 + m2 c2 )2 − p21 c2 ⎝ mf c2 ⎠ f soit (E1 + m2 c2 )2 − p21 c2 = E ∗2 ce qui donne E1 ( f mf c2 )2 − (m21 + m22 )c4 2m2 c2 Il vient, pour l’énergie cinétique Ek, 1 , qui est aussi celle des deux particules incidentes, puisque Ek,2 = 0 : ( f mf c2 )2 − (m21 + m22 )c4 − 2m1 m2 c4 2 Ek = Ek,1 = E1 − m1 c 2m2 c2 156 7. Collisions de particules rapides Exprimons la conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie : p + 0 = p + pe et E + me c2 = E + Ee avec E = pc , E = p c et Ee2 − p2e c2 = m2e c4 . En éliminant pe et Ee entre les deux équations de conservation, on trouve : (E − E + me c2 )2 − (p − p )c2 = m2e c4 soit : (E − E )2 + 2me c2 (E − E ) − p2 c2 − p2 c2 + 2pcp c cos u = 0 Si l’on tient compte des relations entre énergie et quantité de mouvement des photons, du type E = pc , on trouve : 1 1 1 − = (1 − cos u) 2me c2 (E − E ) = 2EE (1 − cos u) d’où E E me c2 ce qui donne, en introduisant les longueurs d’onde l = hc/E et l = hc/E : l − l = lC (1 − cos u) où lC = h = 2, 426 308 9 pm me c est la longueur d’onde Compton. En déterminant la longueur d’onde du rayonnement diffusé pour plusieurs angles de diffusion u , on constate que la prévision des résultats expérimentaux est remarquable. Pour u = 0 , on observe deux pics, l’un centré sur la longueur d’onde incidente l , l’autre centré sur la longueur d’onde l , reliée à l et u , par la relation précédente (Fig. 7.9b). Notons que l > l , puisque le photon diffusé perd de l’énergie. L’écart observé peut être aisément expliqué par le modèle approché de l’électron cible libre. Ce modèle est d’autant plus satisfaisant que l’énergie acquise par l’électron sous forme cinétique est plus grande. La présence du premier pic doit être attribuée à la diffusion Compton par les particules lourdes de la cible, précisément les cœurs des atomes, pour lesquels la longueur d’onde de Compton est beaucoup plus faible que celle associée aux électrons externes, qui sont pratiquement libres. Quant au fond continu, qui s’étend sur tout le spectre, il est dû à la diffusion Thomson que l’on explique à l’aide du modèle de l’électron élastiquement lié, soumis au champ électrique de l’onde électromagnétique incidente (pulsation v ), loin de la résonance : v v0 (cf. Électromagnétisme). Remarques : 1) Il convient de bien distinguer l’effet Compton et l’effet photo-électrique. Ils font intervenir tous deux un photon incident et un électron cible. Cependant, contrairement à l’effet Compton, l’effet photoélectrique est le résultat d’une collision inélastique entre un photon incident et un métal par l’intermédiaire d’un électron en interaction avec le reste du métal. Après collision, la cible métallique a changé de nature puisqu’un électron a été arraché à l’édifice. 2) On introduit parfois la longueur d’onde de Compton « barrée » pour l’électron : lC = lC = 0, 386 159 05 pm 2p 3) Ce travail a valu à Compton le prix Nobel en 1927. 158 7. Collisions de particules rapides a) Émission L’émission d’un photon par un atome ou un noyau, passant d’un niveau excité d’énergie E0,2 = m2 c2 à son niveau fondamental d’énergie E0,1 = m1 c2 < E2 , peut être considérée comme une collision inélastique (Fig. 7.10a) : atome excité → atome + g Désignons par pa la quantité de mouvement acquise par l’atome, par Ea son énergie et par Eg,e = hne l’énergie du photon émis. Les conservations de la quantité de mouvement et de l’énergie du système, qui est isolé, s’écrivent, respectivement : 0 = pa + Eg,e e et c 2 1/2 E0,2 = Ea + Eg,e = (p2a c2 + E0,1 ) + Eg,e En utilisant la relation entre pa et Ea , on élimine ces deux quantités selon : 2 2 + E0,1 (E0,2 − Eg,e )2 = Eg,e d’où Eg,e = 2 2 E0,2 − E0,1 2E0,2 ce qui s’écrit aussi : Eg,e = (E0,2 − E0,1 ) E0,2 + E0,1 2E0,2 soit E0,2 − E0,1 Eg,e = (E0,2 − E0,1 ) 1 − 2E0,2 Comme E0,2 − E0,1 E0,2 , l’énergie Eg,e du photon émis ne diffère que légèrement de la différence E0,2 − E0,1 . Posant, E0,2 − E0,1 = hn12 , la relation précédente s’écrit aussi : ne − n12 hn12 =− n12 2m2 c2 E0,2 E0,2 hne E0,1 hna E0,1 Émission a) Absorption b) F IG . 7.10. b) Absorption L’effet photo-électrique est un exemple d’absorption de photon par un métal avec émission d’électron (cf. Quantique). On résume cette absorption par l’équation de réaction : g + métal → métal ionisé + e− Un autre exemple important est l’absorption d’un photon par un atome, ce qui produit un atome excité (Fig. 7.10b) : g + atome → atome excité Collisions de particules rapides 159 Avec des notations analogues aux précédentes, Eg,a = hna étant l’énergie du photon absorbé, les conservations de la quantité de mouvement et de l’énergie donnent respectivement : Eg,a 2 1/2 e + 0 = pa et E0,1 + Eg,a = Ea = (p2a c2 + E0,2 ) c puisque E0,2 est l’énergie de masse de l’atome dans l’état final. Comme précédemment, il vient, en éliminant pa et Ea : 2 2 + E0,2 (E0,1 + Eg,a )2 = Eg,a d’où Eg,a = 2 2 E0,2 − E0,1 2E0,1 ce qui s’écrit aussi : Eg,a = (E0,2 − E0,1 ) E0,2 + E0,1 2E0,1 E0,2 − E0,1 Eg,a = (E0,2 − E0,1 ) 1 + 2E0,1 soit Comme E0,2 − E0,1 E0,1 , l’énergie Eg,a du photon émis ne diffère, ici aussi, que légèrement de la différence E0,2 − E0,1 . Posant, comme pour l’émission E0,2 − E0,1 = hn12 , la relation précédente devient : hn12 na − n12 = n12 2m1 c2 c) Absorption résonnante par les atomes Les photons émis ou absorbés par les atomes ont une énergie de quelques eV, alors que leur masse est de l’ordre du GeV. Il en résulte que les effets de recul sont faibles. Ainsi pour les atomes de mercure, on a E0,1 ≈ 187 GeV et E0,2 − E0,1 ≈ 5 eV . Il en résulte que : Eg,e = E0,2 − E0,1 − (E0,2 − E0,1 )2 ≈ E0,2 − E0,1 2E0,2 et Eg,a = E0,2 − E0,1 + (E0,2 − E0,1 )2 ≈ E0,2 − E0,1 2E0,1 avec une précision égale à : E0,2 − E0,1 5 E0,2 − E0,1 ≈ ∼ ≈ 1, 3 × 10−11 2E0,2 2E0,1 2 × 187 × 109 On en déduit la différence suivante entre l’énergie du photon absorbé et celle du photon émis : 2R = Eg,a − Eg,e ≈ (E0,2 − E0,1 )2 E0,1 Il est naturel de comparer ce décalage énergétique à la largeur spectrale à mi-hauteur DE1/2 de la raie d’émission ou d’absorption. Un ordre de grandeur réaliste de cette dernière est fournie par l’effet Doppler-Fizeau (cf. chapitre 3). Les atomes, initialement au repos, sont mis en mouvement par l’émission ou l’absorption d’un photon. On sait que la variation relative de fréquence est donnée, à faible vitesse, par l’expression : Dn =v n c DF Si l’on donne à v la valeur vq de la vitesse quadratique moyenne des atomes ou des molécules, dans une lampe spectrale, de température T , on a (cf. Thermodynamique) : 1/2 1/2 Dn 3RT 1 2 3 = 3kB T mvq = kB T car n 2 2 mc M c 2 2 m DF Mm étant la masse molaire. Collisions de particules rapides 161 b) Effet Mössbauer En 1958, le physicien américain R. Mössbauer fut surpris de constater, en abaissant la température, que l’absorption résonnante de photons, d’énergie 129 keV , produite avec des noyaux radioactifs d’iridium 191, augmentait, alors qu’un refroidissement implique généralement une réduction de la largeur spectrale des raies et donc une diminution de l’absorption. Il attribua ce phénomène à la forte énergie de liaison de ces noyaux avec les atomes du cristal, de l’ordre de 10 eV . Si la température est inférieure à la température de Debye, qui est la température caractéristique de la décroissance de la capacité thermique du cristal (cf. Thermodynamique), c’est ce dernier, avec une masse de l’ordre de 1020 fois la masse du noyau, qui participe au recul, et non les seuls noyaux radioactifs ; il en résulte que les énergies de recul sont alors extrêmement faibles, et que, comme pour les atomes, on a, à basse température : 2R DE . Cette découverte, qui valut le prix Nobel à son auteur en 1961, est appelée depuis l’effet Mössbauer. Elle est à l’origine d’une technique de détermination précise de l’intensité spectrale d’une source : la spectrométrie Mössbauer. CONCLUSION Rappelons les points essentiels. 1) Les deux lois principales de conservation dans une collision quelconque sont : pi = pf et Ei = Ef i i f f 2) On distingue les collisions élastiques, pour lesquelles le nombre et la nature des particules sont inchangés, des autres collisions qualifiées d’inélastiques. Dans ces dernières, l’énergie cinétique totale n’est pas conservée. 3) Le référentiel du centre de masse R∗ , qui est galiléen et tel que la quantité de mouvement totale du système est nulle, présente un intérêt technique considérable. Par exemple, dans R∗ , on peut savoir si la collision est élastique ou non en comparant la perte d’énergie subie par la particule incidente uniquement. 4) La variation d’énergie cinétique d’un système de particules est égale au défaut de la somme des énergies de masse du système : DEk = mc2 avec mc2 = mi c2 − mf c2 i f C’est cette équation qui traduit le plus clairement l’équivalence masse-énergie. 5) La réalisation d’une collision inélastique est soumise à une condition énergétique sur les particules en interaction. Dans le référentiel du centre de masse, cette condition s’écrit : mf c2 E∗ f ∗ car, dans R , toutes les particules émergentes peuvent être simultanément au repos. Dans le référentiel du laboratoire où la particule cible A2 est au repos, cette condition devient : ( f mf c2 )2 − ( i mi c2 )2 s s Ek,1 Ek,1 avec Ek,1 = 2m2 c2 6) Le cas particulier des photons s’inscrit dans l’analyse générale des collisions. Il suffit simplement de prendre en compte la valeur nulle de leur masse. Physique nucléaire 177 b) Énergie de liaison par nucléon Désignons l’énergie de liaison moyenne par nucléon par b (de l’anglais, binding energy qui signifie énergie de liaison) : b= El A Sur la figure 8.3, on a représenté la courbe donnant l’énergie de liaison par nucléon b en fonction de A : b augmente d’abord rapidement pour les noyaux légers, passe par un maximum large pour les noyaux moyennement lourds puis diminue lentement pour des valeurs plus grandes de A . b(MeV) Fe 8 6 4 4He 10B 6Li 3He 2 2H A 0 10 50 100 150 200 F IG . 8.3. La valeur maximale est celle du noyau de fer ( 56 26 Fe ) : bFe = 8, 79 MeV . Pour le noyau d’hélium 4 ( 2 He2+ ), cette énergie est bHe = 7, 07 MeV , alors que, pour un noyau lourd, tel que celui de l’uranium 238 92 U , elle vaut bU = 7, 6 MeV . Il en résulte que la fission d’un noyau lourd en deux parties ou la fusion de deux noyaux légers libèrerait de l’énergie. Remarque : À l’aide de la figure, on voit que l’hélium et le fer apparaissent comme les éléments les plus stables, le premier parmi les éléments légers, le second parmi les lourds. I . 8 . — Transmutation nucléaire La première transmutation nucléaire fut réalisée en 1932 par les physiciens britanique J. Cockroft et irlandais E. Walton , à partir d’une prévision et d’une suggestion du physicien d’origine russe G. Gamow. En projetant des protons sur des cibles de lithium 7, ils observèrent la production de paires de noyaux d’hélium ; en pénétrant dans les cibles qui contiennent trois protons et quatre neutrons, ils forment des noyaux de bérylium 8, avec quatre protons et quatre neutrons, lesquels fissionnent en deux noyaux d’hélium. Le bilan énergétique confirme bien la transformation einsteinienne d’énergie en masse. Jusqu’en 1939, on pensait qu’il était impossible de créer des noyaux transuraniens, c’est-à-dire plus lourds que le noyau d’uranium. C’était une erreur, car dès 1940 on put fabriquer le neptunium ( Z = 93 ) et le plutonium ( Z = 94 ). Puis, en bombardant des cibles d’uranium ou de plutonium avec des neutrons ou des particules a , on produisit successivement : – en 1944, l’américium, Z = 95 , – en 1944, le curium, Z = 96 , – en 1949, le berkelium, Z = 97 , – en 1950, le californium, Z = 98 , – en 1952, l’einsteinium, Z = 99 et le fermium, Z = 100 , – en 1955, le mendelevium, Z = 101 . Physique nucléaire 189 a) Pertes d’énergie par ionisation. Formule de Bethe Les pertes des particules chargées par ionisation sont les plus importantes. L’énergie cédée aux électrons atomiques d’un milieu, par une particule incidente chargée A1 , durant un trajet élémentaire de longueur d s , est proportionnelle à la perte d’énergie, notée Q , relative à une collision et au nombre de collisions subies. Ce dernier est égal au nombre de centres diffuseurs contenus dans le cylindre droit, de longueur d s et de section égale à la section efficace de diffusion d s (cf. Mécanique) ; il vaut donc nd d s d s , si nd désigne le nombre de centres diffuseurs par unité de volume. Il en résulte que la perte d’énergie − d E , au cours du déplacement élémentaire d s , s’obtient en sommant toutes les valeurs de Q : rNA − d E = d s Q nd d s avec nd = Z na et na = Mm na étant le nombre d’atomes par unité de volume, r la masse volumique du milieu, NA le nombre d’Avogadro, Z le nombre d’électrons par atome et Mm la masse molaire des atomes du milieu. Pour calculer l’intégrale précédente, il faut exprimer d s en fonction de Q . En effectuant ce calcul laborieux, Bethe a établi le résultat suivant, relatif au pouvoir d’arrêt des matériaux pour des particules autres que des électrons : 2 2 2g1 b1 me c2 e4 ZrNA Z1 dE 2 = − ln − b 1 ds me ε0 c2 Mm b21 I où me est la masse d’un électron atomique, b1 le rapport de la vitesse v1 de la particule incidente sur c , g1 le facteur relativiste associé à b1 , Z1 le nombre de charges élémentaires de cette particule et I une énergie associée à l’ensemble des états électroniques de l’atome, appelée potentiel moyen d’ionisation. On admet souvent la formule empirique suivante donnant I , en eV, en fonction de Z : I( eV) = 16 Z 0,9 Notons que la particule incidente n’intervient dans le pouvoir d’arrêt que par le carré de sa vitesse ( b21 ) et par sa charge Z1 . Sur la figure 8.8, on a représenté, pour des particules a , le pouvoir d’arrêt de l’hydrogène liquide, en fonction de (g1 −1) qui désigne l’énergie cinétique de A1 en unité de masse m1 c2 . Dans ce cas, où Z1 = 2 , Z = 1 , r = 70, 8 kg · m−3 , Mm = 10−3 kg , on obtient l’expression suivante de −d E/ d s , en MeV · m−1 : 1, 022 × 106 b21 4, 35 dE 2 = − ln − b1 ds b21 16(1 − b21 ) −1 − dE (MeV.m ) ds 250 200 150 100 50 0 1 2 3 4 F IG . 8.8. 5 g1−1 192 8. Physique nucléaire Comme l’énergie cinétique reste faible devant l’énergie de masse des neutrons, qui est de l’ordre du GeV, l’analyse du ralentissement de ces particules peut être conduite simplement dans l’approximation newtonienne. En outre, les collisions sont supposées élastiques, car ce sont ces dernières qui jouent un rôle essentiel dans le processus de ralentissement. Les lois de conservation de la quantité de mouvement totale et de l’énergie cinétique totale, au cours de telles collisions, entre un neutron projectile A1 , de masse m1 , et un noyau cible au repos A2 , de masse 2 , s’écrivent, respectivement : p1 + 0 = p1 + p2 p21 p2 p2 +0= 1 + 2 m1 m1 m2 et La variation de l’énergie cinétique d’un neutron, au cours d’une collision, est donc : Ek,1 − Ek,1 = − p22 2m2 Sur la figure 8.10, on a représenté le diagramme caractéristique d’une collision élastique entre un projectile et une cible au repos en mécanique newtonienne (cf. Mécanique) ; le cercle a un rayon égal à mv , m = m1 m2 /(m1 + m2 ) étant la masse réduite et v la vitesse v1 du projectile, car la cible est au repos. L’angle (OA, OC) est l’angle u∗ de diffusion dans le référentiel du centre de masse R∗ . Il en résulte : ∗ ∗ ∗ u u u m2 v 2 m1 m2 2 2 sin Ek,1 sin p2 = 2mv sin d’où Ek,1 − Ek,1 = −2 = −4 2 2 m2 2 (m1 + m2 ) 2 Ainsi : Ek,1 A =1−4 sin2 Ek,1 (1 + A)2 u∗ 2 = 1 + A2 + 2A cos u∗ (1 + A)2 où A = m2 m1 est le rapport de la masse de la cible (noyau lourd) sur celle du projectile (neutron). Ainsi, le rapport entre les énergies cinétiques du neutron, après et avant la collision varient entre deux valeurs extrêmes : A−1 A+1 2 Ek,1 1 Ek,1 On voit qu’avec des matériaux, de faible A , par exemple l’hydrogène pour lequel A = 1 , un neutron peut perdre toute son énergie cinétique au cours d’une seule collision. C p10 u* B O F IG . 8.10. p20 A H 196 8. Physique nucléaire Tout comme l’interaction électromagnétique qui s’effectue par échange de photon, l’interaction faible entre leptons se transmet par l’intermédiaire de trois bosons : Z 0 , W + et W − . Le premier, de masse 93 GeV · c−2 et électriquement neutre, permet d’interpréter la diffusion élastique d’un neutrino ou d’un antineutrino. Les deux autres, de même masse 81 GeV · c−2 et de charges opposées ( e et −e ), véhiculent l’interaction inélastique avec des particules chargées. L’existence de ces bosons, avec les valeurs correctes des masses, a été prévue par les auteurs de la théorie électrofaible, les physiciens américains S. Weinberg et S. Glashow et par le physicien pakistanais A. Salam, ce qui leur valut le prix Nobel en 1979. Quant à la preuve expérimentale de leur existence, elle a été établie au CERN, en 1983, par C. Rubbia ; ce dernier fut récompensé, lui aussi, par le prix Nobel en 1984. Le tableau 8.2 permet d’avoir une vue d’ensemble des propriétés de ces particules fondamentales. Remarque : Concernant les neutrinos, une question déjà posée en 1936 par le physicien sicilien Ettore Majorana reste encore sans réponse : le neutrino est-il sa propre antiparticule ? La mise au point récente du détecteur NEMO (pour Neutrino Ettore Majorana Observatory) pourrait être décisive dès 2005. W W Z TAB . 8.2. 202 8. Physique nucléaire production d’électricité, selon la filière Uranium Naturel-Graphite-Gaz (UNGG), car elle ne possédait pas à l’époque d’usine d’enrichissement d’uranium. Après 1969, elle abandonna cette filière, car trop coûteuse et de rendement médiocre, pour celle des Réacteurs à Eau sous Pression (REP). Actuellement le parc français des centrales nucléaires ne comporte que deux centrales UNGG, l’une à Saint-Laurentdes-Eaux et l’autre au Bugey. Actuellement, la plupart des réacteurs nucléaires, fonctionnent avec de l’uranium 235, ce qui exige d’enrichir l’uranium naturel, car le minerai d’uranium n’en contient en moyenne que 0, 3 % . a) Enrichissement de l’uranium 238 Pour enrichir l’uranium naturel en isotope 235 92 U, lequel ne se trouve mélangé à l’isotope 92 U qu’en très petite quantité, 0, 7 % environ, on transforme d’abord l’uranium en un gaz, l’hexafluorure d’uranium (UF 6 ), en faisant réagir de l’acide fluorhydrique ; on sépare ensuite par diffusion gazeuse les molécules contenant de l’uranium 235 de celles contenant l’isotope 238 (cf. Thermodynamique). L’enrichisement souhaité de 3 % nécessite environ 1 500 étages. On produit alors avec l’UF 6 des pastilles d’oxyde d’uranium UO 2 que l’on empile dans des tubes cylindriques en alliage de zirconiumfer-étain. La masse totale d’uranium enrichi, nécessaire au fonctionnement d’un réacteur de puissance 1 300 MW , telle que la centrale de Golfech (dans le sud-ouest de la France), est de 100 tonnes . Remarque : L’uranium appauvri est un déchet de l’industrie de l’enrichissement de l’uranium. Il contient 0, 2 % en uranium 235. Aussi est-il radioactif. Malgré cette radioactivité, il est utilisé dans l’industrie, pour sa grande densité qui est 1,7 fois plus grande que celle du plomb. En raison des problèmes de santé qu’il semble poser, son emploi est de plus en plus contesté. b) Modérateur La réaction de fission en chaîne ne peut être entretenue que si les neutrons émergents, entrant en collision avec d’autres noyaux fissiles, ne sont pas trop rapides, car c’est dans ce dernier cas que la section efficace de fission est la plus élevée. Aussi, utilise-t-on, dans les centrales nucléaires, des modérateurs, dont la fonction est de ralentir les neutrons dont l’énergie cinétique initiale est de l’ordre du MeV. On montre que les élements légers sont d’excellents modérateurs : l’eau H2 O , ou le carbone, sous forme de graphite (cf. Exercices). Le premier réacteur nucléaire, construit par E. Fermi, utilisait du carbone comme modérateur, alors que, dans la centrale de Golfech, le modérateur est de l’eau ordinaire sous haute pression. Remarque : L’eau lourde D2 O , présente, comme l’eau légère, la propriété d’être un excellent ralentisseur de neutrons, mais avec l’avantage de beaucoup moins les absorber. c) Description d’un réacteur nucléaire Sur la figure 8.15, on a représenté le schéma de fonctionnement d’un Réacteur à Eau sous Pression. Comme dans un moteur thermique classique (cf. Thermodynamique), on distingue aux moins deux sources thermiques. La source chaude est constituée d’un circuit primaire d’eau, qui comprend la cuve du réacteur, des pompes pour faire circuler l’eau, un pressurisateur dont la fonction est de fixer la pression dans le circuit et un générateur de vapeur. La source froide, elle, est constituée d’un circuit secondaire de vapeur d’eau, qui reçoit l’énergie du générateur de vapeur, d’où le nom de ce dernier ; la pression étant de 70 bar , la température de la vapeur est de l’ordre de 560 K . Cette vapeur d’eau actionne une turbine qui entraîne un alternateur, lequel fournit à sa sortie une puissance électrique, qui alimente le primaire d’un transformateur haute tension. Physique nucléaire 205 V . 6 . — Fusion nucléaire a) Énergie libérée Calculons l’énergie libérée par la réaction de fusion de deux deutons en un hélion : 2 + 1H +21 H+ → 42 He2+ Il vient, d’après l’expression de l’énergie de liaison à partir du défaut de masse (Tab. 7.1) : −El = mc2 = 2md c2 − ma c2 = 2 × 1 875, 61 − 3 727, 27 = 23, 55 ≈ 14 MeV La fusion précédente des deux deutons ne s’effectue que si l’énergie cinétique est de l’ordre de 100 keV , ce qui correspond à une température (cf. Thermodynamique) : T= 2Ek 2 × 105 × 1, 6 × 10−19 = = 773 MK 3kB 3 × 1, 38 × 10−23 soit 773 millions de degrés ! Ainsi, pour se produire, les réactions de fusion exigent des températures très élevées, ce qui permet aux noyaux de se rapprocher suffisamment malgré la répulsion électrostatique. b) Réacteurs à fusion nucléaire Le contrôle des réactions de fusion pose des problèmes technologiques considérables, qui sont encore loin d’être résolus, notamment l’obtention de températures de l’ordre de plusieurs MK et donc la réalisation de systèmes de confinement destinés à jouer le rôle de récipient accueillant la matière sous forme de plasma (cf. chapitre 6). Il existe, dans le monde, plusieurs réacteurs expérimentaux sur la fusion, notamment le JET à Culham en Grande-Bretagne et le TORE SUPRA à Cadarache, au sud de la France. Récemment, le projet mondial ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) est à l’étude, précisément dans le but de résoudre ces problèmes en suspens ; le site de Cadarache en France est candidat pour accueillir l’ensemble des installations. On projette là essentiellement de fusionner deuton et triton selon la réaction : d+t → a+n ce qui exige une température de l’ordre de 500 MK . Notons que ces produits sont abondants sur Terre, puisqu’on trouve 33 mg de deutérium et 0, 17 mg de tritium par litre d’eau. Jusqu’à présent, les applications de la fusion ont été uniquement guerrières : citons la bombe H, dont l’énergie initiale est obtenue à l’aide d’une bombe à fission (bombe A), et la bombe N, ou bombe à neutrons, conçue en 1979, qui est une bombe H de faible puissance ; l’intérêt militaire de cette bombe réside dans la faiblesse des effets mécaniques destructeurs, qui endommagent peu les installations, et dans l’efficacité des effets d’irradiation qui déciment l’ennemi. Remarque : En 1989, les électrochimistes américains Marin Flesichmann et Stanley Pons annoncèrent avoir réalisé une fusion froide, c’est-à-dire une réaction de fusion de deux noyaux de deutérium à température ambiante, au cours d’une expérience d’électrolyse d’eau lourde D2 O . L’explication avancée était la suivante : de l’oxygène gazeux se dégage sur l’anode en platine, alors que du deutérium, gazeux lui aussi, se loge dans les lacunes de la cathode en palladium ; cette accumulation de deutérium provoquerait alors la fusion des noyaux et l’émission de neutrons. Cette annonce surprit la communauté scientifique internationale, car les interactions en jeu en électrochimie sont de nature électromagnétique, de longue portée, alors que celles qui interviennent en fusion nucléaire sont environ cent fois plus grandes et de très courte portée, de l’ordre de 10−15 m . Dix ans après, malgré d’impor- Gravitation et relativité 261 ae = G Source S z z R n G O O Récepteur a) n G=0 H R Source S H R Récepteur b) F IG . 10.16. Adoptons comme origine des temps, l’instant d’émission de la lumière par S . À cet instant, la vitesse de S par rapport à R est nulle. Au bout de la durée t nécessaire à la lumière pour atteindre le récepteur R , cette vitesse par rapport à R , qui est aussi celle de S , vaut selon l’axe descendant GH/c , H/c étant la durée parcourue par R pendant la propagation du signal électromagnétique depuis S jusqu’à R . Par conséquent, le signal émis est reçu à l’instant t = H/c , lorsque le récepteur a une vitesse de rapprochement par rapport à la source égale à vr = GH/c . D’après la formule de l’effet Doppler-Fizeau (cf. chapitre 3), la fréquence du signal que le récepteur reçoit diffère de celle émise par S , selon la formule approchée suivante : Gt nr − ns vr = ≈ ns c c soit nr − ns GH ≈ 2 ns c Ainsi, la marche d’une horloge dépend du champ de gravitation dans lequel elle se trouve. Remarques : 1) Le décalage spectral précédent peut s’exprimer aussi, en fonction de l’énergie Eg = hn du photon associé à l’onde électromagnétique de fréquence n : Eg,r − Eg,s nr − ns GH = = 2 ns Eg,s c 2) La relation entre les fréquences ns et nr est parfois établie en effectuant un bilan énergétique sur le photon, comme on le ferait sur un objet newtonien, de masse hns /c2 , dite masse en vol du photon : hns hnr = hns + GH c2 Nous avons écarté une telle démonstration, d’abord pour éviter ce concept hypothétique de « masse en vol » du photon, qui change de S à R en passant au cours de la chute de hns /c2 à hns /c2 , ensuite pour ne pas masquer l’effet Doppler-Fizeau, lequel joue un rôle essentiel dans l’analyse, enfin pour reproduire la démonstation faite par Einstein lui-même. b) Décalage spectral en fonction du potentiel de gravitation Lorsque le champ de gravitation n’est pas uniforme, il est préférable d’exprimer le décalage spectral en fonction du potentiel de gravitation F , lequel apparaît naturellement dans l’expression de la vitesse de rapprochement vr . En effet : r 1 r 1 r 1 vr = vr · er = (−G) d t · er = G d r = − DF s = − (Fr − Fs ) c c c s s 262 10. Gravitation et relativité car d r = −c d t er . On trouve alors : nr − ns Fr − Fs vr =− ≈ ns c c2 Très souvent, on exprime ce décalage en fonction des périodes Tr = 1/nr et Ts = 1/ns : Tr − Ts Fr − Fs ≈ Ts c2 Si le champ de gravitation est créé par une distribution de masse, à symétrie sphérique, de rayon R , il vient, en désignant par M la masse de cette distribution : 1 nr − ns Fr − Fs GM 1 G0 H GMT nr − ns − où G0 = ≈− = 2 ≈ 2 soit ns c2 c R R+H ns c (1 + H/R) R2 est le champ de gravitation au niveau du détecteur, lequel est placé à la surface de la distribution sphérique, à une distance R du centre de cette distribution. c) Applications Dans sa publication originale de 1911, Einstein appliqua le résultat précédent au potentiel de gravitation produit par le Soleil, en un point de sa surface, à une distance RS de son centre, et en un point de la surface de la Terre, à une distance RS + ST . Il trouva : Fr − Fs F(RS + ST) − F(RS ) GMs rS = ≈ = c2 c2 RS c2 2RS d’où : nr − ns 2, 94 × 103 ≈− ≈ −2, 13 × 10−6 ns 2 × 0, 69 × 109 Dans les systèmes de radio-navigation par satellite, essentiels pour l’atterrissage des avions et le guidage des bateaux, tels que le GPS américain et bientôt son équivalent européen Galileo (cf. chapitre 3), la précision sur la détermination des durées exige que l’on prenne en compte la variation précédente du temps en fonction du potentiel gravitationnel terrestre. Il vient, en désignant par H l’altitude des satellites au-dessus de la Terre (masse MT et rayon RT ) : 1 Tr − Ts Fr − Fs GMT 1 1 GMT = =− 2 − 1− =− Ts c2 c RT RT + H RT c2 1 + H/RT ce qui donne, à une altitude H = 24 000 km : Tr − Ts 6, 67 × 10−11 × 6 × 1024 =− Ts 6, 4 × 106 × 9 × 1016 1− 1 1 + 24/6, 4 ≈ −5, 5 × 10−10 Sur une durée de 1 min , l’horloge au sol retarde sur celle de la source satellitaire de t = 3, 3 ns , retard qui correspond à un d’écalage spatial ct de 1 m environ. Remarque : Le projet Galiléo, prévu pour 2008, diffèrera de son homogue américain sur quelques points : 30 satellites et non 24, situés à une altitude de 24 000 km au lieu de 20 200 km , meilleure précision, mais surtout programme uniquement civil. Gravitation et relativité 263 IV . 2 . — Expérience de Pound et Rebka En 1959, les physiciens américains R. Pound et G. Rebka ont eu l’idée de se servir de l’effet Mössbauer (cf. chapitre 8), c’est-à-dire de l’émission sans recul de rayons g , à la suite de transitions de noyaux atomiques insérés dans des structures cristallines, pour tester sur Terre la validité de la théorie d’Einstein sur la gravitation. En effet, les raies du spectre du rayonnement émis sont alors extrêmement fines, ce qui permet de faire des mesures très précises. Ils utilisèrent les photons g , d’énergie 14, 4 keV , émis selon la verticale descendante par une source radioactive de noyau de fer 57 (cf. chapitre 8), placée à une hauteur H = 22, 6 m au-dessus du sol, là où se trouvait un photomultiplicateur détectant les photons incidents (Fig. 10.17). La variation relative de fréquence est donc la suivante : 9, 81 × 22, 6 G0 H nr − ns ≈ ≈ 2 ≈ 2, 5 × 10−15 ns c (1 + H/RT ) 9 × 1016 sachant que RT = 6, 4 × 106 m et G0 ≈ 9, 81 m · s−2 . Pour mettre en évidence cette très petite variation de la fréquence, ils eurent l’idée de communiquer un mouvement d’éloignement de la source par rapport au récepteur, afin de compenser, par effet DopplerFizeau longitudinal (cf. chapitre 3), la variation relative de fréquence due à la gravitation. On a, alors, si ve désigne la vitesse d’éloignement de la source : Dn Dn GH ve GH = 0 et ve = − + = 0 d’où + n G n DFL c2 c c Dans cette expérience, l’ordre de grandeur de la vitesse ve était, en valeur absolue : |ve | = 9, 81 × 22, 6 ≈ 0, 74 mm · s−1 3 × 108 La mesure précise de ve permit de tester cette prévision théorique et donc de confirmer l’influence de la gravitation sur l’énergie d’un photon. Source 57 26 Fe n H G Photomultiplicateur Étoile Photon émis F IG . 10.18. Récepteur F IG . 10.17. Observateur IV . 3 . — Décalage spectral vers le bleu ou vers le rouge ? Lorsqu’on observe le rayonnement électromagnétique émis par une source stellaire (Fig. 10.18), située à une distance d , la vitesse du photon émis par cette source est de sens opposé à celui du champ de gravitation qu’elle crée : Dn Gd = − 2 < 0 d’où n c Gd Dl = 2 >0 l c