Recommandations de l`EASL sur le traitement de l`hépatite C 2015

Recommandations
Journal of Hepatology 2015 vol. 63 |199-236
Recommandations
Recommandations de l’EASL sur le traitement de l’hépatite C
2015
European Association for the Study of the Liver *
(EASL-Association européenne pour l’étude du foie)
Introduction
L’hépatite C (VHC) est l’une des principales causes de la
maladie chronique du foie à travers le monde [1]. L’impact à
long-terme de l’infection par le VHC est très variable, allant
des modifications histologiques minimes à une fibrose
avancée ou à la cirrhose, avec ou sans carcinome
hépatocellulaire (CHC). Le nombre de personnes
chroniquement infectées dans le monde est estimé à environ
160 millions, mais la plupart de ces personnes ignorent tout
de leur infection. La mise en œuvre de critères étendus pour
le dépistage du VHC fait l’objet d’un grand débat parmi les
différents experts. La prise en charge des patients atteints de
maladie hépatique liée au VHC a considérablement progressé
au cours des deux dernières décennies, grâce à une meilleure
compréhension de la physiopathologie de la maladie, à
l’évolution des procédures de diagnostic et aux améliorations
dans le traitement et dans la prévention.
En décrivant la prise en charge optimale actuelle pour les
patients atteints d’infection aiguë ou chronique par le VHC,
ces recommandations de l’EASL sur le traitement de
l’hépatite C sont destinées à aider les médecins et les autres
professionnels de santé, ainsi que les patients et les autres
personnes intéressées, à prendre les décisions cliniques. Au
moment de leur publication, ces recommandations
s’appliquent aux traitements qui ont été autorisés dans
l’Union européenne (UE).
Les normes de soins jusqu’à 2014
Le principal objectif du traitement du VHC est la guérison de
l’infection. Une réponse virologique soutenue (RVS) est
définie par un ARN du VHC indétectable 12 semaines
(RVS12) ou 24 semaines (RVS 24) après la fin du traitement.
L’infection est définitivement guérie chez plus de 99 % des
patients qui obtiennent une RVS. La RVS est généralement
associée à une normalisation du foie chez les patients sans
cirrhose. Les patients cirrhotiques restent à risque de
complications potentiellement mortelles ; cependant la
fibrose hépatique peut régresser, et le risque de
complications telles que l’insuffisance hépatique ou
l’hypertension portale est réduit. Des données récentes
suggèrent que le risque de CHC et la mortalité toutes causes
confondues diminuent considérablement mais ne sont pas
éliminés chez les patients cirrhotiques qui éradiquent le
VHC, comparativement aux patients non traités et aux
répondeurs virologiques non soutenus [2,3]. Le VHC peut
aussi affecter les fonctions neurocognitives et l’obtention
d’une suppression virale efficace est associée à une réversion
des anomalies de la résonance magnétique cérébrale [4].
Jusqu’en 2011, l’association de l’interféron pégylé-α
(Peg-IFN-α) et de la ribavirine sur une durée de 24 ou 48
semaines a été le traitement de référence de l’hépatite
chronique C. Avec cette bithérapie, la proportion de
patients infectés par le VHC de génotype 1 obtenant une
RVS était d’environ 40 % en Amérique du Nord et de 50 %
en Europe de l’Ouest. Des taux plus élevés de RVS ont été
obtenus chez des patients infectés par le VHC de génotype
2, 3, 5 et 6 (jusqu’à environ 80 %, ce taux étant plus élevé
pour le génotype 2 que pour les génotypes 3, 5 et 6). Des
taux intermédiaires de RVS ont été obtenus chez des
patients infectés par le VHC de génotype 4 [6].
En 2011, le telaprevir et le boceprevir ont obtenu leur
AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour le
traitement du VHC de génotype 1. Ces deux médicaments
sont de la première vague d’antiviraux à action directe
(AAD) de première génération. Ils ont pour cible la sérine
protéase NS3-4A du VHC et sont donc appelés inhibiteurs
de la protéase. Le telaprevir comme le boceprevir doivent
être administrés en association avec le Peg-IFN-α et la
ribavirine. Dans la Phase III des essais sur le boceprevir et
le telaprevir pour le VHC de génotype 1 chez des patients
naïfs de traitement, les triples thérapies ont permis
d’atteindre des taux de RVS plus élevés - de l’ordre de 65
% à 75 % - que ceux obtenus avec la bithérapie associant le
Peg-IFN-α à la ribavirine, [7–10]. Cependant, le profil des
effets indésirables de ces trithérapies est si peu favorable et
leur coût par RVS chez les patients atteints de fibrose
hépatique avancée si élevé, qu’elles ne devraient
idéalement plus être utilisées chez des patients infectés par
le VHC de génotype 1, si d’autres options plus efficaces et
mieux tolérées sont disponibles.
Trois nouveaux AAD anti-VHC ont été autorisés dans
l’UE en 2014 pour être utilisés en association avec d’autres
médicaments dans le traitement de l’infection par le VHC.
Le sofosbuvir, un analogue de nucléotide inhibiteur
pangénotypique de l’ARN polymérase ARN-dépendante
NS5B du VHC a été autorisé en janvier 2014. Actif contre
les génotypes 1 et 4, le simeprevir, inclus dans une
deuxième vague de première génération d’inhibiteurs de la
protéase NS3-4A, a été autorisé en mai 2014. Le
daclatasvir, un inhibiteur pangénotypique du complexe
NS5A a été autorisé en août 2014.
Chacun de ces trois AAD peut être administré en
association avec le Peg-IFN-α et la ribavirine, cette
trithérapie permettant d’atteindre des taux de RVS de 60 %
à 100 % en fonction de l’AAD utilisé, du génotype du
VHC, de la présence de substitutions d’acides aminés
détectables induisant une résistance à l’AAD utilisé et de la
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gravité de la maladie hépatique. Bien que ces associations
soient mieux tolérées que les trithérapies incluant le
telaprevir ou le boceprevir, le profil et la gestion de leurs
effets indésirables demeurent préoccupants, en raison de
l’utilisation du Peg-IFN-α et de la ribavirine.
Après l’autorisation de ces trois AAD anti-VHC, des
schémas thérapeutiques sans IFN ont largement été utilisés
à travers l’Europe en 2014, tout d’abord dans le cadre de
programmes d’accès compassionnel essentiellement
destinés à des patients atteints de maladie hépatique
avancée (score METAVIR F3 ou F4). L’association du
sofosbuvir et de la ribavirine est indiquée chez les patients
infectés par le VHC de génotype 2 (12 semaines) ou de
génotype 3 (24 semaines), avec pour résultats des taux de
RVS de l’ordre de 80 à 95 %. L’association du sofosbuvir
et du simeprevir, sans IFN et avec ou sans ribavirine, a été
utilisée sur la base des résultats de l’étude COSMOS, un
petit essai de phase II sur des patients infectés par le VHC
de génotype 1, dans lequel des taux de RVS de 93 à 100 %
ont été obtenus [11]. Récemment, des données
préliminaires en vie réelle provenant des États-Unis ont
montré des taux de RVS légèrement inférieurs à ceux de
l’étude COSMOS, chez les patients infectés par le VHC de
génotype 1 : 82 % de RVS12 dans l’étude TRIO, 89 % de
RVS4 dans l’étude TARGET [12,13]. L’association du
sofosbuvir et du daclatasvir, avec ou sans ribavirine, a elle
aussi été largement utilisée en Europe, chez les patients
présentant une maladie hépatique avancée, sur la base des
résultats d’une étude de phase II conduite chez des patients
infectés par le VHC de génotype 1, dans laquelle les taux
de RVS étaient de l’ordre de 95 % à 100 % [14]. Cette
association a été bien tolérée au cours du traitement dans le
cadre de l’essai et des données en vie réelle sont attendues.
Le comité d’experts de l’EASL reconnaît
l’hétérogénéité des revenus par habitants et des systèmes
d’assurance maladie à travers l’Europe et dans d’autres
régions du monde, et par conséquent, l’éventualité d’une
poursuite de l’utilisation du traitement associant le Peg-
IFN-α et la ribavirine, avec ou sans l’un ou l’autre des
inhibiteurs de protéase de première génération (telaprevir
ou boceprevir). L’arrivée des nouveaux AAD implique
cependant que ces traitements ne sont plus recommandés
en 2015. Il y a lieu d’espérer que la publication de la mise à
jour des recommandations orientera le remboursement des
médicaments (et l’actualisation de leur coût) pour
permettre une harmonisation des traitements du VHC à
travers différents pays et régions.
Méthodologie
Les présentes recommandations ont été élaborées par un
groupe d’experts désignés par le Conseil d’administration de
l’EASL. Elles ont été approuvées par le Conseil
d’administration de l’EASL. Les recommandations sont
fondées, dans la mesure du possible, sur les données
provenant de publications ou de présentations effectuées lors
de rencontres internationales, et si ces données ne sont pas
disponibles, sur l’expérience et l’avis personnel des experts.
Lorsque cela est possible, le niveau de la preuve et de la
recommandation est mentionné. La preuve et la gradation de
ces recommandations ont été hiérarchisées conformément au
système GRADE
(Grading of Recommendations Assessment,
Development and Evaluation)
. La certitude des
recommandations reflète ainsi la qualité des preuves
scientifiques sous-jacentes. Les principes du système
GRADE ont été énoncés
[15]. La qualité de la preuve dans les
recommandations a été classée dans l’un des trois niveaux :
élevé (A), modéré (B) ou faible (C). Le système GRADE offre
deux catégories de recommandations : forte (1) ou faible (2)
(Tableau 1). Les recommandations prennent donc en compte la
qualité de la preuve : plus la preuve est de qualité, plus il y a de
chances que la recommandation soit fortement justifiée ; plus
grande est la variabilité dans les valeurs et les préférences, ou
plus il y a d’incertitude, plus il y a de chances que la
recommandation soit faiblement justifiée.
Ces recommandations sont nécessairement fondées sur le
moment à partir duquel les médicaments sont autorisés. Elles
seront mises à jour régulièrement, suite à l’autorisation de
nouveaux traitements par l’Agence européenne des
médicaments.
Recommandations
Diagnostic de l’hépatite aiguë et chronique C
Le diagnostic de l’infection aiguë et chronique par le VHC
repose sur la détection de l’ARN du VHC par une méthode
moléculaire sensible (limite inférieure de détection <15
unités internationales [UI]/ml). Les anticorps anti-VHC sont
détectables par un dosage immuno-enzymatique (EIA) chez
la très grande majorité des patients infectés par le VHC, mais
les résultats des EIA peuvent être négatifs au début de
l’hépatite aiguë C et chez les patients très immunodéprimés.
Après la clairance virale spontanée ou induite par le
traitement, des anticorps anti-VHC persistent en l’absence de
l’ARN du VHC mais peuvent diminuer et finalement
disparaître chez certaines personnes [16,17].
Le diagnostic de l’hépatite aiguë C ne peut être posé en
toute sécurité que si la séroconversion des anticorps anti-
VHC peut être décrite, étant donné qu’il n’existe pas de
marqueurs sérologiques prouvant que l’infection par le VHC
se trouve dans la phase aiguë
de novo
. Les patients atteints
d’hépatite aiguë C ne sont pas tous séropositifs aux anticorps
anti-VHC au moment du diagnostic.
Mais l’hépatite aiguë C peut
être suspectée si les signes cliniques et les symptômes sont
compatibles avec une hépatite aiguë C (alanine aminotransférase
[ALAT] > 10 fois la limite supérieure de la normale ; jaunisse) en
l’absence d’antécédents de maladie hépatique chronique ou d’autres
causes d’hépatite aiguë, et/ou si une source récente susceptible de
transmission est identifiable. Dans tous les cas, l’ARN du VHC peut
être détecté dans la phase aiguë, bien que de brèves périodes
d’indétectabilité puissent se présenter.
Le diagnostic de l’hépatite chronique C est basé sur la détection à
la fois des anticorps anti-VHC et de l’ARN du VHC, en présence de
signes biologiques ou histologiques d’une hépatite chronique C. Dans
le cas d’une infection par le VHC nouvellement acquise, la clairance
virale spontanée étant très rare au-delà de quatre à six mois
d’infection, le diagnostic de l’hépatite chronique C peut être posé une
fois passée cette période.
Recommandations
.
Le dosage des anticorps anti-VHC est le test de diagnostic
de 1ère ligne pour l’infection par le VHC (A1)
En cas de suspicion d’hépatite aiguë C ou chez les
patients immunodéprimés, la quantification de l’ARN du
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Recommandations
VHC doit faire partie de l’évaluation initiale (A1)
Si des anticorps anti-VHC sont détectés, l’ARN du VHC
doit être déterminé par une méthode de biologie
moléculaire sensible (A1)
Les patients avec un dosage d’anticorps anti-VHC positif et
un dosage de l’ARN négatif doivent bénéficier d’un
nouveau dosage de l’ARN trois mois plus tard pour
confirmer une vraie convalescence (A1)
Dépistage de l’hépatite chronique C
L’autorisation de nouveaux traitements très performants du VHC
appelle à un élargissement de l’accès à ces traitements. Un grand
nombre de patients atteints d’hépatite chronique C ignorent qu’ils
sont infectés par le VHC. En outre, des données précises de
prévalence et d’incidence sont nécessaires pour analyser l’ampleur
de l’épidémie dans différentes régions et élaborer des ripostes de
santé publique pertinentes. Le dépistage de l’hépatite C est donc
nécessaire pour l’identification des personnes infectées et leur entrée
dans les soins et les traitements ; et le dépistage des marqueurs du
VHC dans les populations ciblées doit être mis en place. Les groupes
les plus à risque pour l’infection par le VHC peuvent être identifiés
et devraient donc bénéficier du dépistage. La définition des
populations à risque devant être ciblées par les stratégies de
dépistage dépend de l’épidémiologie locale du VHC. En plus des
EIA, les tests rapides à orientation diagnostique (TROD) peuvent
être utilisés pour détecter les anticorps anti-VHC.
Tableau 1. Gradation de la preuve utilisée (adapté du système GRADE).
Qualité de la preuve
Notes
Grade
Élevée
D’autres recherches sont très peu susceptibles de modifier notre niveau de confiance en ces résultats
A
Modérée
D’autres recherches sont susceptibles d’avoir un impact important sur notre niveau de confiance et B
pourraient changer cette estimation
B
Faible
D’autres recherches sont très susceptibles d’avoir un impact important sur notre niveau de confiance
en l’estimation de l’effet et de changer l’estimation. Tout changement dans l’estimation est incertain
C
Recommandation
Notes
Grade
Forte
Les facteurs qui influencent la force de la recommandation incluent la qualité de la preuve, les résultats
présumés liés au patient et le coût
1
Faible
Variabilité dans les préférences et dans les valeurs, ou plus d’incertitude. La recommandation est faite
avec moins de certitude, un coût plus élevé ou une consommation des ressources
2
Les TROD peuvent être réalisés sur différentes matrices, comme le
sérum, le plasma, mais aussi le sang total capillaire prélevé au bout
du doigt ou, pour certains d’entre eux, des fluides oraux (liquide
craviculaire), qui permettent de se passer du prélèvement veineux, de
la centrifugation des tubes, de la congélation et de l’expertise d’un
personnel qualifié. Les TROD sont simples à utiliser, à température
ambiante et sans instrumentation spécifique ou formation
particulièrement approfondie.
Recommandations
Le dépistage de l’infection par le VHC doit être
recommandé pour certaines populations cibles, définies
selon l’épidémiologie locale de l’infection par le VHC,
idéalement dans le cadre des plans nationaux (A1)
Le dépistage de l’infection par le VHC doit être effectué sur
la base de la détection d’anticorps anti-VHC (A1)
Plutôt que les tests immunoenzymatiques classiques, les
tests rapides d’orientation diagnostique peuvent être
utilisés en vue de faciliter le dépistage des anticorps anti-
VHC et d’améliorer l’accès aux soins (B1)
Si des anticorps anti-VHC sont détectés, l’ARN du VHC
doit être quantifié par une méthode moléculaire sensible
afin d’identifier les patients atteints d’une infection
persistante (A1)
Objectifs et critères d’évaluation du traitement de l’infection par le
VHC
L’objectif du traitement est l’éradication de l’infection par le VHC
afin de prévenir les complications liées au VHC, hépatiques ou extra-
hépatiques, incluant les lésions nécro-inflammatoires du foie, la
fibrose, la cirrhose, la décompensation de la cirrhose, le carcinome
hépatocellulaire, les manifestations extra-hépatiques sévères et la
mort.
Le critère d’évaluation du traitement est une RVS, définie par un
ARN du VHC indétectable 12 semaines (RVS12) ou 24 semaines
(RVS24) après la fin du traitement, suite à sa quantification par une
méthode biologique moléculaire sensible avec une limite inférieure
de détection de <15 UI/ml. La RVS12 comme la RVS24 ont été
validées en tant que critères d’évaluation du traitement par les
autorités de réglementation aux États-Unis et en Europe, étant donné
que leur concordance est de 99 % [18]. Des études sur le suivi à long
terme ont montré qu’une RVS correspond à une guérison définitive
de l’infection par le VHC dans plus de 99 % des cas [19].
Recommandations
L’objectif du traitement est d’éradiquer l’infection par le
VHC pour prévenir la cirrhose hépatique, la
décompensation de la cirrhose, le carcinome
hépatocellulaire, les manifestations extra-hépatiques
sévères et la mort (A1)
Le critère d’évaluation du traitement est l’ARN du VHC
indétectable avec un test sensible (≤15 UI/ml) 12 semaines
(RVS12) et 24 semaines (RVS24) après la fin du
traitement (A1)
Chez les patients avec une fibrose avancée/une cirrhose,
l’éradication du VHC réduit le taux de décompensation et
permet de réduire, sans le supprimer, le risque de CHC.
Chez ces patients, la surveillance du CHC doit être
poursuivie (A1)
Chez les patients ayant une cirrhose décompensée,
l’éradication du VHC
réduit la nécessité d’une
transplantation du foie. L’impact potentiel de l’éradication
du VHC sur la survie à moyen ou long-terme chez ces
patients n’est pas déterminé (B2)
Évaluation pré-thérapeutique
La relation de cause à effet entre l’infection par le VHC et la maladie
du foie doit être établie. La gravité de la maladie du foie doit être
évaluée et les paramètres virologiques initiaux, nécessaires à la
personnalisation du traitement, doivent être déterminés.
Recommandatios
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Recommandations
Recherche d’autres causes de la maladie du foie
Les autres causes de la maladie chronique du foie ou les facteurs
susceptibles d’affecter l’histoire naturelle ou la progression de la
maladie du foie doivent être systématiquement recherchés, et tous les
patients doivent être incités au dépistage d’autres virus hépatotropes,
en particulier le virus de l’hépatite B (VHB) et le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH). La consommation d’alcool doit
être évaluée et quantifiée, et des conseils spécifiques doivent être
donnés pour inciter à l’arrêt de toute consommation d’alcool. Les
comorbidités doivent être évaluées, y compris l’alcoolisme, l’auto-
immunité, les maladies du foie d’origine génétique ou métabolique
(par exemple l’hémochromatose génétique, le diabète ou l’obésité) et
la possibilité d’une origine médicamenteuse de l’hépatotoxicité.
Évaluation de la gravité de la maladie du foie
L’évaluation de la gravité de la maladie du foie est recommandée
préalablement au traitement. L’identification des patients atteints de
cirrhose ou de fibrose avancée (pont) est d’une importance
particulière, puisque le pronostic après le traitement dépend du stade
de la fibrose. L’absence de fibrose significative peut également avoir
des implications importantes pour la gradation de la maladie et, peut-
être, le moment du début du traitement. L’évaluation du stade de la
fibrose n’est pas nécessaire chez les patients présentant des signes
cliniques de cirrhose. Les patients atteints de cirrhose nécessitent une
surveillance pour le CHC. Une fibrose significative pouvant être
présente chez les patients présentant des ALAT normales de façon
répétée, l’évaluation de la gravité de la maladie doit être effectuée,
indépendamment des niveaux de transaminases.
Pendant de nombreuses années, la biopsie du foie a été la
méthode de référence pour le classement de l’activité et de
l’évolution histologique (stades) de la maladie. Dans le cas de
l’hépatite chronique C, de nombreuses études suggèrent que les
méthodes non invasives peuvent maintenant remplacer la biopsie
hépatique pour l’évaluation de la gravité de la maladie du foie avant
la mise sous traitement, avec un niveau de preuve très sûr. La mesure
de l’élasticité du foie (LSM) peut être effectuée pour évaluer la
fibrose hépatique chez les patients atteints d’hépatite chronique C, à
condition que les facteurs qui peuvent influencer ses résultats, tels
l’obésité, soient pris en compte. Une série de tests sanguins validés
pour l’évaluation de la fibrose peut aussi être utilisée. Ces deux
méthodes non invasives (LSM et tests sanguins) donnent de bons
résultats dans l’identification de la cirrhose ou de l’absence de
fibrose, mais ils sont moins précis dans l’identification des stades
intermédiaires de la fibrose.
La combinaison des marqueurs sanguins, ou de la LSM et d’un
test sanguin, affinent la précision et rendent moins nécessaire la
réalisation de la biopsie hépatique visant à lever les incertitudes
[20,21]. Ces examens s’ont d’un intérêt particulier chez les patients
présentant des troubles de la coagulation, bien que la biopsie
hépatique transjugulaire puisse être pratiquée en toute sécurité dans
cette situation et permette, en plus, la mesure de la tension portale.
En cas de résultats contradictoires obtenus avec ces méthodes non
invasives, la biopsie du foie peut être indiquée. L’histologie peut elle
aussi s’avérer nécessaire en cas d’étiologies mixtes connues ou
présumées (par exemple, infection par le VHC accompagnée d’une
infection par le VHB, syndrome métabolique, alcoolisme ou auto-
immunité).
Détection/quantification de l’ARN du VHC et détermination du
génotype
La détection/quantification de l’ARN du VHC est indiquée pour les
patients qui nécessitent un traitement antiviral. La quantification de
l’ARN du VHC doit être effectuée avec un test sensible et fiable, et
les niveaux d’ARN s’expriment en UI/ml.
Le génotype du VHC, ainsi que le sous-type du génotype 1,
doivent aussi être identifiés avant l’initiation du traitement. Le
génotypage et le sous-typage doivent être effectués avec un test qui
différencie le sous-type 1a du sous-type 1b [22].
La recherche de résistance du VHC avant un traitement de
première ligne n’est pas nécessaire. En effet, la présence de variants
de résistance préexistants, détectés par séquençage des populations
virales, n’a pas un impact majeur sur la performance du traitement et
ne doit pas influencer la décision thérapeutique (à l’exception de
l’effet de la mutation Q80K chez les patients porteurs du sous-type
1a, traités avec l’association du Peg-IFN-α, de la ribavirine et du
simeprevir voir ci-dessous).
Détermination de la génétique de l’hôte
Le génotypage de l’IL28B a perdu de sa valeur prédictive avec les
nouveaux traitements plus efficaces sans IFN. Aussi, le génotypage
de l’IL28B n’est utile que dans les unités où le Peg-IFN-α et la
ribavirine sont les seuls traitements disponibles ou pour sélectionner
une option thérapeutique efficace en cas de restrictions budgétaires.
Recommandations
La relation causale entre l’infection par le VHC et la
maladie du foie doit être établie (A1)
L’importance des comorbidités dans la progression de la
maladie hépatique doit être évaluée et les mesures
correctives appropriées mises en œuvre (A1)
La gravité de la maladie hépatique doit être évaluée avant
le traitement. Identifier les patients atteints de cirrhose est
particulièrement important, car leur pronostic est différent
et leur traitement peut être adapté (A1)
Le stade de fibrose peut être initialement évalué par des
méthodes non-invasives, la biopsie du foie étant réservée
pour les cas incertains ou avec une autre étiologie possible
ou associée (A1)
La détection et la quantification de l’ARN doivent être
effectuées avec une méthode sensible (limite inférieure de
détection de ≤15 UI/ml (A1)
Le génotype du VHC et le sous-type 1 (1a/1b) doivent être
identifiés avant l’initiation du traitement, car ils
détermineront le choix du traitement (A1)
Le génotypage IL28B ne joue aucun rôle dans le choix du
traitement de l’hépatite C avec les nouveaux AAD (A1)
Il n’est pas nécessaire d’évaluer la résistance du VHC
avant le traitement, parce que les taux de RVS se sont
montrés très élevés chez les patients avec ou sans
variants de résistance détectables par séquençage des
populations virales à l’évaluation initiale (à l’exception des
patients infectés par le sous-
type 1a qui reçoivent
l’association PegIFN-α, ribavirine et simeprevir) (A1)
Contre-indications au traitement
IFN-α et ribavirine
Le traitement de l’hépatite chronique C avec le Peg-IFN-α associé à
la ribavirine est totalement contre-indiqué pour les patients avec :
une dépression incontrôlée, une psychose ou une épilepsie ; femmes
enceintes ou couples ne souhaitant pas adopter des méthodes
efficaces de contraception ; des maladies graves concomitantes et des
comorbidités comprenant les maladies de la rétine, une thyroïdite
auto-immune ; une maladie du foie décompensée.
L’utilisation du Peg-IFN-α n’est pas recommandée chez les
patients dont le nombre de neutrophiles est de <1500/mm3 et/ou
celui des plaquettes de 690.000/mm3. Les patients avec une maladie
du foie avancée, dont les paramètres ne correspondent pas aux
indications des médicaments, peuvent être traités dans des centres
expérimentés, sous condition de consentement éclairé et d’une
surveillance attentive.
Les AAD autorisés
Sur la base des connaissances actuelles, il n’existe aucune contre-
indication absolue à l’utilisation des antiviraux à action directe dans
l’UE en 2015. La prudence est de mise avec l’utilisation du
sofosbuvir chez les patients atteints d’insuffisance rénale sévère,
l’effet de la fonction rénale altérée sur la clairance des métabolites
JOURNAL OF HEPATOLOGY
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Recommandations
dérivés du sofosbuvir étant toujours en cours d’évaluation.
L’association du paritepravir boosté par le ritonavir, de l’ombistavir
et du dasabuvir est en cours d’évaluation chez les patients qui
présentent une cirrhose décompensée classée Child-Pugh B et est
contre-indiquée chez les patients atteints de cirrhose décompensée
classée Child-Pugh C. Des études sont en cours pour évaluer la
pharmacocinétique et la tolérance du simeprevir dans le cas de la
cirrhose décompensée.
Indications du traitement : Qui doit être traité ?
Le traitement doit être envisagé pour tous les patients naïfs de
traitement ou prétraités, avec une maladie hépatique chronique C,
compensée ou décompensée, qui sont prêts à être traités et pour qui
le traitement n’est pas contre-indiqué. Dans la mesure où l’ensemble
des patients atteints d’hépatite C ne pourra accéder à un traitement
antiviral dans l’année à venir, il est nécessaire d’établir des priorités
(Tableau 2). Le groupe d’experts reconnaît que ces priorités doivent
être modulées en fonction des circonstances locales et/ou sociétales.
La priorité de l’accès au traitement antiviral doit se définir selon
la gravité de la fibrose, le risque de progression vers une maladie
plus évoluée, la présence de manifestations extra-hépatiques et le
risque de transmission du VHC. Le traitement doit être une priorité
chez les patients ayant une fibrose avancée (score METAVIR F3 à
F4), y compris ceux qui ont une cirrhose décompensée et pour qui
l’IFN-α est contre-indiqué, mais qui peuvent recevoir des traitements
sans IFN en toute sécurité. En effet, des données d’essais cliniques
ou de cohortes en vie réelle indiquent que ces patients pourraient
bénéficier davantage, à court terme, de la guérison de l’infection par
le VHC, étant donné que celle-ci améliore considérablement les
scores de Child-Pugh et de MELD et diminue l’incidence des
complications cliniques. Cependant, les données sur l’amélioration
clinique et biologique chez les patients ayant des scores de Child-
Pugh supérieurs à 12 et des scores de MELD supérieurs à 20 restent
limitées. Le traitement sans IFN chez les patients ayant une maladie
décompensée ne doit être tenté que dans des centres expérimentés
jusqu’à ce que des données supplémentaires d’innocuité et
d’efficacité soient disponibles.
Les groupes de patients hautement prioritaires comprennent aussi
les patients co-infectés par le VIH ou le VHB, les patients en attente
de transplantation ou transplantés, les patients avec des
manifestations extra-hépatiques cliniquement significatives (par
exemple, vascularité symptomatique associée à une
cryoglobulinémie mixte, néphropathie à complexes immuns et
lymphome non-hodgkinien B) et les patients présentant une asthénie
invalidante, indépendamment de leur stade de fibrose.
Indépendamment du stade de fibrose ou des manifestations extra-
hépatiques, le traitement doit également être une priorité chez les
patients à risque élevé de transmettre le VHC, parmi lesquels les
usagers actifs de drogues par voie intraveineuse, les homo/bisexuels
masculins qui ont des pratiques sexuelles à risque élevé, les femmes
qui souhaitent avoir un enfant, les patients hémodialysés et les
personnes incarcérées. Les usagers de drogues injectables et les
homo/bisexuels masculins qui ont des pratiques sexuelles à risque
élevé doivent être informés des risques de réinfection par le VHC et
adopter des mesures préventives après la guérison de leur infection
par le VHC.
Le traitement est justifié chez les patients atteints de fibrose
modérée (score METAVIR F2). Pour les patients avec peu ou pas de
fibrose (score METAVIR F0-F1), le moment et la nature du
traitement sont discutés, le traitement peut être différé. La décision
de différer le traitement pour un patient particulier devrait
s’envisager suivant les désirs et les priorités de ce patient, l’histoire
naturelle et le risque de progression de la maladie, la présence des
comorbidités et l’âge du patient. Les patients dont le traitement est
différé doivent être évalués régulièrement, l’objectif étant de
rechercher des signes de progression, afin de rediscuter l’indication
du traitement et les nouveaux traitements, à mesure qu’ils émergent
ou deviennent disponibles et abordables.
Le traitement n’est pas recommandé chez les patients dont
l’espérance de vie est limitée en raison de comorbidités sans rapport
avec une maladie du foie.
Recommandations
Le traitement doit être envisagé pour tous les patients
naïfs de tr
aitement ou prétraités, avec une maladie
hépatique chronique C, compensée ou décompensée (A1)
Le traitement doit être une priorité chez les patients atteints de
fibrose avancée ou de cirrhose (score METAVIR F3 à F4) (A1)
Les patients présentant une cirrhose décompensée (Child-
Pugh B et C) doivent être traités rapidement avec un
traitement sans IFN (A1)
Le traitement doit être une priorité, indépendamment du
stade de fibrose, chez les patients co-infectés par le VIH
ou le VHB, les patients en attente de transplantation du
foie ou transplantés, les patients ayant des manifestations
extra-
hépatiques cliniquement significatives (par ex.
vascularité symptomatique associée à la cryoglobulinémie
mixte liée au VHC, néphropathie à complexe immun dû au
VHC et lymphome non-
hodgkinien B), et les patients
atteints d’asthénie invalidante (A1)
Indépendamment du stade de fibrose, le traitement doit
être une priorité chez les personnes à risque de
transmettre le VHC, tels les usagers actifs de drogues par
voie intraveineuse, les homo/bisexuels masculins qui ont
des pratiques à risque élevé, les femmes qui souhaitent
avoir un enfant, les patients hémodialysés et les personnes
incarcérées (B1)
Le traitement est justifié chez les patients atteints de
fibrose modérée (score METAVIR F2) (A2)
Chez les patients avec peu ou pas de fibrose (score
METAVIR F0-F1) et aucune des manifestations extra-
hépatiques mentionnées ci-
dessus, l’indication et le
moment du traitement peuvent être individualisés (B1)
Le traitement n’est pas recommandé chez les patients dont
l’espérance de vie est limitée en raison de comorbidités
sans rapport avec une maladie du foie (B1)
Les médicaments disponibles dans l’Union européenne en 2015
Les médicaments de l’hépatite C disponibles dans l’Union
européenne sont énumérés dans ce paragraphe et figurent au Tableau
3. Leurs interactions avec d’autres médicaments, connues à ce jour,
sont également présentées. Pour une liste plus complète des
interactions médicamenteuses, consulter les tableaux 4A-F et
www.hep-druginteractions.org
Peg-IFN-α. Le Peg-IFN-α-2a doit être utilisé à la dose de 180
µg/semaine ; le Peg-IFN-α-2b doit être utilisé en fonction du poids
corporel, à la dose de 1,5 mg/kg/semaine.
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