1 À l’échelle mondiale, 150 millions d’individus sont porteurs chroniques de l’hépatite C. Environ 500 000 personnes meurent chaque année de pathologies hépatiques liées à l’hépatite C. L’infection chronique évolue vers la cirrhose ou le carcinome Hépatocellulaire (CHC). Depuis 2011, une révolution a eu lieu suite au développement des nouveaux médicaments connus comme agents antiviraux directs (DAA), lesquels permettent de guérir entre 95-100% des sujets infectés par le virus de l’hépatite C. En l’espace de 5 ans, les possibilités thérapeutiques sont passées de 2 médicaments à presque 20. La prescription de ces nouvelles drogues nécessite une réflexion collégiale (RCP) et la prise en compte de plusieurs éléments. L’objectif de cette présentation est d’aider les cliniciens dans le parcours à suivre avant de commencer un traitement. Pour ceci nous proposons un diagramme de flux, lequel pose les bonnes questions permettant de choisir une stratégie. 2 La première étape consiste à effectuer une détermination du génotype du patient. La confirmation du génotype dans un laboratoire fiable est importante pour éviter les erreurs. Deux groupes sont donc établis, les patients des génotypes 1, 2, 4, 5 et 6 et les patients avec un génotype 3, lequel est devenu le génotype le plus difficile à traiter avec les nouveaux DAA. Pour le premier groupe, il existe plusieurs options thérapeutiques. Le tableau montre un récapitulation des options thérapeutique acceptées jusqu’à Avril 2016. Récemment (février 2016), l’AFEF a publié des recommandations, disponibles gratuitement sur internet. Elles sont actualisées plusieurs fois par an. 3 A cause d’une diminution de l’efficacité des nouveaux DAA spécifique au génotype 3, ce génotype est devenu le plus difficile à guérir. Actuellement, deux options thérapeutiques sont possibles : - Un inhibiteur de NS5B NUC, Sofosbuvir, avec un inhibiteur de NS5A, Daclatasvir (Daklinza®, BMS); et - Un inhibiteur de NS5B NUC, Sofosbuvir, avec un inhibiteur de NS5A, Velpatasvir, (GS-5816, Gilead) Les deux options ont démontré une réponse virologique soutenue (RVS) supérieure à 90% dans les études cliniques ALLY-3 et ASTRAL-3. La stratégie doit s’adapter entre 12 et 24 semaines et l’ajout de la Ribavirine (RBV) est réalisé selon la présence ou non d’une cirrhose, et la présence ou non d’une décompensation. Il existe encore une place pour l’utilisation du peg-IFN, mais elle est limitée aux patients en échec d’un traitement par DAA. Finalement, deux nouvelles stratégies sont actuellement en étude: La première proposée par AbbVie a montré des résultats prometteurs pendant The Liver Meeting 2015, à San Francisco. Le régime est une association de deux nouveaux médicaments, le ABT-493, un inhibiteur de protéase, et le ABT-530, un inhibiteur de NS5A. La RVS dans les patients de génotype 3 sans cirrhose après 12 semaines de traitement est entre 83-94%. La deuxième stratégie proposée par Gilead, est une association d’un inhibiteur de NS5B NUC, Sofosbuvir, plus un inhibiteur de NS5A, Velpatasvir et une nouvelle molécule, l’inhibiteur de protéase, GS-9857, pendant 8 semaines. Les inclusions sont en cours. 4 Depuis l’époque de l’IFN et RBV, il est bien connu que la présence d’une cirrhose diminue la RVS. Les nouveaux DAA n’ont pas été épargnés par ce fait. L’étape suivante est donc l’évaluation de la fibrose du malade, c’est à dire la présence ou non d’une cirrhose, et la présence ou non d’une décompensation. Le choix de la stratégie thérapeutique, la durée du traitement et l’ajout de la RBV sont déterminés par l’état clinique du malade. A l’AASLD 2015, comme nous pouvons l’apercevoir dans la figure, Afdhal a montré la RVS dans une étude de la vraie vie chez les patients infectés par le génotype 1 traités par 3 différents régimes de DAA: Sofosbuvir + Ledipasvir, Sofosbuvir + Ledipasvir + Ribavirine et Ombitasvir + Paritaprevir/r + Dasabuvir. Si on compare les patients no-cirrhotiques aux cirrhotiques, le taux de RVS perd 6 à 24% selon le régime. Ces phénomènes peuvent-être expliqués par différents mécanismes liés à la cirrhose: 1. La toxicité médicamenteuse, laquelle augmente les effets indésirables. 2. La pharmacocinétique des médicaments, laquelle est altérée par les shunts intrahépatiques diminuant l’exposition dans les hépatocytes. 3. Le métabolisme des médicaments est perturbé à cause de la dysfonction du cytochrome P450. 4. La perturbation de la fonction immune est due à une réduction du nombre de cellules de Kupffer et une perturbation de cytokines. Le dernier point est l’évaluation de la présence des comorbidités lesquelles aggravent la maladie hépatique, à savoir: la consommation d’alcool, le surpoids, la diabète, la dyslipidémie et les coïnfections virales. Elles doivent être évaluées et prises en charge. 5 La troisième étape évalue les aspects associés aux médicaments. L’antécédent d’un traitement doit être documenté, en mentionnant les médicaments avec lesquels le patient a été traité, la durée du traitement, la cause de l’échec avec les effets indésirables survenus. Les mutations de résistance connues comme RASs (Resistance Associated Substitutions), sont des mutations spontanées provoquées par des erreurs de la polymérase virale. Ils ont un impact sur la sensibilité au traitement des nouveaux DAA. Dans cette figure, présentée récemment par Sarrazin, nous pouvons voir l’impact des RASs sur la RVS avec différents régimes de DAA. 6 Comme nous avons vu dans la diapositive précédente, connaître les principaux RASs et le groupe des médicaments sur lesquels ils confèrent une résistance est d’importance vitale avant de commencer un nouveau traitement. Face à un échec thérapeutique, les autres causes d’échecs thérapeutiques doivent être exclues: mauvaise observance, interactions médicamenteuses, arrêt prématuré et réinfection. La recherche des RASs est indiquée en cas d’échec à un traitement par DAA. La nouvelle stratégie doit être discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) avec l’avis d’un virologue expert. 7 L’étape suivante prend en compte les populations spéciales telles que les patients avec une insuffisance rénale (avec/sans hémodialyse), les coïnfections (VHB et VIH), les maladies hématologiques et les usagers de drogues. Ici nous allons discuter le traitement des patients avec une insuffisance rénale car elle représente un challenge pour le clinicien, d’une part dû à l’impossibilité d’utiliser la Ribavirine à cause de l’anémie, et d’autre part parce qu’une adaptation de doses des DAA est nécessaire. En pratique il existe 5 options: - Le régime Elbasvir + Grazoprevir pendant 12 semaines a été évalué dans C-SURFER, le taux de RVS était de 99%, sans effets indésirables graves. Il est disponible sur ATU en France. - Le régime Paritaprevir/r + Ombitasvir + Dasabuvir correspond à l’étude RUBY-I. 20 patients ont été traités pendant 12 semaines. La RVS était de 90%, sans effets secondaires. 13 malades ont reçu de la RBV, mais 8 (62%) ont du l’arrêter pour cause d’anémie. - Le Daclatasvir, peut être administré sans modification de dose, mais l’exposition augmente de 1 à 1,8 fois selon la diminution de la clairance de créatinine de 60 à 15 ml/min respectivement. - Le régime avec Ledipasvir a été étudié chez 10 malades avec insuffisance rénale sévère recevant une dose de 90 mg sans montrer d’augmentation de l’exposition. - Finalement, l’étude ENDURANCE-3 a étudié le nouveau régime ABT-493 plus ABT530 avec une RVS de 99%. Aucun ajustement de dose n’a été nécessaire. 8 Il existe des hémoglobinopathies associées à l’hépatite C, ce type de maladies nécessite des transfusions itératives. Néanmoins, il n’existe pas d’études thérapeutiques disponibles avec les DAA chez ces patients. L’étude réalisée par le Pr Hézode a comme objectif d’évaluer le régime Elbasvir plus Grazoprevir pendant 12 semaines, chez les patients avec une hépatite virale C ayant une drépanocytose, une β-thalassémie, une hémophilie A/B ou une maladie de Von Willebrand. Les premiers résultats seront présentés pendant l’EASL 2016. 9 La dernière étape doit évaluer s’il existe un projet de transplantation hépatique et/ou rénale. Dans un premier temps, il faut savoir que l’indication d’un traitement est recommandée chez tous les malades transplantés d’organe. Un point important à noter sont les interactions médicamenteuses potentielles entre les immunosuppresseurs et les DAA, sans être une contre-indication. Si le projet de greffe rénale est formel chez les patients sans fibrose hépatique significative, l’indication du traitement avant transplantation rénale doit être discutée. Si le projet de greffe hépatique est formel, la question qui se pose est de traiter avant ou après la transplantation. Le premier cas de figure est le traitement avant la TH. Pour évaluer l’efficacité du traitement avant la TH, plusieurs études sont en cours. L’expérience française a été rapportée par Coilly dans une étude multicentrique avec 77 patients ayant une cirrhose décompensée (hors CHC) sur liste d’attente de TH, traités par les DAA de 2013 à 2015. Les messages de son étude sont : - La RVS12 est de 88% - La réponse en termes de variation du score de MELD (Delta MELD) est illustrée dans la figure. De manière générale, 1/3 des patients a amélioré son score de MELD, 1/3 est resté stable et 1/3 s’est aggravé. - 12 patients (16%) ont sortis de liste d’attente pour amélioration 10 Dans le deuxième cas de figure, pour le traitement après la TH deux études nous ont apporté des données. L’étude SOLAR-2 a évalué 328 patients traités par Sofosbuvir + Ledipasvir + RBV pendant 12 ou 24 semaines, avec ou sans cirrhose avant et après la TH. Sur la figure de gauche vous pouvez voir la RVS chez les patients traités post-transplantation pour la colonne de gauche, et pre/post-transplantation dans la colonne de droite. Le message de cette étude est que le traitement après TH a une RVS élevé, sans effets indésirables et qu’il est bien toléré. L’étude ALLY-1 a évalué le régime Daclatasvir + Sofosbuvir + RBV pendant 12 semaines chez des patients avec une cirrhose avancée ou avec une récurrence posttransplantation. Le message de l’étude est que la RVS était de 94% chez les patients avec une récidive post-transplantation. Il n’a pas eu nécessité de modification de dose due à des interactions médicamenteuses avec les immunosuppresseurs. Ces résultats montrent que le traitement après TH est efficace, sans effets secondaires majeurs, sans interactions médicamenteuses graves et qu’il est bien toléré. 11 Les derniers facteurs à prendre en compte sont la disponibilité et les facteurs socioéconomiques. Finalement, cette diapositive nous montre les 4 options disponibles actuellement pour le traitement du virus de l’Hépatite C. Comme vous pouvez l’apercevoir, ils combinent en général un médicament d’une de 4 classes avec ou sans RBV avec une durée du traitement de 8 jusqu’à 24 semaines. En conclusion, la prise en charge du traitement de l’Hépatite C nécessite une RCP avec des experts pour pouvoir discuter au cas par cas l’option la mieux adaptée à chaque patient. 12 13