Notes de cours
E. Lozes
semestre 2 2016-2017
1 Déduction naturelle : les systèmes N J0et N K0
1.1 Règles de la déduction naturelle
Les jugements de la déduction naturelle sont de la forme Γ`ϕΓest un en-
semble de formules de F0(P)et ϕ∈ F0(P). Un jugement est prouvable si il est
dérivable à partir des règles de la gure 1.
On appelle déduction naturelle intuitioniste, aka NJ0, le système de règles cor-
respondant à NK0dans lequel on remplace (Abs)par la règle (E)suivante :
Γ` ⊥
Γ`ψ(E)
qui est dérivable en NK0à partir de Abs et Aff.
La déduction naturelle est une formalisation de la notion de preuve mathématique
qui se veut proche des preuves “humaines”. Il faut comprendre ce “proche” au sens
de “plus proche que” d’autres systèmes, notamment les systèmes de déduction à la
Hilbert. Un système de déduction à la Hilbert repose uniquement sur des axiomes et
le modus ponens ; ces systèmes ne permettent pas de représenter une preuve textuelle
comme
Montrons AB.
Supposons A
[...]
donc B.
On a donc montré AB
1.2 Correction et complétude
Pour une interprétation I⊆ P, on note I|= Γ si I|=ϕpour tout ϕΓ, et
I|= Γ `ψsi I|= Γ implique I|=ψ. Le jugement Γ`ψest valide si I|= Γ `ψ
pour toute interprétation I.
Théorème 1.1 (Correction de NK0).Si Γ`ϕest prouvable dans NK0(resp. NJ0),
alors Γ`ϕ.
Démonstration. Par récurrence sur la longueur de la preuve de Γ`ϕ. Vu en cours
avec Hubert Comon.
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Figure 1 – Règles d’inférence de la déduction naturelle propositionnelle classique,
aka NK0
On s’intéresse à la réciproque. Notons tout d’abord que cette réciproque n’est pas
vraie pour NJ0: on montrera plus loin que le jugement `A∨ ¬A(tiers exclu) n’est
pas prouvable en NJ0, et pourtant il est valide. En revanche, le tiers exclu est bien
prouvable en NK0, comme tous les jugements valides. C’est le théorème de complé-
tude. On en donne une preuve légèrement diérente de celle des notes de cours de
Hubert Comon : on commence par montrer la complétude pour des jugements d’une
certaine forme, puis on étend ce résultat à tous les jugements valides en utilisant le
fait que le tiers exclu est prouvable.
Lemme 1.2. Soit Γ`ϕun jugement valide tel que pour toute variable proposition-
nelle Ade ce jugement, {A, ¬A} ∩ Γ6=. Alors Γ`ϕest prouvable dans NJ0(et
donc aussi dans NK0).
Démonstration. Par récurrence sur le couple (n, m)ndésigne le nombre de for-
mules dans Γet mla taille de ϕ, pour l’ordre lexicographique. 1
si ϕ=>, on applique la règle pour >
si ϕ=, on distingue deux cas :
il y a une variable propositionnelle Atelle que {A, ¬A} ⊆ Γ: alors on
prouve Γ` ⊥ par (¬E)sur Aet deux fois (Ax).
il existe une interprétation Iqui satisfait ΓLit(P), où Lit(P) = {A, ¬A|
A∈ P}. Comme I6|= Γ, il existe ϕΓ\Lit(P)telle que I6|=ϕ. Soit
Γ0= Γ \ {ϕ}. Alors Γ0` ¬ϕest valide, et comme Γ0contient une formule
1. autrement dit, on fait une récurrence sur le nombre de formules dans Γ, et une sous-récurrence sur
la taille de ϕ.
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de moins que Γ, on déduit par récurrence que Γ0` ¬ϕest prouvable. On en
déduit
Γ0, ϕ `ϕ(Ax)Γ0` ¬ϕ
Γ0, ϕ ` ¬ϕ(Aff)
(Γ =)Γ0, ϕ ` ⊥ (¬E)
si ϕ=¬> : on applique (¬I)puis (Aff)pour se ramener à Γ` ⊥, et on
conclut par récurrence.
si ϕ=¬⊥ : on applique (¬I)puis (Ax).
si ϕ=`avec `Lit(P): si `Γ, on peut appliquer (Ax). Sinon, par hypo-
thèse ¯
`Γ.2Supposons par l’absurde qu’on ait I|= Γ pour une interprétation
I. Alors en particulier I|=¯
`, donc I6|=`, ce qui contredit la validité du ju-
gement Γ``. On en déduit que I6|= Γ pour tout I, autrement dit Γ` est
valide. Par récurrence, ce jugement est prouvable, et donc par (E)le juge-
ment Γ``est prouvable.
si ϕ=ϕ1ϕ2: alors Γ`ϕ1et Γ`ϕ2sont valides, donc par hypothèse de
récurrence prouvables, donc Γ`ϕ1ϕ2est prouvable en appliquant (I).
si ϕ=¬(ϕ1ϕ2): par hypothèse, il existe au plus une interprétation Itelle
que I|= Γ, donc au moins un des deux jugements parmi Γ` ¬ϕ1et Γ` ¬ϕ2
est valide. Par symmétrie, supposons que Γ` ¬ϕ1est valide. Par récurrence,
ce jugement est prouvable. On en déduit
Γ` ¬ϕ1
Γ, ϕ1ϕ2` ¬ϕ1
(Aff)Γ, ϕ1ϕ2`ϕ1ϕ2
(Ax)
Γ, ϕ1ϕ2`ϕ1
(E1)
Γ, ϕ1ϕ2` ⊥ (¬E)
Γ` ¬(ϕ1ϕ2)(¬I)
si ϕ=ϕ1ϕ2par hypothèse, il existe au plus une interprétation Itelle que
I|= Γ, donc au moins un des deux jugements parmi Γ`ϕ1et Γ`ϕ2est
valide. Par symmétrie, supposons que Γ`ϕ1est valide. Alors Γ`ϕ1ϕ2est
prouvable par (I1).
si ϕ=¬(ϕ1ϕ2): toujours par le même argument, Γ` ¬ϕ1et Γ` ¬ϕ2
sont valides, donc par récurrence prouvables. On en déduit que Γ, ϕ1` est
prouvable puisque
Γ, ϕ1`ϕ1
(Ax)Γ` ¬ϕ1
Γ, ϕ1` ¬ϕ1
(Aff)
Γ, ϕ1` ⊥ (¬E)
et de même pour Γ, ϕ2` ⊥. On a alors
Γ, ϕ1ϕ2`ϕ1ϕ2
(Ax)Γ, ϕ1` ⊥
Γ, ϕ1ϕ2, ϕ1` ⊥ (Aff)Γ, ϕ2` ⊥
Γ, ϕ1ϕ2, ϕ2` ⊥ (Aff)
Γ, ϕ1ϕ2` ⊥ (E)
Γ` ¬(ϕ1ϕ2)(¬I)
2. où l’on pose ¯
A=¬Aet ¬A=A.
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si ϕ=ϕ1ϕ2: à nouveau, Γ` ¬ϕ1est valide, ou sinon c’est Γ`ϕ2.
supposons Γ` ¬ϕ1valide, et donc par récurrence prouvable ; comme vu
dans le cas précédent,Γ, ϕ ` ⊥ est donc prouvable. On en déduit que
Γ, ϕ1` ⊥
Γ, ϕ1`ϕ2
(E)
Γ`ϕ1ϕ2
(I)
supposons Γ`ϕ2valide, et donc par récurrence prouvable. Alors
Γ`ϕ2
Γ, ϕ1`ϕ2
(Aff)
Γ`ϕ1ϕ2
(I)
si ϕ=¬(ϕ1ϕ2): alors Γ`ϕ1et Γ` ¬ϕ2sont valides, et donc par
récurrence prouvables. On en déduit
Γ`ϕ1
Γ, ϕ1ϕ2`ϕ1
(Aff)Γ, ϕ1ϕ2`ϕ1ϕ2
(Ax)
Γ, ϕ1ϕ2`ϕ2
(E)Γ` ¬ϕ2
Γ, ϕ1ϕ2` ¬ϕ2
(Aff)
Γ, ϕ1ϕ2` ⊥ (¬E)
Γ` ¬(ϕ1ϕ2)(¬I)
On s’arrête un instant sur la règle suivante :
Γ`ϕ
Γ,¬ϕ` ⊥ (¬L)
Lemme 1.3. Tout jugement prouvable dans NJ0+ (¬L)est prouvable dans NJ0
Démonstration. On remplace une application de (¬L)par
Γ,¬ϕ` ¬ϕ(Ax)Γ`ϕ
Γ,¬ϕ`ϕ(Aff)
Γ,¬ϕ` ⊥ (¬E)
On s’intéresse maintenant aux trois règles suivantes :
Γ,¬ϕ` ⊥
Γ`ϕ(Abs)Γ` ¬¬ϕ
Γ`ϕ(DN)Γ`ϕ∨ ¬ϕ(T E)
Lemme 1.4. Les systèmes NJ0+ (Abs)(i.e. NK0), NJ0+ (DN ), et N J0+ (T E)
prouvent les mêmes jugements.
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Démonstration. On déduit (DN)de (Abs)par
Γ,¬ϕ` ¬ϕ(Ax)Γ` ¬¬ϕ
Γ,¬ϕ` ¬¬ϕ(Aff)
Γ,¬ϕ` ⊥ (¬E)
Γ`ϕ(Abs)
On déduit (T E)de (DN)dans NJ0+ (¬L)par
Γ, ϕ `ϕ(Ax)
Γ, ϕ `ϕ∨ ¬ϕ(I1)
Γ,¬(ϕ∨ ¬ϕ), ϕ ` ⊥ (¬L)
Γ,¬(ϕ∨ ¬ϕ)` ¬ϕ(¬I)
Γ,¬ϕ` ¬ϕ(Ax)
Γ,¬ϕ`ϕ∨ ¬ϕ(2)
Γ,¬(ϕ∨ ¬ϕ),¬ϕ` ⊥ (¬L)
Γ,¬(ϕ∨ ¬ϕ)` ¬¬ϕ(¬I)
Γ,¬(ϕ∨ ¬ϕ)` ⊥ (¬E)
Γ` ¬¬(ϕ∨ ¬ϕ)(¬I)
Γ`ϕ∨ ¬ϕ(DN)
Enn, on déduit (Abs)de (T E)par
Γ`ϕ∨ ¬ϕ(T E)Γ, ϕ `ϕ(Ax)Γ,¬ϕ` ⊥
Γ,¬ϕ`ϕ(E)
Γ`ϕ(E)
Théorème 1.5 (Complétude de NK0).Si Γ`ϕest valide, alors Γ`ϕest prouvable
dans NK0.
Démonstration. Par récurrence sur le nombre de variables propositionnelles Adu ju-
gement telles que {A, ¬A}Γ = . Si il n’y aucune variable de la sorte, on applique le
lemme 1.2. Sinon, soit Aune telle variable. Alors Γ, A `ϕet Γ,¬A`ϕsont valides,
et par récurrence prouvables. On conclut par le tiers exclu :
Γ`A∨ ¬A(T E)Γ, A `ϕΓ,¬A`ϕ
Γ`ϕ(E)
2 Calcul des séquents : les systèmes LK0et LJ0
On s’intéresse maintenant au calcul des séquents LK0et sa version intuitioniste
LJ0. Par rapport à la déduction naturelle, les règles du calcul des séquents permettent
de passer d’un jugement contenant une formule ϕ6∈ P en un ou plusieurs jugements
faisant intervernir des sous-formules de ϕ, sauf dans le cas de la règle de coupure.
Cette propriété prend son intérêt dans le programme de Hilbert : elle permet d’établir
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