202 Journal of Hepatology 2015 vol. 63 |199-236
Recherche d’autres causes de la maladie du foie
Les autres causes de la maladie chronique du foie ou les facteurs
susceptibles d’affecter l’histoire naturelle ou la progression de la
maladie du foie doivent être systématiquement recherchés, et tous les
patients doivent être incités au dépistage d’autres virus hépatotropes,
en particulier le virus de l’hépatite B (VHB) et le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH). La consommation d’alcool doit
être évaluée et quantifiée, et des conseils spécifiques doivent être
donnés pour inciter à l’arrêt de toute consommation d’alcool. Les
comorbidités doivent être évaluées, y compris l’alcoolisme, l’auto-
immunité, les maladies du foie d’origine génétique ou métabolique
(par exemple l’hémochromatose génétique, le diabète ou l’obésité) et
la possibilité d’une origine médicamenteuse de l’hépatotoxicité.
Évaluation de la gravité de la maladie du foie
L’évaluation de la gravité de la maladie du foie est recommandée
préalablement au traitement. L’identification des patients atteints de
cirrhose ou de fibrose avancée (pont) est d’une importance
particulière, puisque le pronostic après le traitement dépend du stade
de la fibrose. L’absence de fibrose significative peut également avoir
des implications importantes pour la gradation de la maladie et, peut-
être, le moment du début du traitement. L’évaluation du stade de la
fibrose n’est pas nécessaire chez les patients présentant des signes
cliniques de cirrhose. Les patients atteints de cirrhose nécessitent une
surveillance pour le CHC. Une fibrose significative pouvant être
présente chez les patients présentant des ALAT normales de façon
répétée, l’évaluation de la gravité de la maladie doit être effectuée,
indépendamment des niveaux de transaminases.
Pendant de nombreuses années, la biopsie du foie a été la
méthode de référence pour le classement de l’activité et de
l’évolution histologique (stades) de la maladie. Dans le cas de
l’hépatite chronique C, de nombreuses études suggèrent que les
méthodes non invasives peuvent maintenant remplacer la biopsie
hépatique pour l’évaluation de la gravité de la maladie du foie avant
la mise sous traitement, avec un niveau de preuve très sûr. La mesure
de l’élasticité du foie (LSM) peut être effectuée pour évaluer la
fibrose hépatique chez les patients atteints d’hépatite chronique C, à
condition que les facteurs qui peuvent influencer ses résultats, tels
l’obésité, soient pris en compte. Une série de tests sanguins validés
pour l’évaluation de la fibrose peut aussi être utilisée. Ces deux
méthodes non invasives (LSM et tests sanguins) donnent de bons
résultats dans l’identification de la cirrhose ou de l’absence de
fibrose, mais ils sont moins précis dans l’identification des stades
intermédiaires de la fibrose.
La combinaison des marqueurs sanguins, ou de la LSM et d’un
test sanguin, affinent la précision et rendent moins nécessaire la
réalisation de la biopsie hépatique visant à lever les incertitudes
[20,21]. Ces examens s’ont d’un intérêt particulier chez les patients
présentant des troubles de la coagulation, bien que la biopsie
hépatique transjugulaire puisse être pratiquée en toute sécurité dans
cette situation et permette, en plus, la mesure de la tension portale.
En cas de résultats contradictoires obtenus avec ces méthodes non
invasives, la biopsie du foie peut être indiquée. L’histologie peut elle
aussi s’avérer nécessaire en cas d’étiologies mixtes connues ou
présumées (par exemple, infection par le VHC accompagnée d’une
infection par le VHB, syndrome métabolique, alcoolisme ou auto-
immunité).
Détection/quantification de l’ARN du VHC et détermination du
génotype
La détection/quantification de l’ARN du VHC est indiquée pour les
patients qui nécessitent un traitement antiviral. La quantification de
l’ARN du VHC doit être effectuée avec un test sensible et fiable, et
les niveaux d’ARN s’expriment en UI/ml.
Le génotype du VHC, ainsi que le sous-type du génotype 1,
doivent aussi être identifiés avant l’initiation du traitement. Le
génotypage et le sous-typage doivent être effectués avec un test qui
différencie le sous-type 1a du sous-type 1b [22].
La recherche de résistance du VHC avant un traitement de
première ligne n’est pas nécessaire. En effet, la présence de variants
de résistance préexistants, détectés par séquençage des populations
virales, n’a pas un impact majeur sur la performance du traitement et
ne doit pas influencer la décision thérapeutique (à l’exception de
l’effet de la mutation Q80K chez les patients porteurs du sous-type
1a, traités avec l’association du Peg-IFN-α, de la ribavirine et du
simeprevir – voir ci-dessous).
Détermination de la génétique de l’hôte
Le génotypage de l’IL28B a perdu de sa valeur prédictive avec les
nouveaux traitements plus efficaces sans IFN. Aussi, le génotypage
de l’IL28B n’est utile que dans les unités où le Peg-IFN-α et la
ribavirine sont les seuls traitements disponibles ou pour sélectionner
une option thérapeutique efficace en cas de restrictions budgétaires.
Recommandations
•
La relation causale entre l’infection par le VHC et la
maladie du foie doit être établie (A1)
• L’importance des comorbidités dans la progression de la
maladie hépatique doit être évaluée et les mesures
correctives appropriées mises en œuvre (A1)
• La gravité de la maladie hépatique doit être évaluée avant
le traitement. Identifier les patients atteints de cirrhose est
particulièrement important, car leur pronostic est différent
et leur traitement peut être adapté (A1)
• Le stade de fibrose peut être initialement évalué par des
méthodes non-invasives, la biopsie du foie étant réservée
pour les cas incertains ou avec une autre étiologie possible
ou associée (A1)
•
La détection et la quantification de l’ARN doivent être
effectuées avec une méthode sensible (limite inférieure de
détection de ≤15 UI/ml (A1)
• Le génotype du VHC et le sous-type 1 (1a/1b) doivent être
identifiés avant l’initiation du traitement, car ils
détermineront le choix du traitement (A1)
• Le génotypage IL28B ne joue aucun rôle dans le choix du
traitement de l’hépatite C avec les nouveaux AAD (A1)
• Il n’est pas nécessaire d’évaluer la résistance du VHC
avant le traitement, parce que les taux de RVS se sont
montrés très élevés chez les patients avec ou sans
variants de résistance détectables par séquençage des
populations virales à l’évaluation initiale (à l’exception des
patients infectés par le sous-
type 1a qui reçoivent
l’association PegIFN-α, ribavirine et simeprevir) (A1)
Contre-indications au traitement
IFN-α et ribavirine
Le traitement de l’hépatite chronique C avec le Peg-IFN-α associé à
la ribavirine est totalement contre-indiqué pour les patients avec :
une dépression incontrôlée, une psychose ou une épilepsie ; femmes
enceintes ou couples ne souhaitant pas adopter des méthodes
efficaces de contraception ; des maladies graves concomitantes et des
comorbidités comprenant les maladies de la rétine, une thyroïdite
auto-immune ; une maladie du foie décompensée.
L’utilisation du Peg-IFN-α n’est pas recommandée chez les
patients dont le nombre de neutrophiles est de <1500/mm3 et/ou
celui des plaquettes de 690.000/mm3. Les patients avec une maladie
du foie avancée, dont les paramètres ne correspondent pas aux
indications des médicaments, peuvent être traités dans des centres
expérimentés, sous condition de consentement éclairé et d’une
surveillance attentive.
Les AAD autorisés
Sur la base des connaissances actuelles, il n’existe aucune contre-
indication absolue à l’utilisation des antiviraux à action directe dans
l’UE en 2015. La prudence est de mise avec l’utilisation du
sofosbuvir chez les patients atteints d’insuffisance rénale sévère,
l’effet de la fonction rénale altérée sur la clairance des métabolites