Paris, le 14 novembre 2014 4
Une cause exonératoire de responsabilité possible pour les personnes à l’origine des bruits
de livraisons : la règle de l’antériorité (art. L. 112-16 CCH)
L’exception de l’antériorité est un argument très souvent avancé par les responsables du bruit des
livraisons. En effet l’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation dispose que « les
dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles,
industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques n’entraînent pas droit à réparation lorsque le
permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé (ou l’acte
authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi) postérieurement à l’existence des activités
les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives
ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».
Trois conditions doivent être simultanément réunies pour que l’article L.112-16 puisse être
utilement invoqué. L’activité litigieuse doit en effet :
être antérieure à l’installation des plaignants ;
respecter les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;
s’être poursuivie dans les mêmes conditions par rapport à la date retenue pour apprécier son
antériorité.
Lorsque les trois conditions sont réunies, le juge est intraitable. Dans un arrêt de la Cour d’appel de
Versailles du 12 septembre 1997, le juge a confirmé que la victime ne pouvait obtenir indemnisation du
préjudice subi. Dans un arrêt du juillet 1987, à propos de la pollution atmosphérique résultant du
stationnement de camions de livraison d’un hypermarché Carrefour à Evry, la Cour d’appel de Paris a
confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance d’Evry en considérant qu’il fallait faire application
du L.112-16 dès lors que l’acquisition du pavillon des plaignants avait eu lieu postérieurement à
l’existence des activités occasionnant les nuisances. Le stationnement des camions se faisait en
conformité avec les arrêtés municipaux.
Les bruits de livraison constituant des troubles normaux de voisinage
En conclusion, quels sont les bruits de livraison constituant des troubles normaux de voisinage ?
Les décisions sont finalement assez peu nombreuses. Dans un jugement du 24 mars 1989 du tribunal
de grande instance de Pontoise à propos d’une aire de livraison située à Sarcelles et fonctionnant dès
4 heures du matin, le juge a considéré que les installations de l’hypermarché étaient conformes aux
diverses réglementations existantes, avaient fait l’objet d’autorisations auprès de diverses
administrations compétentes et que les bruits avaient été réduits notablement. Pour débouter les
requérants, le juge a déduit que les nuisances ne provenaient pas uniquement du magasin, mais d’un
encombrement du boulevard. Il a jugé que la situation devrait trouver une solution par la prise de
dispositions réglementaires en accord avec la municipalité.
La jurisprudence du juge civil à l’égard des nuisances sonores occasionnées par les livraisons n’est
absolument pas dérogatoire au droit commun. Les livraisons sont des activités professionnelles qui
doivent pouvoir s’exercer en tout lieu et à toute heure du jour et même de la nuit, sachant néanmoins
que toutes les précautions doivent être prises par les responsables pour que les nuisances
occasionnées ne puissent être considérées comme des troubles anormaux du voisinage.
Le respect de la jurisprudence peut coûter très cher aux activités commerciales et aux livraisons. Il
peut se traduire par :
des études acoustiques ;
des équipements pour réduire les nuisances ;
l’aménagement de locaux ;
des frais de justice en cas de recours contentieux des riverains.
La tranquillité a un prix, lequel doit être payé par les fauteurs de bruit.