Expertises Janvier 2017 epargne.humanis.com L’année 2017 annonce le début d’une bataille fiscale initiée par le nouveau président américain. Le nerf de la guerre reste la stimulation de l’investissement. Mais la baisse des taxes sera-t-elle suffisante pour permettre aux entreprises d’investir davantage ? Éléments de réponse avec Stéphanie Villers, Chef économiste d’Humanis. Parallèlement à l’émergence de nouveaux labels et réglementations en 2016, c’est tout le marché de l’ISR (Investissement Socialement Responsable) et la conception même de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui évoluent. Explication de Grégory Schneider-Maunoury, Responsable ISR d’Humanis Gestion d’Actifs. Repères ÉCONOMIE Z one euro : + 0,2 % : Hausse de l’emploi en T3 (T/T) + 1,1 % : Taux d’inflation en décembre tats-Unis : É + 3,5 % : Croissance du PIB en T3 (ra) + 1,7 % : Taux d’inflation en novembre MARCHÉS FINANCIERS Taux directeurs États-Unis : 0,75 % Zone euro : 0 % Taux à 10 ans des emprunts d’État Indicateurs ESG Environnement, Social, de Gouvernance 57 % : part d'électricité d'origine renouvelable en 2027, alors que E l'engagement de l'Inde en 2015 portait sur 40 % en 2030 50 % : part des espèces E vertébrés disparues en 40 ans, selon le WWF 30 000 emplois dans le solaire S en France d'ici 2023 (15 000 en 2016) 25 % : part des agences bancaires fermées par Unicredit, S suite à son plan de restructuration (11 % des effectifs concernés) 15 des 28 pays de l'UE devront réglementer le vote de G la rémunération des dirigeants par les actionnaires (déjà présent dans 13 pays) 3 millions : nombre d'actionnaires individuels en France, soit 700 000 G de moins qu'en 2014, rendant les entreprises moins protégées contre les OPA Allemagne : 0,21 % le 30 novembre France : 0,68 % Italie : 1,81 % Espagne : 1,38 % Marchés actions États-Unis (S&P500) : + 1,8 % sur un mois Europe (Eurostoxx 50) : + 7,8 % Paris (CAC 40) : + 6,2 % Indice CAC 40 (Paris) à 4 862 points le 30 décembre DEVISE ET PÉTROLE Le 30 décembre 2016 Euro : 1,051 $ pour 1 € Pétrole (Brent) : 56,8 $/baril ACTUALITÉ DES MARCHÉS MARCHÉS OBLIGATAIRES : LA NORMALISATION MONÉTAIRE EST LANCÉE Sans grande surprise, la Réserve fédérale américaine (Fed) a finalement décidé de remonter ses taux directeurs de 25pb. Dans son discours, la présidente de la Fed, Janet Yellen, a même envisagé trois nouvelles hausses de taux en 2017, alors qu’elle n’en prévoyait que deux lors de sa précédente conférence de presse. D’un point de vue macro-économique, cette décision paraît cohérente. D’une part, parce qu’aux États-Unis le taux de chômage continue de reculer à 4,6 % de la population active et que les créations d’emploi progressent de 178K nouveaux postes en novembre. D’autre part, parce que les hausses de salaires restent relativement élevées sur le marché du travail, autour de 2,5 % en moyenne annuelle. En remontant ainsi ses taux directeurs, la Réserve fédérale limite le risque de surchauffe aux États-Unis. Le contexte de normalisation des taux directeurs de la Fed et l’accroissement des anticipations d’inflation vont contribuer à augmenter progressivement les taux d’intérêt américains. Notons que ces derniers avaient déjà progressé lors de l’élection de D. Trump. A contrario, de l’autre côté de l’Atlantique, la Banque centrale européenne (BCE) ne semble pas pressée de relever ses taux. Pourtant, la conjoncture économique continue de s’améliorer en zone euro. Le taux de chômage recule à 9,8 % de la population active. Le PMI manufacturier et le PMI composite progressent en novembre. Et même l’inflation, « boostée » par la hausse du prix du baril, reprend quelques couleurs. Mais le manque de vigueur de la croissance (nous prévoyons 1,4 % en 2016), et de l’inflation sous-jacente (0,8 % en novembre), ne permettent pas pour l’instant pas à M. Draghi Taux d'intérêt 10 ans - Zone euro de normaliser sa politique monétaire. Lors de sa dernière réunion, la BCE semblait pourtant pencher en ce sens en décidant d’abaisser ses rachats mensuels de dettes de 80 à 60 milliards d’euros. Mais cette mesure, tout d’abord perçue comme un « tapering », n’est en réalité qu’un rééquilibrage. La preuve en est qu’au même moment la BCE décidait de prolonger son QE de neuf mois jusqu’à fin 2017. D’après nos prévisions, la divergence de ces deux politiques monétaires devrait conduire à un creusement des taux d’intérêt américains et européens. Le prolongement du programme d’assouplissement quantitatif permet en effet de conserver des taux bas. n MARCHÉS ACTIONS : EN AVANT TOUTE ! Rien ne semble pouvoir arrêter les marchés actions. Depuis l’élection de D. Trump, Wall Street et les principales Bourses européennes ne cessent de grimper. Car le programme du nouveau président des États-Unis, fait de baisses d’impôt (5 000 milliards de dollars), de dépenses d’infrastructures (1 000 milliards de dollars), et de dérèglementation du système bancaire (notamment sous la forme d’amendements de la loi Dodd-Frank), continue d’alimenter les fantasmes sur les marchés boursiers. Alors que le S&P 500 poursuit sa progression, le Dow Jones se trouve désormais à portée du seuil Indices boursiers - Zone euro historique des 20 000 points. L’Europe aussi bat des records. Le rally de fin d’année et le prolongement du Quantitative Easing propulse à la fois le CAC 40 et le DAX. Mais l’emballement boursier pourrait être de courte durée. Les politiques budgétaires annoncées du 45e Président des États-Unis sont favorables à l’inflation et à la croissance, mais l’excès de dépenses publiques pourrait entraîner une hausse trop rapide des taux d’intérêt avec des effets induits négatifs sur l’activité. Les pays émergents ne seraient pas épargnés. Une hausse du billet vert et des taux d’intérêt américains augmentent d’une part leur endettement, et d’autre part les fuites de capitaux. Sur le marché pétrolier, le prix du pétrole continue de prendre des couleurs. Pour raréfier l’offre et produire une hausse des cours, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) s’est en effet engagée (avec onze pays non-membres du cartel) à réduire sa production de 1 758 K de barils par jour. Mais la tendance haussière ne devrait cependant pas faire monter le baril au-delà de 60 $ en 2017. Rappelons en effet que la remontée des cours rentabilise à nouveau la production de pétrole de schiste US, susceptible de se déverser sur les marchés en limitant, in fine, la baisse de l’offre mondiale orchestrée par l’OPEP. Le Brent s’échange aujourd’hui à 56 $ le baril. n POINT DE VUE ÉCONOMIQUE 2017 : LA CROISSANCE MONDIALE DANS L’ŒIL DU CYCLONE FISCAL 2017 marque le début d’une nouvelle ère de dumping fiscal initié par Trump. L’ensemble des grandes puissances économiques vont emboiter le pas. Offrir une bouffée d’oxygène aux entreprises est une bonne chose, mais encore faut-il que ces dernières se mettent à investir pour soutenir la machine économique qui se veut en pleine mutation. L’investissement se doit d’être stimulé dans les secteurs au potentiel de croissance élevé en laissant de côté la politique des grands travaux pour se consacrer davantage aux innovations portées par la révolution technologique. semestres en attendant que la dynamique de croissance crée de nouveaux emplois, stimule les revenus et les bénéfices pour, in fine, générer de nouvelles sources d’impôts. La tentation de mettre la pression sur les plus aisés en augmentant leurs taux d’imposition ne fait plus recette, même en France. La nouvelle tendance en matière de politique budgétaire se concentre sur le potentiel de croissance pour récolter plus de recettes fiscales. En France, le candidat François Fillon a déjà annoncé la couleur en proposant une réduction progressive de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % ainsi qu’une baisse des charges pour les entreprises, de 40 milliards €. Mais en économie, rien n’est automatique. En d’autres termes, il ne suffira pas de sortir l’artillerie lourde en matière fiscale pour stimuler la machine économique. La bouffée d’oxygène offerte aux entreprises en abaissant la fiscalité est nécessaire mais non suffisante car elle n’engage en rien ces dernières. Les firmes peuvent, en effet, préférer, faute de débouchés à leurs yeux, miser sur la valorisation de leurs titres plutôt Mais en que d’investir. Or, l’investissement économie, rien n’est est l’impulsion de la croissance. Sans automatique les dépenses des entreprises pour moderniser l’appareil productif, pour innover et rester pionnier dans leur secteur, le chômage et l’emploi ne pourront être améliorés. L’objectif principal de ces mesures : redynamiser l’attractivité de chaque zone. Nous voilà donc lancés dans un vaste mouvement de dumping fiscal. Les grandes puissances économiques vont devoir s’y conformer en ajustant leur propre fiscalité si elles souhaitent rester dans la course. En d’autres termes, quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle en France, il devra s’adapter en abaissant le taux d’imposition sur les sociétés pour éviter de se tirer une balle dans le pied. L’Allemagne est déjà bien positionnée avec un taux global de 15,8 %. Depuis la crise de 2008, le rendement attendu d’un investissement semble avoir été défini à un niveau trop élevé, ce qui a conduit les entreprises à privilégier le rachat de leurs titres ou la distribution de dividendes. Ainsi, depuis les quatre derniers trimestres, les dépenses en investissement des entreprises américaines se contractent. Au troisième trimestre 2016, alors que la croissance du PIB enregistre une hausse de 3,2 % en rythme annualisé, l’investissement marque un recul de 4,8 %. La fiscalité ne fait pas tout Le rendement à tout prix tue l’investissement La baisse massive d’impôts aura pour conséquence immédiate la diminution des recettes fiscales et la détérioration des comptes publics. Pour atténuer cette dégradation, il faudra soit baisser les dépenses publiques, soit laisser dériver les déficits sur quelques La faiblesse de l’investissement productif est devenue un frein chronique dans la plupart des pays développés. Une nouvelle ère s’ouvre avec, en fil conducteur, la baisse massive de l’impôt sur les sociétés. Ce mouvement a été initié par Donald Trump, mais Theresa May a très vite emboité le pas. Le taux d’imposition devrait ainsi passer aux États-Unis de 35 % à 15 %. Il en sera de même pour la Grande-Bretagne, qui s’est engagée à maintenir son taux au niveau le plus bas des pays du G20. Pour la zone euro, il faudrait, selon le FMI, accroître les dépenses d’investissement de 10 % à 15 % pour retrouver des niveaux d’avant crise. La course aux rendements court terme dissuade bon nombre d’entreprises d’investir. Si les politiques d’allègement fiscal constituent un plus pour stimuler l’effort d’investissement, elles resteront insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées d’une prise de conscience et d’une incitation pour les entreprises à prendre en marche les mutations économiques qui s’opèrent. La révolution technologique réclame une mise à jour et une modernisation de l’appareil productif en phase avec l’apport des diverses innovations qui transforment notre façon de consommer, de produire et plus globalement nos modes de vie. Donc, certes, il faut investir mais pas n’importe où. Reprendre les recettes d’antan en misant notamment sur la politique des grands travaux à travers le développement des infrastructures ne pourra soutenir qu’artificiellement la croissance. Il faut davantage agir sur le potentiel de long terme avec un partenariat privé/public visant à accompagner ces transformations et offrir plus de latitude aux entreprises qui craignent un retour sur investissement trop tardif. n FOCUS INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE L’ISR ET LA RSE DE 2016 À 2017 Parallèlement à l’émergence de nouveaux labels et réglementations en 2016, c’est tout le marché de l’ISR (Investissement Socialement Responsable) et la conception même de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui évoluent. Le marché de l’ISR fut marqué en 2016 par le lancement des labels publics du gouvernement français : le label ISR (conformément à un cahier des charges: usages de critères ESG, rapport de dialogue actionnarial) et le label TEEC (Transition Écologique et Energétique pour le Climat), montrant une contribution à la transition énergétique, notamment par le financement d’infrastructures vertes. À ce jour, plus de 60 fonds de 9 sociétés de gestion ont obtenu le label ISR (près de 10 Mds d’euros) et une dizaine de fonds de 9 sociétés de gestion ont obtenu le label TEEC (près d’ 1 Md d’euros). de l’article 173 de la loi sur la transition. Plus qu’une réglementation sanction, c’est une incitation à la réflexion stratégique sur l’impact de l’ESG sur les décisions d’investissement : choix stratégique de lutter contre un problème identifié (comme le travail des enfants ou la lutte contre le changement climatique) ou volonté économique de limiter les pertes financières potentielles à long terme. La RSE, de la morale à la stratégie La RSE n’est donc pas le mouvement naturel des entreprises vers le « Bien », défini par un consensus entre l’entreprise et ses parties prenantes. Face à cette vision utopique, et donc peu concrète, d’autres propositions émergent. Par exemple, la RSE peut être définie comme la gestion de biens publics (qualité de l’eau et de l’air, qualité des espaces naturels, mais aussi compétences collectives des salariés), par délégation implicite de l’État à l’Entreprise. Cela suppose que les États définissent des objectifs de politique publique et que la discussion avec l’entreprise porte sur les modalités d’atteinte de ces objectifs collectifs. Cette vision permet à la fois de bien définir les responsabilités des uns et des autres et de s’adapter aux systèmes politiques de chaque pays. Ces systèmes peuvent, en amont de cette relation, définir des processus participatifs de décision entre les citoyens et les États et, en aval, intégrer les ONG à des dispositifs de suivi. Vers une gestion financière thématique et obligataire L’ISR, de l’image à l’impact Plus que la mise en œuvre des labels en tant que tels, le marché de l’ISR est soumis à une forte évolution de la communication des entreprises, qui répond à celle de la conception de la RSE. De nombreuses entreprises commencent à sélectionner plus strictement les données communiquées aux investisseurs pour mieux maitriser leur communication. Elles renvoient aussi l’investisseur à la consistance de sa demande, et aux limites du concept de transparence. Au lieu de vanter des mérites civiques ou moraux, les entreprises communiquent plus sur leur agilité, leur résistance stratégique ou leur capacité d’anticipation ou d’adaptation aux questions ESG. L’investisseur doit quant à lui expliquer le pourquoi de sa demande et définir l’intérêt commun de celle-ci. 2016 a aussi vu les premiers pas Une telle définition de la RSE permet d’envisager un recentrage de l’ISR en 2017. Il s’agit de financer des projets ou des entreprises qui permettent au mieux de répondre aux enjeux environnementaux et sociaux de demain. Ce choix d’impact ou de thème environnemental ou social à financer peut être effectué sur des petites capitalisations, qui permettent une identification claire des projets et des impacts plus délimités. La gestion obligataire, dont les durées de détention rendent réalistes l’impact financier à long terme des questions ESG, permettent aussi de mieux répondre à cette évolution de l’ISR. Ainsi, les obligations vertes, qui ont franchi en 2016 le volume annuel d’émissions de 100 Mds d’euros, semble l’avant-garde d’un mouvement fort. Les émetteurs obligataires prennent mieux en charge les questions ESG, soit par mesure de l’impact environnemental ou social du projet, soit par mesure des conséquences financières des enjeux ESG. * ESG : Environnement Social et de Gouvernance RÉDACTION ET CONTACT : Stéphanie Villers, chef économiste, groupe Humanis : sté[email protected] Alexandre Hantzberg, assistant économiste, groupe Humanis : [email protected] Grégory Schneider-Maunoury, responsable de l’analyse ISR, Humanis Gestion d’Actifs : [email protected] Avertissement Document d'information à caractère non contractuel. Ce document reflète les vues personnelles de son auteur et n’exprime pas nécessairement les vues d’Humanis Gestion d’Actifs. Ce document est produit à titre d’information et peut être modifié à tout moment sans préavis. Le contenu de ce document est issu de sources considérées comme fiables par Humanis Gestion d’Actifs. 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