recherches d`archéologie aérienne en bourgogne en 1973

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RECHERCHES D'ARCHÉOLOGIE AÉRIENNE
EN BOURGOGNE EN 1973-1974 (1)
par M. René GOGUEY
Effectués au départ avec la collaboration de l'Armée de l'Air,
les vols de prospection archéologique ont rassemblé depuis 1959
un énorme dossier photographique sur les sites archéologiques de la
Bourgogne. Mais les découvertes sont loin d'arriver à leur terme.
La richesse de notre région est telle, la conjugaison des paramètres
favorables si diverse que chaque campagne apporte une moisson
nouvelle : en 1973, grâce à des conditions climatiques particulièrement propices et malgré un nombre restreint d'heures de vol,
en 1974 grâce à des heures de vol plus nombreuses qui ont compensé
de médiocres conditions météorologiques.
Éléments de méthodologie.
Ils ont une importance primordiale car une prospection systématique ne peut dépendre du hasard. S'il suffisait de « prendre
l'avion » pour voir surgir les plans de villas ou les nécropoles, tous les
sites archéologiques auraient été repérés par les centaines de milliers
de pilotes, navigateurs, passagers qui ont sillonné le ciel de France
depuis la Première Guerre Mondiale. Détecter à vue les traces
anormales dans la végétation, la neige, les labours, les enregistrer
sur les films, les interpréter exige une bonne connaissance de
l'archéologie, de l'aviation et de la photographie. L'expérience
acquise en 15 années de « vols archéologiques » nous permet maintenant de surmonter toutes les difficultés techniques.
Les avions loués à l'Aéro-Club de la Côte d'Or sont tous à
aile basse et à cockpit fermé. La prise de vues doit être effectuée
en virage serré — pour « effacer » l'aile — et sous un angle d'éclairage
exactement calculé pour éviter les reflets du plexiglas. Une telle
manœuvre exécutée à très basse altitude par vent violent et fortes
turbulences — ce qui fut souvent le cas en 1974 — présente des
risques de « décrochage » ou de « passage sur le dos ». Nous devons
à l'habileté du pilote, Roger Normand, qui nous apporte bénévo1. Le bilan sommaire des recherches effectuées en 1972 a été donné dans
Mémoires de la Commission des Antiquités, t. XXVIII, p. 63-68.
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lement son concours, d'avoir pu mener à bien des séances de photographie apparemment irréalisables. Mais un avion à aile haute
(type Cessna) spécialement équipé pour la photographie aérienne
réduirait ces risques. Les subventions accordées par le Secrétariat
d'Etat aux Affaires Culturelles ont permis d'effectuer 18 heures de
vol en 1973, 74 heures de vol en 1974. Ceci ne correspondait qu'à
trois jours de recherches intensives en 1973. Mais en 1974 il a été
possible de répartir les vols du 3 mars au 30 août afin d'utiliser
les conditions de recherche les plus diverses : sols labourés (favorables à la détection des cadastres anciens, des plans d'ensemble
de villas comme celles de Longecourt), départ de la végétation au
printemps, colzas en fleurs (qui ont révélé des enclos protohistoriques à Genlis), regains de luzernes, sécheresse sur prairies...
Mais les recherches méthodologiques réalisées précédemment2
avaient démontré l'efficacité de la prospection aérienne sur céréales
mûrissantes. Aussi la part la plus intensive de la prospection at-elle été réalisée du 17 juin au 12 juillet, la durée des vols atteignant
6 heures par jour aux moments les plus propices.
Les sites ont été photographiés systématiquement sur film
Kodachrome II sous-exposé avec appareil Nikon et filtre « antihaze » et sur film « Ektachrome Infra-Red Aéro » (Fausses Couleurs)
avec appareil Zeiss et filtre jaune. Les vues ont été prises simultanément de la place « co-pilote » vers l'avant droit et de la place
arrière droite donnant ainsi, sur deux films différents, des angles
complémentaires. Connaissant par expérience la fugacité des traces
archéologiques visibles à l'oeil, nous avons multiplié les photographies à des altitudes différentes et à des dates et heures diverses
pour mettre en évidence les vestiges les moins apparents. Une telle
méthode a prouvé son efficacité en 1974 car les pluies de mai-juin
avaient contrarié l'apparition des « crops-mark » ; aussi de nombreux
sites seraient-ils restés invisibles si la prospection s'était limitée à
un survol rapide des zones étudiées. La répétition des vols sur des
sites découverts antérieurement a permis d'autre part d'obtenir
les plans les plus nets et les plus complets, chaque trace atteignant
pendant quelques heures un paroxysme qu'il faut saisir en ce
court délai. Un tel phénomène a pu être observé sur le vaste ensemble
monumental de Lux en 1973, sur une villa découverte à Selongey
en 1973, mais plus nettement visible le 9 juillet 1974 à 17 heures
(photo 1).
2. GOGUEY (R.), De VAviation à VArchéologie ; recherches sur les méthodes
et tes techniques de VArchéologie aérienne, Paris, 1968, p. 5 à 107.
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Les recherches ont porté sur quatre types d'objectifs :
— quadrillage systématique des régions géologiquement favorables (en particulier, couloir de la Saône à substrat de gravier
lacustre quaternaire) ;
— exploration des abords des grands axes de circulation terrestres
(voies antiques) ou fluviaux (vallées des cours d'eau navigables dans
l'Antiquité) ;
— étude complémentaire des grands sites archéologiques de la
région (tels Alésia, Mirebeau, Les Bolards, Mâlain...) ;
— essai d'extension des recherches dans le bassin de la Loire sur
les sites de la Nièvre définis par M. Devauges, directeur des Antiquités Historiques de Bourgogne.
L'exploration de la plaine dijonnaise, très riche en sites archéologiques, était entravée par les interdictions de survol dans l'axe
des pistes de l'Aérodrome de Longvic. L'appui du Colonel Mahlberg,
commandant la Base Aérienne 102, nous a permis d'effectuer cette
exploration à bord d'un avion relié par radio à la tour de contrôle.
Des sites protohistoriques et gallo-romains d'une grande importance ont ainsi pu être photographiés sans accident à proximité des
pistes.
Recherches sur les sites protohistoriques.
De nombreux enclos protohistoriques ont été découverts en 1973
et 1974. Les plus importants concernent Vix (nouvel enclos carré
au pied du mont Lassois), Mosson (grand enclos carré), Cerilly
(tumulus arasé probable), Lux (enclos circulaire), Gevrey-Chambertin
(2 gisements complexes à enclos circulaires et elliptiques : photo 2),
Rouvres-en-Plaine (nombreux enclos circulaires dont l'un avec
fosse centrale très nette : photo 3), Gerland (enclos circulaire et
enclos carré), Quémigny-Poisot (avec tache centrale).
La vallée de la Tille s'est révélée particulièrement riche en sites
protohistoriques dès les premières campagnes de prospection.
De nouvelles séries d'enclos ont été détectées au sud de Magny-surTille, au nord de Genlis (enclos dans.les fleurs de colzas), à Longeault et Pluvault (enclos à fossé double et à fossé simple).
L'infra-rouge a permis de préciser des détails du site de BeauneEst (13 enclos carrés et un enclos circulaire à double fossé) menacé
par l'extension des gravières et de la zone industrielle.
Recherches sur les camps anciens.
De nombreux camps quadrangulaires protégés par un fossé
et un « vallum » de terre ont été découverts dans la plaine de la
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Saône. La trace de leur fossé creusé dans le gravier, nivelé par la
suite avec de la terre meuble, apparaît nettement dans la végétation
en période sèche.
Quelques-uns peuvent être rattachés à la grande voie stratégique
Lyon-Trèves, dont on suit l'alignement de Corberon à Dijon puisa
Langres. Au sud de Dijon, deux camps jalonnent cette voie à
Perrigny et à Gevrey (camp carré mis en évidence par les
défrichements).
Les voies secondaires sont moins souvent voisines de camps.
Ceux qui ont été découverts au N. E. et à l'E. de Dijon paraissent
liés à ce centre militaire primordial qu'était la forteresse de légionnaires de Mirebeau : camp et traces de voies à Beire-le-Châtel et à.
Arc-sur-Tille, camps de Montmançon et camps de la ferme de la
Borde le long de la voie Mirebeau-Pontailler. A Noiron-sur-Bèze,
un camp rectangulaire est proche du lieudit : la ferme de Home.
Une troisième série de camps sont établis le long de cours d'eau
tels la Saône, la Tille, la Vouge. Cette relation est si étroite que le
plan de l'un d'eux a été retrouvé au nord de Magny-sur-Tille sur
la trace d'un méandre abandonné (photo 4), le cours d'eau actuel
portant le nom de « Rivière Neuve » . D'autres camps jalonnent
la Tille à Arc-sur-Tille (photo 5) Izier, Genlis, la Norge à Genlis, la
Vouge à Brazey-en Plaine.
Recherches sur les sites ruraux gallo-romains.
Les recherches des années précédentes ont montré que la plupart
des bâtiments découverts en zone rurale font partie de « villae ».
Des circonstances particulières peuvent faire apparaître une année
le plan d'une construction apparemment isolée que des conditions
climatiques plus favorables rattacheront une autre année à
l'ensemble d'une villa. Chaque substruction, si petite soit-elle,
doit donc être répertoriée car elle peut mettre sur la voie de découvertes ultérieures importantes.
De tels bâtiments, réduits le plus souvent à une petite pièce
rectangulaire, ont été trouvés à Bressey-sur-Tille (grâce à des traces
dans les fleurs de colza en mai), à Brazey-en Plaine (traces à peine
visibles au bord du canal), à Marliens (bâtiment isolé près d'une
voie au N. de la villa de Longecourt), à Lux (au Sud-ouest du vaste
ensemble du « Val d'Ogne » ), à Echevannes (au nord de la Ferme
du Fossé).
Des substructions plus complexes, dont les pluies ou les mauvaises conditions d'éclairage n'ont pas permis de saisir tous les
éléments, ont été découvertes à ColIonges-les-Premières, à Genlis
(au sud de la Ferme Joannot), à Echenon, à Gilly-les-Citeaux
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(bâtiments dispersés près d'un carrefour de voies en Y), à Spoy
(rive gauche de la Tille), à Saint-Maurice-sur-Vingeanne (substructions à proximité d'un lieudit évocateur : la Ferme de la Romagne).
Plus étendus et mieux organisés sont les bâtiments trouvés sur des
sites typiques de « villae » à Concœur-et-Corboin (sur le plateau
calcaire dominant la Côte de Nuits), à Nuits-Saint-Georges (dans la
petite vallée alluviale du Meuzin), à Mornay (dans la vallée de la
Vingeanne), à Til-Châtel (traces géométriques de fleurs jaunes au
printemps donnant la forme générale d'une villa sur la rive gauche
de la Tille). A Chenôve, des bâtiments en ligne, apparents dans un
champ de céréales et se prolongeant vraisemblablement dans les
terrains incultes voisins, paraissent appartenir à une villa, mais la
proximité du site militaire dit « camp de la Noue » laisse quelque
incertitude sur l'interprétation. A Longecourt, les photographies
de printemps sur sols labourés donnent la masse d'ensemble, avec
grand mur d'enceinte, de la villa à galerie de façade et portique
découverte dans les céréales en 1973 (photo 6).
Cette dispersion des bâtiments sur une grande surface est caractéristique de la villa détectée en 1973 à Selongey. D'une série de pièces
que l'on devine sur la photo 7 se détachent avec une particulière
netteté deux constructions homogènes qui n'ont aucun point
commun : à l'arrière-plan des lignes claires dessinent un petit
bâtiment carré, avec abside, sans aucune trace de sols ou de soussols. Au premier plan, un bâtiment de plus grandes dimensions,
forme un ensemble complexe, avec sols en place (ou sous-sols
comblés) petite cour carrée (peut-être péristyle). Il s'agit vraisemblablement de l'habitation principale, de la maison du maître.
On peut regretter que ce site soit menacé par les projets d'autoroute Dijon-Reims.
Les prospections aériennes antérieures avaient montré que la
Bourgogne était riche en grandes « villae » installées dans les vallées
fertiles. Quelques-unes, proches de la voie Lyon-Trèves, ont un plan
tripartite d'inspiration méditerranéenne. La plus typique est la
villa de Rouvres-en-Plaine, découverte en 1962 et contrôlée par
une fouille limitée en 1966-67 3. Mais ce cadastre en lanières étroites
n'avait pas permis jusqu'ici d'avoir une vue complète de la partie
résidentielle ordonnée sur cour centrale péristyle. En 1974, après
remembrement, l'Infra-Rouge associé à l'éclairage rasant (photo 8)
donne une image précise de cette partie essentielle de l'édifice.
3. GOGUEY (R.), La villa gallo-romaine de Rouvres-en-Plaine, dans Mémoires
de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, t. XXVI, Dijon, 1970, p. 219259.
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La deuxième villa découverte à Rouvres à l'est de la ferme de
Saint-Phal s'étend elle aussi sur une surface considérable, voisine
de deux hectares. Chaque année en précise de nouveaux éléments,
sans qu'il soit encore possible d'en définir un plan général particulièrement complexe. La trace la plus nette photographiée en 1974
est celle d'un grand mur — mur d'enceinte ou mur séparant deux
cours ? — coupé par une substruction circulaire dont on ne trouve
pas l'équivalent dans la typologie des « villae ».
A Bessey-les-Cîteaux, c'est une vaste villa qui a été découverte
au bord de la Vouge le 10 juillet 1973. Les bâtiments sont géométriquement organisés autour de cours péristyles et la superposition
de plans orientés différemment indique des reconstructions (photo 9).
Une villa qui paraît plus importante encore a été photographiée
en 1974 dans la vallée de la Vingeanne, au nord d'Attricourt.
Son emplacement correspond à celui qui avait attiré l'attention
des observateurs au sol par l'abondance des fragments de « tegulae » .
Les photographies (photo 10) font apparaître l'organisation des
bâtiments autour de deux vastes cours carrées. Une villa de ce type,
avec « pars urbana » et « pars rustica » , avait été détectée en 1973 à
Prâlon (photo 11). Mais les photographies d'Attricourt montrent
l'importance exceptionnelle de cet ensemble, dont les deux cours
paraissent péristyles, et dont les bâtiments multiples sont ordonnés
avec rigueur autour de ces deux espaces.
Tous les sites ruraux décelés en 1973-74 ne peuvent cependant
être interprétés comme des « villae ». Celui de Morey-St-Denis est
placé au sud de l'ensemble de substructions complexes découvert
en 1973 à Gevrey-Chambertin et complété par les photographies
de 1974. A Morey, un bâtiment rectangulaire de type basilical
paraît isolé au milieu d'un espace délimité par un mur épais. Il
semble que l'on puisse distinguer deux édifices de plan identique,
mais légèrement décalés, qui correspondraient à une reconstruction.
Recherches complémentaires
gallo-romains.
sur les grands sites archéologiques
Bien que certains sites (comme Alésia) soient photographiés
systématiquement chaque année depuis 1959, des indices nouveaux
et importants ont complété en 1973-74 les découvertes antérieures.
— M ALAIN : de nombreuses traces de bâtiments et de rues
ont été décelées dans la zone urbaine dont la fouille a été entreprise
par M. Roussel à l'est de Mâlain. Mais les substructions les plus
nombreuses et les plus typiques ont été découvertes dans la vallée
de la Douix au sud de Malain. Elles se présentent sous forme de
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bâtiments dispersés, de plans et de dimensions divers. L'un des
plans est celui d'une villa. Il y a donc, sur cette rive droite de la
Douix, une vaste zone de constructions extra-urbaines disséminées
sur plus d'un kilomètre carré.
A l'ouest du cimetière de Mâlain, un groupe de bâtiments présente
cependant un caractère monumental plus marqué. La complexité
des plans indique des reconstructions. Mais le tracé d'un fanum
avec petite cella carrée révèle une zone de sanctuaires.
— MIREBEAU : La sécheresse particulièrement favorable du
printemps associée à des cultures de blé et de luzerne a permis
d'enregistrer en 1973 sur le site de Mirebeau un ensemble de
découvertes d'une importance capitale. Ces découvertes portent sur
l'habitat (militaire et civil), sur les sanctuaires extérieurs et vraisemblablement sur une nécropole.
La photographie 12 présente un synthèse du groupe complexe
d'habitats dans sa partie sud, de part et d'autre de la route reliant
Mirebeau à Bézouotte. Pour la première fois est apparue l'image
simultanée de la vaste ville militaire enfermée dans ses remparts
(A), de ses annexes et de l'agglomération civile installée à proximité (B, C et D). Les portes nord et quelques éléments des fortifications sud étaient seuls connus jusqu'ici. La photographie 13
révèle, au-delà de la route, le fossé, au premier plan, dans le blé,
le rempart avec ses tours, dans la luzerne l'une des tours de
défense de la « Porta praetoria ». C'est donc la totalité du système
défensif qui est maintenant déterminée.
Les quelques bâtiments « extra-muros » décelés en 1974 pouvaient
indiquer un petit établissement civil édifié près des remparts.
Les photographies de 1973 prouvent que les constructions « extra
muros» s'étendent sur une longueur de 500 mètres, formant 3 groupes
distincts par leur structure et leur orientation (photo 12) :
— en B, un monument quadrangulaire isolé à l'angle sud-est
de la forteresse. La ligne claire qui traverse le rempart signale
vraisemblablement un aqueduc ;
— en C, de nombreux bâtiments de plan complexe, mais géométriquement ordonnés, qui n'apparaissent que dans le champ de
blé, mais se prolongent dans les parcelles voisines ;
— en D, un ensemble monumental dont le plan révèle le caractère
public : les thermes (en cours de fouille). Au premier plan, une vaste
place rectangulaire entourée d'un portique. La palestre des Thermes
ayant été repérée plus à l'ouest, cette place péristyle ne correspondrait-elle pas à un Forum civil « extra-muros » ?
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Aucune trace de nécropole n'avait été trouvée jusqu'ici. Le seul
indice signalé concernait l'inscription « ERETINA... ETER...
LEG VIII... 4 » découverte fortuitement au XIX e siècle « dans le
prolongement du camp sur la route de Gray 5 ». Les taches photographiées à l'Infra-Rouge « Fausses Couleurs » dans ce secteur en
juillet 1973 sont trop irrégulières et leur groupement est trop anarchique pour qu'une interprétation assurée puisse en être donnée.
Mais compte tenu du lieudit « Mortagne », et de la proximité de la
voie principale nord-sud, ces taches méritent d'être contrôlées parla
fouille.
Au nord-ouest de la ville fortifiée, deux groupes de substructions
ont été détectés en 1973 :
— à 300 m du rempart ouest (lieudit « le Champ Vaurien »),
3 lignes parallèles claires dans les céréales signalent la présence
de fondations. L'une des lignes, plus éloignée des deux autres, est
plus épaisse. Mais un tel dispositif n'évoque rien de connu jusqu'ici ;
—• à 1600 m au nord-ouest du rempart, près du château d'eau
de Mirebeau, de nombreux bâtiments, murs d'enclos et fragments
de voies ont été découverts dans des champs d'orge le 16 juin 1973.
Les plans les plus caractéristiques sont ceux de deux «fana » (photo
14) : l'un, très net (A), avec sa cella carrée et sa galerie, l'autre plus
effacé (B), orienté différemment du premier, recoupé par deux
lignes de murs parallèles (C) qui paraissent former un enclos. On
peut donc interpréter cet ensemble comme un sanctuaire de tradition celtique, formé du fanum A et de son péribole construits
postérieurement au fanum primitif B ;
— Alésia : dans la plaine des Laumes, au pied du Mont-Rhéa,
la trace d'une voie antique coupe la voie ferrée en direction de la
ville gallo-romaine. Sur le plateau, des sous-sols apparaissent
« en Curiot » à proximité des anciennes fouilles dites « des maisons
gauloises » ;
— Les Bolards : un bâtiment isolé, avec murs épais et cercle
central, a été découvert à l'est de l'agglomération antique. A l'ouest,
le long du Meuzin, l'Infra-Rouge révèle un important quartier
urbain avec rues et bâtiments nombreux ;
— Premeaux : le vaste ensemble découvert au cours des prospections aériennes de 1964 et contrôlé au sol par les fouilles du docteur
Planson se poursuit à l'ouest, avec de curieuses traces en pointillés
clair dont l'orientation coïncide avec celle des murs mis au jour.
4. Musée de Dijon : Catalogue d'Arbaumont, n° 153.
5. Mémoires de la C.A.C.O., t. VI, 1861-1864, P. L.
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Sites exceptionnels.
Quatre sites présentent des caractères originaux qui les distinguent des séries précédentes :
— Forêt de Chatillon (territoire de Villiers-le-Duc) : l'office
National des Forêts procède actuellement à des défrichements de
grande envergure pour remplacer la forêt de chênes, de charmes et de
hêtres (jugée peu « rentable ») par des résineux. L'un des plus
importants se situe au carrefour formé par la Route Forestière
Essarois-Châtillon avec le chemin de Saint-Germain au Val des
Choux. En juillet 1973, le survol de cette région a révélé un quadrillage de murs arasés par les bulldozers (photo 15). Ce quadrillage
s'appuie sur une structure centrale associée à des bâtiments et,
dans un angle, à une construction de plan elliptique. Un contrôle
au sol quelques jours plus tard a prouvé qu'il s'agissait des restes
de bâtiments gallo-romains. C'est donc une cadastration antique,
délimitée par des murs de pierres, qui réapparaît dans cette forêt
de Chatillon dont le fanum du Tremblois et les nombreuses « villae»
avaient prouvé l'importance à l'époque gallo-romaine ;
— Serrigny : les photographies aériennes de 1964 avaient révélé
dans une prairie une structure énigmatique, formée d'un cercle
de grand diamètre sur lequel s'appuyaient deux petits cercles
tangents. Cette structure est réapparue en 1973, plus complète
et plus étendue (photo 16). On peut voir en effet que les cercles
sont délimités par d'épais murs au tracé parfaitement géométrique.
L'un des cercles tangents présente en son centre une tache claire
qui doit correspondre au sol d'un bâtiment. Le pointillé d'une
colonnade est visible à l'extérieur. Dans le champ de céréales
voisin (dans la moitié inférieure du cliché) de nombreuses traces
de substructions orthogonales permettent d'affirmer qu'il s'agit
d'un site gallo-romain. L'une des formes circulaires correspondraitelle à un temple ? L'interprétation d'un dispositif aussi singulier
n'est pas aisée car elle manque de points de comparaison ;
— Lux : légendes et trouvailles fortuites avaient attiré l'attention
sur le site de Lux. Les photographies aériennes de 1962, 1967 et
1972 avaient mis en évidence de nombreux bâtiments rassemblés
au bord de la Tille dans un espace rectangulaire qui pouvait correspondre à un port avec entrepôts. Les photographies en « InfraRouge Fausses Couleurs » de 1973 révèlent une accumulation de
bâtiments à caractère monumental dans la partie ouest du site
(photos 17 et 18). L'imbrication de certains murs indique des
étages chronologiques successifs. La complexité des plans, la présence de grands murs avec absides (photo 18), l'étendue des zones
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de constructions prouvent que Lux est un site archéologique d'une
exceptionnelle richesse.
— Genlis : la sécheresse de 1964 avait révélé, à demi incluse
dans un quartier du village, une fortification défendue par deux
larges fossés quadrangulaires à angles arrondis. En l'absence
d'indices plus précis, il n'était pas possible de savoir si ce dispositif
remontait au Moyen-Age ou à l'Antiquité. Les photographies de
1974 (photo 19), donnent l'image de deux tours circulaires en
saillie dans les angles est. Ce plan rappelle celui des forts auxiliaires ou des « burgus » du Limes de Germanie 6. Cette découverte
met l'accent sur l'importance stratégique de la région à l'époque
romaine, montrant qu'autour du quartier général de Mirebeau
était organisé un ensemble de camps et de forts identique à celui du
« Limes ».
Recherches sur les sites médiévaux et modernes.
Bien que de tels sites laissent en général des traces moins apparentes, la photographie aérienne enregistre toute anomalie que
l'interprétation pourra lier à une activité humaine plus ou moins
ancienne. C'est ainsi que le dessin d'un fossé comblé avec bastions
carrés, repéré à proximité du fort d'Hauteville-lès-Dijon, a été
retrouvé à Norges près du fort d'Asnières-lès-Dijon. Cette coïncidence indique un ouvrage militaire temporaire, vraisemblablement une défense avancée de chacun de ces forts.
Les traces les plus intéressantes sont celles du Moyen-Age car
l'archéologie médiévale se développe et les données de la photographie aérienne peuvent être contrôlées par des fouilles méthodiques.
Ainsi, la prospection des mottes féodales et des maisons fortes
est liée aux recherches de J. M. Pesez dont les fouilles de Villyle-Brûlé ont apporté quelques clartés sur la structure des platesformes carrées. De nouvelles plates-formes entourées d'un fossé
quadrangulaire ont été détectées près des sources de la Seine à
Blessey et dans la vallée de la Vingeanne à Mornay. Une motte
féodale circulaire a été trouvée sur la rive droite de la Tille à Spoy.
Les photographies aériennes de la Ferme du Fossé (près d'Is-surTille) font ressortir les défenses d'une maison forte dont les superstructures sont encore en place. Les traces repérées sur la montagne
de Saint-Laurent à Mesmont sont vérifiées au sol par le Groupe
de recherche archéologique Dijon-Étudiants. A Saint-Seine-sur6. BAATZ (D.), Der Rômische Limes, Berlin, 1974, p. 244 (Kastell Weissenburg et Der Niedergermanisehe Limes, Kôln, 1974, p. 43 (Auxiliarkastell
Valkenburg) et p. 219 (Burgus Braives).
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Vingeanne, des lignes orthogonales visibles dans le parc du château
paraissent correspondre à un édifice antérieur. Mais nous n'avons
trouvé jusqu'ici aucune explication au quadrillage complexe photographié dans un champ de céréales jouxtant le château de Courtivron. A Véronnes-les-Grandes (photo 20), la structure circulaire
découverte en 1974 fait penser à une fortification médiévale avec
son fossé externe doublé d'une ligne claire (rempart ?), ses substructions centrales (donjon ?). Mais elle est voisine de deux enclos
circulaires plus élémentaires qui semblent protohistoriques.
Conclusion.
Malgré des conditions climatiques et météorologiques inférieures
à la moyenne des années précédentes, les découvertes enregistrées
en 1973-1974 par la prospection aérienne sont nombreuses et
importantes. Ces résultats prouvent l'efficacité de la méthode
mise au point depuis 1959. Ils nous ont permis, au Congrès d'Archéologie Aérienne de Londres en avril 1973 et au Congrès du Limes
Romain qui s'est tenu à Xanten et Nimègue en septembre 1974 de
démontrer que la photographie aérienne pouvait aboutir à des
découvertes aussi nombreuses et parfois plus importantes — c'est le
cas du site de Mirebeau — que dans les pays disposant d'organismes
officiels de prospection. Nos moyens peuvent paraître dérisoires à
côté de ceux dont disposent J. K. Saint-Joseph à Cambridge,
Scollar à Bonn. Mais un inventaire rapide et efficace des sites
archéologiques français est possible avec l'aide du Secrétariat
d'État aux Affaires Culturelles et avec celles des Conseils Généraux.
Une expérience de cet ordre est amorcée dans la Nièvre en liaison
étroite avec M. J. B. Devauges, directeur des Antiquités Historiques
de Bourgogne.
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