1 TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE : LA MAIGRE PART DES

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TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE : LA MAIGRE PART DES NORMES…
La cour de cassation [Civ., 3ème, 24 mars 2016, n° 15-13306] a rendu un arrêt rappelant aux juges du
fond que l’irrespect d’une norme est inopérant à démontrer à lui seul l’existence d’un trouble
anormal.
Dans cette affaire, un plaignant invoquait des nuisances sonores provenant d’un extracteur. Le
propriétaire est condamné par une cour d’appel aux motifs que « L'expert conclut que l'émergence
mise en évidence par ses mesures soit 6 dBA du fait du fonctionnement de l'extracteur situé sur le fonds
exploité par M X... dépasse la valeur maximale réglementaire et qu'il en est de même des émergences
spectrales relevées. Ainsi il doit être retenu que le bruit dépassant les normes admissibles provenait
bien du fonds exploité par M X ».
L’arrêt est cassé sèchement par la cour de cassation : « Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs
inopérants tirés de la violation d’une disposition réglementaire, sans rechercher, comme il le lui avait
été demandé, si les troubles invoqués excédaient les inconvénients normaux du voisinage, la cour
d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Cet arrêt peut être rapproché d’un second, plus récent encore, rendu par une cour d’appel concernant
deux époux qui s’étaient installés dans un petit village pour leur retraite « dans une maison en retrait
de la route [et qui] recherchaient le calme ».
Leurs voisins avaient, pour leur part, « implanté un atelier de menuiseries le long de la ligne divisoire.
Monsieur H., qui est menuisier, a installé dans ses locaux une scie électrique, une fasse, une raboteuse
et une toupie.
L’expertise judiciaire a permis de constater que l’émergence mesurée perçue dans le jardin des
appelants, des machines de la menuiserie en fonctionnement est tout juste inférieure à l’émergence
admissible pour un fonctionnement dont la durée cumulée d’apparition du bruit est inférieure à deux
heures en période diurne… ».
La cour a estimé qu’« Eu égard à la nature du bruit provenant du travail du bois particulièrement
désagréable à l'oreille pour le voisinage, ces nuisances provenant d'un local nullement insonorisé,
excèdent par leur nature et leur importance les troubles admissibles de voisinage auxquels on peut
s'attendre en zone rurale, dans une maison non mitoyenne située à la sortie d'un bourg, éloignée d'une
route [et] entourée d'un terrain suffisamment important pour que ses occupants puissent espérer
profiter d'un environnement silencieux ».
Elle a donc condamné les bruyants menuisiers à indemniser leurs voisins et à prendre « toutes mesures
utiles de leur choix, soit une isolation du local, soit le déménagement des machines pour faire cesser les
gênes acoustiques subies » [CA Angers, 26 avril 2016, n° 15/00366].
La conclusion est donc la suivante : le bruit causé par un voisin doit être anormal – donc
insupportable – pour être sanctionné.
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Que ce bruit soit dans ou hors les tolérances règlementaires importe peu (la jurisprudence est
constante à ce titre).
Ainsi, les nuisances sonores peuvent excéder pareilles tolérances et, pour autant, ne pas constituer un
trouble anormal de voisinage.
Tout comme elles peuvent être comprises dans les tolérances et, néanmoins, constituer un trouble
anormal de voisinage.
Rien n’est simple !
Ajoutons, à cela, au besoin, un rappel : le trouble anormal de voisinage ne s’analyse pas de la même
manière selon qu’il prend siège à la ville ou à la campagne…
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